Ella Maillart est la fille de Paul Maillart (1866-1936), un fourreur genevois libéral, et de Marie Dagmar, née Kliim (1874-1957), une sportive danoise[4]. Sa famille s'installe auCreux de Genthod au bord dulac Léman en 1913. Attirée dès son jeune âge par le sport, Ella Maillart rencontreHermine de Saussure (surnommée« Miette »), fille d'un officier de marine (et arrière-arrière-petite-fille deHorace-Bénédict de Saussure, considéré comme le fondateur de l’alpinisme), avec qui elle pratique la voile et le ski. Elle fonde à 16 ans le premier club féminin dehockey sur terre en Suisse romande, le « Champel Hockey Club ». À 20 ans, elle fait avec Hermine la traversée de Cannes à la Corse et fait la connaissance d'Alain Gerbault qui est en train de préparer sonFirecrest pour sa fameuse traversée en solitaire de l'océan Atlantique. Elle barre unmonotype national pour la Suisse auxrégates olympiques de 1924, seule femme et la plus jeune de la compétition[5]. Elle participe en 1925 à une croisière en Méditerranée deMarseille àAthènes avec quatre autres jeunes femmes dont Miette de Saussure etMarthe Oulié. Un concours de circonstances et le mariage de son amie Miette avec l'archéologue françaisHenri Seyrig (mariage dont sera issue l'actriceDelphine Seyrig) l'oblige à abandonner son rêve de vivre en mer. Membre de l'équipe suisse de ski, elle défend, de 1931 à 1934[6], les couleurs de la Suisse aux quatre premierschampionnats du monde de ski alpin mais, attirée par le cinéma russe, elle part pourMoscou faire unreportage dont elle tire son premier livre :Parmi la jeunesse russe.
Elle effectue un premier séjour à Moscou en 1930, et rentre en traversant leCaucase. Elle tirera de ce voyage son premier livre,Parmi la jeunesse russe. Avec deux couples rencontrés à Moscou, elle se rend au Turkestan russe en 1932. Elle gagne la chaîne du T'ien Shan (monts Célestes), découvre les Kirghizes, les Kazakhs, les Ouzbeks. Elle grimpe une montagne de 5000 m avec des skis bricolés[7]. Elle rentre seule en Europe avec son sac à dos à travers l'Asie centrale soviétique, encore agitée par les répressions de l'Armée Rouge. Elle voyage sans permis, en évitant les points de passage dangereux. Cette performance est saluée à son retour à Paris, et elle en tire le récit. C'est une performance, un véritable scoop, que tout le monde salue quand elle arrive à Paris, avec ses films et ses carnets de notes. Elle tire de ce voyage le livreDes monts Célestes aux sables Rouges[8]. En 1934, elle convainc le rédacteur en chef duPetit Parisien, Élie-Joseph Bois de l'envoyer auMandchoukuo, État créé par les Japonais en Chine en 1932. Le plus grand quotidien d'alors finance son expédition et lui fournit une carte de presse qui lui procure les facilités de passage[9]. Elle y rencontrePeter Fleming, grand reporter pourThe Times et agent duMI6 et se lance avec lui, en, dans un voyage de six mille kilomètres, dePékin jusqu'àSrinagar, qui va durer sept mois et dont le récit sera retracé à la fois par Peter Fleming dans son livreCourrier de Tartarie et par Ella Maillart sous le titreOasis interdites, qui connait un grand succès et lui donnera les moyens de voyager à nouveau.
En 1937, elle traverse l'Inde, l'Afghanistan, l'Iran et la Turquie pour faire des reportages, puis en 1939, elle part dans une Ford, de Genève à Kaboul, avecAnnemarie Schwarzenbach (nommée Christina dans le récit qu'elle rédige du voyage sous le titreLa Voie cruelle), qu'elle essaie de libérer de la drogue. Elle fut une pionnière de laphotographie couleur avant la Seconde Guerre mondiale[10].
De 1940 à 1945, elle passe cinq ans dans le sud de l'Inde auprès des maîtres de sagesseRamana Maharshi et Atmananda Krishna Menon.
De retour en Suisse, elle découvre, grâce au peintreEdmond Bille, le village deChandolin, situé à 2 000 m d'altitude, dans leVal d'Anniviers (canton du Valais), qui deviendra une ancre dans sa vie nomade. Elle s'y fait construire unchalet et y habite en solitaire, de mai à octobre, à partir de 1948. De 1956 à 1987, Ella devient guide culturel et fait découvrir plusieurs pays d'Asie à de petits groupes de voyageurs[8].
Dans un article intituléPourquoi voyager, Ella fait siennes ces paroles du maître chinois Chuang Tzou : « Si nous abordons les choses par leurs différences, même le foie et la rate sont aussi éloignés que les villes de Ch'u et Yueh. Si nous les abordons par leurs ressemblances le monde est un. »
Ella fait du vélo et du ski jusqu'à l'âge de 80 ans.
La commune de Chandolin lui rend hommage en organisant dans le village une exposition permanente qui retrace sa vie, à travers des photographies et de nombreux objets de voyage. Les manuscrits et documents d'Ella Maillart sont conservés à laBibliothèque de Genève, son œuvre photographique aumusée de l'Élysée à Lausanne (20 000 négatifs et 10 000 positifs[11]) et ses films à laCinémathèque suisse de Lausanne.
Ella Maillart écrit un article pourThe Sphere sur la Suisse en tant que pays d'accueil humanitaire pour les réfugiésjuifs d'Autriche, 1938. La Suisse est présentée comme généreuse, les réfugiés comme un fardeau. Article dans la collection duMusée juif de Suisse.
Parmi la jeunesse russe - De Moscou au Caucase, Paris, Fasquelle, 1932, Lausanne, Éditions 24 Heures, 1989 (raconte son voyage en URSS en 1930)
Des Monts célestes aux sables rouges, Paris, Grasset, 1934, Paris, Payot 1986 (raconte son voyage enAsie centrale soviétique)
Oasis interdites - De Pékin au Cachemire, Paris, Grasset, 1937, Lausanne, Éditions 24 Heures, 1982 (le récit de son périple avecPeter Fleming)
(en) Gypsy Afloat, Londres, W. Heinemann, 1942 (sur ses années de navigation)
Ti-puss ou l'Inde avec ma chatte, Renens, Éditions La Tramontane, 1979 (le récit de ses cinq ans en Inde)
Gypsy afloat : la vagabonde des mers, Paris, Payot, 1991 (sur ses années de navigation)
La Vie immédiate, photographies prises et réunies par Ella Maillart, accompagnées des textes deNicolas Bouvier, Lausanne, Payot, 1991
Ella Maillart au Népal, photographies et textes d'Ella Maillart, réunis et présentés par Daniel Girardin, Lausanne, Musée de l'Elysée, Arles, Actes Sud, 1999
Ella Maillart / Nicolas Bouvier : témoins d’un monde disparu, Carouge, Zoé, 2002, photographies d'Ella Maillart et portrait parNicolas Bouvier
Cette réalité que j'ai pourchassée, Carouge, Zoé, 2003 (recueil de lettres adressées par Ella Maillart à ses parents)
Ella Maillart sur les routes de l'Orient, 130 photographies prises par Ella Maillart, réunies et présentées par Daniel Girardin, Arles, Actes Sud, Lausanne, Musée de l'Élysée, Musée Olympique, 2003
Bribes de sagesses, Arles, Actes Sud, 2007
Chandolin d'Anniviers, textes et photographies d'Ella Maillart, Chandolin, Association Les Amis d'Ella Maillart, 2007
Envoyée spéciale en Mandchourie: en Asie où guettent les maîtres de demain, Genève, Zoé, 2009 (recueil de reportages réalisés en 1934 pour le journalLe Petit Parisien)
Au pays des sherpas, Carouge, Zoé, 2017
Ella Maillart – regards sur Chandolin, Chêne-Bourg, Zoé, 2021
Ma philosophie du voyage. Paris, Payot, 2022, Petite bibliothèque Payot.
Ella Maillart, écrivain. Un entretien avec Bertil Galland, 54 min,Les Films Plans fixes, Lausanne, 1984
Ella Maillart chez Bernard Pivot (émissionLa vie est un long fleuve tranquille), INA, France,
Le voyage au Kafiristan deDonatello Dubini, 2001, film de fiction retraçant le voyage d'Annemarie Schwarzenbach et d'Ella Maillart en 1939[12]
Entretiens avec Ella Maillart : Le Monde - mon héritage (coffret, 1 CD d'interviews radiophoniques et 1 DVD du filmLes itinéraires d'Ella Maillart), 2009
↑Ella Maillart (photos) et Daniel Gigardin (textes),Ella Maillart sur les routes de l'Orient, Lausanne et Arles, Musée de l'Elysée et Actes Sud,, 159 p.,p. 155.
Voyage vers le réel - Mélanges dédiés à Ella Maillart à l'occasion de ses 80 ans, 1983. 22 contributions (Nicolas Bouvier, Miette Seyrig,Arnaud Desjardins,Samivel, Laurence Deonna, Catherine Domain, Lewis Thompson, etc.)
Nicolas Bouvier,L'échappée belle - Éloges de quelques pérégrins, 1996
Anne Deriaz,Chère Ella - Elégie pour Ella Maillart, 1998
Daniel Mordzinski,Étonnants voyageurs, 1999
Olivier Weber,Je suis de nulle part - Sur les traces d'Ella Maillart, 2003
Amandine Roche,Nomade sur la voie d'Ella Maillart, 2003