Les montagnes de l'Elbourz, peuplées dès lePaléolithique, ont été depuis l'Antiquité, et jusqu'auXVIIIe siècle environ, un refuge et un foyer de résistance face aux vagues de conquêtes et aux changements de dynasties qui ont secoué laPerse. Lezoroastrisme y est longtemps resté très implanté. L'Hyrcanie puis leTabarestan sont des régions qui ont reflété ces particularités historiques et religieuses, avec unemythologie très développée ; elles ont bénéficié de degrés d'autonomie relativement avancés. Lasédentarisation y a été plus précoce que dans le reste du pays et explique les particularités linguistiques de la chaîne. Toutefois, lepastoralisme est longtemps resté ancré avec la présence de populationssemi-nomades et les vallées demeurent des lieux d'échanges de productions agricoles d'un versant à l'autre. Quelques routes franchissent désormais la chaîne de part en part, disposant pour certaines de tunnels afin d'éviter le passage decols élevés et d'assurer le trafic l'hiver. Elles ont contribué à moderniser l'économie et à modifier les modes de vie. Elles ont aussi permis l'essor du tourisme, avec des populations issues des villes du piémont méridional recherchant un peu de fraîcheur l'été aussi bien que les divertissements dessports d'hiver. La chaîne abrite en effet plusieursstations, parmi lesquellesDizin,Darbandsar,Shemshak etTochal à proximité de la capitale. Plusieursparcs nationaux, monuments naturels nationaux, refuges fauniques et sanctuaires naturels d'État contribuent à préserver l'environnement fragilisé par lapression anthropique.
Le nom de l'Elbourz dérive deHarā Bərəzaitī, une montagne légendaire que traverse leSoleil et autour de laquelle gravitent les étoiles, selon l'Avesta, un ensemble de textes sacrés dans lezoroastrisme. Il provient duproto-iranien*Harā Bṛzatī signifiant « montagne rempart » ou « sentinelle élevée ». En effet,*Bṛzatī est la forme féminine de l'adjectif « *bṛzant- », « haut(e) », l'ancêtre de l'actuelpersan « boland (بلند) » et de « barz/borz/berazandeh » (« mont »), apparentés ausanskrit « brihat (बृहत्) » ;Harā peut se traduire par « garde, vigie », par la racineindo-européenne*ser-, « protéger ».Harā Bərəzaitī est devenuHarborz enmoyen perse, puisAlborz en persan moderne. Il est à rapprocher de l'Elbrouz,point culminant duCaucase, dont le nom est unemétathèse. La période d'attribution de ce nom à la chaîne de montagnes iranienne est inconnue mais il est attesté auXIVe siècle parHamdallah Mustawfi. Aucun nom propre préalable n'est identifié[2],[3].
Vue de l'Elbourz central, avec lemont Damavand à gauche, depuis le sud-est, dominant la crête enneigée du Dobrar (4 072 m[8]) ; uncône de déjection se devine au débouché de la vallée au centre de l'image.
Le fleuveSefid Roud, qui se jette dans lamer Caspienne, est le seul cours d'eau traversant l'Elbourz de part en part[9], en formant unecluse[7] selon un axe sud-ouest - nord-est, près de la ville deRacht. Sesgorges sont de ce fait un important point de passage[9] et séparent la partie occidentale de la chaîne, avec notamment lesmonts Talych, de sa partie centrale[4]. Cette dernière s'étend sur 400 kilomètres[9] et n'excède pas 120 kilomètres de large[5],[9],[10]. Elle présente de nombreuses vallées encaissées : le col Kandevan relie celle dufleuve Chalus au nord à celle de larivière Karaj au sud, tandis que le col Gaduk relie la vallée dufleuve Talar au nord-est à celle de la rivière Hableh Roud au sud-ouest[9]. Lemont Damavand,point culminant de la chaîne à 5 610 mètres d'altitude[1], se trouve à mi-distance entre ces deux cols, à 75 kilomètres d'un côté et de l'autre à vol d'oiseau ; entre les deux, la crête axiale descend rarement en dessous de 3 500 mètres[6]. En dehors de cevolcan topographiquement isolé, les plus hauts sommets de l'Elbourz central, dont l'Alam Kuh à 4 850 mètres d'altitude[1],[6], se trouvent dans lemassif de Takht-e Soleyman[9], à un nœud orographique au nord-ouest du col Kandevan[6]. Au sud-ouest de ce massif, entre les vallées d'Alamut et deTaléghan, qui constituent deux branches du Sefid Roud[6] parallèles à l'axe des crêtes principales[7], se trouve le Kuh-e Alborz, à 4 056 mètres d'altitude[6]. LeTochal domineTéhéran, située à une altitude moyenne de 1 300 mètres, de ses 3 942 mètres[6]. La chaîne s'élargit dans sa partie nord-ouest. À l'opposé, à l'est dufleuve Tajan, l'Elbourz oriental, appelé pour tout ou partie Shah Kuh, du nom de son plus haut massif[9],[11], s'étend sur 300 kilomètres de long pour 50 à 70 kilomètres de large, selon un axe ouest-sud-ouest - est-nord-est[6]. Il se compose de chaînons imbriqués[6] culminant à 3 767 mètres, avec une altitude qui décroît nettement vers l'est, séparés par quelques cols relativement peu élevés[9].
Dominant les −29 mètres d'altitude de la mer Caspienne, les versants septentrionaux sont plus abrupts et ont un relief plus acéré que les versants méridionaux bordés par leplateau Iranien et ses 1 500 mètres en moyenne[5],[6],[7],[10]. La partie frontale de la chaîne, par rapport à la Caspienne, est relativement régulière, tandis que l'Anti-Elbourz, au sud, présente des chaînons discontinus[5],[9]. Les rivières du versant méridional ont laissé à leur débouché sur le plateau Iranien d'importantscônes de déjection[6].
Lelac Neor, dans lesmonts Talych, est le plus grand lac naturel de l'Elbourz. Situé à 2 500 mètres d'altitude, c'est un lac d'eau douce d'origineglaciaire peu profond, au niveau variable et d'une superficie maximale de 4 km2[14]. Lesglissements de terrain sont un facteur majeur de formation de lacs de montagne dans la chaîne ; parmi eux, les lacs Valasht, Chort, Shoormast, Evan, Tar, Havir et Imamzadeh-Ali. Lesséismes sont souvent des éléments déclencheurs de ces glissements de terrain. La rupture des barrages naturels constitue un risque pour les populations en aval[15]
L'Elbourz abrite trois des cinq régions glaciaires d'Iran (les deux autres étant dans lesmonts Zagros)[16]. Desglaciers sont présents sur les versants nord et est dumont Damavand (glaciers Siuleh, Dubi-sel, Speleh, Khurtabsar et Yakhar), dans lemassif de Takht-e Soleyman (glaciers Septentrional — formé par les glaciers Alamchal, Patakht, Takht-e Soleyman — Occidental, Haft-Khan, Khersan et Merjikesh) où ils constituent unchamp de glace relativement étendu (7,5 km2)[6],[16], et sur leSavalan (glaciers Septentrional, Herame-kasra, Herame-kasra Sud-Est et Méridional[16]). En raison de la pente et d'unétage nival plus élevé, l'épaisseur des glaciers sur le mont Damavand, inférieure à vingt mètres, est moindre que dans le massif du Takht-e Soleyman, où elle peut atteindre cinquante à quatre-vingts mètres[16]. De plus, lesfronts glaciaires n'y descendent pas en dessous de 3 900 mètres alors qu'ils se situent entre 3 600 et 4 100 mètres d'altitude dans le massif de Takht-e Soleyman et sur le Savalan[16]. Les langues glaciaires sont souvent couvertes par une épaisse couche de débris rocheux[16]. Despénitents de neige se forment dans les zones sommitales du Damavand et du Savalan[16]. Ces glaciers sont une importante réserve d'eau pour le Nord de l'Iran[16].
La collision continentale reprend avant le début duCénozoïque avec la fermeture de l'océanNéo-Téthys et le rapprochement de laplaque arabique vers laplaque eurasiatique[4],[5],[18], en lien avec l'orogenèse alpine[17]. Ainsi, à la fin du Crétacé, une importante compression d'arrière-arc affecte l'Elbourz, en particulier sa partie méridionale, en lien avec une double subduction de la Néo-Téthys et de sa mer de Nain-Baft, correspondant à la formation duMassif central iranien et desmonts Zagros[4],[5]. À l'Éocène, une phase d'extension tectonique engendre unarc volcanique ; l'émission desroches volcaniques de la formation de Karaj, qui surmonte en particulier les conglomérats de l'Elbourz occidental, dépasse 3 000 mètres dans la partie méridionale desmonts Talych et perd en épaisseur vers l'est et le nord[4],[5],[17]. Il se produit également uneexhumation des roches en domaine extensif[5],[18],[19]. Celle-ci ralentit fortement au cours de l'Oligocène[5]. Lesbassins sédimentaires intermontagneux deTaléghan et d'Alamut se mettent en place en lien avec la formation lagunaire à lacustre deQom dans l'actuel Iran central[18]. Un nouvel épisode de compression est identifié auNéogène-Quaternaire[4]. L'exhumation reprend, hormis une pause à la fin duMiocène, alors que la vitesse de convergence tectonique reste constante. Elle pourrait avoir pour facteurs déterminants une différence dans l'angle de convergence des plaques ou un changement climatique lié à l'isolement de lamer Caspienne et un abaissement de sonniveau de base d'une cinquantaine de mètres[5]. Différents processus desédimentation sont associés à cet épisode compressif : en milieu continental dans l'Elbourz occidental, en milieu marin peu profond ou littoral sur la bordure méridionale avec desgypses et des débris calcaires[4],[5],[20]. En dernier lieu, desalluvions quaternaires comblent lesdépressions sur lespiémonts[4].
L'Elbourz absorbe actuellement 30[5] à 40 %[19] de laconvergence entre les deux plaques, qui s'élève à près de 22 mm/an[5],[19],[21]. La collision se traduit généralement par unchevauchement dans l'Elbourz central[5],[19] et par desdécrochements sénestres dans les parties occidentale[19] et orientale[5],[19] de la chaîne, avec des failles respectivement ouest-nord-ouest et est-nord-est[19]. Les monts Talych font exception avec unplissement nord-sud sur leur frange orientale[19]. L'épaississementcrustal, de l'ordre de 35 kilomètres, est anormalement faible pour une chaîne de montagnes des dimensions de l'Elbourz[19],[21], impliquant uneracine peu profonde et uneasthénosphère relativement superficielle[21].
Vue satellite de lamer Caspienne avec, au sud, le liseré vert correspondant aux versants septentrionaux de l'Elbourz.
Le climat dans la chaîne présente une asymétrie prononcée. Les versants septentrionaux sont généralement soumis à des masses d'air chargées d'humidité en provenance de lamer Caspienne[5],[6],[9],[24]. Elles sont influencées par l'anticyclone de Sibérie, surtout actif en hiver[24]. Les versants méridionaux sont sous l'influence de l'anticyclone subtropical dont l'air est asséché par son passage au-dessus duplateau Iranien[24].
Dans l'Elbourz occidental et central, les versants septentrionaux sont soumis à un régime pluviométrique sub-humide à per-humide ; ils reçoivent plus de 1 000 mm par an sur lespiémonts et jusqu'à 1 800 mm à moyenne altitude et au pied desmonts Talych[5],[6],[9],[25]. Lesprécipitations y ont lieu tout au long de l'année, un maximum survenant en début d'automne[6],[25], lorsque la mer est encore chaude[24], avec par exemple plus de 300 mm en septembre et en octobre àBandar-e Anzali[25]. Dans cette partie duGuilan proche des gorges duSefid Roud, les masses d'air sont en contact direct et provoquent unfront météorologique instable[24]. Un second pic moins prononcé s'observe autour du mois de mars[25] ; il s'explique en partie, notamment sur le versant sud-ouest, par des perturbations venues de lamer Méditerranée[24]. En hiver, les précipitations se produisent sous forme de neige et apportent un important manteau neigeux[6]. Entre 3 000 et 4 000 mètres d'altitude, il fond toutefois en une quinzaine de jours, laissant place à des processuspériglaciaires[23],[26]. La circulation atmosphérique se faisant généralement du nord-ouest au sud-est en été[6] et du nord-est au sud-ouest en hiver[6],[24], elle est en grande partie bloquée par les crêtes orientées perpendiculairement, ainsi que par leclimat continental plus stable et plus sec qui règne au-dessus de 2 200 à 2 500 mètres d'altitude[6],[24]. Cette circulation atmosphérique hivernale, lorsque les pluies sont les plus propices, explique le gradient pluviométrique croissant de l'est vers l'ouest, là où la surface maritime parcourue est la plus importante[24]. Au cœur de l'Elbourz central, la période la plus arrosée est le début du printemps mais, du mois de juin au mois de septembre, les orages parviennent difficilement jusqu'au fond des vallées et lasécheresse s'installe[24],[25]. Il pleut en moyenne 400 mm par an dans ces régions[25]. Au sud de la chaîne, le phénomène d'ombre pluviométrique tend à abaisser les précipitations à 280 voire 250 mm, avec de grandes variations saisonnières et annuelles[6],[9]. Aubarrage de Latyan, dans une vallée au nord-est deTéhéran, la distribution des précipitations ressemble encore à celle des altitudes les plus élevées, mais la sécheresse est plus étalée dans le temps et le régime pluviométrique est semi-aride[25]. Dans la capitale, aride, il tombe mensuellement 40 à 50 mm de décembre à avril mais la sécheresse sévit tout le reste de l'année, avec les mois de juillet à août généralement dépourvus de pluie[25]. Dans l'Elbourz oriental, les précipitations sont moindres que dans le reste de la chaîne et l'aridité se fait sentir jusqu'au versant septentrional, en dehors de quelques îlots humides sur les chaînons les plus élevés[6]. Le pic de précipitations y survient en mars avec 70 à 90 mm, pourtantGorgan connaît la sécheresse de juin à septembre et àGonbad-e Qabous, encore plus à l'est, elle perdure environ de mi-avril à octobre ; annuellement, il y tombe respectivement près de 600 et 300 mm[25].
La rapidité de la fonte du manteau neigeux à l'étagepériglaciaire et l'apport en eau très bref limitent fortement dans le temps le phénomène desolifluxion. De plus, la sécheresse ralentit lamétéorisation de laroche-mère. Ainsi, les zones de formation d'unsol évolué sont rares, à l'exception des vallées latérales des versants méridionaux et descolluvionsargileuses des versants septentrionaux humides[26].
Vue aérienne d'un habitat dispersé dans des vallées cultivées du Sud de laprovince de Guilan.
Les vallées de l'Elbourz central abritent quelques localités importantes :Deylaman,Kojur etNamar sur les versants septentrionaux,Shahroud,Damavand etFirouzkouh sur les versants méridionaux[9]. Il n'existe cependant pas de grand centre urbain, bien que la population soit relativement dense et connaisse un accroissement naturel important[6]. Les jeunes ont tendance à abandonner les villages traditionnels au profit de l'installation d'exploitations pérennes en altitude tournées vers laculture ou d'élevage[6]. L'habitat rural, sous l'influence des constructions de la plaine côtière, possède souvent deux étages avec un toit plat et utilise le bois comme matériau de construction, à l'exception des villages les plus élevés dont l'habitat est de plain-pied[6].
Les habitants des versants septentrionaux et des hautes vallées parlent essentiellementguilaki, dans les gorges duSefid Roud et la plaine deRacht, etmazandarani au centre et à l'est de l'Elbourz central[6]. Sur les piémonts méridionaux, ils parlenttati autour deQazvin et au nord deTéhéran etsemnani àSemnan et dans sa région[6]. Letalysh est parlé dans lesmonts homonymes, dans l'Elbourz occidental, jusqu'enAzerbaïdjan. Ces cinq langues appartiennent auxlangues du Nord-Ouest[6]. La chaîne a peu été imprégnée par lepersan, qui prédomine largement sur leplateau Iranien[6]. Des tribus semi-nomades parlantlori (Hedāvand),arabe (Kōti), guilaki (Ali Kay),turc (Hosanlu), persan (ʿArab) ou encoresangsari (Sangsari) pratiquent lepastoralisme ou l'agriculture sur les versants méridionaux. Généralement, ils passent l'été dans de petits villages autour des vergers (qeshlâq) dans l'Anti-Elbourz et hivernent sur les piémonts pour les uns, recherchent desestives (yeylâq) vers l'Elbourz central pendant l'été et dans l'Anti-Elbourz pendant l'hiver pour les autres, effectuant des mouvements migratoires souvent contradictoires. Ils sont quasiment absents des versants septentrionaux de la chaîne, où lasédentarisation est plus développée, à l'exception des forêts des monts Talych[6],[10],[32].
Des découvertes archéologiques indiquent que des peuplements humains sont présents dans la région de l'Elbourz au moins depuis la fin duPaléolithique inférieur. La grotte de Darband, dans la province duGuilan, a révélé desartéfacts en pierre, ainsi que de grandes quantités d'os d'ours des cavernes et d'ours bruns, sans que des preuves de prédation humaine n'aient toutefois été clairement apportées[33]. L'Homme de Néandertal occupe probablement la chaîne auPaléolithique moyen, des squelettes ayant été trouvés dans lagrotte d'Azokh, au pied duPetit Caucase, sur la rive opposée de l'Araxe par rapport à l'extrémité nord-ouest de l'Elbourz, ainsi que des outils en pierre dans la grotte de Büzeyir, située dans lesmonts Talych enAzerbaïdjan, dans celle de Yarshalman, dans la partie centrale de la chaîne, et dans celle de Kiaram dans laprovince du Golestan, à son extrémité orientale[34]. Des traces de l'homme moderne ont été découvertes sur un site près d'une rivière portant le nom de Garm Roud, dans la province duMazandéran, daté de 30 000 ans environ[35].
Durant l'Antiquité, la région de l'Elbourz est connue sous le nom d'Hyrcanie[38]. Elle est tour à tour sous le contrôle desMèdes puis desAchéménides[39]. Après avoir été défait et poursuivi parAlexandre le Grand,DariusIII se réfugie dans les montagnes mais est assassiné en ; leMacédonien séjourne à Hécatompyles (aujourd'huiShahr-e Qumis) puis rejoint les rives de lamer Caspienne à Zadrakarta (site actuel deSari ou deGorgan)[40]. À la succession d'Alexandre, la chaîne est dans l'empire desSéleucides mais celui-ci est soumis à la sécession de laBactriane et à l'émancipation de l'Empire parthe sous l'impulsion d'ArsaceIer, chef desParni[41]. Si lesArsacides se maintiennent au pouvoir jusqu'en224, lorsqu'ils sont renversés par lesSassanides[42], l'Hyrcanie n'est plus sous leur contrôle effectif après une série de révoltes au cours desIer et IIe siècles[43].
À la chute de la dynastie sassanide, au milieu duVIIe siècle, les populationszoroastriennes de l'Elbourz sont parmi les dernières à céder à laconquête arabo-islamique de la Perse après plus d'un siècle derésistance[6]. En864, lesAlavides prennent leTabarestan sur la rive méridionale de la mer Caspienne auxTahirides, vassaux desAbbassidessunnites dans la région, et y instaurent lezaïdisme, courant duchiisme[44]. En875, lesSamanides prennent le pouvoir aux Abbassides et restaurent la dominationperse[45]. Sunnites[46], ils défont en900 puis en928 les Alavides, qui se réfugient pour nombre d'entre eux dans l'Elbourz occidental ;Mardavij ben Ziyar rejoint les rangs samanides[44]. Toutefois, en930, une rébellion au sein de l'armée permet auxZiyarides de s'emparer du Tabarestan[44], repoussant les Samanides dans l'Elbourz oriental. Le zoroastrisme est officiellement restauré pendant quelques années[47], avant de laisser la place au sunnisme. Dès934, lesBouyides, Perses chiites originaires duDaylam, région autour duSefid Roud, s'étendent sur leplateau Iranien puis finissent par s'emparer en945 de la capitale ducalifat abbasside,Bagdad[6],[48]. La stabilité qui perdure durant les deux siècles qui suivent constitue l'« intermède iranien »[48], une période de renaissance politique et culturelle perse[6].
Vue de la forteresse d'Alamut perchée sur un piton rocheux dans les montagnes enneigées de l'Elbourz.
Elle prend fin avec l'invasion despeuples turcs d'Asie centrale à partir duXIe siècle[6],Seldjoukides en tête dans l'Elbourz[48]. Un nouveau mouvement de résistance s'organise etAlamut, dans l'ouest de l'Elbourz central, devient le siège d'une communauté religieuseismaéliennenizârite régie par une organisation militaire[6],[48]. Pendant 166 ans[48], elle tisse un réseau de défense en s'emparant de forteresses dans l'ensemble de la chaîne[6], parmi lesquellesLambsar,Rud-khan,Gerdkûh ou encoreSaru, et jusqu'enSyrie[48]. Ces citadelles sont perchées sur des promontoires montagneux, disposent de provisions alimentaires importantes et d'un réseau hydrologique ingénieux pour le stockage de l'eau[48]. Dirigés par le « Vieux de la Montagne », sesAssassins perpètrent des représailles sanglantes et inspirent la crainte[48]. Les conflits perdurent avec lesKhwarezmchahs, dont le pouvoir s'accroît au détriment des Seldjoukides, avant que les relations s'apaisent à partir de1210, correspondant à un déclin politique et à l'adoption du sunnisme[48].Houlagou Khan obtient finalement la reddition de la forteresse en1256, au cours desinvasions mongoles[48]. Leurcampagne contre les Nizârites se solde par la chute de Lambsar puis de Gerdkûh ; Alamut cesse d'exister en tant qu'État[48].
Époques moderne et contemporaine : lente stabilisation et développement économique
La fertilité de l'Elbourz et la faculté de ses populations àrésister aux invasionsnomades permettent, à la différence des plateaux arides et des montagnes sèches duZagros, l'adoption d'un mode de viesédentaire[6]. Au début duXVIe siècle, lesSéfévides, d'abord menés par leur fondateurIsmaïlIer né àArdabil dans le nord-ouest de la chaîne, reprennent l'ensemble de laPerse auxTimouridesturco-mongols à l'est et auxMoutons blancs turcomans à l'ouest. Ainsi, les provinces du sud de laCaspienne sont conquises en1536-1537. Sous les menaces répétées desOuzbeks, elles finissent par être pacifiées dans lesannées 1590 sousAbbasIer le Grand, notamment par son généralFarhād Khan Qarāmānlu[49],[50]. Cette stabilité sociale et politique se reflète dans les particularités linguistiques de la chaîne, qui est repeuplée depuis ses versants septentrionaux, malgré l'influence de tribus semi-nomades turques etkurdes arrivées auXVIIe siècle[6]. Le déclin des Séfévides pousse le tsarPierreIer à occuper tout le versant caspien de l'Elbourz dès1723, et ce jusqu'en1734[50]. À la chute de la brève dynastie desAfcharides, Gorgan et sa forteresse deviennent dès1750 le fief de l'oppositionturkmène desKadjar dans les provinces caspiennes au pouvoir central desZand[50]. Le renversement a lieu en1789 avecAgha Mohammad Chah[50].
Au tournant duXIXe siècle, unesérie de guerres russo-persanes découle de la rivalité pour la possession des bordures maritimes duCaucase et de l'Elbourz, jusqu'à la côte sud-est de la Caspienne ; durant les décennies qui suivent, les relations commerciales entre les deux pays connaissent une succession de hauts et de bas[50]. Les échanges sont intenses entre les vallées et les versants septentrionaux jusqu'à laSeconde Guerre mondiale, comme l'attestent les nombreuxcaravansérails[6],[50]. Jusqu'au règne deReza Chah, dublé, dusel, desfruits secs[6], dusavon, desépices, duhenné, ducuir, dumiel ou encore desmoutons[50] sont transportés depuis le sud vers le nord et les caravanes reviennent avec duriz, de l'essence et ducharbon de bois[6],[50]. Par la suite, les mouvements cycliques de main d'œuvre s'inversent au profit deTéhéran, sur lepiémont méridional[6]. Dans lesannées 1930, la construction de routes et duchemin de fer transiranien permet d'accroître les échanges de part et d'autre de la chaîne[9],[50]. L'économie rurale des versants septentrionaux est elle-même transformée avec la production intensive du charbon de bois à destination de la capitale, qui connaît son apogée dans les années 1950-1960[6] avant d'être interdite[9], et avec celle decéréales sur lespiémonts[9],[50].
Les versants septentrionaux de la chaîne supportent traditionnellement uneculturecéréalière saisonnière enterrasse, combinée aumaraîchage (pommes de terre, haricots, courges, concombres). Lebattage dublé est effectué sur place après son séchage. Les tiges servent aufourrage, comme laluzerne. Lariziculture tient aussi une place importante grâce à un système d'irrigation. Les céréales ont tendance à être supplantées, dans l'ensemble de l'Elbourz central notamment, par l'arboriculture fruitière, avec la production de pommes et de cerises sur les versants, d'abricots à plus basse altitude et de grenades sur lespiémonts. Cette arboriculture était auparavant cantonnée au sud de la chaîne[6],[10]. Desplantations de thé et desvignobles se trouvent en outre enAzerbaïdjan[27].
Lepastoralisme, tourné vers la production de lait et complémentaire des cultures, est aussi remplacé par de l'élevage à plus grande échelle afin d'alimenterTéhéran en lait de vache et en viandeovine. Latranshumance consiste à mener le bétail des étables en hiver à la lisière supérieure des forêts en été, puis aux champs après les récoltes, et les ovins et dans une moindre mesure lescaprins des collines boisées aux pâturages les plus élevés[6],[10]. Cette pratique est progressivement abandonnée[6], d'autant plus que la création de zones protégées a restreint les zones de pastoralisme et déséquilibré l'économie des petits villages de montagne[10]. Les bergers sont remplacés par des employés dans des exploitations. Seul l'Elbourz oriental parvient à maintenir un mode de production traditionnel[6].
L'Elbourz abrite quelquesgisements miniers en faible quantité :charbon,plomb,zinc,barytine. Descarrières decalcaire pour leciment, decraie pour lesfours à chaux et degypse pour leplâtre présentent en revanche des dimensions importantes[6]. Ces carrières ont favorisé le développement de voies de communication. La plus ancienne des trois routes traversant la partie centrale de la chaîne est laroute 79 passant par le col Gaduk. Elle est longée par la ligne duchemin de fer transiranien, qui emprunte un tunnel à plus de 2 000 mètres d'altitude pour passer sous le col. Laroute 59, ou « route duChalus », qui comprend un tunnel à environ 2 570 mètres d'altitude sous le col Kandevan, est la plus fréquentée pour relier Téhéran à lamer Caspienne. Laroute 77, ou « route duHaraz », construite après laSeconde Guerre mondiale, emprunte le col d'Emamzadeh Hashem à près de 2 750 mètres d'altitude mais doit fréquemment être fermée en hiver[6]. Un tunnel est en cours de construction sous le col. L'autoroute 1 et laroute 49 passent par les gorges duSefid Roud entre l'Elbourz central et occidental et constituent les voies les plus praticables pour traverser la chaîne en hiver[6]. Lesroutes 81, à l'ouest deDamghan, et 83, au nord deShahroud, ainsi que des routes secondaires, franchissent l'Elbourz oriental[6].
Vue aérienne du lac Mamlou, dans l'Anti-Elbourz, avec lemont Damavand en arrière-plan.
De l'hydroélectricité est produite, d'ouest en est, par lesbarrages deSefid Roud (ou Mandjil), deTaléghan, deKaradj (ou Amir Kabir), deSiah Bishe, deLatyan, deMamlou, deLar etShahid Rajaee (ou Soleyman Tangeh). Parmi toutes ces installations, seule celle de Siah Bishe, fonctionnant parpompage-turbinage, est entièrement consacrée à la production d'électricité, essentiellement pour la métropole de Téhéran. Les autres ont surtout une vocation de réservoir d'eau potable et d'irrigation, en particulier Karadj, qui est le barrage le plus ancien (1961), et Latyan (1967), tous deux destinés à l'approvisionnement de la capitale avec une capacité respective de quelque 200 et 80 millions de mètres cubes[6],[9]. Ces installations ont profondément bouleversé l'économie et le mode de vie de l'Elbourz central.
Les principaux produits artisanaux dans la chaîne sont lefeutre (namad) sur le versant septentrional, lekilim dans la vallée d'Alamut et des textiles appeléskarba assez répandus. Ils sont à l'origine plutôt grossiers mais, avec le déclin du mode de vie pastoral, les populations semi-nomades ont partagé leur savoir-faire et, avec l'aide des marchands de Téhéran, deQom ou deQazvin, en ont fait une source de revenus[6].
Vue de la partie finale de l'ascension duTochal avec la cabine sommitale.
La création delacs de barrage a favorisé le développement de masse du tourisme estival, longtemps réservé à la noblesse iranienne. Les vallées proches deTéhéran connaissent des séjours centrés sur le week-end, au point de devenir la base de loisirs de la capitale, tandis que les vallées plus éloignées voient l'essor de résidences secondaires[6]. Pour les amateurs derandonnée pédestre,trekking,alpinisme ouski de randonnée, de rares refuges parsèment la chaîne : le refuge Bargah sur le versant méridional dumont Damavand, le refuge Sarchal au nord-est de l'Alam Kuh et le refuge-mosquée duSavalan sur son versant nord-est[51] ; une cabine se trouve au sommet duTochal[52]. La plupart du temps, il s'agit de simples abris en pierre avec parfois quelques commodités et des zones de bivouac alentour.
Quatrestations de sports d'hiver se trouvent au nord deTéhéran[53] ; il s'agit par taille décroissante deDizin,Darbandsar,Shemshak et Tochal[54]. Les trois premières sont inscrites dans un cercle de cinq kilomètres de rayon, situé à une heure de route deTéhéran[53],[54]. Dizin compte 18 kilomètres de descentes[55] répartis en 23 pistes[56] entre 2 600 et 3 600 mètres d'altitude environ[55],[56], ainsi qu'un vaste domainehors-piste, et 16[56] à 18[55]remontées mécaniques ; la station date desannées 1960[56]. Shemshak est la plus ancienne desstations d'Iran, créée en 1958[57] ; elle compte 15 kilomètres[58] de descentes pour huit pistes[57] entre 2 550 et 3 050 mètres d'altitude[57] desservies par cinq[57] à sept[58] remontées mécaniques. Darbandsar est la station la plus moderne[59] ; ses quatre pistes[59] et six remontées mécaniques s'étagent entre 2 600 et 3 600 mètres environ[59],[60]. Tochal est directement accessible entélécabine en trente minutes depuis la périphérie de la capitale[61], qu'elle domine[53], ce qui la rend très fréquentée pendant plus de six mois par an depuis sa création en 1977[61] ; elle compte deux pistes bleues[61] représentant en tout six kilomètres[62] de descentes pour quatre[61] à six[62] remontées sur undénivelé important entre 1 900 et 3 850 mètres d'altitude[61],[62].Abali, à l'est de Téhéran, abrite une petite station avec de courtes pistes mais néanmoins neuftéléskis[63].Alvares, située entre 3 000 et 3 200 mètres[64] sur le versant sud-est du Savalan, est la seule station de la chaîne en dehors de l'Elbourz central[53] ; elle est équipée d'untélésiège et d'un téléski fonctionnant les week-ends et durant les vacances, non loin de lacité thermale deSareyn[64].
LeSavalan[75] et la grotte de Yakhkan[76], dans l'Elbourz occidental, le cyprès de Herzl[77], leLys blanc[78], la source de Fakjour Damkesh[79], l'Alam Kuh[80], le mont Damavand[81], les lacs Tar et Havir[82], la grotte d'Afshan[83] et les gorges de Vashi[84], dans l'Elbourz central, sont des monuments naturels nationaux.
Pour les peuplesindo-iraniens,Mithra a sa demeure sur la légendaire montagneHarā Bərəzaitī[3],[90]. Il n'y règne jamais la nuit ni la pénombre, ni de vent chaud ou froid, ni de brouillard ; c'est en revanche la source de l'eau, la rivière Arədvī Sūrā Anāhitā alimentant l'océanVourukaša[3]. Les adorateurszoroastriens font des sacrifices pour le ciel, la terre, le vent et le pic de Harā, qu'ils surnomment mont Hukairya,« le bienfaiteur, celui qui mérite toutes les prières ». Dans les textes duBundahishn, c'est« le chef des sommets »[3]. Dans leurcosmogonie, la Terre était jadis entièrement plate et les montagnes sont nées comme des plantes en plongeant leurs racines pour rejoindre celles de Harā, établissant une connexion entre elles. Ce nom, attribué à l'Elbourz, désigne dès lors une chaîne de montagnes formée en 800 ans et encerclant la Terre, d'est en ouest[3]. Ainsi, dans sa rotation autour de Harā, le Soleil passe tout au long des 360 jours du calendrier traditionnel, en place jusqu'auxSassanides, par180 fenêtres différentes à son lever et180 fenêtres à son coucher[3]. Les zoroastriens semblent associer la chaîne de montagnes à la résidence dePeshotan[91] et l'écoleIlm-e-Khshnoom considère lemont Damavand comme la demeure desSaheb-e-Dilan, les « maîtres du cœur »[92]. Ainsi, la montagne Harā est associée aumont Meru dans lebouddhisme[3].
Dans leLivre des Rois, le poèteFerdowsi semble considérer que les montagnes s'étendent en Inde[2],[3],[90]. D'après lui,Fereydoun, fils d'Abtine et de Faranak, et un des descendants deDjamchid et deTahmouras, est contraint de se réfugier dans l'Elbourz de l'âge de 3 à 16 ans pour fuir le roiZahhak ; il rejoint ensuite la révolte lancée parKaveh contre le tyran et finit par le vaincre dans les montagnes, puis l'enchaîne dans une grotte du mont Damavand en attendant lafin des temps, avant de régner pendant 500 ans en tant que roi légitime[3],[90]. Dans cette mêmeépopée, le princeZal, néalbinos et abandonné en pleurs au pied de l'Elbourz, est recueilli puis élevé dans son nid perché dans les montagnes par leSimorgh ; l'oiseau magique lui apporte sa sagesse et finit par le convaincre de rejoindre son père vieillissant, empli de regrets et parti retrouver son fils dans les montagnes[3],[90]. Toujours d'après Ferdowsi,Key Qobad vivait paisiblement dans l'Elbourz jusqu'à ce que le héros légendaireRostam, fils de Zal, vienne le chercher afin de le faire introniser et pour qu'il combatte contreAfrassiab, le roi desTourans[3],[90]. Ferdowsi reprend dans leLivre des Rois une légende de l'Avesta, puis duMah farvardin Ruz khordad (VIIe siècle), mettant en scène le meilleur archer du royaume, Arash (ou Arish, ou encore Erekhsha), chargé par le roiManoutchehr de tirer une flèche le plus loin possible vers l'est afin de déterminer la frontière avec les Tourans et d'établir la paix dans leTabarestan avec Afrassiab ; l'archer grimpe dans l'Elbourz à l'aube puis tire sa flèche qui retombe, à midi ou en fin de journée (selon les versions), sur les rives de l'Amou-Daria, mais il meurt d'épuisement[90].
Selon certaines légendesmédiévales chrétiennes, lesportes d'Alexandre, associées àGog et Magog, pourraient se trouver dans l'Elbourz, alors que d'autres les situent dans leCaucase[91]. Elles trouveraient leur origine dans l'existence de lamuraille de Gorgan, dont la construction est pourtant initiée auVe siècle sous les Sassanides[93].
Jean-ClaudeKlein,La végétation altitudinale de l'Alborz central (Iran) : entre les régions irano-touranienne et euro-sibérienne, Téhéran/Paris, Institut français de recherche en Iran,,2eéd., 273 p.(ISBN2-909961-03-6,lire en ligne).
↑Paul Goukowsky,Le monde grec et l'Orient : Alexandre et la conquête de l'Orient, t. 2, PUF, coll. « Peuples et Civilisations », 1993 (1re éd. 1975)(ISBN2-13-045482-8), pages 275-278.
↑Laurianne Martinez-Sève,Atlas du monde hellénistique (336-31 av. J.-C.) : pouvoir et territoires après Alexandre le Grand, Paris, Autrement, coll. « Atlas-mémoires », 2014(ISBN978-2-7467-3616-0).
↑(en)Richard Nelson Frye,The Cambridge History of Iran, Volume 4: From the Arab Invasion to the Saljuqs, chapitre 4 : « The Sāmānids », Cambridge University Press, Cambridge, 1975(ISBN978-0-521-20093-6), page 151.
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