Salinité moyenne des océans[2], exprimée enPSU, c'est-à-dire en grammes de sel par kilogramme d'eau de mer.
Les océans et mers occupent un volume estimé à 1 338 millions de km3, ce qui représente 96,5 % des réserves d'eau présentes à la surface de la Terre[3]. Ce volume n'inclut pas les eaux souterraines (aquifères), dont environ 85 % sont salées à différents degrés.
Les premières théories scientifiques sur l'origine du sel de la mer datent deEdmond Halley qui propose, en 1715, que le sel et les autres minéraux y sont amenés par les rivières[4] : l'écoulement de l'eau en surface (eau de pluie) et dans les rivières dissout des ions pardissolution desroches. Les eaux douces souterraines et de surface sont donc très légèrement « salées » à cause de ces ions ; ceux-ci sont entraînés jusqu'à l'océan, où ils restent tandis que l'évaporation entraîne leur concentration (voir lecycle de l'eau). Halley note que les quelques lacs qui ne débouchent pas sur un océan (comme lamer Morte et lamer Caspienne, voirEndoréisme) ont en général une salinité très élevée, ce qu'il appelle la « météorisation continentale » (continental weathering).
La théorie de Halley est en grande partie correcte. En plus du phénomène décrit ci-dessus, lesodium a été arraché au plancher océanique lors de la formation initiale des océans. La présence de l'autre ion dominant du sel, l'ionchlorure, provient du « dégazage » du chlorure d'hydrogène (sous la forme d'acide chlorhydrique) ainsi que d'autres gaz de l'intérieur de la Terre, via lesvolcans et lesmonts hydrothermaux. Les ions sodium et chlorure sont ensuite devenus les constituants majeurs du sel de mer.
La salinité moyenne des océans est stable depuis plusieurs milliards d'années, le plus probablement grâce à un processustectonique et chimique qui enlève autant de sel qu'il en arrive par les rivières. Les ions chlorure et sodium sont ainsi enlevés par les dépôts d'évaporite (les « roches salines »), la « grésification » (le dépôt de sels dans l'eau interstitielle) et les réactions chimiques avec lebasalte des fonds marins[5]. Depuis la création des océans, le sodium n'est plus arraché au fond des océans, mais capturé dans les couches desédiments couvrant les fonds marins. D'autres théories affirment que latectonique des plaques entraine une partie du sel sous les masses continentales, où il remonte lentement à la surface.
L'eau de mer est composée d'eau et de sels, ainsi que de diverses substances en faible quantité. Si plus des deux tiers des 92 éléments chimiques naturels sont présents dans l'eau de mer, la plupart le sont en faible quantité et difficilement décelables.
La grande particularité de l'eau de mer est que les proportions relatives de ses constituants sont sensiblement constantes (c'est-à-dire indépendantes de la salinité) ; cette propriété a été établie par le chimiste allemandWilliam Dittmar, et permet de considérer l'eau de mer comme une solution de onze constituants majeurs dans de l'eau pure, à savoir, par ordre décroissant d'importance, lechlorure, l'ionsodium, lesulfate, l'ionmagnésium, l'ioncalcium, l'ionpotassium, lebicarbonate, lebromure, l'acide borique, lecarbonate et lefluorure. Laloi de Dittmar permet ainsi de déterminer la salinité de l'eau de mer par une seule mesure : de la concentration d'un de ces constituants (par exemple, Cl−) ou d'une des propriétés physiques de l'eau de mer à une température donnée (comme ladensité relative, l'indice de réfraction ou laconductivité).
Les deux principaux ions sont Na+ et Cl−, qui en s'associant forment lechlorure de sodium principal constituant du « sel marin », que l'on extrait dans lesmarais salants pour obtenir dusel alimentaire.
Le mouvement des masses océaniques profondes est dominé par la variation de leur salinité. Elles proviennent principalement de la saumure issue de la formation de la banquise (congélation de l'eau de mer) en hiver aux pôles, ainsi que du refroidissement des eaux de surface dans les mêmes conditions. Le tableau ci-dessous montre comment len(λ) augmente avec la salinité pour les D-lignes de sodium (moyenne :5 893Å =589,3nm) à18 °C.
Variations de l'indice de réfraction dues à la salinité[11]
Les facteurs les plus significatifs affectant len(λ) sont la longueur d'onde de la lumière et la salinité de l'eau. Néanmoins, len(λ) excède de moins de 1 % la gamme indiquée des valeurs de ces variables[11].
LepH varie entre 7,5 et 8,4, pour une moyenne de l'ordre de 8,2.
Lavitesse du son dans l'eau varie avec la température de l'eau et la pression, elle est donc sensible auxthermoclines ; elle est de l'ordre de1 500m/s.
L'eau de mer n'est paspotable, et en général ne doit pas être bue par les êtres humains. Le sel en est le responsable : si l'on boit de l'eau de mer, à long terme la quantité d'eau nécessaire pour éliminer ces sels (grâce auxreins) devient supérieure à la quantité d'eau gagnée par absorption d'eau de mer[16]. La non-potabilité de l'eau de mer explique que, sur unnavire ou une île au milieu de l'océan, on puisse « manquer d'eau », comme le ditLa Complainte du vieux marin :
« L’eau, l’eau partout,
Et pas une goutte à boire. »
Si la consommation accidentelle de petites quantités d'eau de mer n'est pas dommageable pour le corps humain, il n'est pas possible de survivre à long terme en buvant uniquement de l'eau de mer. La croyance dans la potabilité de l'eau de mer a pour origine la traversée de l'Atlantique d'Alain Bombard, qui utilisait aussi la chair des poissons et l'eau de pluie. Ainsi, le médecin allemandHannes Lindemann qui avait voulu réitérer le voyage de Bombard avait montré qu'il n'était pas possible de se passer d'eau douce additionnelle[17]. L'OMS a utilisé ses travaux pour ses recommandations.
Le taux dechlorure de sodium dans lesang humain et dans l'urine se situe généralement autour de neuf grammes par litre (0,9 % en masse), un taux qui varie peu. Boire de l'eau de mer (dont le taux de sel est de 3,5 %) accroît temporairement la concentration de sel dans le sang. Ce sel doit être éliminé, ce qui se fait en utilisant de l'eau provenant decellules pour uriner. Les cellules finissent par mourir dedéshydratation, suivies par lesorganes et finalement le corps entier.
L'effet de l'absorption d'eau de mer a été étudié sur desrats en laboratoire[18], en faisant varier la concentration d'eau de mer dans leur eau de boisson. Au fur et à mesure que cette concentration augmentait, les rats devaient boire de plus en plus pour uriner davantage, jusqu'à une concentration de 50 %, tandis que leur soif déclinait après 50 %. Ces chercheurs recommandent ainsi de ne pas passer brutalement d'une consommation d'eau douce à une consommation d'eau de mer (pour des naufragés par exemple), mais plutôt d'augmenter progressivement la proportion d'eau de mer dans l'eau douce.
Les manuels de survie conseillent en général de ne pas boire d'eau de mer. Par exemple, leMedical Aspects of Harsh Environments (« Aspects médicaux des environnements hostiles »)[19] présente une analyse de 136 voyages enembarcation de sauvetage. Le risque de décès s'élevait à 39 % pour ceux qui buvaient de l'eau de mer, contre 3 % pour ceux qui n'en buvaient pas.
Pour rendre l'eau de mer potable (processus dedessalement), plusieurs techniques existent. La plus simple est de la diluer avec de l'eau potable jusqu'à ce que la salinité soit acceptable ; on utilise cette technique en agriculture, pour l'irrigation. Les techniques plus complexes, mises en œuvre notamment sur les grands navires, incluent lesévaporateurs à vide, les évaporateurs « flash » ou les membranes d'osmose inverse. La re-minéralisation de l'eau en fin de tels traitements doit alors être prévue pour une consommation sur une longue durée.
L'eau de mer plus spécifiquement est exploitée pour son sel, par lasaliculture, dans lesmarais salants.
Lamariculture, partie de l'aquaculture, concerne l'élevage d'animaux marins ou la culture d'algues directement dans le milieu naturel marin ou bien à partir d'eau de mer brute prélevée à proximité du site d'exploitation.
Lasalinisation des sols est une cause de dégradation de l'agriculture et de perte debiodiversité. L’eau salée est la pire ennemie de l’agriculture[20]. L'eau dessalée est par ailleurs trop coûteuse à produire pour la plupart descultures ; elle n'est peut-être abordable que pour les cultures à fort rapport économique, en particulier lorsque les investissements sont subventionnés. La principale application du dessalement de l'eau consiste en la fourniture d'eau potable. Les techniques de dessalement les plus courantes sont ladistillation thermique — pour le traitement de grands volumes d'eau (55 000 m3/j) — et latechnologie des membranes, l'électrodialyse inverse et l'osmose inverse[21].
L'eau de mer est prélevée en remplacement de l'eau douce dans les centrales nucléaires et thermiques de bord de mer pour leur refroidissement. Lescentrales suédoises dépendent majoritairement de l'eau de mer pour leur refroidissement. Lacentrale nucléaire de Fukushima Daiichi est une centrale à eau de mer. Une partie des centrales des États-Unis utilisent de manière semblable l'eau de mer ; où ce sont 55 milliards degallons US qui sont prélevés par jour dans la mer pour être immédiatement rejetés dans le même milieu à une température légèrement supérieure[22]. Le, une prolifération deméduses a nécessité l'arrêt du réacteurno 3 de lacentrale nucléaire d'Oskarshamn en Suède durant trois jours[23], problème déjà rencontré dans d’autres centrales dans le monde.
ÀHong Kong, l'eau de mer est disponible pour les chasses d'eau dans les zones métropolitaines et la plupart des nouvelles villes, couvrant environ 80 % de la population. Le département d'approvisionnement en eau de Hong Kong prévoit une extension de l'utilisation de l'eau de mer pour les chasses d'eau lorsque cela est économiquement justifié. Des travaux préparatoires sont en cours pour l'approvisionnement àHong Kong Disneyland,Pok Fu Lam(zh),Tuen Mun East,Yuen Long etTin Shui Wai. En 1955, l’eau de mer a été utilisée pour la première fois dans un projet pilote. Expérience suivie par l'installation de systèmes de rinçage à l'eau de mer dans toutes les nouvelles maisons et dans certains districts à partir de 1957[24].
« La mer est salée parce qu'il y a des morues dedans. Et si elle ne déborde pas, c'est parce que la providence, dans sa sagesse, y a placé aussi des éponges » —Alphonse Allais (Citation humoristique)
↑(en)E.Halley, « A short account of the cause of the saltiness of the ocean, and of the several lakes that emit no rivers; with a proposal, by help thereof, to discover the age of the world »,Phil. Trans.,vol. 29,,p. 296-300.
↑Paul R. Pinet,Invitation to Oceanography, St. Paul: West Publishing Company, 1996(ISBN978-0763740795),p. 133.
↑UNESCO,Tables océanographiques internationales, citées par Andrew W.Dickson et Catherine Goyet (éds.),Handbooks of methods for the analysis of the various parameters of the carbon dioxide system in sea water, US Department of Energy, version 2, septembre 1994, ORNL/CDIAC-74,chap. 5, partie 6.1 « The major ion composition of seawater »,p. V-10[lire en ligne].