Le mouvement almoravide nait vers1040 parmi un groupe de tribus berbères sahariennes qui nomadisent entre le Sud du Maroc et le fleuve Sénégal — lesLemtouna et les Juddala, du grand groupe berbère desSanhadja. Sous l'impulsion du prédicateurmalékiteAbdullah Ibn Yassin et d'un chef berbere localYahya ben Brahim, unribat est établi afin de former un groupe armé qui donne son nom au mouvement.
La première phase d'expansion du mouvement débute en 1055 et leur permet de conquérirAzougui,Aoudaghost,Agghmat etSijilmassa. Elle rencontre une résistance contre lesBerghouata et Ibn Yassin meurt au combat en 1059. Les frontières se stabilisent après cela, malgré la menaceZiride au nord, et la ville deMarrakech est fondée. Une transition de pouvoir s'opère entreAbou Bakr ben Omar etYoussef ben Tachfine en 1072, permettant à une nouvelle phase d'expansion d'émerger.
Après avoir capturéCeuta etTanger en 1083, donnant accès audétroit de Gibraltar, le mouvement devenuÉmirat almoravide entame la conquête de la péninsule ibérique dès 1086. En 1094, tous les territoires d'al-Andalus sont occupés. Cependant, à partir de 1121, lemouvement almohade émerge, hostile aux almoravides, et contribue à son déclin puis sa chute en 1147.
Le terme Almoravide vient de l'arabeal-Murabit (المرابط ), prononcé en espagnolalmorávide[3]. En arabe,al-Murabit signifie littéralement« celui qui attache », mais au sens figuré,« les gens du ribat ». Ce terme est lié à la notion deribat[4],[5].
Ce nom est lié à une école dedroit malékite appeléeDar al-Murabitin, fondée àSus al-Aksa, auMaroc actuel, par un érudit nomméWaggag ibn Zallu al-Lamti(en). Le nom des Almoravides vient donc des adeptes de Dar al-Murabitin, « la maison de ceux qui étaient unis dans la cause de Dieu »[6].
DuSouss à l'Adrar, une multitude de pouvoirs tribusSanhadjas sont quant à eux désunis, mais constitués de quelques groupes confédérés comme lesLemtouna situés dans l'Adrar. Ces différents groupes contrôlent chacun l'un des axe caravanier. Celui des Lemtouna est le plus important, reliantAoudaghost àSijilmassa. Au sud-ouest de cet axe se trouvent lesGoudala. LesMassoufas se trouve plus au nord de cet axe. Ces différents groupes sont en rivalité[11],[12]. Plusieurs tentatives d'islamisation de ces groupes et de réunification ont eu lieu précédemment, sans véritables succès. Ces communautés sont donc constituées d'adeptes de différentes obédiences considérées comme impures dans les mouvementsmalikites, avec une forte influence duKharidjisme[13],[14]. Le particularisme berbère atteignait dans la première moitié duXIe siècle un point extrême propice à l'émergence de bouleversements radicaux[12].
Deux versions traditionnelles s'opposent quant aux origines du mouvement Almoravide, laissant supposer à une tentative de rationalisation ultérieure du récit fondateur, en opposition au contexte désuni de la région dans laquelle s'implante le mouvement. Bien que les versions divergent sur le personnage deYahya ben Ibrahim, elles s'accordent sur un contexte d'islamisation faible au sein des populations du Sahara et l'impact du pèlerinage pour engendrer une prise de conscience[15]. Cependant, les origines du mouvement almoravide restent méconnues et reposent sur des sources postérieures altérées qui relèvent de l'épopée et de l'histoire sainte. Il reste encore aujourd'hui complexe de démêler la part du mythe et de la réalité[16],[17].
Dans la plus ancienne version, l'origine s'enracine dans le pèlerinage àLa Mecque effectué par Yahya ben Ibrahem, chef ou émir desGoudala qui, à son retour entre 1036 et 1039, envisage de renforcer la foi religieuse en enseignant unislam expurgé de toute influencekharijite etpaïenne[18],[19]. Après avoir rencontréAbu Imran al-Fasi(en), juristemalikite deKairouan,[18][19], celui-ci lui conseille de solliciter l'assistance deWaggag ibn Zallu al-Lamti(en), un de ses disciples chez lesLemtuna qui réside à Nafis, dans leSouss[18]. Ce dernier missionne alors son élève,Abdellah ben Yassin, à accompagner Yahya ben Ibrahim dans ce travail car sa mère est d'origine sahrahouite[15]. C'est à partir de cet instant que les deux versions convergent autour de ben Yassin[15].
Entre 1039 et 1042, unribat visant à former des élèves combattants est fondé. Ces élèves prennent le nom d'al-Morabiṭoun, « les gens duribāt »[20] ou Almoravides. Cette étape constitue l'élément fondateur du mouvement du même nom. Ibn Yasin ne parvient pas à fédérer l'ensemble des Goudala et, lorsque son protecteur Yahya ben Ibrahim meurt, il en est chassé et part rejoindre les Lemtouna. Leur chef,Yahya ben Omar, succède à Yahya ben Ibrahim également et soutient la constitution d'une communauté armée[21]. L'enseignement se concentre sur une réforme morale sévère. Ibn Yassin impose la prière, lazakāt et l’impôt légal du ʿushr, tout en punissant les manquements par des châtiments corporels[22],[23]. Il prêche unmalikismeorthodoxe opposé aux courants kharijites et chiites qui sont les principaux courants dans la région, et fait dudjihad un devoir spirituel[24],[25].
Ibn Yassin agit en tant que chef religieux du mouvement, Yahya ben Omar en tant que chef politique de la confédération et enfin son frèreAbou Bakr ben Omar est nommé à la tête de l'armée afin d'entreprendre, dès 1049, l'expansion des territoires[24]. À son origine, le pouvoir Almoravide fonctionne de manière bicéphale avec un chef politique,émir sanhadja, et unImam. Le mouvement relève plutôt d'unimamat venant compléter les bases confédérées d'un émirat. Les premiers membres de la dynastie Almoravide ne sont dès lors pas émirs almoravides, le premier à endosser ce titre estYoussef ben Tachfine en 1087[16].
L'emplacement de ce premier groupe d'un millier d'individus reste indéterminée mais pourrait être situé sur l'Île d'Arguin, cependant d'autres sites pourraient correspondre à cette implantation. L'archéologie n'est pas encore parvenue à le démontrer à ce jour[26]. Cet établissement est décrit comme une utopieégalitaire qui s'observe même dans la conception de sa cité où toutes les maisons ont la même hauteur[27]. Ce point d'origine prend la forme d'un mouvement réformateur religieux qui s'achève en 1053 et entame sa transition vers ledjihad en 1055[28].
Yahya ben Omar et son frèreAbou Bakr ben Omar sont nommés pour diriger les armées. Les premières campagnes visent à soumettre les différentes tribus sahariennes puis à entamer une première conquête en 1055 avec la ville marchande d'Aoudaghost disputée par l'Empire du Ghana et un groupe berbère[17],[29]. Le djihad trouve un nouveau prétexte de conquête dans un appel desoulémas duTafilalet afin que les Almoravides se dirigent versSijilmassa pour libérer les habitants desZénètesMaghraouas qui dirigent l'Émirat de Sijilmassa. L'expédition militaire est une importante victoire qui apporte un très importants butin ainsi que la conquête de territoires duDrâa et du Tafilelt[24],[19]. Une révolte desGoudala du territoire forceYahya ben Omar à protéger la capitaleAzuggi tandis que son frère et Ibn Yasin répriment une révolte à Sijilmassa. La révolte Goudala détruit l'armée de Yahya ben Omar qui meurt au combat en 1056. Son frère lui succède[17].
Les campagnes militaires reprennent en 1058 et s'étendent dès lors vers le nord. Ils s'emparent du port deMassa et de la ville deTaroudant dont ils exterminent la population chiite installée par les Fatimides. Ils soumettent ensuite lesMasmouda du Haut Atlas[30]. Ils fixent leur capitale àAghmat en 1058[31]. En 1059, ils lancent un djihad à l'encondre desBerghouata, cependant durant le conflit, Ibn Yassin est tué. son successeur est tué peu de temps après et, en conséquence, Abu Bakr est investi de la direction religieuse du mouvement en plus de ses fonctions d'Émir, devenant le premier Émir Almoravide et transformant le mouvement religieux en véritable royaume[30],[32].
Les dix premières années du règne d'Abou Bakr restent mal connues car la phase d'expansion semble s'interrompre durant ce laps de temps, probablement afin de consolider le nouveau pouvoir[32]. Un nouveau péril apparaissait à l'est. Un souverain hammadide,Bologhine ibn Muhammad ibn Hammad, lui aussiSanhadja, marcha, avec une grosse armée, jusqu'àFès, dont il s'empara. Sur le chemin du retour il fut assassiné, ditIbn Khaldoun, « avec l'appui des Sanhaja, que tant d'expéditions dans les pays lointains et hostiles avaient indisposés ». LesZirides ne pouvaient, sans danger pour leur vie, se payer le luxe inutile et coûteux de conquêtes occidentales[33].
En 1070 ou 1062, Abu Bakr fonde la ville deMarrakech[34],[17]. Cependant, il est contraint de redescendre au Sahara à cause d'importente dissensions entre les Lemtouna et les Messoufa. Il confie dès lors le commandement des armées et la protection du nord du territoire à son cousinYoussef ben Tachfine en 1070 ou 1062[19],[17]. Cette situation provoque une double gouvernance dans laquelle Abu Bakr procède à la réunification des tribus du Sahara et entre en guerre contre l'Empire du Ghana. La conquête de la capitale,Koumbi Saleh en 1076 provoque l'effondrement du Ghana[35]. Pendant ce temps, au nord, Youssef ben Tachfine s'emploie à s'affranchir de la tutelle de son cousin et à s'affirmer en tant qu'Émir Almoravide[30].
Grâce au pouvoir accordé parAbou Bakr ben Omar, et à son mariage avecZaynab Nefzaouia,Youssef ben Tachfine parvient rapidement à s'affirmer politiquement et militairement. Il continue la construction de la nouvelle capitale, Marrakech, et réorganise son armée pour y incorporer de nouvelles unités[35]. Après s'être rendu maître deFès en 1071[36], cette montée au pouvoir force Abou Bakr à le rencontre àAghmat en 1072 afin de régler ce potentiel conflit[36],[14]. Youssef lui démontre sa loyauté et Abou Bakr l'autorise en retour à continuer son action militaire[14]. Abou Bakr préserve le statut d'Émir et Youssef fait constituer un cercle d'oulémas afin de sanctionner ses actions et l'autoriser à adopter le titre d'amîr al-muslimîn (« prince des musulmans »). Grâce à cela, il endosse symboliquement toutes les fonctions du mouvement Almohade, confirmant définitivement sa transition au statut d'Émirat[37].
Les conquêtes almoravides de 1085 à 1115Tombeau du célèbre prince et poèteAl Mutamid Ibn Abbad deSéville, condamné à finir sa vie dans une prison d'Aghmat au sud deMarrakech
En 1075, il réagit à l'approche deBologhine ibn Ziri qui s'apprête à attaquer Fès. Il envahit les villes du nord et, en 1076, s'empare deTanger et de l'Émirat de Nekor. En 1083, il se dirige vers ´Ténès et occupeAlger où il fait construire une mosquée[38]. C'est également en 1083 qu'il parvient à capturerCeuta et achève de contrôler la partie africaine duDétroit de Gibraltar[39].
En 1086, à la demande d'al-Mu'tamid, il affronteAlphonse VI et le bat le àSagrajas (az-Zallàqa)[40]. Les tensions persistent et il revient lors d'une deuxième campagne en 1088 qui l'amène à s'emparer de la majorité des territoires dirigés par lesTaïfas, commeSéville,Grenade,Almeria etBadajoz[40]. En 1094, les Almoravides occupent toutal-Andalus[40].
En parallèle des conquête, l'empire se structure en quatre grande provinces, dont la plus grande et la plus prospère se trouve au sud. L'activité économique et commerciale est particulièrement prospère[41]. A la fin du règne de Youssef, l'empire Almoravide s'étend de l'Èbre en Espagne jusqu'au fleuveSénégal[42]. Son fils,Ali ben Youssef, lui succède en 1106[19].
Ali Ben Youssef succède en 1106. Contrairement à son père, il est formé dans le tissu andalou et se soumet aux oulémans qui prennent progressivement le contrôle politique[19]. Sur le plan militaire, il parvient à préserver les différentes conquêtes et s'étend même au sein du Portugal et desÎles Baléares. Sa dernière victoire espagnole date de 1134[43]. L'empire almoravide ne décline pas immédiatement. En effet, le règne d'Ali Ben Youssef est marqué par de nombreuses entreprises urbanistiques et la construction de plusieurs bâtiments comme laMosquée Koutoubia àMarrakech. Il construit également une fortification autour de la ville[44].
Cependant, à l'intérieur du territoire, le faible contrôle impérial permet au mouvementalmohade de s'installer au sud tandis que la péninsule ibérique commence à se décomposer à la fin des années 1130[45]. LorsqueTachfine ben Ali lui succède en 1143, l'empire Almohade a perdu le contrôle des territoires espagnols qui plongent dans leur seconde période desTaïfas[45]. Le véritable problème se joue quant à lui dans les environs de Marrakech avec les Almohades qui interviennent même en 1145 dans les conflits ibériques après avoir mis en déroute l'armée almoravide à proximité deTlemcen[45]. La poche maghrébine almoravide est définitivement défaite en 1147 avec la capture de Fès et Marrakech[46]. Le dernier représentant almoravide fonde unethalassocratie auxBaléares et y préserve un émirat jusqu'en 1203[47].
Abdullah Ibn Yassin (1040-1059) : est imam sous les émirs Yahia ben Ibrahim, Yahya ben Omar, et Abu Bakr Ibn Omar. Il occupe le rôle politique de premier plan durant cette période.
1092 : une poignée d'éclaireurs almoravides arriva sous les murs de Valence. Ibn Djehaf (Cadi), membre d'un haut lignage yéménite, porté par la foule partisane, prit le pouvoir dans la ville après avoir fait assassiner al-Qadir.
1094 : l'armée almoravide arrive jusqu'àLisbonne. Ibn Djehaf, traduit en justice pour l'assassinat d'al-Qadir, fut brûlé vif à Valence par ordre du Cid.
1098 :Youssef Ibn Tachfin est proclamé prince des musulmans, défenseur de la foi et envoyé du commandeur des croyants.
1102 : les Almoravides conquièrentValence et la partie septentrionale d'al-Andalus, arrivant jusqu'à la vallée de l'Èbre.Youssef Ibn Tachfin nomme pour héritier son filsAli Ben Youssef.
1122 : pour contenir les attaques des pillards normands, la flotte almoravide attaque la Sicile
1126 : en Espagne, les Almoravides sont écrasés à Arnisol, près de la ville juive deLucéna, parAlphonsele Batailleur[48]. Les chrétiens rendus responsables de cette défaite sont déportés au Maroc, dans les villes deSalé et deMeknès.
1146 : une partie d'al-Andalus reconnaît lecalife AlmohadeAbd al-Mumin comme souverain. Début avec lesAlmohades, d'une nouvelle période historique.
1147 :Ibrahim Ben Tachfin périt à Oran en luttant contre les troupes almohades déjà victorieuses devant Tlemcen, il fut le quatrième émir almoravide.
1147 : les Almohades pénètrent dansMarrakech, la capitale almoravide. Les derniers Almoravides se sont réfugiés auxîles Baléares et y fondent un émirat qui se maintiendra jusqu'en 1203.
La monnaie développée par la nouvelle dynastie Almoravide du Maroc est issue du système monétaire qui existait dans le monde musulman depuis la création du système bimétallique arabe par l'émirAbdul Malik àDamas à la fin duVIIe siècle. Pendant ce temps, ledinar d'or est fixé à 4,25 grammes et ledirham d'argent est à moins de 3 grammes. Bien qu'il respecte les institutions orientales comme toutes les dynasties musulmanes, le premier émir Almoravide a développé un nouveau type de monnaie pour déclarer ses messages religieux et politiques souverains. À partir de ce siècle, la ville carrefour deSijilmasa fut occupée, le premier dinar almoravide fut émis. Le poids total de cette monnaie d'or réservée au commerce extérieur était de 4,25g. Les Almoravides savaient effectivement donner à l'international la dimension de sa monnaie, qui devint le principal instrument du commerceméditerranéen auxXIe et XIe siècles[49].
La route principale de ce commerce passait par le Sahara Occidental dès la fin duXe siècle, depuis "les mines d'or de Bambuk et Bure par Sijilmasa, puis à travers l'Atlas jusqu'au califat de Fès et Cordoue ». Ces terres duNiger apparaissent en effet particulièrement riches enor : partout où les géographes arabes parlent de « bourgeons d'or », ils insistent sur leur abondance, mais aussi sur leur pureté. Surtout chez les Almoravides, le commerce où l'or est en pleine vigueur. L'importance de ce gisement est si grande que cela marque l'esprit de ce siècles, en afiliant l'idée de l'or au soudan « Or du Soudan antique » qui était la principale source d'or médiéval avant la découverte de l'Amérique à la fin duXVe siècle[49].
Reste à trouver néanmoins scientifiquement des traces de ce minerai ouest-africain dans le dinar almoravide, d'autant plus qu'il existait à l'époque d'autres mines d'or, certes moins importantes, notamment dans la péninsule ibérique. En plus de cela, les Almoravides émettaient également de petites pièces d'argent, les qirats, accompagnées de Scores de 1/2 à 1/16 qirat. Cesmonnaies, qui pèsent environ 1 gramme, valent 1/2dirham et 1/20 dinar, sont davantage destinées aux usages courants, locaux des populations[49].
Dans les années 1070, un Trésor unique, alimenté par le butin de guerre et la fiscalité, est instauré. Les revenus proviennent initialement des impôts canoniques légaux selon l'islam, cependant de nouveaux impôts sont institués sous l'influencedes traditions andalouses. Ces modifications découlent du poids financier que représente le maintien de l'armée qui se constitue de plus en plus de mercenaires[19].
Le mouvement almoravide repose sur deux fondements idéologiques : lemalikisme et ledjihad. Ces fondements sont renforcés en 1073 par la création du titre d'amîr al-muslimin qui le rapproche du statutcalifal. Cependant, son titre n'en est qu'une version dérivée afin de pouvoir légitimer l'action politique par le respect des canons religieux[17]. Le malikisme professé par les Almoravides estanthropomorphiste etlittéraliste[50].
La religion et la notion de djihad est utilisé comme un élément politico-religieux afin de justifier les guerres et l'expansion territoriale almoravide. Le principe consiste à mener des combats contre les non-musulmans et contre les hétérodoxies musulmanes du Maghreb. Se faisant, les almoravides contribuent à l'islamisation et à la diffusion du sunnisme malikite dans l'ensemble du territoire, ainsi que la disparition du kharijisme. Cette période provoque une certaine uniformisation des pratiques religieuses ainsi que l'apparition de premières discriminations à l'égard des juifs[17].
En Espagne, la domination des Almoravides se traduit par la fin de la relative tolérance qui existait vis-à-vis desjuifs et des chrétiens[51]. Les juifs feignent alors la conversion à l'islam ou fuient vers les royaumes chrétiens du nord pour ne pas être contraint de se rendre au Maroc[52]. Un contemporain de cette époque,Abraham ibn Dawd Halevi, écrit dans leSefer ha-Qabbalah(en) rapporte ainsi[53],[54]:
« Celui qui prépare le soulagement avant l’affliction, que Son nom soit loué, avait anticipé la calamité en déposant dans le cœur du roi Alphonse la décision de confier à notre maître et rabbinJuda, le « Prince » Ibn Ezra(en), le gouvernorat de Calatrava et de mettre toutes les provisions royales sous sa responsabilité. […]. Alors il supervisa le passage des réfugiés, délivra ceux qui étaient dans les chaînes et libéra les opprimés… Dans son foyer et à sa table, il nourrit les affamés et… habilla ceux qui étaient nus. Puis, à ceux qui étaient faibles, il donna des bêtes et ils purent aller aussi loin qu’à Tolède. »
L'art de la période almoravide est comme influencé par «l'intégration de plusieurs zones en une seule unité politique et le développement qui en résulte d'un style andalou-maghrébin répandu», ainsi que les goûts des dirigeants de Sanhaja en tant que mécènes de l'art. Cependant on conteste également la caractérisation de l'art d'al-Andalus et du Maghreb comme provincial et périphérique compte tenu de l'art islamique dans le monde, et des contributions des Almoravides comme « clairsemées » en raison de la « ferveur puritaine » de l'empire.
Dans un premier temps, les Almoravides, souscrivant à l'école conservatrice Maliki de jurisprudence islamique , ont rejeté ce qu'ils percevaient comme une décadence et un manque de piété chez les musulmans ibériques des royaumes taifa andalous. Cependant, les monuments et les textiles d' Almería de la fin de la période almoravide indiquent que l'empire avait changé d'attitude avec le temps.
La production artistique sous les Almoravides comprenait des minbars finement construits produits à Cordoue ; bassins et pierres tombales en marbre d'Almería ; textiles fins à Almería, Málaga , Séville[55],[56]; et céramique de luxe[57].
Un découpage provincial est pratiquer afin de gouverner l'empire à partir de 1071, lorsque Youssef Tashfin dirige le nord du territoire et Abou Bakr ben Omar le sud. Par la suite, la partie septentrionale est elle-même divisée en quatre provinces dirigées chacune par un gouverneurs : deux au nord (Fès etMeknès), deux au sud (Marrakech etSijilmassa). Deux provinces supplémentaires sont créées ultérieurement, l'une àCeuta pour administrer le Détroit, l'autre dans leRif[17],[19].
Youssef Ibn Tachfine pose les bases d'une administration centralisée sommaire avec des gouverneurs qui lui sont proches[19]. S'il est de coutume de nommer gouverneur des membres de la dynastie almoravide, ceux qui n'en font pas partie y sont associés par des alliances matrimoniales. L'Émir fait également appel à des juges et jurisconsultes andalous pour l'assister dans les tâches administratives[17].
Les fonctions juridiques et religieuses qui découlent du pouvoir sont endossées par des foqaha,cadis,imams etmuezzins. Leur rôle s'accentue sur la durée et en particulier après la mort de Youssef Tashfin en 1106[19].
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