Formellement, en Chine, elle succède à ladynastie Song et précède ladynastie Ming. Bien que les Mongols dominent la Chine du Nord depuis Gengis Khan, Khubilaï la fait débuter rétroactivement au règne de son grand-père comme fondateur officiel de la dynastie. Toutefois comme les Song tenaient le grand sceau d'empire, on la fait débuter à l'abdication de Hangzhou (1276) ou à l'achèvement de la conquête de la Chine du sud (1279).
Son royaume est, à ce moment-là, isolé des autresKhanats et contrôle la plus grande partie de la Chine moderne et de ses environs, y compris le territoire qui correspond actuellement à la Mongolie[7]. C'est la première dynastie non-chinoise à gouverner toute la Chine et elle dure jusqu'en 1368, date à laquelle la nouvellement fondéedynastie Ming chasse les empereurs Mongols de Chine, ce qui oblige lesGengiskhanides à se replier dans leur patrie mongole, ou ils fondent ladynastie Yuan du Nord[8]. Si certains empereurs Mongols Yuan maîtrisent la langue chinoise, d'autres n'utilisaient que leur langue maternelle, le mongol, et l'Écriture phagpa[9].
Même si la dynastie Yuan est avant tout le khanat fondé et dirigé par les successeurs deMöngke Khan après ladivision de l'Empire mongol, dans l'histoire officielle chinoise, elle est considérée comme étant une dynastie ayant reçu leMandat du Ciel. Même si elle a été établie par Kubilai Khan, ce dernier a inscrit son grand-pèreGengis Khan sur les documents impériaux en tant que fondateur officiel de la dynastie, sous le nom posthume "Taizu"[10]. Dans son Édit pour Établir le Nom de l'État[3], Kubilaï a annoncé que le nom de la nouvelle dynastie était "Grand Yuan" et s'est posé en successeur des anciennes dynasties chinoise depuis l'époque desTrois augustes et cinq empereurs jusqu’à ladynastie Tang[3].
L'empereur Yuan, en plus d'être empereur de Chine, était aussiGrand Khan des Mongols, et à ce titre il régnait sur la Mongolie et était suzerain des trois khanats ayant institutionnalisés les apanages des fils de Gengis : leKhanat de Djaghataï en Asie centrale, laHorde d'or sur les actuelles Russie et Ukraine, et l'Ilkhanat de Perse incluant l'Irak et la plus grande part des actuelles Turquie et Afghanistan. En tant que tel, l'empire Yuan étaitl'Empire du Grand Khan. Cependant, assez rapidement la soumission des khanats devient purement nominale, chacun poursuivant sa propre politique et entrant souvent en guerre l'un contre l'autre[11],[12].
Wang Mian, 1287 1359. Branche de prunier en fleur. Rouleau vertical, encre sur papier, 1 355,68 × 26 cm, Musée de Shanghai
Bien que la date de1271 soit celle de la proclamation par Kubilaï Khan du début de la dynastie, on trouve des documents chinois datés des « années de Yuan Shizu » (元世祖, Kubilaï) antérieures à 1271.
Plusieurs autres dates sont donc proposées pour le commencement de la dynastie :
1206, année où, avant de partir à la conquête de la Chine, Temüdjin est élu grand khan des Mongols sous le nom deGengis Khan ;
1234, année oùÖgödei Khan, fils deGengis Khan, conquiert l'empireJin qui dirige le nord de la Chine ;
1276, année de la réunification de la Chine par la reddition del'impératrice Song dans sa capitaleHangzhou, et date de la remise à Kubilai du Grand Sceau d'empire.
Certains choisissent même1279, date de la reddition des derniers Song et de l'achèvement de la conquête de la Chine du sud par Kubilai.
En 1271,Kubilai Khan impose le nomGrand Yuan (chinois :大元 ; pinyin :dà yuán ; Wade :Ta-Yüan), fondant ainsi la dynastie Yuan[4]. "Dà Yuán" (大元) vient de la clause « 大哉乾元 » (pinyin :dà zāi qián yuán ; litt. « Grand est Qián, le Primordial ») dans la sectionCommentaires(en) duClassique des changements[13], sur le premier hexagramme Qián (乾)[3]. Le pendant enlangue mongole estDai Ön Ulus, également rendu enIkh Yuan Üls ouYekhe Yuan Ulus. En Mongol,Dai Ön (translittération enMoyen mongol du Chinois « Dà Yuán ») est souvent utilisé en conjonction avecYeke Mongghul Ulus (lit. « Grand État Mongol »), ce qui donneᠳᠠᠢ ᠦᠨ ᠶᠡᠬᠡ ᠮᠣᠩᠭᠣᠯ ᠦᠯᠦᠰ (Dai Ön Yeqe Mongɣul Ulus)[14], soit « Grand Yuan Grand État Mongol ».
La dynastie Yuan est également connue par les occidentaux comme étant la « dynastie Mongole[15] » ou la « Dynastie Mongole de la Chine[16] », tout comme ladynastie Qing est aussi appelé en occident la « Dynastie Mandchoue[17] » ou la « Dynastie Mandchoue de la Chine[18] ». Le Yuan est parfois aussi connu sous le nom d'« Empire du Grand Khan » ou de « Khanat du Grand Khan[19] » qui est présent sur certaines cartes Yuan, puisque les Empereurs Yuan portent le titre deKhagan (Grand Khan), même s'il est purement nominal. Néanmoins, les deux termes peuvent aussi se référer au Khanat de l'époque de l'Empire mongol directement gouverné par les Grands Khans avant l'établissement effectif de la dynastie Yuan par Kubilai Khan en 1271.
L’Histoire des Yuan,Yuan Shi,histoire officielle de la dynastie Yuan, fut écrit en 1370 sous la direction deSong Lian (宋濂). Suivant la structure des histoires officielles, il est constitué d'un ensemble de traités thématiques et de biographies. Ce travail, réalisé très rapidement, reçut de nombreuses critiques sous ladynastie Qing, et fit l'objet d'une version corrigée, laNouvelle histoire des Yuan,Xin Yuanshi, parKe Shaomin, achevée en 1920. Le voyage deMarco Polo en Chine s'est également déroulé sous cette dynastie, donnant une vision plus européenne de celle-ci. Lesinvasions mongoles de la Corée (rapportées notamment dans l'« histoire de Goryeo »,高麗史) etdu Japon sont également le fait de cette dynastie, cela a permis de conserver différents témoignages de cette période du point de vue de ces deux pays.
Temüjin, un chef de clan Mongol, réussit à unifier sous son commandement toutes les tribus Mongoles. En 1206, unQurultay[20], lui décerne le titre deKhagan, soit « Grand Khan » ou « Khan des Khan », reconnaissant ainsi sa suprématie sur les autres chefs Mongols[21]. Il prend alors le titre deGengis Khan[21], et entreprend la conquête des royaumes voisin, marquant ainsi le début de l'expansion de l'Empire mongol.
Entre1203 et1209, soit avant même la fin de l'unification du peuple Mongol, il lance ses trois premières campagnes contre lesXia occidentaux, desTangoutes qui contrôlent le nord-ouest de la Chine. Vaincu, l'empereur des Xia devient le vassal des Mongols et promet d'associer ses troupes à celles du Khan en cas de besoin[22].
Cette occasion arrive vite, car quelques années plus tard, Gengis Khan s'attaque auxJürchens de laDynastie Jin, qui contrôlent le nord et le nord-̈est de la Chine. La première bataille importante entre les Mongols et les Jürchen est labataille de Yehuling, qui a lieu en 1211. De cette date à1215, les Mongols ravagent la Chine du Nord et s'emparent de laMandchourie, la terre natale des Jurchens. Finalement, les Jin perdent la moitié nord de leur empire et se retrouvent coincé entre deux ennemis : les Mongols au nord et ladynastie chinoise des Song au sud.
Entre 1216 et 1221, les Jin bénéficient d'un répit relatif, Gengis Khan étant occupé à l'ouest par la conquêtedes Kara-Khitans etde l'empire Khorezmien. Quand il revient en Chine, c'est pour attaquer à nouveau les Xia occidentaux, qui se sont révoltés contre les Mongols. Il meurt le 18 août 1227 pendant le siège deXingqing(zh) (aujourd'huidistrict de Xingqing àYinchuan, capitale de larégion autonome hui duNingxia), la capitale des Xia.
C'estÖgedeï, le troisième fils de Gengis Khan, qui succède à son père et devient Grand Khan. Son premier acte est d'achever la campagne contre les Xia lancée par son père : leur capitale tombe et le royaume Tangoute est rayé de la carte avant la fin de l'année.
En 1231, les Mongolsenvahissent le royaume de Goryeo, le roi signe sa reddition en 1232 et un général représentant l'empereur mongol s'installe àKaesong, la capitale. Le chef du gouvernementChoe U fuit sur l'île deKanghwa la même année et demande à la population de résister. Lorsque le général mongol meurt, uneseconde invasion est déclenchée.
Toujours en 1231, Ögedeï relance la guerre contre la Dynastie Jin qui, entre-temps, a usé ses dernières forces dans uneguerre inutile contre la dynastie Song. Le conflit s’arrête en 1234, avec la chute deKaifeng, la dernière capitale des Jin et la disparition de la dynastie Jurchen[23]. Pendant la guerre, Ögedei offre à son neveu Kubilai un poste à Xingzhou, auHebei. Kubilai ne sait pas lire le chinois, mais sa mère Sorghaghtani lui a attache les services de plusieurs professeursHan dès son plus jeune âge. À son nouveau poste, il demande l'avis de conseillers bouddhistes et confucéens chinois[24].
Kubilai n'est pas le seul a s'entourer de conseillers chinois, car de nombreux chinois et Khitan ont fait défection au profit des Mongols pour combattre les Jin depuis le début de la guerre. Ainsi, deux chefs chinois, Shi Tianze et Liu Heima (劉黑馬, alias Liu Ni)[25],[26],[27],[28], et le chef Khitan Xiao Zhala (蕭札剌) font défection et reçoivent le commandement de 3 Tümens dans l'armée Mongole[29],[30],[31],[32], et ce, pendant le règne d'Ogedei[33]. Il y a en tout 4 TümensHan (chinois) et 3 Tümens Khitan au sein de l'armée mongole, chaque Tümen étant une division forte de 10 000 soldats. À l'époque d'Ögedei, Les Tümens Khitan sont sous les ordres des généraux Shimobeidier (石抹孛迭兒), Tabuyir (塔不已兒), et Zhongxi, le fils de Xiaozhacizhizi (蕭札刺之子重喜). Pour ce qui est des Tümens Han, ils sont commandés par les généraux Zhang Rou, Yan Shi, Shi Tianze et Liu Heima[34].
Ögedeï meurt subitement le 11 décembre 1241, pendant une partie de chasse. Sa veuveTöregene assume la régence de 1241 à 1246, date de l'élection de leur filsGüyük, qui règne pendant deux ans. C'est ensuite au tour deMöngke, un autre petit-fils de Gengis Khan de prendre les rênes du pouvoir.
Möngke succède aGüyük en 1251[35]. Une fois au pouvoir, il confie à son frère Kubilai la gestion des territoires Mongols en Chine[36]. Ce dernier fait construire des écoles pour former des érudits confucéens, émet des billets de banque, relance les rituels chinois et approuve des politiques qui stimulent la croissance agricole et commerciale[37]. Kubilai choisit comme capitale la ville de Kaiping enMongolie intérieure, qui sera renommée plus tardShangdu[38]. Il confie la rénovation de sa nouvelle capitale à Liu Binzhong, un ancien moineChan aux talents d'ingénieur.
Pour ce qui est de sa politique extérieure, Möngke poursuit la politique d'expansion territoriale de ses prédécesseurs. Ainsi, en1253, les Mongols prennent lecontrôle du Tibet[39] et en1254, unequatrième invasion de la Corée est lancée. Mais cela ne suffit pas pour mater le Goryeo, et Möngke doit lancer une cinquième et unesixième campagne avant que le roi de Goryeo ne finisse par se rendre aux Mongols en 1258.
Le quatrième Kaghan poursuit la guerre contre la dynastie Song initiée par Ögedeï[40], au prix d'un déploiement de forces considérable : l'armée mongole qui envahit le sud de la Chine est beaucoup plus importante que celle envoyé pour envahir le Moyen-Orient en 1256[41]. Lorsqu'il part aiderKubilai dans la guerre contre lesSong, Möngke charge son jeune frèreAriq Boqa d'administrer le centre de l'empire etKarakorum. Aussi, lorsque Möngke meurt auSichuan en 1259, sans avoir désigné de successeur[42], Ariq convoque unQurultay a Karakoroum, qui le désigne Kaghan[43],[44]. Mais Kubilai, qui vise également le trône, convoque également unQurultay, à Kaiping, sa capitale personnelle, qui le désigne également Kaghan[45]. C'est le début d'uneguerre civile qui va embraser l'empire Mongol[44].
Pour arriver a vaincre son frère et rival, Kubilai doit obtenir la coopération de ses sujets chinois pour assurer l'approvisionnement de son armée, qui a des besoins énormes en ressources diverses. Il renforce sa popularité auprès de ses sujets en modelant son gouvernement sur la bureaucratie des dynasties chinoises traditionnelles et en adoptant lenom d’èreZhongtong, qui signifie "règne modéré"[46]. Si Ariq a pour lui de contrôler de plus vaste territoires que Kubilai et d’être le maître de la Mongolie, la terre natale des Mongols; il est entravé par un manque chronique d'approvisionnement pour ses soldats. Après quatre ans de combats, il se rend en 1264[47]. Mais même si Kubilai est vainqueur, il n'est pas pour autant le maître de tout l'empire Mongol. En effet, les trois khanats occidentaux (laHorde d'or, leKhanat de Djaghataï et l'Ilkhanat) agissent tous de manière autonomes, les Ilkhans étant même les seuls a reconnaître Kubilai comme Kaghan[48],[49]. Pire, l'Ilkhanat et la Horde d'Or continuent de s'affronter dans leur propre guerre, sans que le nouveau Kaghan puisse y faire quoi que ce soit. Bref, les troubles liés à la guerre civile ont définitivementdivisé l'empire mongol[50].
Transport de matériaux sous le règne de Kubilaï pour les constructions qu'il entreprit dans l'enceinte du palais impérial de Pékin. Vue sur le pontMarco Poloconstruit sous les Song
Même s'il est proclamé Kaghan en 1260 par un Qurultay, Kubilai doit donc attendre sa victoire sur Ariq en 1264, pour accéder réellement au khanat[51], en ayant presque conquis l'intégralité de la Chine. L'instabilité trouble les premières années de son règne. En effet, Kaidu, le petit-fils d'Ögedei, refuse de se soumettre et menace la frontière occidentale du domaine de Kubilai[52],[53], tandis que la dynastie hostile mais affaiblie des Song reste un obstacle dans le sud[52]. Kubilai commence par sécuriser sa frontière nord-est en 1259 en installant le prince Wonjong, qui était son otage, sur le trône du Goryeo, qui devient un État vassal, versant un tribut aux Mongols[54],[52]. Il assure également son emprise sur le Tibet en établissant en 1264 àKhanbalik une Commission de contrôle nommée en chinois总制院 / 總制院, zǒngzhìyuàn puis宣政院, xuānzhèngyuàn, chargée des affaires bouddhiques de l’empire et du contrôle administratif et militaire du Tibet. Il nommeDrogön Chögyal Phagpa à la tête de cette commission, ce qui permet à ce dernier, et à l’écoleSakyapa dont il est le chef, de devenir le pouvoir politique prééminent auTibet. Selon les Mongols actuels, Phagpa fut le premier à « inaugurer la théologie politique de la relation entre l'État et la religion dans le monde bouddhiste tibéto-mongol »[55],[56].
Mais Kubilai est aussi menacé par des troubles internes. Li Tan, le gendre d'un puissant fonctionnaire, déclenche une révolte contre le régime mongol en 1262. Après avoir réussi à réprimer ladite révolte, Kubilai réduit l'influence des conseillersHan au sein de sa cour[57], car il craint que sa dépendance à l'égard des autorités chinoises ne le rende vulnérable à de futures révoltes et défections au profit des Song[58].
Après 1262, le gouvernement de Kubilai est un compromis entre la préservation des intérêts mongols en Chine et la satisfaction des exigences de ses sujets chinois[59]. Il institue les réformes proposées par ses conseillers chinois en centralisant la bureaucratie, étendant la circulation des billets de banque et en maintenant lesmonopoles traditionnels du sel et du fer[60]. Il recrée le Secrétariat impérial et conserve telle quelle la structure administrative locale héritée des anciennes dynasties chinoises[61]. Cependant, Kubilai rejette les propositions visant à relancer lesexamens impériaux confucéens et divise la société yuan en trois, puis quatre classes, les Han occupant le rang inférieur. Finalement, les conseillers chinois de Kubilai détiennent toujours un pouvoir important au sein du gouvernement, mais leur rang officiel est plus que flou[60].
Dès 1264, Kubilai prépare le déménagement de la capitale mongole deKarakorum en Mongolie àKhanbalik[62], en faisant construire une nouvelle ville près de Zhongdu, l'ancienne capitale des Jurchen, (actuellementPékin) à partir de 1266[63]. Il fait entreprendre de grands travaux dans sa nouvelle capitale particulièrement dans la zone du palais, où sont créés des jardins avec lacs artificiels et ponts. Comme il l'avait déjà fait à Kaiping, il confie l'organisation et la supervision des travaux à Liu Binzhong. Quand la capitale est transférée à Khanbalik, Kaipingfu devintShangdu (« ancienne capitale » ou « capitale du Nord », plus connue sous la dénomination de Xanadu), qui lui sert un temps de résidence d'été.
En 1271, Kubilai revendique formellement leMandat du Ciel et déclare que 1272 est la première année du Grand Yuan (chinois :大元) dans le plus pur style des anciennes dynasties chinoise[64]. Le nom de la dynastie provient duYi Jing et décrit l'"origine de l'univers" ou une "force primaire"[65]. Kubilai proclame Khanbalik "Daidu" (chinois :大都 ; pinyin :Dàdū ; litt. « Grande Capitale ») de la dynastie[66]. Le nom d’ère est changé en Zhiyuan pour annoncer une nouvelle ère de l'histoire chinoise[67]. L'adoption d'un nom dynastique légitime le régime mongol en l'intégrant dans la succession de dynasties qui marque la politique traditionnelle chinoise[68]. Khubilai travaille son image publique d'empereur sage en suivant les rituels de la bienséance confucéenne et de la vénération des ancêtres[69], tout en conservant ses racines de maître des peuples des steppes[68].
Divisions administrative de la Dynastie Yuan en 1294
Kubilai Khan favorise la croissance commerciale, scientifique et culturelle. Il soutient les marchands du réseau commercial de laRoute de la soie en protégeant le système postal mongol, en construisant des infrastructures, en accordant des prêts pour financer les caravanes commerciales et en encourageant la circulation des billets de banque (chinois traditionnel :鈔 ; pinyin :Chāo). Au début de la dynastie Yuan, les Mongols continent à émettre des pièces de monnaie, mais pendant le règne deKülüg Khan les pièces de monnaie sont complètement remplacées par du papier-monnaie. Ce n'est que pendant le règne deTogoontomor que le gouvernement de la dynastie Yuan tente de remettre en circulation des pièces de cuivre[70],[71],[72]. LaPax Mongolica, la "paix mongole", permet la diffusion des technologies, des marchandises et de la culture entre la Chine et l'Occident[73]. Kubilai fait agrandir leGrand Canal du sud de la Chine, jusqu'à Daidu/Kanbalik au nord. La domination mongole a un visage cosmopolite sous Kubilai Khan[74], qui accueille à sa cour des visiteurs étrangers, comme lesVénitiens dont le fils rédigera ensuiteLe Livre de Marco Polo, récit européen le plus connu et le plus détaillé sur la Chine des Yuan[75]. CeLivre de Marco Polo inspirera plus tard d'autres voyageurs, dontChristophe Colomb, pour trouver un passage vers l'Extrême-Orient à la recherche de ses richesses légendaires[76].
Après avoir renforcé son gouvernement dans le nord de la Chine, Kubilai poursuit une politique expansionniste conforme à la tradition des impérialismes mongol et chinois. Dans le Sud, il lance une nouvelle offensive massive contre la dynastie Song[77]. Poursuivant la politique d'assimilation militaire commencée dès l'époque de Gengis Khan, la dynastie Yuan crée une "Armée Han" (chinois traditionnel :漢軍) à partir des troupes de la défunte dynastie Jin et une "Armée nouvellement soumise" (chinois traditionnel :新附軍), à partir des troupes des Song qui font défection[78]. Kubilai assiège Xiangyang entre 1268 et 1273[79], une ville fortifiée qui est le dernier obstacle l’empêchant de s'emparer du riche bassin du fleuveYangzi[62]. En parallèle, il lance en 1274 uneexpédition navale infructueuse contre le Japon[80]. Si le Japon reste hors de sa portée, il avance en Chine du sud. En1276, Kubilaï attaque et prend Lin'an (Hangzhou)[81], qui est à la fois la capitale des Song et la ville la plus riche de la Chine[82]. S'il réussit à capturer l'impératrice et le prince héritier, la cour parvient à s'enfuir vers le sud et intronise un jeune enfant, le frère de l'empereur déchu, qui devient l'empereurSong Bing. Les loyalistes Song sont vaincus définitivement par les Mongols lors de labataille de Yamen en 1279. Le dernier empereur Song meurt noyé à la fin des combats, mettant fin à la dynastie Song[83]. La conquête des territoires des Song permet la réunification totale du nord et du sud de la Chine pour la première fois en trois cents ans[84]. Parallèlement à ses guerres d'expansion, à partir de 1268 Kubilai doit gérerune guerre ouverte avec son ancien allié Qaïdu, qui cherche à s'emparer duKhanat de Djaghataï.
Le gouvernement de Kubilai fait face à des difficultés financières après 1279, les guerres et les projets de construction ayant vidé le trésor mongol[85]. De plus, la corruption et les scandales politiques entravent les efforts de collecte et de recouvrement des recettes fiscales[86]. Des expéditions militaires mal gérées font suite aux problèmes financiers[85]. Ladeuxième invasion du Japon par Kubilai en 1281 échoue à cause d'untyphon imprévu[80] et les expéditions que le Kaghan organise contre leĐại Việt, le Champa etJava, échouent toutes les unes après les autres[87]. Toutefois, il remporte une victoire à la Pyrrhus contre laBirmanie[88]. Ces expéditions sont entravées par la maladie, un climat inhospitalier et un terrain tropical inadapté à la guerre de cavalerie des Mongols[87],[80]. La dynastie Trần qui règne sur le Đại Việt vainc les Mongols à labataille du Bạch Đằng. Ceci étant, même s'ils ne sont pas vaincus, le Đại Việt, la Birmanie et le Champa reconnaissent l'hégémonie mongole et établissent des relations tributaires avec la dynastie Yuan[89].
Dans le même temps, des conflits internes menacent Kubilai au sein de son empire et il est obligé de réprimer des rébellions contestant son pouvoir au Tibet et dans le nord-est[90]. Sa femme préférée meurt en 1281 et son héritier en 1285. Kubilai se décourage et néglige ses fonctions d'empereur. Il tombe malade en 1293 et décède le[91], ses descendants reprenant le titre dekhagan de la Dynastie Yuan.
Après la conquête duroyaume de Dali en 1253, les membres de l'ancienne dynastie régnante, les Duan, reçoivent le titre deMaharajah[92]. Les chefs locaux sont nommésTusi, ce qui fait d'eux des officiels impériaux chargés d'appliquer les décisions du gouvernement. Ce système mis en place par les Yuan sera repris au cours des siècles par les dynasties Ming et Qing, principalement dans la province du Yunnan, avant d'être aboli auXXe siècle. La succession au trône de la dynastie Yuan va rapidement s'avérer être un problème insoluble, provoquant au fil des années et des règnes beaucoup de conflits et de luttes internes. Cela commence la fin du règne de Kubilai. Ce dernier avait nommé son fils aîné, Zhenjin,prince héritier, mais le fils meurt avant le père, en 1285[93]. Faute de successeur désigné, c'est le troisième fils de Zhenjin qui monte sur le trône, avec le soutien de sa mère Kökejin et du ministre Bayan, et règne sous le nom deTemür Khan, ou empereur Chengzong, de 1294 à 1307. Temür Khan décide de conserver et de poursuivre une grande partie de ce que son grand-père a mis en place. Il fait également la paix avec le successeur de Qaïdu, mettant ainsi fin à la guerre qui durait depuis 1268, tous les khanats mongols occidentaux ainsi qu'avec les pays voisins comme le Vietnam[94], qui reconnaissent nominalement sa suzeraineté et versent un tribut aux Yuan pendant quelques décennies. Cependant, la corruption qui avait commencé à se répandre à la fin du règne de Kubilai commence à prendre de l'ampleur pendant le règne de Temür Khan.
Külüg Khan (Empereur Wuzong) monte sur le trône après la mort de Temür Khan. Contrairement à son prédécesseur, il ne poursuit pas les politiques de Kubilai, rejetant largement ses objectifs. Plus important encore, il introduit une politique axée sur les réformes monétaires. Durant son court règne (1307-11), le gouvernement sombre dans des difficultés financières, en partie à cause des mauvaises décisions prises par Külüg. Au moment de sa mort, la Chine est lourdement endettée et la Cour Yuan doit faire face à un mécontentement populaire[95].
Buyantu Khan (Ayurbarwada), le quatrième empereur Yuan, est un empereur compétent. Il est le premier empereur Yuan depuis Kubilai à soutenir activement et adopter la culture chinoise dominante, ce qui provoque le mécontentement d'une partie de l'élite mongole[96]. Il a comme mentorLi Meng(zh) (李孟), un universitaire confucéen. Il procède à de nombreuses réformes, dont la liquidation du Département des affaires d'État (尚書省), qui aboutit à l'exécution de cinq des plus hauts fonctionnaires de l'administration[96]. À partir de 1313, les examens impériaux traditionnels sont réintroduits pour les futurs fonctionnaires, testant leurs connaissances sur des œuvres historiques importantes. De plus, il codifie une grande partie du droit et fait publier ou traduire un certain nombre de livres et d'ouvrages Chinois.
Jusqu'au règne de Yesün Temür, la Chine avait été relativement épargnée par les rébellions populaires et ce depuis la fin du règne de Kubilai. Cependant, la dynastie Yuan commence alors à perdre le contrôle des régions habitées par des minorités ethniques. L'apparition de ces révoltes et la répression qui s'ensuit aggravent les difficultés financières du gouvernement Yuan, qui doit adopter des mesures pour augmenter les recettes, comme la vente de certains postes officiels, et réduire ses dépenses pour certains postes budgétaires[97].
LaPagode du temple Bailin (Xian de Zhao,Hebei), construite en 1330, pendant la dynastie Yuan.
Lorsque Yesün Temür meurt à Shangdu en 1328,Tugh Temür est rappelé à Khanbalik par le commandant Qipchaq, El Temür. Il monte sur le trône sous le nom deTövtömör Khan (empereur Wenzong) à Khanbalik, tandis que le fils de Yesün Temür,Ragibagh Khan, monte lui aussi sur le trône à Shangdu avec le soutien de Dawlat Shah, le serviteur préféré de Yesün Temür. Obtenant le soutien de princes et d'officiers du nord de la Chine et d'autres régions de l'empire Yuan, Tugh Temür, basé à Khanbalik, déclenche et remporte une guerre civile contre Ragibagh, connue sous le nom deGuerre des deux capitales. Par la suite, Tugh Temür abdique en faveur de son frère Kusala, soutenu par Eljigidey, le Khan duKhanat de Djaghataï, et annoncé son intention de l'accueillir à Khanbalik. Cependant, Kusala meurt subitement quatre jours seulement après un banquet avec Tugh Temür, peut-être après avoir été empoisonné par El Temür. Ce qui est sûr, c'est que finalement Tugh Temür remonte sur le trône et envoie des délégués dans les Khanats mongols occidentaux (laHorde d'or, le Khanat de Djaghataï et l'Ilkhanat) pour être accepté comme suzerain du monde mongol[98]. Cependant, ces messages ne peuvent pas masquer le fait qu'il est surtout une marionnette du puissant El Temür pendant ses trois dernières années de règne. Ce dernier purge les fonctionnaires pro-Kusala et donne le pouvoir aux seigneurs de guerre, dont le règne despotique marque clairement le déclin de la dynastie.
Comme la bureaucratie est dominée par El Temür, Tugh Temür est surtout connu pour sa contribution culturelle à l'héritage des Yuan. Il adopte de nombreuses mesures pour honorer leconfucianisme et promouvoir lesvaleurs culturelles chinoises. Son effort le plus concret de patronage de l'enseignement chinois est la fondation de l'Académie du Pavillon de l'Étoile de la littérature (chinois traditionnel :奎章閣學士院), fondée au printemps 1329 et destinée à entreprendre "un certain nombre de tâches relatives à la transmission de la haute culture confucéenne à l'établissement impérial mongol". L'académie est responsable de la compilation et de la publication d'un certain nombre de livres, mais sa réalisation la plus importante est la compilation d'un vastecompendium institutionnel nomméJingshi Dadian (chinois traditionnel :《經世大典》). Tugh Temür soutient leNéoconfucianisme deZhu Xi et se consacre également aubouddhisme.
Après la mort de Tugh Temür en 1332 et la mort subséquente deRinchinbal (empereur Ningzong) la même année,Togoontomor (empereur Huizong), alors âgé de 13 ans, est rappelé duGuangxi et monte sur le trône. Il est le neuvième et dernier successeur de Kubilai Khan sur le trône de Chine. Après la mort d'El Temür, Bayan devient un fonctionnaire aussi puissant qu'El Temür l'avait été au début de son long règne. En grandissant, Togoontomor fini par désapprouver le régime autocratique du Bayan. En 1340, il s'allie avec Toqto'a, un neveu de Bayan en désaccord avec son oncle, et bannit le trop puissant fonctionnaire après un coup d'État. Avec la destitution de Bayan, les Toqto'a prennent le pouvoir au sein de la Cour. Sa première administration fait clairement souffler un vent de nouveauté au sein de la Cour Yuan et donne les premiers signes d'une orientation nouvelle et positive au sein du gouvernement central. L'un de ses projets réussis est d'achever leshistoires officielles des dynastiesLiao,Jin etSong, qui sont achevées en 1345. Pourtant, Toqto'a démissionne de son poste, avec l'approbation de Togoontomor, marquant ainsi la fin de sa première administration. Il n'est pas rappelé au gouvernement avant 1349.
Plaque de ceinture en jade de la dynastie Yuan avec des motifs sculptés en forme dedragon.
Les dernières années de la dynastie Yuan sont marquées par les conflits, la famine et l'amertume de la population mais aussi par les ravages de laPeste noire. Avec le temps, les successeurs de Kubilai Khan ont perdu toute influence sur les autres terres mongoles d'Asie, tandis que les Mongols vivant en dehors de l'Empire du Milieu les considèrent comme étant trop chinois. Peu à peu, ils perdent également de l'influence en Chine. Les règnes des derniers empereurs Yuan sont courts et marqués par des intrigues et des rivalités. Ne s'intéressant pas à l'administration, ils se coupent à la fois de l'armée et de la population, tandis que la Chine est déchirée par les dissensions et les troubles. Les hors-la-loi ravagent le pays sans avoir à craindre l'intervention des armées Yuan, qui s'affaiblissent.
À partir de la fin des années 1340, les populations rurales souffrent de fréquentes catastrophes naturelles telles que les sécheresses, les inondations et les famines qui en résultent. L'absence de politique efficace de la part du gouvernement pour pallier ces catastrophes entraîne une perte du soutien populaire. En 1351, c'est le début de la rébellion desTurbans rouges, dont une des branches provenait de laSecte du lotus blanc, qui se transforme en soulèvement national. La tradition chinoise prétend que le signal de l'insurrection anti-mongole fut donné le soir de laFête de la mi-automne par des messages dissimulés dans lesgâteaux de lune, consommés par les seulsHans. En 1354, lorsque Toghtogha prend le commandement d'une grande armée pour écraser les Turbans Rouges, Togoontomor le congédie soudainement par peur d'être trahi. Il en résulte, d'une part, le rétablissement du pouvoir de Togoontomor et, d'autre part, un affaiblissement rapide de l'administration centrale. Il n'a pas d'autre choix que de s'en remettre au pouvoir militaire des seigneurs de guerre locaux et perd progressivement tout intérêt pour la politique. Il finit par cesser d'intervenir dans les luttes politiques. Le coup de grâce est donné parZhu Yuanzhang, le fondateur de la dynastieMing, qui a étudié les techniques militaires mongoles et prend la tête du mouvement des Turbans Rouges. Alors que les rebelles approchent de Khanbalik,Togoontomor s'enfuit à Shangdu en1368. Il tente de reprendre Khanbalik, en vain. Il meurt àYingchang (cette ville se situait dans l'actuelleMongolie intérieure) deux ans plus tard, en 1370. Les armées chinoises commencent à attaquer la Mongolie en1380 et la capitale,Karakorum, tombe en1388.
Le prince de Liang, Basalawarmi, établit une principauté dans le Yunnan et le Guizhou, réduite par les armes en 1381. En 1387, les forces Yuan, commandées par Naghachu se maintenant en Mandchourie, se rendent à leur tour à la dynastie Ming. Ce qu'il reste des Yuan ne règne plus que sur la Mongolie et, même si nom de Grand Yuan (大元) est officiellement conservé, à partir de cette date, ils sont connus sous le nom dedynastie Yuan du Nord[8].
Certains descendants de la famille royale Yuan vivent encore dans la province duHenan[99].
Plat à bordue à huit feuilles. Porcelaine à fond peint vernissé et décor appliqué bleu, melons, bambous et raisins, Jingdezhen, Yuan tardif, Shanghai MuseumPorte du Collège impérial (Guozijian) à Pékin. Le Guozijian date de la Dynastie Yuan.
Les souverains mongols ne réussirent jamais à trouver leurs marques, partagés depuis Kubilaï entre le désir d'affirmer leur supériorité de caste dirigeante et celui d'être de vrais empereurs de Chine maîtrisant le fonctionnement du pays. Kubilaï mit en place un système qui consistait à utiliser les réseaux déjà existants (administration, structures religieuses, etc.) tout en gardant au maximum le contrôle grâce à une concentration accrue des pouvoirs dans des services administratifs centralisés ou entre les mains de personnes de confiance, et en imposant des restrictions à la participation des Han à l'administration.
La population était en effet divisée en quatre castes ethniques bien distinctes. LesMongols constituaient la première, et les autres peuples dits « aux yeux colorés », d'Asie centrale ou même d'Europe, la seconde. Les Chinois (Han),Jurchens etMandchous de l'ancien territoire Jin, dits « du Nord », faisaient partie de la troisième caste, les Chinois et ethnies habitant l'ancien territoire des Song du Sud constituaient la dernière caste.
Tous les postes importants étaient réservés aux Mongols. Les mariages entre les Mongols et les autres castes étaient interdits, ce qui entretint la séparation ethnique et conserva sa nature étrangère à la famille et à la noblesse impériales. Sur la partie du territoire en majorité Han, les Yuan choisirent dans la mesure du possible des non-Han comme employés de l'administration, dont des étrangers, européens parfois. Les fonctionnaires Han étaient souvent envoyés en poste aux confins de l'empire.
Ce régime fut par la suite partiellement assoupli, par exemple par Renzong qui réinstaura en1313 les examens d'accès à la fonction publique, entamant l'exclusivité mongole sur certaines fonctions.
Jamais réellement chinois, les empereurs Yuan eurent néanmoins des tuteurs et conseillers chinois qui les influencèrent. Chengzong (成宗) et Renzong (仁宗)en particulier, avaient à cœur de développer leur nouveau domaine. Ce dernier, éduqué par Li Meng (李孟) unnéo-confucianiste, était aussi influencé par lestaoïstes qui avaient réussi à le persuader que, né le jour anniversaire du dieuZhenwu, il en était l'incarnation. Il fit faire de grand travaux sur le montWudang en son honneur. Mais de manière générale, les empereurs Yuan furent jugés trop sinisés par les nobles mongols et encore trop mongols par les Chinois.
Une grande tolérance était observée de la part des Mongols vis-a-vis des religions autochtones.
Pendant la dynastie Yuan de nombreuses influences enrichirent la culture et les connaissances.
des connaissances scientifiques et techniques étrangères pénétrèrent en Chine. La cartographie et la géographie progressèrent. Les mathématiciens Zhu Shijie etGuo Shoujing poursuivirent les efforts entamés sous les Song. Ce dernier est également le concepteur du premier système d'irrigation de pâturages tenté dans la région de Shangdu (Kaiping). L'astronomie progressa avec la création d'uneclepsydre très perfectionnée et d'observatoires àDadu et sur le montSong. Jamal al-Din, astronome d'originepersane, conçut le calendrier de la dynastie. De nouveaux instruments scientifiques furent inventés, dont lasphère armillaire ;
lethéâtre connut un grand essor. Les empereurs entretenaient des troupes au palais, et c'est à cette époque que fut introduit l'accompagnement instrumental. Parmi les pièces marquantes de la période : l'Histoire du pavillon d'Occident (Xixiang ji) deWang Shifu. La littérature en langue vernaculaire, le roman et la littérature de voyage se développèrent ;
c'est aussi à cette période que les premiers explorateurs européens arrivèrent en Chine. Parmi euxMarco Polo, qui restera de 1275 à 1291 en Chine et dont l'ouvrage, leLivre des merveilles du monde, est à l'origine de la fascination que laChine exerce sur lesEuropéens. C'est sous les Yuan que pourront voyager la poudre explosive, l'imprimerie, les techniques d'ingénierie et les pratiques médicales ;
également visite de l'explorateur musulmanIbn Battûta ;
le bouddhismeChan, représenté parZhongfeng Mingben (中峰明本, 1263–1323) originaire deHangzhou, eut un moment les faveurs du Khan, mais le bouddhisme tibétain finit par l'emporter lorsque Kubilaï accorda en1269 le contrôle de l'ensemble des bouddhistes au chef de la lignéeSakyapa nommé ;
les mélanges de population aux confins occidentaux de l'empire s'accompagnèrent d'une expansion de l'Islam. Des communautés musulmanes et ouïgoures commencent à se constituer auXinjiang, auGansu et auYunnan ;
les régions de politique chinoise desHans, centrées sur la préfecture deJinhua (金华府/金華府) auront par contre une certaine continuité Des Song aux Mings[100]
La réponse faite par Möngke Khan àGuillaume de Rubrouck venu le convertir exprime clairement la politique de liberté religieuse des Mongols. Tout en ayant adopté lebouddhisme tibétain, les empereurs et la noblesse conservèrent beaucoup de leurs traditions, comme les cérémonies au dieu du CielTenggeri accompagnées de libations d'alcool à base delait de jument (kumiz) avant les batailles. Kubilaï entretenait desshamans à la cour. Les empereurs déléguèrent le contrôle de l'ensemble dutaoïsme à deux écoles,Quanzhen Dao au nord duChang Jiang etZhengyi Dao au sud, entraînant le regroupement de nombreux mouvements sous leur bannière. De nos jours encore, ces deux dénominations recouvrent la majorité des écoles taoïstes.
Bien que le système des examens ait été aboli et les lettrés supplantés par la noblesse mongole ou des étrangers, les empereurs Yuan manifestèrent du respect pour le temple deConfucius qu'ils firent rénover. Lorsque le régime des examens fut restauré en 1315, ils imposèrent la version standardisée deZhu Xi, plus simple, confirmant la position dominante dunéo-confucianisme dans l'ensembleconfucéen. Cette disposition sera reprise par lesMing.
Peu avant la fondation de la dynastie, alertés par les incursions mongoles en Europe,Saint Louis et le Pape avaient envoyé des ambassadeursfranciscains au Khan,Guillaume de Rubrouck etJean de Plan Carpin, pour sonder ses intentions et tenter (en vain) de le convertir.
Billet de banque de 1287 et sa matrice, comportantécriture phagspa ethanzi.édit de la dynastie Yuan comprenant de l'écriture phagspa et des sceaux en chinoisstyle grand sceau
Kubilaï avait l'ambition de créer une nouvelleécriture pour unifier l'écrituremultilingue de l'Empire mongol. Il confia cette tâche àDrogön Chögyal Phagpa (1235 - 1280), un lama tibétain de l'écolesakyapa dubouddhisme tibétain, qu'il avait connu durant sa jeunesse, puisque c'est ce moine tibétain qui lui a appris les enseignements bouddhistes et qui l'a aidé dans sa conversion à cette religion[101]. En réponse, Chögyal Phagpa a modifié l'écrituretibétaine traditionnelle et a créé une nouvelle série de caractères appelée l'écriture Phagspa qui a été finalisée en1268. Kubilai Khan décida d'utiliser l'écriture Phagspa comme écriture officielle de l'empire, y compris lorsqu'il est devenuempereur de Chine en1271, à la place des idéogrammes chinois qui étaient vus comme trop difficile par la population mongole[55]. L'écriture Phagspa fut utilisée pendant 110 ans et l'on pense qu'elle a influencé le développement de l'écriturecoréenne moderne. L'écriture Phagspa est tombée en désuétude après l'effondrement de la dynastie Yuan en1368[55],[56]. De nombreux édits et règlements tentèrent de populariser l'écriture Phagspa. On la trouve sur des documents officiels de l'époque : bons monétaires, passeports, sceaux officiels (ils continuerons d'être utilisés par les moines jusqu'auXXe siècle) et certainesporcelaines, ce qui peut permettre d'aider à dater ces objets. Cette écriture est toujours utilisée, avec lemongol bitchig (également appeléealphabet ouïghour) et lemongol cyrillique sur les billets deMongolie.
La suprématie des Mongols sur une immense partie du continent eurasiatique, la sécurité apportée sur les routes commerciales, tout ceci favorisa l'établissement de contacts entre la culture chinoise et des cultures très éloignées. Ainsi lecobalt « mahométan » (selon les textes)[103], peut être importé massivement, à la fin de la dynastie Yuan, vers le site deJingdezhen, et appliqué à la fabrication des porcelaines en introduisant dans le même temps des motifs floraux et ornementaux inspirés de décors perses[104] et peints rapidement afin de destiner ces produits à l'exportation (comme nous pouvons le constater dans les motifs qui ornent le plat reproduit dansArt chinois : Dynastie Yuan). Cette pratique artistique qui effectue, dans l'univers mongol, la synthèse de plusieurs cultures établira Jingdezhen comme le centre mondial de production de la porcelaine pour les siècles suivants : duXVe auXVIIIe.
Du côté des lettrés, exclus des rouages de l'administration centrale, le retrait obligé ou choisi loin de la cour et loin des grandes villes les amena vers des formes nouvelles d'expression et de nouveaux sujets. Ceux que l'on appelle aujourd'hui les quatre maîtres de la dynastie Yuan :Huang Gongwang,Wu Zhen,Ni Zan etWang Meng furent les animateurs de la résistance au souverain Yuan. Dans ces conditions, la disparition de l'académie, qui imposait les règles depuis la cour des Song, leur offrit l'occasion de la liberté et de « l’individualisme ». Dans le choix des sujets, des sujets évoquant l'inflexibilité, le renouveau, la pureté et le retrait donnèrent tous leurs sens cachés aux peintures des « quatre nobles » : bambou, fleurs de prunier, orchidée et chrysanthème, ou aux pins et au lotus. Les relations, au sein d'une composition entre ses constituants se chargea encore plus de signification : relation entre des arbres perçus comme s'ils incarnaient des gentilshommes (lettrés)[105], relation entre bambou et rocher (l'un plie, l'autre résiste), entre espace vide et sujets soumis aux aléas des éléments, relation entre l'échelle minuscule d'un lettré retiré dans une humble chaumière ou un simple abri et la nature immense, montagne ou bord de mer. Un semblable esprit contestataire se manifesta dans les poèmes accompagnant les peintures « fleurs et oiseaux » ou « herbes et insectes » deQian Xuan (voir ci-dessous : Galerie de peintures)[106].
Chaos primordial ouL'Origine primordiale (Hundun tu),Zhu Derun, 1349, rouleau portatif horizontal, encre sur papier, 31 × 205 cm.Musée de Shanghai.
Séjour dans les monts Qingbian ouHabitation isolée dans les monts QingbianWang Meng (1308 1385), Rouleau vertical, 1366, encre sur papier, 141 × 42,4 cm.Musée de Shanghai.
Ge Zichuan change de lieu de séjour,Wang Meng, rouleau vertical mural, vers 1360, encre et couleurs sur papier 139 × 58 cm.Musée du palais, Beijing.
La chasse de Khubilai, attribué à Liu Guandao, ca. 1280, rouleau vertical, 182.9 х 104.1 cm. National Palace Museum, Taipei.
En automne au bord de l'étang, attribué à Qian Xuan (1235- après 1301), rouleau horizontal, encre et couleurs sur papier 26,7 × 120,7 cm, Detroit Institute of Arts
↑a etbCivil Society in China: The Legal Framework from Ancient Times to the 'New Reform Era',p. 39, note 69.
↑La forme enlangue mongole moderne qui est couramment utilisée par les universitaires mongols et chinois actuels est :ᠶᠡᠬᠡ ᠶᠤᠸᠠᠨ ᠦᠯᠦᠰ,Yehe Yuan Ulus ouIkh Yuan Üls/Yekhe Yuan Ulus;Их Юань улс enMongol cyrillique.
↑The Early Mongols: Language, Culture and History par Volker Rybatzki & Igor de Rachewiltz,p. 116.
↑Asian Nationalism, par Michael Leifer, Professor of International Relations Michael Leifer,p. 23.
↑A Military History of Japan: From the Age of the Samurai to the 21st Century: From the Age of the Samurai to the 21st Century, John T. Kuehn Ph.D.,p. 61.
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National Palace Museum : collections nationales d'art chinois : Peinture de Ni Zan (1301-1374)[2], Rouleau vertical, encre sur papier, 74,7 × 35,5 cm.