Roi d'Anuradhapura | |
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Naissance | |
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Décès | |
Nom de naissance | Dutugemunu Gamini Abhaya |
Famille | |
Père | Kavan Tissa de Ruhuna(en) ![]() |
Mère | Viharamahadevi(en) ![]() |
Fratrie | |
Conjoint | Ranmanika |
Dutugemunu (singhalais :දුටුගැමුණුduṭugämuṇu),Dutthagamani,duṭṭhagāmaṇī ouGamani Abhaya (singhalais :ගාමිණී අභයgāmaṇī abhaya, « Gamini sans peur »), est un roi cinghalais duSri Lanka[1] qui a régné de 161 à 137 avant notre ère. Il est célèbre pour avoir renverséElara, l'usurpateurtamoul duroyaume Chola qui avait envahi celui deRajarata en 205av. J.-C. Dutugemunu a aussi agrandi et embelli la ville d'Anurâdhapura et étendu la puissance de Rajarata sur l'ensemble de l'île de Sri Lanka.
Du fait de son importance comme symbole national, l'histoire de Dutugemunu est entourée de mythes et de légendes[2]. De nombreux aspects de ces récits ont cependant été confirmés par des inscriptions d'époque et leur base est généralement considérée comme exacte[3].
Le nom de naissance de Dutugemunu était Gamini, ou Gamani, un nom bouddhiste traditionnel encore populaire aujourd'hui au Sri Lanka. LeMahavamsa décrit comment il s'est moqué dans sa jeunesse de son pèreKavantissa (en), roi deRuhuna, pour avoir refusé d'entrer en guerre contre l'usurpateurElara, roiChola d'Anurâdhapura après en avoir tué les rois légitimes. Le prince déclara que« si (son) père avait été un homme, il n'aurait pas parlé ainsi » et lui envoya un bijou féminin. La fureur du roi obligea beaucoup de ses amis à fuir dans la région de Malaya et valut au prince le surnomDutthagamani, désobéissant. Après sa mort, il reçut celui deDharma Gamini (« Gamini le Juste »), mais c'est sous celui de Duttha Gamini ou Dutugemunu qu'il est passé à la postérité.
LeMahavamsa constitue la principale source sur le règne de Dutugemunu, auquel il consacre six de ses 35 chapitres. Dans le chapitre 22, il explique comment il descend de l'ancienne famille royale deRajarata par le frère du roiDevanampiya Tissa,Mahanaga (en). À l'époque de sa naissance, le père de Dutugemunu,Kavantissa (en), régnait surRuhuna (en), un petit royaume du sud-est du Sri Lanka indépendant de celui de Rajarata, situé plus au nord. La frontière entre les deux entités était la Mahaganga, ou « grande rivière », peut-être l'actuelle Menik Ganga. Kavantissa est décrit comme un bouddhiste dévot, toujours prêt à fournir auSangha ce dont il avait besoin[4].
La mère de Dutugemunu étaitViharamahadevi (en), fille de Tissa, roi de Kalyani. Selon la légende, Kalanyi avait été victime d'une série de raz-de-marée, en punition du meurtre d'unmoine par le roi. Pour apaiser les flots, Tissa aurait envoyé sa fille sur un bateau doré avec les mots« Une fille de roi ». La princesse aurait miraculeusement touché terre à Ruhuna, où elle épousa Kavantissa.
Alors qu'elle était enceinte de Dutugemunu, Viharamahadevi eut une série de désirs particuliers, notamment celui de dormir absolument sur un oreiller rempli de rayons d'abeilles. Son désir de boire l'eau de rinçage d'une épée utilisée pour décapiter un guerrier d'Elara, assise sur sa tête, suscita l'intérêt des devins de la cour, qui prédirent que« le fils de la reine, quand il aura vaincu les Damilas (envahisseurstamouls) et unifié le royaume, fera briller plus que jamais la doctrine »[4]. Viharamahadevi mit au monde à Thissamaharama (dans l'actueldistrict d'Hambantota) un fils qui fut nommé Gamani Abhaya, puis quelque temps plus tard à un second, nomméTissa.
Au moment de la naissance de Gamani, un éléphant à six défenses abandonna son petit dans les environs[4]. Cet éléphanteau fut nommé Kandula et devint la monture de Gamani, qu'il accompagna dans la plupart de ses aventures.
À seize ans, Gamani était« vigoureux, populaire, intelligent et un héros pour la majesté et la force », bien qu'un peu capricieux. Déterminé à expulser l'usurpateur deRajarata, Gamani leva une armée autour deRuhana (en) et annonça à son père son intention de reprendre le nord de l'île. Celui-ci le lui interdit en lui disant« ce côté-ci de la rivière est suffisant »[5] ; la suite de la conversation entre les deux hommes valut à Gamani le surnom deDuttha Gamani, tandis que ses amis fuyaient le pays et que lui-même était mis en prison.
Kavantissa est considéré comme un brillant stratège, qui avait reconnu qu'il devait renforcer son royaume avant d'entrer en guerre contre les envahisseurs. Il rassembla des armées et rendit son royaume prospère« en riz et enfeuilles de bétel », ce qui signifie qu'il disposait d'importants surplus agricoles. Les légendaires dix« grands géants » s'engagèrent dans l'armée à cette époque. Kavantissa fit jurer à de nombreuses reprises à Dutugemunu et àTissa qu'ils ne se combattraient pas entre eux et qu'ils respecteraient et tiendraient toujours compte des avis des prêtres. Il fit également jurer aux dix géants qu'ils ne participeraient jamais à une guerre entre les deux frères.
À la mort de Kavantissa, Dutugemunu eut néanmoins à se défendre contre Tissa, qui s'était emparé non seulement de son éléphant Kandula, mais aussi de la reine douairièreViharamahadevi (en), leur mère[6]. La guerre commença mal pour lui, par une défaite à Culanganiyapitthi, où« plusieurs milliers d'hommes du roi » (Dutugemunu) périrent. Dutugemunu fut obligé de fuir Mahagama, où il leva une nouvelle armée pour affronter Tissa à proximité de la ville. Selon la légende, Tissa aurait combattu son frère sur l'éléphant royal Kandulla, tandis que Dutugemunu était monté sur une jument. Dutugemunu fit bondir sa jument sur l'éléphant, qui reconnut son maître et essaya de tuer Tissa. Celui-ci ne lui échappa qu'en sautant dans un arbre. Vaincu, Tissa quitta le champ de bataille déguisé en cadavre de moine[5],[6]. Dutugemunu découvrit la ruse et se moqua de lui :« Tu n'as pas honte d'être porté sur le dos de ces prêtres ? » Cependant, quelque temps plus tard, les deux frères se réconcilièrent par l'entremise de Viharamahadevi et des moines, Tissa devenant finalement un des principaux généraux de Dutugemunu.
Ayant ainsi assuré sa position, Dutugemunu commença à préparer ses opérations pour libérer le nord du pays, partagé entreRajarata et de nombreux petits états semi-indépendants. Son armée comportait deschars de guerre, de l'infanterie, des cavaliers et deséléphants de guerre, ainsi que des moines (pour le conseiller) et une relique placée dans sa lance[7]. Il était aussi accompagné par lesDix géants (en) recrutés dans toute l'île par son pèreKavantissa (en) - Nandhimitra, Suranimala, Mahasena, Theraputtabhya, Gothabhaya, Bharana, Vasabha, Velusamanna et Phussadeva.
Au cours de cette campagne, Dutugemunu soumit plusieurs souverains tamouls du nord (32 selon leMahavamsa). Un de ses épisodes marquants est lesiège de Vijithapura (en), qui dura quatre mois en 162 ou 161av. J.-C. Les défenseurs tamouls deVijithapura (en) auraient utilisé« des fers chauffés au rouge et de lapoix fondante »[7] pour effrayer les éléphants de Dutugemunu. C'est aussi à cette époque qu'il épousa Ran Etana, la fille d'un commandant local qui continuait à rendre hommage àElara[8]. En deux occasions au moins, la victoire est attribuée à la« ruse » du roi et à la bravoure de Kandulla. La campagne culmina à la porte orientale d'Anurâdhapura, où Dutugemunu, monté sur Kandulla, affronta finalement le vieil usurpateur Elara sur son éléphant Mahäpabbata et le tua d'un trait ; cet épisode est l'un des plus célèbres de l'histoire du Sri Lanka.
La victoire de Dutugemunu àAnurâdhapura le mit dans la situation encore sans précédent de régner sur la presque-totalité de l'île. Celle-ci n'était cependant pas sans risque.Elara, bien qu'étant un usurpateur tamoul de ladynastie Chola, avait la réputation d'avoir été un souverain droit et juste, et Dutugemunu prit soin que la mémoire du vieux roi soit révérée : il s'occupa de sacrémation, fit construire un tombeau pour ses cendres et ordonna que les voyageurs s'y arrêtent pour lui présenter leurs respects. Plus encore« en songeant à sa glorieuse victoire, aussi grande qu'elle fût, (il) n'en éprouva aucune joie, en se rappelant qu'elle avait causé la mort de milliers de ses ennemis et de ses soldats »[7]. Ceci est attesté par le grand nombre de fondations religieuses qui lui sont attribuées par les chroniques (entre 68 et 99), dont de magnifiquesstûpas, monastères et sanctuaires.
Outre ses nombreuses constructions, le règne de Dutugemunu est notable pour sa brouille avec son fils Saliya (ou Salirajakumara). Le prince tomba amoureux d'une certaine Agokamaladevi (ou Asokamala), qui appartenait malheureusement à lacaste des équarrisseurs, une des plus basses de la société srilankaise. Saliya refusa de renoncer à elle et rejeta le trône. Bien que leMahavamsa ne mentionne aucune réconciliation[9], les contes populaires présentent le jeune couple comme revenu plus tard dans les bonnes grâces du roi[8].
Le règne de Dutugemunu est aussi marqué par des contacts avec des marchands venus d'occident, notamment Arabes, Persans et peut-être même Romains[10]
Une fois assuré du pouvoir, Dutugemunu lança une série de constructions gigantesques, dont beaucoup sont encore visibles àAnurâdhapura. Comme presque tout ce qui concerne sa vie, chacune de ces fondations est entourée de sa propre légende, dont beaucoup traduisent les préoccupations et les goûts de l'ancienne société cinghalaise.
La première fondation mentionnée dans leMahavamsa est le Maricavattivihara, l'actuelMirisavetiya (en). Selon la légende, alors qu'il se trouvait sur les berges du réservoir de Tissa (Tissawewa) avec« les femmes du harem » pour une fête de l'eau, Dutugemunu aurait planté sa lance (contenant une relique) dans le sol meuble. Au moment de retourner au palais, il aurait découvert que ni lui ni personne n'était capable de la retirer. Prenant cela pour un signe, il aurait donc fait construire unstûpa par-dessus la lance.
Dutugemunu ordonna aussi la construction du Lohapasada, ou Palais d'airain[11], un bâtiment de neuf niveaux pour les moines, qui doit son nom à son toit couvert de tuiles métalliques. La légende affirme que son plan est issu d'une construction céleste vue par un groupe de moines, qui le dessinèrent sur une étoffe avec de l'arsenic rouge et l'envoyèrent au roi[12].
Plus célèbre encore est leRuwanwelisaya, GrandStûpa ou Swarnamalee Chetiya, destiné à abriter le bol à offrandes duBouddha. La construction commença le jour de la pleine lune deVesak (traditionnellement la date de la naissance, de l'illumination et de la disparition du Bouddha) avec la création d'une fondation de rocs broyés. Pour enfoncer les pierres, on les fit piétiner par des éléphants chaussés de cuir[13]. Dutugemunu aurait surveillé personnellement les travaux, assistant à la construction de la chambre des reliques et à l'enfouissement du bol lui-même. La dédicace du stûpa est décrite dans le vingt-neuvième chapitre duMahavamsa, qui recense les visites des délégations de plusieurs régions de l'Inde, ainsi qu'une délégation de 30 000 moines d'Alexandrie du Caucase, sous la conduite du moineindo-grecMahadharmaraksita (en).
Parmi les autres bâtiment notables, on compte un stûpa àMundeshiwari (en), dans l'actuel état duBihar, dans le nord de l'Inde[14].
Certaines des légendes associées aux constructions du roi reflètent sa relation spirituelle avec le dieuKataragama deviyo (en). Il s'agit notamment de l’Henakaduwa Purana Raja Maha Viharaya deTangalle et duRuhunu Kataragama Maha Devalaya (en).
Au cours de la période de préparation de la guerre contre le roiElara, Kataragama serait apparu devant Dutugemunu et lui aurait donné une épée pour cette guerre. Cet épisode aurait eu lieu àTangalle, à l'emplacement actuel de l'Henakaduwa (Hena etkaduwa, signifient respectivement tonnerre et épée encinghalais).
Après sa victoire sur Elara, Dutugemunu se livra à une méditation sacrificielle à Kiri Vehera Kataragama, et Kataragama deviyo lui apparut une nouvelle fois. Lorsque le roi lui demanda ce qu'il devait faire pour le remercier de l'avoir aidé à gagner la guerre, le dieu tira une flèche en direction deWedahitikanda. Dutugemunu lui construisit un temple à l'endroit où était tombée la flèche.
Dutugemunu mourut avant la fin de la construction duRuwanweliseya (en). LeMahavamsa consacre à sa mort un chapitre entier[15], où l'on voit le roi mourant se faire transporter dans sonpalanquin près du stûpa encore inachevé. Là, il rencontre son vieux compagnon Theraputtbhya, devenu moine. Après avoir parlé avec lui de la mortalité de l'homme, le roi perd conscience et renaît immédiatement dans le royaume céleste deTusita.
Selon un conte populaire, alors qu'il était mourant, on lui annonça l'achèvement duRuwanweliseya (en) pour lui faire un dernier plaisir. Mais l'idée était mauvaise, car il demanda à aller le voir. Pour éviter qu'il ne découvre la vérité, son frèreTissa fit entourer le stûpa d'étoffe blanche afin de créer l'illusion que son enduit et sa peinture étaient terminés. La vue faiblissante de Dutugemunu ne lui permit pas de voir la différence et il mourut persuadé que c'était bien le cas.
Son frère Tissa, plutôt que son fils déshérité Saliya, lui succéda sur le trône.
Premier roi à avoir sans doute unifié l'île entière sous son autorité, Dutugemunu a reçu le titre de« héros duMahavamsa » et constitue une figure majeure de la mythologie cinghalaise. Son règne est considéré comme un des âges d'or dubouddhisme deRajarata. Roi d'Anurâdhapura, il a non seulement expulsé un usurpateur étranger (généralement considéré néanmoins comme un bon roi) mais aussi favorisé le développement des institutions religieuses et la construction d'une bonne partie de l'héritage archéologique du Sri Lanka. Plusieurs de ses construction, comme leRuwanweliseya (en) et leMirisavetiya (en), sont encore considérées aujourd'hui comme sacrées.
Un régiment d'infanterie de l'armée de terre du Sri Lanka (en) porte son nom. Deux navires de la marine srilankaise, le SLNSElara et le SLNSRuhuna ont également des noms en rapport avec son règne.
Le film srilankais de Jayantha ChandrasiriMaharaja Gemunu (en), sorti en janvier 2015, est basé sur une biographie de Dutugemunu[16].
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