Dubul 'ibhunu, est à la fois un chant de guerre sud-africain et un slogan anti-boer, apparus durant la lutte contre lerégime de l'apartheid. Le chant, enzoulou, comprend 4 couplets, et la majorité des paroles est simplement l'expressiondubul' ibhunu, qui peut se traduire en français partue le Boer et /outire sur le Boer. En Afrique du Sud, cette chanson est également connue sous les noms deKill the Boer[1] etShoot the Boer[2] bien qu'elle ait toujours été chantée en zoulou.
Le termeBoer se réfère généralement à la population blanche sud-africaine de langueafrikaans. En afrikaans, le termeboer signifie par ailleurs «paysan». De fait, il n'existe pas de consensus au sein de la société sud-africaine quant à savoir qui est visé par ce chant : les Sud-africains blancs en général, la populationAfrikaner, les fermiers blancs, ou encore les forces de police et l'armée du temps de l'apartheid[3],[4],[5].
De 2011 à 2022, ce chant est considéré comme étant undiscours de haine relevant de l'incitation à la haine raciale ; il était illégal de l'entonner en public ou de le faire figurer comme slogan sur une banderole[6], jusqu'au jugement de la Haute Cour de Johannesbourg en 2022[7].
La chanson trouve son origine dans lalutte contre l'apartheid[3]. Elle a été rendue populaire lors d'un rassemblement politique à la mémoire deChris Hani, en 1993, lorsquePeter Mokaba , alors le président de laligue de jeunesse de l'ANC, l'a entonnée[1],[3].
Elle est restée populaire parmi les militants de l'African National Congress (ANC), qui l'ont chanté y compris après l'apartheid, notamment lors de l'enterrement de Peter Mokaba en 2002[8].
Dans l'Afrique du Sud post-apartheid, la chanson a été chantée lors de rassemblements politiques par le président desCombattants pour la liberté économique,Julius Malema[9], ainsi que l'ancien président sud-africainJacob Zuma, ce qui leur a valu à tous les deux des ennuis judiciaires[10],[11].
En 2010, une manifestation est organisée le 9 avril par l'associationSociety for the Protection of Your Constitution pour dénoncer le très haut taux de criminalité qui sévit alors dans les régions duGauteng et de Mpumalanga. Un de ses membres, Mohamed Vawda, a annoncé vouloir faire figurer le slogandubul' ibhunu sur une banderole et chanter ce refrain lors de cette manifestation[12]. Selon lui, ce slogan serait à prendre au sens figuré et signifierait «tuez l'apartheid» et l'intégrer à cet événement permettrait de rappeler à la jeunesse sud-africaine les conséquences amères de l'apartheid[12]. Un projet et une interprétation du slogan auxquelles s'opposent fortement Willem Harmse, membre de cette même association, qui considère lui que ce slogan est discriminatoire et incite à la haine envers les personnes blanches en Afrique du Sud[12].
L'affaire est portée devant la Haute Cour de Johannesbourg. Dans son verdict, le juge déclare que tant la publication de l'expressiondubul' ibhunu et le chant correspondentprima facie au crime d'incitation au meurtre[1]”. Les parties en conflit acceptent ce verdict, mais l'ANC fait appel[13].
En avril 2011,Julius Malema est traduit en justice devant la Haute Cour du Sud Gauteng à la suite d'une plainte d'AfriForum, une organisation lobbyiste d'extrême-droite, en vertu de l'Equality Act, pour avoir chantédubul’ ibhunu lors de plusieurs meetings politiques de laLigue de jeunesse de l'ANC (African National Congress Youth League, ANCYL)[9],[14]. Julius Malema se défend en expliquant que ce chant est selon lui unemétaphore de l'apartheid et un appel à mettre un terme à l'oppression, non à tuer des individus[14].
Ses arguments ne convainquent cependant pas le tribunal, qui statue en septembre 2011, le tribunal statue que Julius Malema, n'est pas autorisé à la chanter à l'avenir, car saliberté d'expression est encadrée par la législation du pays et les traités internationaux signés par l'Afrique du Sud visant à garantir la dignité humaine[9]. La haute Cour juge que la chanson est discriminatoire, nuisible, portait atteinte à la dignité des Afrikaners et constituait ainsiun discours de haine[9].
Dans un premier temps, leCongrès national africain (ANC) soutient Julius Malema et explique que ce chant fait partie du répertoire des chants utilisés durant la lutte contre l'apartheid pour galvaniser les combattants[15] ; son porte-parole affirme que ce chant ne saurait être assimilé à un discours de haine et être déclaré anticonstitutionnel[16]. Le parti annonce vouloir faire appel de la décision de justice[17].
À l'automne 2012 cependant, le parti change d'avis et s'engage à ne plus chanter cette chanson et à ne plus utiliser ce slogan dans le but de ne pas enflammer les tensions raciales[18].
En 2022, Julius Malema se retrouve devant la Court Haute Cour de Johannesbourg à la suite d'une plainte d'AfriForum pour discours de haine et incitation à la violence après avoir chanté une version parodique intitulé « Kiss the Boer ». La Haute Cour statue que le chant « Kill the Boer » et « Kiss the Boer » ne constituaient pas des discours de haine ni d'incitation à la violence[7]. Le juge conclut que le chant ne devait pas être interprété mot pour mot et que historiquement, il avait également été utilisé contre des policiers noirs abusant les habitants destownships. Le juge a noté qu'il n'était pas lié par l'arrêt de la Haute Cour du Sud Gauteng, car la Cour constitutionnelle avait jugé la section de l'Equality Act utilisée pour interdire le chant comme inconstitutionnelle en raison de l'ambiguïté de la section.
En 2018,Ernst Roets, le leader d'AfriForum, publie un ouvrage intituléKill the Boer[19] où il présente sa thèse selon laquelleles meurtres de fermiers blancs auraient des motivations racistes. Dans ce livre, il explique que la chansonDubul 'ibhunu aurait en outre une influence néfaste qui se traduirait par un accroissement des meurtres racistes à l'encontre des fermiers blancs[1].