Arthur MacArthur Jr (père) Louise Cromwell Brooks (première épouse (1890-1965)) Jean MacArthur (seconde épouse (1898-2000)) Arthur MacArthur IV (fils, né en 1938)
De 1919 à 1922, MacArthur fut le superintendant de l'Académie militaire de West Point où il lança plusieurs réformes. En 1924, il fut déployé aux Philippines où il participa au règlement d'une mutinerie de l'armée philippine. En 1925, il devint le plus jeunemajor-général de l'armée des États-Unis. Il participa au jugement en cour martiale du brigadier-généralBilly Mitchell et fut président duComité olympique américain lors desJeux olympiques d'été de 1928 à Amsterdam. En 1930, il devint le chef d'état-major de l'armée américaine, puis fut impliqué dans l'expulsion des protestataires de laBonus Army à Washington en 1932 et dans l'organisation duCivilian Conservation Corps. Il quitta l'armée américaine en 1937 pour devenir conseiller militaire auprès duCommonwealth des Philippines.
À l'été 1941, MacArthur fut rappelé en service actif en tant que commandant de l'USAFFE. LesPhilippines furent envahies par les Japonais en et les forces américaines durent se replier àBataan, où elles résistèrent jusqu'en. En, MacArthur, sa famille et son état-major quittèrent l'île deCorregidor à bord dePT boats et rallièrent l'Australie où il devint le commandant suprême des forces alliées dans lePacifique sud-ouest. Il reçut laMedal of Honor pour sa défense desPhilippines. Après plus de deux ans de combats dans le Pacifique, il réalisa sa promesse de revenir auxPhilippines. Il accepta formellement la reddition japonaise le et il supervisa l'occupation du Japon de1945 à1951. En tant que dirigeant effectif duJapon, il organisa de profonds changements économiques, politiques et sociaux. Par la suite, l'Américain mena les forces desNations unies durant laguerre de Corée de1950 jusqu'au lorsqu'il fut relevé de son commandement par le présidentHarry S. Truman. Il devint ensuite président du comité de direction de l'entrepriseRemington Rand.
Douglas MacArthur est né le dans la caserne deLittle Rock dans l'Arkansas. Il était le fils ducapitaineArthur MacArthur, Jr. qui avait reçu laMedal of Honor pour ses actions dans l'armée de l'Union durant labataille de Missionary Ridge lors de laguerre de Sécession[3] et de Mary Pinkney Hardy MacArthur (surnommée « Pinky »)[4]. Douglas MacArthur était le petit-fils du juriste et politicien Arthur MacArthur, Sr., un immigrant écossais qui était arrivé auxÉtats-Unis en1828[5]. Pinky était issue d'une importante famille deNorfolk enVirginie[4]. Deux de ses frères avaient combattu dans l'armée confédérée durant laguerre de Sécession et ils refusèrent d'assister à son mariage[6]. Arthur et Pinky avaient trois fils : Arthur III né le, Malcolm né le et Douglas qui était le cadet[7]. Douglas vécut au gré des affectations de son père dans l'Ouest américain. Les conditions de vie étaient difficiles et Malcolm mourut de larougeole en1883[8]. Dans ses mémoires,Reminiscences, MacArthur écrivit« J'ai appris à chevaucher et à tirer avant même de pouvoir lire ou écrire, en fait presque avant que je puisse marcher et parler[9] » alors que son père était en affectation aufort Selden auNouveau-Mexique.
La période sur laFrontière se termina en lorsque la famille MacArthur déménagea àWashington, DC[10] où Douglas étudia à laForce Public School. Son père fut affecté àSan Antonio auTexas en septembre1893. Douglas étudia à laWest Texas Military Academy[11] où il reçut une médaille d'or pour sa« scolarité et son attitude ». Il participa également à l'équipe de tennis de l'école, joua au poste dequart-arrière dans l'équipe defootball américain et au poste d'arrêt-court dans celle debaseball. Il sortitmajor de sa promotion avec une moyenne annuelle de 97,33 sur 100[12]. Le père et le grand-père de MacArthur tentèrent en vain d'obtenir unenomination présidentielle à l'Académie militaire de West Point pour Douglas, initialement auprès du présidentGrover Cleveland puis auprès deWilliam McKinley[13]. Après ces deux refus[14], il passa un examen pour être proposé par le congressiste Theobald Otjen[11] et obtint la note de 99,3/100[13]. Il écrivit plus tard :« C'est une leçon que je n'ai jamais oubliée. La préparation est la clé du succès et de la victoire »[11].
MacArthur entra à West Point le[15] et sa mère s'installa dans une suite duCraney's Hotel surplombant le terrain de l'académie[16]. Lebizutage était alors courant à West Point et MacArthur et son camarade Ulysses S. Grant III furent victimes des cadets du sud en tant que fils de généraux du nord dont les mères vivaient à Craney's. Lorsque le cadet Oscar Booz quitta West Point après avoir été bizuté et mourut ensuite de latuberculose, une commission d'enquête du Congrès fut mise en place. MacArthur se présenta devant un comité spécial du Congrès en1901 où il témoigna contre les cadets impliqués dans le bizutage mais minimisa son propre bizutage même si les autres cadets avaient donné l'ensemble des faits au comité. Le Congrès décida d'interdire les actes de« nature tyrannique, abusive, honteuse, insultante ou humiliante » même si le bizutage se poursuivit[17]. MacArthur fut uncaporal de la Compagnie B sa seconde année, un premiersergent de la Compagnie A sa troisième année et premier capitaine sa dernière année[18]. Toujours à West Point, il jouajoueur de champ extérieur pour l'équipe de baseball. Au niveau académique, il obtint 2 424,12 des 2 470 points possibles, soit une note de 98,14/100, le troisième meilleur score de l'histoire de l'académie ; il arriva en tête de sa promotion de 93 élèves le[19]. À l'époque, il était d'usage que les meilleurs cadets entrent dans leCorps du génie de l'armée des États-Unis et MacArthur devintsous-lieutenant dans cette branche[20].
MacArthur a été ingénieur pendant les 14 premières années de sa carrière militaire. Il a reçu ces épinglettes de château en or en cadeau lors de l’obtention de son diplôme. Il a porté ces épinglettes avec lui pendant plus de 40 ans et, en 1945, il les a données au major-général Leif J. Sverdrup, qu’il pensait plus digne de les porter. Sverdrup les a donnés au chef des ingénieurs en 1975. Depuis lors, tous les chefs d’ingénierie ont porté les épinglettes de MacArthur.
En, MacArthur fut envoyé au district du génie de Milwaukee où ses parents se trouvaient à présent. En, il fut affecté àFort Leavenworth dans leKansas où il reçut son premier commandement à la tête du3e bataillon du génie[25]. Il devint officier-adjoint du bataillon en1909 puis officier ingénieur de Fort Leavenworth en1910. MacArthur fut promu capitaine en et fut nommé à la tête du département du génie militaire et de laField Engineer School. Il participa à des exercices àSan Antonio auTexas en1911 et servit auPanama en et. La mort soudaine de leur père, alorslieutenant-général[26], le poussa Douglas et son frère Arthur à se rendre à Milwaukee pour s'occuper de leur mère dont la santé s'était dégradée. MacArthur sollicita un transfert àWashington pour que sa mère soit à proximité de l'hôpital Johns-Hopkins. Le chef d'état-major de l'armée, le major-généralLeonard Wood étudia la question avec lesecrétaire à la GuerreHenry L. Stimson, qui organisa la mutation de MacArthur au bureau du chef d'état-major de l'armée en1912[27].
Le, le présidentWoodrow Wilson ordonna l'occupation deVeracruz au Mexique pour empêcher une livraison d'armes dans le cadre de larévolution mexicaine. Un état-major fut envoyé sur place avec MacArthur qui arriva le. Il réalisa que les besoins logistiques pour une avancée depuis Veracruz imposeraient l'utilisation des chemins de fer. Ayant trouvé de nombreux wagons à Veracruz mais aucune locomotive, MacArthur voulut vérifier l'information selon laquelle plusieurs locomotives se trouveraient àAlvarado. Pour 150 $ en or, il acheta unedraisine à bras et les services de trois Mexicains. MacArthur et son groupe découvrirent cinq engins à Alvarado, deux étaient de simpleslocotracteurs mais les trois autres locomotives étaient exactement ce qu'ils recherchaient. Lors du retour à Veracruz, ils furent attaqués par cinq hommes armés. Ces derniers furent distancés à l'exception de deux hommes armés que MacArthur abattit. Peu après, le groupe fut attaqué par environ quinze cavaliers. MacArthur reçut trois balles dans ses vêtements mais ne fut pas blessé. L'un de ses compagnons fut légèrement blessé avant que les cavaliers ne se replient après que MacArthur eut tué quatre d'entre eux. Ils furent attaqués une troisième fois par trois cavaliers. Il parvint à les distancer grâce à leur draisine à l'exception d'un des assaillants. MacArthur le tua ainsi que sa monture et le groupe dut retirer la carcasse du cheval des rails avant de continuer[28].
Un officier écrivit à Wood pour recommander MacArthur à laMedal of Honor. Wood proposa son nom et le chef d'état-major de l'armée Hugh L. Scott organisa un comité pour évaluer les mérites de MacArthur[29]. Le comité s'interrogea sur l'« opportunité de cette entreprise ayant été effectuée à l'insu du général commandant sur le terrain »[30]. Le brigadier-général Frederick Funston, lui-même un récipiendaire de laMedal of Honor, considérait que son attribution à MacArthur était« entièrement appropriée et justifiée »[31]. Le comité craignait cependant que« conférer la récompense puisse encourager les autres officiers, dans des conditions similaires, à ignorer le commandant local et à éventuellement interférer avec les plans de ce dernier » ; en conséquence, MacArthur ne reçut aucune récompense[32].
« Il était3 h 30 du matin quand j'ai commencé sur notre droite àSergy. Courant de chaque avant-poste au suivant en passant par ce qui était leno man's land, je n'oublierai jamais cette sortie. Les morts étaient si nombreux que nous trébuchions. Il devait y avoir au moins 2 000 de ces corps éparpillés. J'ai identifié les insignes de six des meilleures divisions allemandes. La puanteur était suffocante. Pas un arbre n'était debout. Les gémissements et les cris des hommes blessés retentissaient de partout. Les balles des tireurs d'élite sifflaient comme le bourdonnement d'une ruche d'abeilles en colère. Les explosions des obus entrainaient toujours un juron énervé de mon guide. J'ai compté près d'une centaine de canons détruits de diverses tailles et au moins plusieurs fois ce nombre de mitrailleuses abandonnées[41]. »
MacArthur rapporta à Menoher et au lieutenant-généralHunter Liggett que les Allemands s'étaient effectivement retirés et il reçut une quatrièmeSilver Star[42]. Il reçut également une seconde croix de guerre et fut fait commandeur de laLégion d'honneur[43].
Bataille de Saint-Mihiel et offensive Meuse-Argonne
En 1919, MacArthur devint lesuperintendant de l'Académie militaire à West Point que le chef d'état-majorPeyton March considérait comme dépassée sur de nombreux points et nécessitait de profondes réformes[57]. Accepter le poste permit à MacArthur de conserver son grade de brigadier-général au lieu de redevenir major comme la plupart de ses contemporains[58]. Lorsque MacArthur déménagea dans la maison du superintendant avec sa mère en[59], il devint le plus jeune superintendant depuisSylvanus Thayer(en) en 1817[60]. Cependant, alors que Thayer avait dû faire face à l'opposition venant de l'extérieur de l'armée, MacArthur devait surmonter la résistance des cadets et des membres de l'Académie[61].
MacArthur en tant que superintendant de West Point.
La vision de MacArthur de ce qui était demandé d'un officier ne venait pas seulement de sa récente expérience du combat en France mais aussi de celle de l'occupation de la Rhénanie en Allemagne. Le gouvernement militaire de la région avait demandé à l'armée de gérer les problèmes politiques, économiques et sociaux et il avait vu que les diplômés étaient complètement inexpérimentés en dehors du domaine militaire[59]. Durant la guerre, West Point avait été réduit à une école pourélève-officier avec cinq promotions diplômées en deux ans. Le moral des cadets et de l'encadrement était faible et le bizutage avait atteint un« niveau inégalé de méchanceté[62] ». Le premier changement de MacArthur s'avéra être le plus simple. Le Congrès avait fixé la durée du cursus à trois ans mais MacArthur parvint à restaurer le programme sur quatre ans[63].
Durant le débat sur la durée du cursus, leNew York Times souleva la question de la nature recluse et antidémocratique de la vie étudiante à West Point[63]. Suivant l'exemple de l'université Harvard en 1869, les universités civiles avaient commencé à évaluer les élèves uniquement suivant leurs performances académiques mais West Point avait conservé l'ancien concept éducatif d'« homme complet ». MacArthur chercha à moderniser le système en intégrant l'allure, le commandement, l'efficacité et les performances athlétiques dans le concept de caractère militaire. Il formalisa le code d'honneur des cadets jusqu'alors non écrit en 1922 lorsqu'il forma le comité d'honneur des cadets pour enquêter sur les supposées violations du code. Élu par les cadets eux-mêmes, il n'avait aucun pouvoir de sanction mais agissait comme une sorte degrand jury rapportant les infractions au commandant[64]. MacArthur tenta de mettre un terme au bizutage en faisant entraîner lesplébéiens par des officiers plutôt que par des personnes des classes supérieures[65].
Au lieu du traditionnel camp d'été à Fort Clinton, MacArthur fit entraîner les cadets à l'utilisation d'armes modernes avec des sergents d'active duFort Dix dans le New Jersey et ils devaient marcher les 180 km jusqu'à West Point avec leur paquetage[65]. Il tenta de moderniser l'enseignement en ajoutant des cours d'arts libéraux, d'administration et d'économie mais il rencontra une forte opposition de la part du comité académique. Dans les cours militaires, l'étude des campagnes de laguerre de Sécession fut remplacée par celles de la Première Guerre mondiale. Dans les cours d'histoire, l'accent fut mis sur l'Extrême-Orient. MacArthur élargit le programme sportif en augmentant le nombre de compétitions au sein de l'établissement et en imposant à tous les cadets de participer[66]. Il autorisa les cadets de dernière année à quitter l'Académie lors de permissions et approuva la parution d'un journal étudiant,The Brag, précurseur de l'actuelWest Pointer. Il autorisa également les cadets à voyager pour assister aux matchs de leur équipe de football et leur accorda une indemnité de 5 $ par mois. Les professeurs et les élèves protestèrent ensemble contre ces changements radicaux[65]. La plupart des réformes de MacArthur à West Point furent rapidement abandonnées mais au cours des années qui suivirent, ses idées furent acceptées et ses innovations furent lentement réintroduites[67].
MacArthur commença à avoir une aventure avec la mondaine et héritière multimillionnaire Louise Cromwell Brooks. Selon les rumeurs, le généralJohn J. Pershing, qui était amoureux de Louise, aurait exilé MacArthur aux Philippines. Cela fut démenti par Pershing comme étant de« folles fadaises ». MacArthur épousa Louise le 14 février 1922 dans la résidence de sa famille à Palm Beach en Floride[68]. En octobre 1922, MacArthur quitta West Point pour prendre le commandement du district militaire de Manille aux Philippines[69].
De retour aux États-Unis, MacArthur prit le commandement de laIVe Corps Area basée à Fort McPherson à Atlanta en Géorgie le 2 mai 1925[73]. Il fut cependant victime des préjugés sudistes à l'encontre du fils d'un officier de l'armée de l'Union et demanda à être relevé[74]. Quelques mois plus tard, il prit le commandement de laIIIe Corps Area basée àFort McHenry à Baltimore dans le Maryland ce qui permit à MacArthur et à Louise d'habiter dans sa propriété près de Garrison[73]. Cependant, ce déménagement mena à ce qu'il décrivit plus tard comme l'« un des ordres les plus désagréables qu'il ait jamais reçus »[75] : devoir siéger dans le procès en cour martiale pour insubordination du brigadier-généralBilly Mitchell. MacArthur était le plus jeune des treize juges dont aucun n'avait d'expérience en aviation et trois d'entre eux, dont Summerall, le président du tribunal, furent retirés lorsque la plaidoirie de la défense révéla des partis pris contre Mitchell. Malgré les affirmations de MacArthur selon lesquelles il avait voté pour son acquittement, Mitchell fut reconnu coupable et suspendu de ses fonctions[73]. MacArthur sentit qu'un« officier supérieur ne devrait pas être réduit au silence à cause d'un désaccord avec ses supérieurs et la doctrine en vigueur »[75].
En 1927, MacArthur et Louise se séparèrent et elle déménagea à New York[76]. En août de la même année, William C. Prout, le président ducomité national olympique, mourut soudainement et le comité élit MacArthur à sa présidence. Sa tâche principale était de préparer l'équipe américaine pour lesJeux olympiques d'été à Amsterdam. À son retour aux États-Unis, il reçut l'ordre de prendre le commandement du département des Philippines[77]. En 1929, alors qu'il se trouvait à Manille, Louise obtint le divorce sous le motif de« négligence »[78]. Considérant la grande richesse de Louise, l'historienWilliam Manchester décrivit cette fiction judiciaire comme« absurde »[79].
En 1930, MacArthur était encore, à 50 ans, le plus jeune et le plus connu major-général de l'armée américaine. Il quitta les Philippines le et resta quelque temps au commandement de laIX Corps Area à San Francisco. Le, MacArthur devintchef d'état-major de l'armée américaine avec le grade de général[80]. Le début de laGrande Dépression força le Congrès à réaliser des coupes dans les dépenses militaires. 53 bases furent fermées mais MacArthur parvint à empêcher la réduction du nombre d'officiers de 12 000 à 10 000[81]. Ses missions incluaient le développement de nouveaux plans de mobilisation. Il regroupa les neufCorps Area en quatre armées chargées de l'entraînement et de la défense du territoire[82]. Il négocia également un accord avec lechef des opérations navales, l'amiral William V. Pratt. Il s'agissait du premier d'une série d'accords interarmes signés dans la décennie suivante qui définirent les responsabilités de chaque commandement au sujet de l'aviation. Les défenses anti-aériennes côtières furent par exemple placées sous la responsabilité de l'armée de terre. En mars 1935, MacArthur créa l'United States Army Air Corps commandé par le major-général Frank M. Andrews pour donner une certaine autonomie à l'aviation jusqu'à présent une branche de l'armée de terre[83].
Une cabane installée par les vétérans d'Anacostia est en feu après les affrontements avec l'armée.
En 1932, MacArthur dut prendre l'une des décisions les plus controversées de sa carrière lorsque les membres de laBonus Army convergèrent sur Washington. Ces derniers étaient des vétérans de la Première Guerre mondiale qui demandaient une augmentation de leur pension pour faire face aux difficultés économiques provoquées par la Grande Dépression. MacArthur craignait que la manifestation ne soit prise en main par les communistes et les pacifistes mais ses services de renseignements indiquèrent que seuls 3 des 26 dirigeants clés du mouvement étaient communistes. MacArthur prépara des plans d'urgence dans le cas d'une insurrection dans la capitale. Des unités mécanisées furent redéployées de Fort Myer où des entraînements anti-émeutes étaient conduits[84]. Le 28 juillet 1932, un affrontement entre la police et les manifestants entraîna la mort par balles de deux personnes. Le présidentHerbert Hoover ordonna à MacArthur d'« encercler la zone concernée et de la nettoyer sans délai »[85]. MacArthur rassembla des troupes et des chars et, contre l'avis du majorDwight D. Eisenhower, décida d'accompagner les troupes même s'il n'était pas responsable de l'opération. Les soldats avancèrent avec les baïonnettes et les sabres sortis sous une pluie de pierres et de briques mais sans tirer de coup de feu. En moins de quatre heures, le terrain occupé par laBonus Army fut dégagé avec l'aide de gaz lacrymogènes. Les cartouches de gaz provoquèrent des incendies et un adolescent de 12 ans fut asphyxié. Si elle avait été moins violente que d'autres opérations anti-émeute, la dispersion de laBonus Army fut un désastre du point de vue des relations publiques[86].
Ouvriers du CCC construisant une route.
En 1934, MacArthur attaqua les journalistes Drew Pearson et Robert S. Allen en diffamation après qu'ils eurent décrit le traitement des manifestants comme« infondé, inutile, insubordonné, violent et brutal[87] ». En réponse, ils menacèrent de faire témoigner Isabel Rosario Cooper. MacArthur avait rencontré Isabel alors qu'il se trouvait aux Philippines et elle était devenue sa maîtresse. Craignant que la liaison ne soit révélée au grand public, MacArthur retira sa plainte et paya secrètement 15 000 $ à Pearson[88].
Le président Hoover fut battu lors de l'élection de 1932 parFranklin D. Roosevelt. MacArthur et Roosevelt avaient travaillé ensemble avant la Première Guerre mondiale et ils étaient restés amis, malgré leurs différences politiques. MacArthur défendit leNew Deal, et fit participer l'armée aux activités duCivilian Conservation Corps (CCC). Il décentralisa l'administration des opérations auxCorps Areas et cela joua un grand rôle dans le succès du programme[89]. Malgré ses critiques publiques du pacifisme et de l'isolationnisme et son soutien à une armée forte qui le rendirent impopulaire, le président prolongea le mandat de MacArthur au poste de chef d'état-major[90]. MacArthur arriva à la fin de son terme à cette fonction en octobre 1935 et il reçut une secondeDistinguished Service Medal pour sa performance. DeuxPurple Hearts lui furent attribuées rétroactivement pour son service durant la Première Guerre mondiale ; MacArthur avait recréé cette récompense en 1932[91].
Lorsque leCommonwealth des Philippines obtint un statut de semi-indépendance en 1935, leprésident des PhilippinesManuel L. Quezon demanda à MacArthur de superviser la création d'une armée. Quezon et MacArthur étaient de proches amis depuis que le père de ce dernier avait été gouverneur-général des Philippines 35 ans plus tôt. Avec l'approbation du président Roosevelt, MacArthur accepta la fonction. Il fut accepté que MacArthur reçoive un salaire, une indemnité et le rang defield marshal de la part du Commonwealth en plus de son salaire de major-général en tant que conseiller militaire[92]. Cela fut son cinquième voyage en Extrême-Orient. MacArthur quitta San Francisco à bord du SSPresident Hoover en octobre 1935[93] avec sa mère et sa belle-sœur. MacArthur fut également accompagné de son aide-de-camp de longue date, le capitaine Thomas J. Davis, ainsi que du major Dwight D. Eisenhower et du major James B. Ord, un ami d'Eisenhower en tant qu'assistants[94]. À bord du navire se trouvait également Jean Marie Faircloth, une mondaine célibataire de 37 ans. Au cours des deux années qui suivirent, ils furent fréquemment vus ensemble[95]. La mère de MacArthur tomba gravement malade durant la traversée et mourut à Manille le 3 décembre 1935[96].
Cérémonie au Camp Murphy le 15 août 1941 pour marquer l'incorporation duPhilippine Army Air Corps(en). Derrière MacArthur se trouvent de gauche à droite, le lieutenant-colonel Richard K. Sutherland, le colonel Harold H. George, le lieutenant-colonel William F. Marquat et le major LeGrande A. Diller.
Le président Quezon confia officiellement le titre defield marshal à MacArthur lors d'une cérémonie aupalais de Malacañan le 24 août 1936 et lui offrit un bâton de maréchal en or et un uniforme unique[97]. L'armée des Philippines était formée par une conscription universelle. L'entraînement devait être mené dans un cadre professionnel et l'Académie militaire des Philippines fut créée sur le modèle de West Point pour former ses officiers[98]. MacArthur et Eisenhower découvrirent que seuls quelques camps avaient été construits et que le premier groupe de 20 000 recrues ne serait pas formé avant le début de l'année 1937[99]. L'équipement et les armes étaient des rebuts de l'armée américaine« plus ou moins obsolètes » et le budget de 6 millions de dollars était largement insuffisant[98]. Les demandes d'équipements de MacArthur furent ignorées même si MacArthur et son conseiller naval, le lieutenant-colonel Sidney L. Huff persuadèrent la marine de lancer le développement duPT boat[100]. Beaucoup d'espoirs furent placés dans l'armée de l'air des Philippines mais le premier escadron ne fut pas formé avant 1939[101].
MacArthur épousa Jean Faircloth lors d'une cérémonie civile le 30 avril 1937[102]. Ils eurent un fils, Arthur MacArthur IV, né à Manille le 21 février 1938[103]. Le 31 décembre 1937, MacArthur prit officiellement sa retraite de l'armée. Il cessa de représenter les États-Unis comme conseiller militaire du gouvernement mais il resta le conseiller de Quezon sur les affaires militaires en tant que civil[104]. Eisenhower rentra aux États-Unis en 1939 et fut remplacé en tant que chef d'état-major de MacArthur par le lieutenant-colonel Richard K. Sutherland tandis que Richard J. Marshall devenait son assistant[105].
Le 26 juillet 1941, Roosevelt fédéralisa l'armée des Philippines, rappela MacArthur en service actif dans l'US Army en tant que major-général et le nomma commandant desforces armées américaines en Extrême-Orient (USAFFE). MacArthur fut promu lieutenant-général le lendemain[106] puis général le 20 décembre. Au même moment, Sutherland fut promu major-général tandis que Marshall, Spencer B. Akin etHugh J. Casey devinrent tous brigadiers-généraux[107]. Le 31 juillet 1941, le département des Philippines disposait de 22 000 soldats dont 12 000 Philippins. La principale unité était la division Philippines sous le commandement du major-généralJonathan M. Wainwright[108].
Entre juillet et décembre 1941, la garnison reçut 8 500 soldats en renfort[109]. Après des années de parcimonie, de nombreux équipements militaires furent envoyés dans l'archipel. En novembre, 1 100 000 t d'équipements destinés aux Philippines s'étaient accumulés dans les ports et les dépôts américains en attendant leur transport[110]. La station d'écoute de la marine dans l'archipel, appelée station CAST, disposait d'une machine de déchiffrementPurple ultrasecrète qui pouvait décrypter les messages diplomatiques japonais et une partie des messages chiffrés avec le code navalJN-25. La station transférait l'ensemble des informations à MacArthur via Sutherland, le seul officier de l'état-major à les voir[111].
Le 8 décembre 1941 à3 h 30 heure locale (environ9 h le 7 décembre à Hawaii)[112], Sutherland apprit l'attaque de Pearl Harbor et en informa MacArthur. À5 h 30, le chef d'état-major de l'armée, le généralGeorge Marshall, ordonna à MacArthur d'exécuter leplan de guerre existant, appeléplan orange, destiné à affronter une attaque de l'empire du Japon. MacArthur ne fit rien. À trois occasions, le commandant de laFar East Air Force (« Armée de l'Air d'Extrême-Orient »), le major-généralLewis H. Brereton, demanda l'autorisation d'attaquer les bases japonaises àFormose en application du plan orange mais l'opération fut rejetée par Sutherland. À11 h, Brereton en parla avec MacArthur qui approuva l'attaque[113]. MacArthur nia plus tard avoir eu cette conversation[114]. Avant que les appareils ne soient envoyés, à12 h 30, des avions de l'aéronavale japonaise attaquèrent par surprise les bases aériennes de Clark Field et de Iba Field. LaFar East Air Force perdit 18 de ses 35B-17, 53 de ses 107P-40 et plus de 25 autres appareils. La plupart des avions furent détruits au sol et les installations furent sévèrement endommagées. Il y eut 80 tués et 150 blessés[115]. Ce qui restait de laFar East Air Force fut détruit dans les jours qui suivirent[116].
MacArthur (au centre) avec son chef d'état-major, le major-général Richard K. Sutherland, dans le tunnel de Malintla sur l'île de Corregidor,1er mars 1942.
Les plans de défenses supposaient que l'on ne pourrait pas empêcher les Japonais de débarquer àLuçon et prévoyaient l'abandon de Manille par les troupes américaines et philippines qui se replieraient avec leurs équipements dans lapéninsule de Bataan. MacArthur espérait néanmoins ralentir l'avancée japonaise en tentant de repousser les débarquements japonais. Il perdit confiance dans les capacités militaires de ses troupes philippines car les Japonais progressèrent rapidement à la suite de leur débarquement dans labaie de Lingayen le 21 décembre[117] et il ordonna unrepli sur Bataan[118]. Manille fut déclaréeville ouverte à minuit le 24 décembre sans consulter l'amiralThomas C. Hart, commandant de l'Asiatic Fleet, ce qui força la marine à détruire de grandes quantités de matériel[119].
Le 25 décembre, MacArthur déplaça son quartier-général dans l'île-forteresse deCorregidor dans labaie de Manille[120]. Une série de bombardements aériens japonais détruisit toutes les structures exposées de l'île et le quartier-général de l'USAFFE fut emmené dans le tunnel de Malintla. Par la suite, la plus grande partie de l'état-major déménagea à Bataan en ne laissant que le cœur du quartier-général avec MacArthur[121] Les troupes de Bataan savaient qu'elles étaient perdues mais elles continuèrent de combattre. Certains blâmèrent Roosevelt et MacArthur pour leur situation difficile. Une ballade chantée sur l'air duBattle Hymn of the Republic l'appelaitDugout Doug (« Doug le Planqué »)[122]. Néanmoins, la plupart des soldats s'accrochaient à l'idée que d'une manière ou d'une autre MacArthur« sortirait quelque chose de son chapeau »[123].
Plaque de laMedal of Honor de MacArthur fixée dans la caserne MacArthur de l'Académie de West Point.
En, alors que les forces japonaises resserraient leur emprise sur les Philippines, le président Roosevelt ordonna à MacArthur de se rendre en Australie[128]. Dans la nuit du12mars 1942, MacArthur et un petit groupe incluant sa femme Jean et son fils Arthur ainsi que Sutherland, Akin, Casey, Marshall,Charles A. Willoughby(en), LeGrande A. Diller et Harold H. George quittèrent Corregidor à bord de quatrePT boats. MacArthur, sa famille et Sutherland se trouvaient dans lePT-41 commandé par le lieutenant John D. Bulkeley. Les autres suivaient dans lesPT 34,PT 35 etPT 32. MacArthur et son groupe arrivèrent à la base aérienne Del Monte sur l'île deMindanao où ils montèrent à bord de B-17 de la marine qui les emmenèrent en Australie[129],[130]. Son fameux discours dans lequel il déclara« I came out of Bataan and I shall return » (« Je suis parti de Bataan mais j'y retournerai ») fut prononcé pour la première fois à Terowie, une petite gare d'Australie-Méridionale le 20 mars. À son arrivée à Adélaïde, il abrégea la phrase à« I came through and I shall return » (« J'en suis venu et j'y retournerai ») et l'expression fit les gros titres des journaux[131]. Washington demanda à MacArthur de modifier sa promesse en« We shall return » (« Nous y reviendrons ») mais il ignora la requête[132].
Bataan se rendit le[133] et Corregidor le 6 mai[134]. Pour son commandement dans la défense des Philippines, MacArthur reçut laMedal of Honor, une décoration pour laquelle il avait été auparavant proposé à deux reprises. Il était admis que MacArthur n'avait pas réalisé d'actes de bravoure mais son attribution àCharles Lindbergh en 1927 avait créé un précédent. MacArthur l'accepta sur la base que« Cette récompense ne m'est pas particulièrement destinée personnellement car elle est une reconnaissance du courage invincible de la valeureuse armée que j'ai eu l'honneur de commander »[135]. Arthur MacArthur, Jr. et Douglas MacArthur devinrent les premiers père et fils à recevoir laMedal of Honor. Ils restèrent les seuls jusqu'en 2001 quandTheodore Roosevelt reçut la médaille à titre posthume pour son service durant laGuerre hispano-américaine, son fils,Theodore Roosevelt Jr. l'ayant également reçue à titre posthume pour son service durant la Seconde Guerre mondiale[136],[137].
Le 18 avril 1942, MacArthur fut nommé commandant suprême des forces alliées dans laSouth West Pacific Area (« Zone du Pacifique Sud-Ouest », SWPA). Le lieutenant-général George Brett devint le commandant des forces aériennes et levice-amiral Herbert F. Leary devint le commandant des forces navales[138]. Comme le gros des forces terrestres dans ce théâtre d'opération était australien, George Marshall insista pour qu'un Australien soit nommé à la tête des unités terrestres et le commandement fut confié au généralThomas Blamey. Bien qu'essentiellement australiennes et américaines, les unités sous le commandement de MacArthur comprenaient également quelques formations desIndes orientales néerlandaises, du Royaume-Uni et d'autres pays[139]. MacArthur créa une forte relation avec le premier ministre australien,John Curtin[140] mais de nombreux Australiens n'appréciaient pas MacArthur qu'ils considéraient comme un général étranger qui leur avait été imposé[141]. MacArthur avait peu confiance dans les capacités militaires de Brett[138],[142],[143] et en août 1942, il fut remplacé par le major-général George C. Kenney[144],[145]. Le déploiement de l'aviation de Kenney en soutien des troupes de Blamey se révéla décisif[146].
Discussion entre le premier ministre australien John Curtin et MacArthur.
L'état-major du quartier général suprême de MacArthur (GHQ) fut constitué autour du noyau qui avait quitté les Philippines avec lui et il devint connu sous le nom deBataan Gang[147]. Bien que Roosevelt et George Marshall eussent fait pression pour que des officiers hollandais et australiens soient nommés au GHQ, tous les commandants de division étaient américains et les officiers d'autres nationalités étaient sous leurs ordres[139]. Initialement situé àMelbourne[148], le GHQ déménagea àBrisbane, la ville australienne avec les installations de communication adéquates la plus au nord, en juillet 1942[149] et s'installa dans le bâtiment de la compagnie d'assuranceAMP Limited[150].
MacArthur forma sa propre unité derenseignement d'origine électromagnétique, appeléeCentral Bureau, à partir des unités de renseignement australiennes et descryptanalystes américains s'étant échappés des Philippines[151]. L'unité transmettait les informationsUltra à Willoughby pour qu'elles soient analysées[152]. Après que la presse eut révélé les détails de la disposition navale japonaise durant labataille de la mer de Corail, au cours de laquelle une tentative japonaise d'invasion dePort Moresby fut repoussée[153], Roosevelt ordonna la mise en place de la censure en Australie et le Conseil de Guerre australien accorda au GHQ l'autorité pour censurer la presse australienne. Les journaux australiens ne pouvaient publier que ce qui était rapporté dans le communiqué journalier du GHQ[153],[154]. Les journalistes expérimentés considéraient les communiqués, que MacArthur ébauchait personnellement comme une« véritable farce » et« d'informations dignes d'Alice au pays des merveilles délivrées au plus haut niveau[155] ».
En prévision d'une nouvelle attaque japonaise contrePort Moresby, la garnison fut renforcée et MacArthur ordonna la création de nouvelles bases àMerauke et dans labaie de Milne pour couvrir ses flancs[156]. Lavictoire de Midway en juin 1942 poussa les Alliés à envisager une offensive limitée dans le Pacifique. La proposition de MacArthur d'une attaque contre la base japonaise deRabaul fut rejetée par la marine qui privilégiait une approche moins ambitieuse et était réticente à l'idée d'avoir un général de l'armée de terre à la tête d'uneopération amphibie. Le compromis obtenu prévoyait une progression en trois étapes dont la première, la capture de la zone deTulagi, devait être menée par laPacific Ocean Areas de l'amiralChester W. Nimitz. Les étapes ultérieures seraient sous le commandement de MacArthur[157].
Les principaux commandants alliés en Nouvelle-Guinée en octobre 1942. De gauche à droite :Frank Forde (ministre des Armées australien), MacArthur,Thomas Blamey, George C. Kenney,Edmund Herring etKenneth Walker.
Les Japonais frappèrent les premiers en débarquant àBuna en juillet[158] et dans labaie de Milne en août. Les Australiens repoussèrent les Japonais dans la baie de Milne[159] mais une série de défaites le long de laKokoda Track eut un effet démoralisateur en Australie. Le 30 août, MacArthur avertit Washington que sans actions immédiates, les unités déployées en Nouvelle-Guinée seraient submergées. Il envoya Blamey à Port Moresby pour qu'il prenne le commandement en personne[160]. Ayant engagé toutes les troupes australiennes disponibles, MacArthur décida d'envoyer des unités américaines. La32e division d'infanterie, une formation de la Garde nationale mal entraînée, fut choisie[161]. Une série de revers embarrassants lors de la bataille de Buna-Gona entraîna de violentes critiques des troupes américaines par les Australiens. MacArthur ordonna au lieutenant-généralRobert L. Eichelberger de prendre le commandement des unités américaines et de« prendre Buna ou ne pas revenir vivant »[162],[163].
MacArthur détacha certains éléments du GHQ à Port Moresby le 6 novembre 1942[164]. Buna tomba finalement le 3 janvier 1943[165] et MacArthur décerna laDistinguished Service Cross à douze officiers pour leur« exécution précise des opérations ». L'attribution de la seconde récompense américaine la plus prestigieuse entraîna un certain ressentiment car si certains comme Eichelberger etGeorge Alan Vasey avaient combattu en première ligne, ce n'était pas le cas d'autres comme Sutherland et Willoughby[166]. Pour sa part, MacArthur reçut sa troisièmeDistinguished Service Medal[167] et le gouvernement australien le fit chevalier grand-croix honoraire de l'ordre du Bain[168].
MacArthur devint le symbole des forces résistant aux Japonais et reçut de nombreux hommages. Les tribus amérindiennes du sud-ouest le choisirent comme« chef des chefs ». MacArthur fut touché par cette reconnaissance de la part de« mes anciens amis, les compagnons de mes jours d'enfance sur lafrontier de l'ouest »[169]. Il fut également nommé Père de l'Année 1942. Il écrivit au comité de la fête des pères que« je suis soldat de métier et j'en tire une grande fierté, mais je suis encore plus fier, infiniment plus fier d'être un père. Un soldat détruit pour construire ; le père ne fait que construire sans jamais détruire. L'un a les possibilités de la mort ; l'autre incarne la création de la vie. Et tandis que les hordes de la mort sont puissantes, les bataillons de la vie le sont encore plus. J'espère que mon fils, lorsque je serai parti, se souviendra de moi, non pas sur le champ de bataille mais à la maison répétant avec lui notre simple prière quotidienne, « Notre Père qui êtes aux Cieux » »[169].
« Ma conception stratégique du théâtre Pacifique que j'ai exposée après la campagne de Papouasie et que j'ai depuis constamment défendue, consiste en des frappes massives contre les seuls principaux objectifs stratégiques, en utilisant l'effet de surprise et une force de frappe air-sol soutenue et assistée par la flotte. C'est tout le contraire de ce qu'on appelle le « saut d'îles en îles » qui est le refoulement graduel de l'ennemi par une pression frontale directe avec les lourdes pertes qui en découlent. Les points clés doivent évidemment être conquis mais un choix judicieux de ces points éviterait le besoin de prendre d'assaut la masse d'îles contrôlées par l'ennemi. Le « saut d'îles en îles » avec ses pertes insensées et sa progression lente… n'est pas mon idée de comment mettre fin à la guerre rapidement et avec le moins de victimes possible. De nouvelles situations exigent des solutions et les nouvelles armes sont nécessaires à l'application complète de méthodes nouvelles et imaginatives. Les guerres ne sont jamais gagnées au passé[171]. »
Progression alliée le long de la Nouvelle-Guinée,février-.
MacArthur contourna les forces japonaises dans la baie Hansa et àWewak et attaquaAitape etHollandia que Willoughby considérait comme légèrement défendue en s'appuyant sur les renseignements obtenus lors de labataille de Sio. Les cibles de l'offensive étaient hors du rayon d'action des appareils de la5th USAAF basés dans la vallée duRamu mais le calendrier de l'opération permit aux porte-avions de laflotte de Pacifique de Nimitz de fournir un appui aérien[183]. Bien que risquée, l'opération fut un grand succès qui permit d'isoler laXVIIIe armée japonaise du lieutenant-généralHatazō Adachi basée dans la région de Wewak. Comme les Japonais ne s'attendaient pas à une attaque si à l'ouest, la garnison était faible et les pertes alliées furent donc limitées. Le terrain se révéla cependant moins adapté que prévu au développement d'une base aérienne et MacArthur fut forcé de chercher un meilleur emplacement plus à l'ouest. Si le contournement des forces japonaises était tactiquement justifié, il avait l'inconvénient stratégique de devoir immobiliser des troupes alliées sur place pour les contenir. De plus, Adachi était loin d'être vaincu comme il le démontra lors de la bataille de la rivière Driniumor[184].
Conférence d'Hawaï,. De gauche à droite : MacArthur, Roosevelt et les amiraux Leahy et Nimitz.
En, le président Roosevelt convoqua MacArthur à Hawaii pour« déterminer la phase d'action contre le Japon ». Nimitz défendit une attaque contre Formose mais MacArthur mit l'accent sur l'obligation morale des États-Unis de libérer les Philippines. En septembre, les porte-avions deWilliam F. Halsey réalisèrent une série d'attaques dans les Philippines. L'opposition fut faible et Halsey conclut, à tort, que l'île deLeyte était« grande ouverte » et probablement non défendue et recommanda que les opérations prévues soient annulées en faveur d'un assaut sur Leyte[185].
Le, les troupes de la6e armée de Kruegerdébarquèrent à Leyte tandis que MacArthur observait les opérations depuis le croiseur légerUSS Nashville. Il s'approcha de la plage dans l'après-midi. Les troupes américaines avaient peu progressé ; les tireurs d'élite étaient encore présents et la zone était la cible de tirs de mortiers sporadiques. Lorsque son embarcation s'échoua, MacArthur demanda une péniche de débarquement mais le chef des opérations était trop occupé pour accéder à sa requête. MacArthur fut donc obligé de gagner la rive à pied[186]. Dans son discours préparé à l'avance, il déclara« Peuple des Philippines : Je suis revenu. Par la grâce du Tout-Puissant, nos forces foulent à nouveau le sol philippin, un sol consacré par le sang nos deux peuples. Nous sommes dévoués et engagés dans la tâche de détruire tous les vestiges du contrôle de l'ennemi sur vos vies quotidiennes et de restaurer les fondations d'une force indestructible, les libertés de votre peuple »[187].
« Je suis revenu » - Le général MacArthur débarque aux Philippines avec le président philippinSergio Osmeña à sa droite.
Comme Leyte était hors de portée des appareils de Kenney basés à terre, MacArthur était dépendant de l'aviation embarquée[188]. L'activité japonaise s'accrut rapidement et elle mena des raids surTacloban, où MacArthur avait décidé d'établir son quartier-général, et sur la flotte au large. MacArthur appréciait rester sur le pont de l'USSNashville durant les attaques aériennes malgré le fait que plusieurs bombes soient passées à proximité et que deux croiseurs voisins eurent été touchés[189]. Au cours des jours suivants, les Japonais contre-attaquèrent lors de labataille du golfe de Leyte. L'issue fut une victoire décisive des Alliés mais les Japonais manquèrent de détruire les unités de débarquement et MacArthur attribua les erreurs à la division du commandement entre lui et Nimitz[190]. La campagne terrestre ne fut pas non plus facile. Les fortes pluies de la mousson perturbèrent le programme de construction de bases aériennes. Les porte-avions ne pouvaient pas remplacer parfaitement les aérodromes terrestres et le manque de couverture aérienne permit aux Japonais de débarquer des renforts à Leyte. Le mauvais temps et la résistance tenace des Japonais ralentit la progression américaine et cela entraîna une campagne prolongée[191],[192].
À la fin du mois dedécembre, le quartier-général de Krueger estimait qu'il ne restait plus que 5 000 Japonais sur Leyte et le, MacArthur publia un communiqué annonçant que« la campagne peut maintenant être considérée comme achevée à l'exception de quelques opérations de nettoyage ». Pourtant la8e armée d'Eichelberger tua encore 27 000 soldats japonais sur Leyte avant la fin de la campagne en[193]. Le, MacArthur fut promu au nouveau grade degénéral de l'armée avec cinq étoiles[194].
MacArthur décida ensuite d'envahirMindoro où se trouvaient de potentiels sites pour des bases aériennes. Willoughby estima, correctement, que l'île n'était défendue que par 1 000 Japonais. Le problème était d'y parvenir car Kinkaid rechignait à détacher des porte-avions dans lamer de Sulu et Kenney ne pouvait pas garantir un soutien aérien. L'opération était clairement risquée et l'état-major de MacArthur le dissuada d'accompagner l'invasion à bord de l'USSNashville. Alors que le convoi entrait dans la mer de Sulu, unkamikaze s'écrasa sur l'USSNashville tuant 133 marins et en blessant 190 autres. Les débarquements se firent sans opposition le 15 décembre 1944 et moins de deux semaines plus tard, les unités du génie américaines et australiennes avaient construit trois aérodromes. Le ravitaillement était cependant rendu difficile par les attaques kamikazes japonaises[195].
Au large de Leyte, octobre 1944. De gauche à droite : le lieutenant-généralGeorge Kenney, le lieutenant-général Richard K. Sutherland, le président Sergio Osmeña et le général Douglas MacArthur.
Le principal objectif de MacArthur était la capture du port de Manille et de la base aérienne de Clark Field nécessaires pour de futures opérations. Il pressa ses commandants d'avancer le plus vite possible[199]. Le 25 janvier 1945, il installa son quartier-général à Hacienda Luisita, alors plus proche du front que celui de Krueger[200]. Le 30 janvier, il ordonna à la1re division de cavalerie de progresser rapidement vers Manille. Elle atteignit les faubourgs de la ville le 3 février et le campus de l'université de Santo Tomas où elle libéra 3 700 prisonniers[201]. Les Américains ignoraient cependant que le contre-amiral Iwabuchi Sanji avait désobéi aux ordres de repli de Yamashita et avait décidé de défendre la ville jusqu'à la mort. Labataille de Manille fit rage durant près d'un mois[202]. Afin d'épargner la population civile, MacArthur interdit l'emploi de frappes aériennes[203] mais près de 100 000 civils furent victimes des tirs d'artillerie américains et desexactions japonaises. Pour son rôle dans la capture de Manille, MacArthur reçut sa troisièmeDistinguished Service Cross[204].
Malgré la poursuite des combats sur Luçon et le fait qu'il n'avait pas d'instructions en ce sens, MacArthur engagea ses forces dans une série d'opérations pour libérer le reste des Philippines. 52 débarquements furent réalisés dans le centre et le sud des Philippines entre et[205]. Dans le communiqué du GHQ du 5 juillet, il annonça que les Philippines avaient été libérées et que toutes les opérations étaient terminées même si Yamashita contrôlait encore le nord de Luçon[206]. À partir de mai 1945, MacArthur engagea les troupes australiennes dans laconquête de Bornéo. Il accompagna l'assaut surLabuan à bord de l'USS Boise et rendit visite aux troupes sur le terrain. Alors qu'il rentrait à son quartier-général de Manille, il se rendit àDavao où il dit à Eichelberger qu'il ne restait plus que 4 000 Japonais en vie à Mindanao. Quelques mois plus tard, près de 35 000 soldats s'étaient rendus[207]. En, il reçut sa quatrièmeDistinguished Service Medal[208].
En, MacArthur devint commandant en chef des forces armées américaines du Pacifique (AFPAC) responsable de toutes les unités terrestres et aériennes du Pacifique à l'exception de la20th USAAF. Au même moment, Nimitz devint le commandant de toutes les forces navales ; le commandement dans le Pacifique restait donc divisé[209]. Cette réorganisation qui s'étala sur plusieurs mois faisait partie des préparatifs de l'opérationDownfall désignant l'invasion de l'archipel japonais prévue pour l'automne 1945[210]. Cette opération fut annulée à la suite de lareddition du Japon en. Le, MacArthur, représentant les Alliés, accepta lacapitulation formelle du Japon à bord du cuirasséUSS Missouri. Il met ainsi un terme à la Seconde Guerre mondiale[211] en disant :« Mon plus grand espoir, ainsi que celui de toute l'Humanité, est que de cette cérémonie solennelle naisse un monde meilleur, après tout ce sang et ce carnage ». En reconnaissance de son rôle de stratège naval, la marine américaine lui décerna laNavy Distinguished Service Medal[212].
Le, MacArthur reçut l'ordre d'exercer l'autorité sur le Japon par l'intermédiaire de l'administration japonaise et de l'empereurHirohito[213]. Le quartier-général de MacArthur fut installé dans lesiège de la compagnie d'assuranceDai-ichi Mutual Life Insurance à Tokyo. En tant quecommandant suprême des forces alliées au Japon, MacArthur et son équipe devaient reconstruire l'économie du Japon et mettre en place un gouvernement démocratique. Le Japon et sa reconstruction étaient fermement contrôlés par les États-Unis et MacArthur fut le dirigeant effectif du Japon de 1945 à 1948[214]. En 1946, l'équipe de MacArthur rédigea une nouvelleconstitution qui instituait un gouvernement basé sur lesystème de Westminster dans lequel l'empereur perdait son rôle d'autorité militaire et ne pouvait agir qu'avec l'accord duCabinet. La constitution, qui devint effective le, incluait le fameuxarticle 9 par lequel le pays renonçait à la guerre et s'interdisait de posséder une armée. De plus, la constitution émancipait les femmes, interdisait la discrimination raciale, renforçait les pouvoirs du Parlement et du Cabinet et décentralisait la police et l'administration[215].
Dans son discours devant le Congrès le, MacArthur déclara,« Depuis la guerre, le peuple japonais a entrepris la plus grande réforme connue de l'histoire moderne. Avec une volonté admirable, l'empressement d'apprendre et la capacité à comprendre, il a érigé des cendres de la guerre un édifice dédié à la suprématie de la liberté individuelle et à la dignité personnelle et dans le processus qui a suivi, il a créé un gouvernement véritablement représentatif engagé dans la promotion de la moralité politique, de la liberté d'entreprendre et de la justice sociale »[220].
MacArthur rendit le pouvoir au gouvernement japonais en 1949 mais resta au Japon jusqu'à être relevé de ses fonctions par le président Truman le. Letraité de San Francisco, signé le 8 septembre 1951, marqua la fin de l'occupation et lorsqu'il entra en vigueur le 28 avril 1952, le Japon redevint un état indépendant[221]. Les Japonais ont surnommé MacArthurGaijin Shogun (« le généralissime étranger ») mais pas avant sa mort en 1964[222]. On l'appelait aussi au Japon le shogun aux yeux bleus.
Les accusés du Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient.
MacArthur fut responsable de l'application des condamnations pour crimes de guerre rendues par leTribunal militaire international pour l'Extrême-Orient[223]. À la fin de l'année 1945, les commissions militaires alliées dans diverses villes d'Asie jugèrent 5 700 Japonais, Taïwanais et Coréens pour crimes de guerre. Environ 4 300 furent condamnés dont 1 000 à mort. Les accusations portaient sur des événements comme lemassacre de Nankin, lamarche de la mort de Bataan et lemassacre de Manille[224]. Le procès à Manille du généralTomoyuki Yamashita, le commandant des forces japonaises dans les Philippines à partir de 1944 fut critiqué car Yamashita fut pendu en raison du massacre de Manille, perpétré par Iwabuchi, qu'il n'avait pas ordonné et dont il n'était probablement pas informé[225]. Iwabuchi s'était suicidé à la fin de la bataille de Manille[226].
MacArthur accorda l'immunité àShirō Ishii et des autres membres desunités de recherche biologiques en échange de leurs données obtenues par expérimentation sur l'Homme[227]. Il empêcha également la mise en accusation pour crimes de guerre de l'empereur et des membres de lafamille impériale comme les princesChichibu,Asaka,Takeda,Higashikuni etFushimi. MacArthur confirma que l'abdication de l'empereur n'était pas nécessaire[228]. Ce faisant, il ignora les conseils de nombreux membres de la famille impériale et des intellectuels japonais qui demandaient publiquement l'abdication de l'empereur et la mise en place d'une régence[229].
Le 25 juin 1950, l'invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord marqua le début de laguerre de Corée[230]. Le jour même, leConseil de sécurité des Nations unies vota larésolution 82 autorisant l'envoi d'une force internationale pour soutenir la Corée du Sud[231]. Les Nations unies donnèrent aux États-Unis le pouvoir de choisir un commandant et le Comité des chefs d’États-majors interarmées recommanda MacArthur à l'unanimité[232]. Il devint ainsi le commandant en chef duCommandement des Nations unies (UNCOM) tout en restant le commandant suprême des forces alliées au Japon et le commandant de l'USAFFE[233]. Toutes les forces sud-coréennes furent placées sous son commandement. Alors qu'elles se repliaient sous la pression nord-coréenne, MacArthur reçut l'autorisation d'engager des forces terrestres américaines. Tout ce que les premières unités déployées pouvaient faire était de gagner du temps pour permettre la formation dupérimètre de Busan[234]. À la fin du mois d'août, l'urgence s'atténua ; les attaques nord-coréennes contre le périmètre étaient contenues et alors que la Corée du Nord déployait 88 000 hommes, la8e armée du lieutenant-généralWalton Walker en avait maintenant 180 000 et disposait de plus de chars et de pièces d'artillerie[235].
MacArthur observe le bombardement d'artillerie sur Incheon depuis l'USSMount McKinley avec le brigadier-généralCourtney Whitney (à gauche) et le major-général Edward M. Almond (à droite), 15 septembre 1950.
En 1949, le président du Comité des chefs d’États-majors interarmées, le général de l'arméeOmar Bradley, avait prédit qu'une« opération combinée amphibie à grande échelle… n'aurait plus jamais lieu » mais en juillet 1950, MacArthur planifiait une opération de ce type[236]. MacArthur compara son plan à celui du généralJames Wolfe lors de labataille des plaines d'Abraham et rejeta tous les problèmes posés par les marées, l'hydrographie et le terrain[237]. Le 15 septembre, malgré les inquiétudes persistantes de leurs supérieurs, les soldats américains réalisèrent undébarquement à Inchon, loin derrière les lignes ennemies. Soutenues par la marine et l'aviation, les forces débarquées reprirent rapidementSéoul et forcèrent les Nord-Coréens à fuir vers le nord pour éviter un encerclement[238]. En visite sur le champ de bataille le 17 septembre, MacArthur inspecta six charsT-34 détruits par les soldats américains en ignorant les tirs des tireurs d'élite autour de lui sauf pour noter qu'ils manquaient d'entraînement[239].
Un mois plus tard, les choses avaient changé. Lors de la bataille d'Unsan à la fin du mois d'octobre, les forces de l'ONU furent repoussées avec de lourdes pertes par des soldats chinois. Néanmoins, Willoughby minimisa les preuves de l'intervention chinoise. Le 24 novembre, il estima que 71 000 soldats de l'Armée des volontaires du peuple chinois étaient présents dans le pays alors que le véritable nombre était plus proche de 300 000[243]. Le même jour, MacArthur se rendit au quartier-général de Walker et il écrivit plus tard :
« J'ai fait le tour de la ligne de front durant cinq heures. Lors d'une discussion avec un groupe d'officiers, je leur ai dit que le général Bradley espérait pouvoir faire rentrer deux divisions aux États-Unis pour Noël… Ce que j'ai vu sur le front m'inquiéta grandement. Les troupes sud-coréennes n'étaient pas encore prêtes au combat et l'ensemble de la ligne était très faible. Si les Chinois étaient effectivement en supériorité numérique, je décidai que je retirerais nos troupes et abandonnerais toute tentative pour progresser plus au nord. J'ai donc décidé de faire une reconnaissance pour essayer de voir de mes propres yeux et interpréter la situation avec ma longue expérience[244]. »
MacArthur survola le front dans sonDouglas C-54 Skymaster mais ne vit aucun signe de renforcement chinois et décida d'attendre avant d'ordonner un assaut ou un repli. Les preuves de l'activité chinoise étaient invisibles pour MacArthur car l'armée chinoise se déplaçait de nuit et se retranchait le jour[243]. Pour ses efforts de reconnaissance, MacArthur reçut laDistinguished Flying Cross et un badge d'aviateur[244].
Douglas MacArthur (à l'arrière), Jean MacArthur et Arthur MacArthur reviennent aux Philippines pour une visite en 1950.
En décembre, le chef d'état major de l'armée, le généralJoseph Lawton Collins, évoqua la possibilité d'utiliser des armes nucléaires en Corée avec MacArthur et lui demanda par la suite une liste de cibles enUnion soviétique si cette dernière entrait en guerre. MacArthur témoigna devant le Congrès en 1951 qu'il n'avait jamais recommandé l'emploi d'armes nucléaires. Il avait un temps envisagé de larguer desmatières radioactives en Corée. S'il évoqua le sujet avec leprésident élu Eisenhower en 1952, il ne recommanda jamais son application. En 1954, lors d'un entretien publié après sa mort, il déclara qu'il avait voulu larguer des bombes atomiques sur les bases ennemies mais en 1960, il s'opposa à une déclaration de Truman affirmant la même chose. Truman publia une rétractation en avançant qu'il n'avait aucune preuve et qu'il s'agissait uniquement de son opinion personnelle[247],[248],[249].
Le 5 avril 1951, le Comité des chefs d’États-majors interarmées rédigea des ordres pour MacArthur autorisant des frappes nucléaires sur la Mandchourie et sur lapéninsule du Shandong si, à partir de là, les Chinois lançaient des attaques aériennes contre ses forces[250]. Le lendemain, Truman rencontra le président de la Commission de l'énergie atomique des États-Unis,Gordon Dean[251], et organisa le transfert de neuf bombes nucléaires Mark 4 sous contrôle militaire[252]. Dean s'inquiétait du fait que la décision sur la manière de les utiliser soit confiée à MacArthur qui, selon lui, n'avait pas toutes les connaissances techniques de ces armes et de leurs effets[253]. Le Comité des chefs d’États-majors n'était pas non plus complètement à l'aise à l'idée de les donner à MacArthur, de peur qu'il n'applique trop prématurément ces consignes[250]. Il fut décidé à la place de mettre la force de frappe nucléaire sous le contrôle duStrategic Air Command[254].
En quelques semaines, MacArthur fut obligé de se retirer de la Corée du Nord[255]. Lorsque Séoul tomba en janvier, Truman et MacArthur durent envisager la possibilité d'abandonner l'ensemble de la péninsule coréenne[256]. Les pays européens ne partageaient pas la vision mondiale de MacArthur, se méfiaient de son jugement et craignaient que sa stature et son influence auprès du public américain ne détournent la politique américaine de l'Europe vers l'Asie. Ils s'inquiétaient également d'une possible confrontation avec la Chine, impliquant peut-être l'emploi d'armes nucléaires[257]. Lors d'une visite aux États-Unis en décembre 1950, le premier ministre du Royaume-UniClement Attlee exprima les craintes européennes que« ce soit MacArthur qui soit responsable de l'affaire »[258].
Le 5 avril, le représentantJoseph William Martin, Jr., le chef de file des républicains de la Chambre des représentants, lut une lettre de MacArthur critiquant la stratégie de guerre limitée du président Truman[262]. La lettre se terminait par :
« Il est étrange que d'aucuns éprouvent des difficultés à comprendre que c'est ici, en Asie, que les conspirateurs communistes ont choisi de tout faire pour conquérir le monde, et que nous avons riposté au problème ainsi créé sur le champ de bataille ; que c'est ici que nous menons la guerre de l'Europe avec les armes tandis que, là-bas, les diplomates la mènent toujours avec des mots ; que si nous perdons la guerre contre le communisme en Asie, la chute de l'Europe sera inévitable, si nous la gagnons, l'Europe pourra probablement éviter la guerre et néanmoins préserver sa liberté. Comme vous l'avez souligné, nous devons gagner. Il n'y a pas d'alternative à la victoire[263]. »
Truman convoqua lesecrétaire à la Défense, George Marshall, lechef d'état-major des armées Omar Bradley, lesecrétaire d’ÉtatDean Acheson etAverell Harriman pour discuter de la situation. Les chefs d’États-majors se réunirent le 8 avril et conclurent que MacArthur n'était pas coupable d'insubordination, et que s'il était allé assez loin dans l'application des ordres, il n'avait pas outrepassé sa mission[264]. Ils acceptèrent la suspension de MacArthur, mais sans la recommander. Bien qu'ils aient considéré qu'elle était correcte« d'un point de vue strictement militaire[265] », ils étaient conscients qu'il y avait d'importantes considérations politiques en jeu[265]. Même si Truman et Acheson considéraient que MacArthur était insubordonné, le Comité des chefs d’États-majors évita toute suggestion en ce sens[266]. L'insubordination était un crime et MacArthur aurait pu demander une cour martiale publique similaire à celle de Billy Mitchell dans les années 1930. Le résultat d'un tel procès était incertain et le verdict aurait pu demander qu'il recouvre ses fonctions[267]. Le Comité des chefs d’États-majors admit qu'il y avait« peu de preuves indiquant que le général MacArthur n'aurait pas appliqué un ordre direct du Comité ou agit en opposition à un ordre ». Bradley insista sur le fait que« MacArthur avait appliqué les directives du Comité à l'extrême mais sans les violer. Il avait violé l'ordre présidentiel du 6 décembre [de ne pas faire de déclarations publiques sur des questions politiques], qui lui avait été transmis par le Comité, mais cela ne représentait pas une violation d'un ordre du Comité »[266]. Truman demanda à Ridgway de relever MacArthur de ses fonctions et l'ordre fut transmis le 10 avril, avec la signature de Bradley[268].
La suspension du célèbre général par l'impopulaire Truman, parce que le général avait communiqué avec le Congrès, entraîna une large controverse et une crise constitutionnelle. Les sondages indiquèrent qu'une majorité d'Américains désapprouvaient cette décision[269]. La cote de popularité de Truman tomba à 23 % au milieu de l'année 1951, ce qui reste encore le plus bas score atteint par un président américain en exercice[270]. Alors que l'impopulaire guerre de Corée se poursuivait, l'administration Truman fut victime d'une série d'affaires de corruption, et le président décida de ne pas se représenter en 1952[271]. Un comité sénatorial présidé par le démocrateRichard Brevard Russell Jr. enquêta sur la suspension de MacArthur. Elle conclut que la« destitution du général MacArthur était en accord avec les pouvoirs constitutionnels du président, mais que les circonstances portèrent un coup à la fierté nationale »[272].
MacArthur faisant un discours dans leSoldier Field deChicago en 1951.Derniers mots du discours de MacArthur devant le Congrès.
MacArthur s'envola pour Washington avec sa famille en avril 1951. Il s'agissait de la première visite de son épouse Jean auxÉtats-Unis continentaux depuis 1937 lors de leur mariage et leur fils Arthur IV, à présent âgé de 13 ans, n'était jamais allé en Amérique[273]. MacArthur fit sa dernière apparition officielle lors d'un discours d'adieux au Congrès qui fut interrompu par cinquante ovations[274]. MacArthur termina son monologue par :
MacArthur connaissait une très forte popularité : un demi-million de personnes se massèrent sur son cortège à San Francisco, sept millions à New York le 20 avril 1951, les spectateurs jetant plus de huit tonnes de confettis à cette occasion[276]. Les rumeurs prétendaient qu’il pourrait se présenter à la présidence mais il ne chercha pas à être candidat. Il soutint le sénateurRobert Taft et fut l’un des principaux orateurs lors de la convention nationale républicaine de 1952. Taft perdit la nomination face à Eisenhower qui remporta largement l'élection de 1952 face àAdlai Stevenson[277]. Une fois élu, Eisenhower consulta MacArthur sur la manière de mettre un terme à la guerre en Corée[278].
Après une période de convalescence, MacArthur se rendit à la Maison-Blanche pour une dernière réunion avec Eisenhower. En 1961, il fit un« voyage sentimental » aux Philippines où le présidentCarlos P. Garcia lui remit laLégion d'honneur. MacArthur accepta une avance de 900 000 $ de l'éditeurHenry Luce pour les droits de ses mémoires qui furent publiées sous le titreReminiscences[281]. Des extraits furent publiés sous forme de feuilleton dans le magazineLife peu de temps avant sa mort[282].
Le présidentJohn F. Kennedy sollicita l'avis de MacArthur en 1961. Le premier des deux entretiens eut lieu peu après ledébarquement de la baie des Cochons. MacArthur critiqua vertement les conseils militaires donnés à Kennedy, mit en garde le jeune président contre un engagement au Viêt Nam et lui conseilla de donner la priorité aux questions de politique intérieure[283]. Peu avant sa mort, il donna un conseil similaire au présidentLyndon B. Johnson[284].
En 1962, West Point décerna leSylvanus Thayer Award à un MacArthur de plus en plus affaibli pour son engagement extraordinaire au service de la nation. Le discours d'acceptation de MacArthur aux cadets avait comme thème,Devoir, Honneur, Pays :
« Les ombres s'allongent pour moi. Le crépuscule est arrivé. Mes vieux jours ont disparu avec leurs teintes et leurs sons. Ils s'en sont allés miroiter à travers les rêves des choses qui furent. Leur souvenir est celui d'une beauté merveilleuse arrosée par les larmes, cajolée et caressée par les sourires d'hier. J'écoute en vain, mais d'une oreille assoiffée, la mélodie ensorceleuse des faibles clairons sonnant le réveil, des tambours lointains battant leur long roulement. Dans mes rêves j'entends encore la clameur lointaine des canons et le fracas de la fusillade, étrange et lugubre murmure du champ de bataille. Mais au soir de mon souvenir je reviens à West Point. Toujours sonnent et résonnent : devoir, honneur, pays. Aujourd'hui marque mon dernier appel avec vous. Mais je veux que vous sachiez que lorsque je traverserai le fleuve, mes dernières pensées seront celles du corps, et du corps, et du corps[285]. Je vous fais mes adieux[286]. »
Sarcophage de MacArthur dans le Mémorial MacArthur de Norfolk en Virginie.
Douglas MacArthur mourut d'unecirrhose biliaire primitive à l'hôpital Walter Reed de Washington le[287]. Kennedy avait autorisé desobsèques nationales et Johnson confirma la directive en ordonnant qu'il soit inhumé« avec tous les honneurs qu'une nation reconnaissante puisse conférer à un héros défunt »[288]. Le 7 avril, le corps de MacArthur fut emmené par train jusqu'àUnion Station puis transporté jusqu'auCapitole[289]. Environ 150 000 personnes défilèrent devant sa dépouille. Le cercueil fut ensuite inhumé dans la rotonde du Mémorial Douglas MacArthur àNorfolk en Virginie[290].
En 1960, le maire de Norfolk avait proposé d'organiser une collecte de fonds auprès du public pour transformer l'ancien palais de justice de la ville en un mémorial pour le général MacArthur et pour accueillir ses documents, ses décorations et ses souvenirs. Restauré, le bâtiment abrite neuf galeries retraçant la carrière militaire du général. Au cœur du mémorial se trouve une rotonde avec une crypte circulaire accueillant deux sarcophages de marbre, un pour MacArthur[291] et le second pour Jean, qui continua de vivre dans la suite du Waldorf jusqu'à sa mort en 2000[292].
Les réformes de MacArthur à West Point furent rapidement annulées[67]. Son concept du rôle du soldat englobant la gestion des affaires civiles fut ignoré par la majorité de ceux qui combattirent en Europe et qui voyaient leur mission comme étant principalement la lutte contre l'Union soviétique[294]. Sa suspension eut cependant des effets durables sur les relations entre civils et militaires aux États-Unis. Lorsque Lyndon Johnson rencontra le généralWilliam Westmoreland à Honolulu en 1966, il lui dit :« Général, j'ai misé lourd sur vous, j'espère que vous ne me la ferez pas à la MacArthur »[295]. La suspension de MacArthur« laissa un fort sentiment public que dans les questions de guerre et de paix, le militaire s'y connait mieux »[296]. Interrogé sur MacArthur, Blamey dit« les meilleures et les pires choses que vous entendez à son sujet sont aussi vraies les unes que les autres »[297].
MacArthur reste un personnage controversé et énigmatique. Il a souvent été représenté comme un réactionnaire même s'il fut, à de nombreux égards, en avance sur son temps. Il défendit une approche progressiste de la reconstruction de la société japonaise en avançant que toutes les occupations se finissent toujours mal pour l'occupant et l'occupé. Il affirma que la Corée du Nord et la Chine n'étaient pas de simples marionnettes de l'Union soviétique et que l'avenir se trouvait en Extrême-Orient. Il était ainsi à l'opposé de la vision dominante de laguerre froide tout en rejetant implicitement les notions contemporaines de supériorité raciale. Il traita toujours les dirigeants philippins et japonais avec le respect dû à des égaux. Sa réticence à raser Manille par des bombardements aériens fut considérée comme démodée par la génération endurcie de la Seconde Guerre mondiale[298].
MacArthur fut extrêmement populaire auprès du public. De nombreux bâtiments, rues et parcs furent nommés d'après lui[299], comme leMacArthur Park àLos Angeles. La récompense MacArthur ducollège militaire royal du Canada à Kingston enOntario est décerné aux cadets ayant démontré une aptitude au commandement extraordinaire[300].
↑Senate Committees on Armed Services and Foreign Relations, 15 May 1951—Military Situation in the Far East, hearings, 82d Congress,1st session, part 1,p. 77 (1951).