Le Doubs est mentionné anciennement sous la formeDubis, qui vient du celtique (gaulois)dub qui signifie « noir »[4]. La première mention écrite apparaît dans lesCommentaires sur la Guerre des Gaules deJules César : « […]propterea quod flumen [alduas] Dubis ut circino circumductum paene totum oppidum cingit […] ». C'est un nom féminin à l'origine*dubui >dubi(s), comme la plupart des noms de rivière antiques. On retrouve plusieurs noms de rivière analogues en Grande-Bretagne du typeDove, d'une forme en -ā (dubuā) et des noms dérivés en France (la Dhuine, laDheune ou laDeûle).
La racine celtique anciennedubu- est prolongée par le vieux galloisdub-, gallois, bretondu et l'irlandaisdub, signifiants « noir », de même dans des termes dialectaux régionaux, par exemple danssapin double, compris comme « double », mais à l'originedoube, c'est-à-dire noir. De même, lesuisse allemand a conservé le mot, figé dans les toponymes du typeTobwald,Toppwald, mais encore vivant au Moyen Âge comme le montre la mention latine de 1299 : « Silvas nigras que theotonice vulgo topwelde appellantur. »[5],[6]
Le Doubs et les principaux cours d'eau de son bassin (carte interactive).
D'une longueur de 453 kilomètres[1], le Doubs a globalement la forme d'un M avec des jambes très allongées : ainsi, la distance à vol d'oiseau entre sa source et son confluent n'est que de 93 kilomètres. Il s'écoule d'abord vers le nord-est, puis, après une courte remontée en direction du nord en amont de Montbéliard (qu'il n'arrose pas), il s'écoule en direction du sud-ouest jusqu'à son confluent avec laSaône àVerdun-sur-le-Doubs (Saône-et-Loire).
Le Doubs prend sa source au cœur dumassif du Jura à 945,5 m d'altitude[8], sur le territoire de la commune française deMouthe (département du Doubs), à environ cinq kilomètres de lafrontière franco-suisse[9]. Les eaux du Doubs surgissent d'une cavité constituée de rochescalcaires duPortlandien, située au pied dumont Risoux et de la forêt du Noirmont. La température de l'eau y est comprise toute l'année entre5 °C et6 °C. Des explorationsspéléologiques ont permis de découvrir l'existence d'une succession desiphons juste en amont de l'exsurgence dont le troisième plonge verticalement jusqu'à plus de 50 m de profondeur. Ledébit moyen à la source est de 1,76 m3/s[10]. Juste après la source, la rivière prend la direction de l'ouest et traverse des zones humides, dont lestourbières du Moutat. Après environ deux kilomètres, à l'entrée du village du Mouthe, le Doubs reçoit les eaux d'un premier affluent, leCébriot, et prend alors la direction du nord-est dans le val de Mouthe-Métabief.
Sur les premiers kilomètres de son parcours, le Doubs adopte un tracé singulier en forme debaïonnettes, faisant se succéder tantôt un écoulement dans de larges dépressionssynclinales dénomméesvals (vals de Mouthe, dulac de Saint-Point, de la plaine de l'Arlier, du Saugeais et de Morteau), tantôt des passages dans des gorges étroites découpant lesanticlinaux et appeléescluses. Ainsi, après avoir atteint la commune deRochejean, il prend la direction nord-ouest en passant par lacluse de Fourperet, qui draine les eaux de la rivière du val de Mouthe vers le val de Saint-Point. Vingt-deux kilomètres en aval de la source, il reprend une direction nord-est et forme alors un vaste lac naturel, lelac de Saint-Point, de près de 7 km de longueur et 800 m de largeur. Le passage d'une nouvelle cluse au pied dufort de Joux permet au cours d'eau d'atteindrePontarlier, première ville d'importance à être traversée. Il reçoit un de ses principaux affluents, leDrugeon, avant de s'écouler dans le val duSaugeais. Il s'insère ensuite dans une série de gorges escarpées, ledéfilé d'Entre-Roches et le défilé du Coin de la Roche, débouchant sur le val deMorteau.
Dans cette zone en aval de Pontarlier, despertes du Doubs vont alimenter au moins en partie larésurgence qui constitue lasource de la Loue.Ce phénomènekarstique a été découvert en août1901 lorsque les usinesPernod dePontarlier brûlèrent après avoir été frappées par lafoudre le 11 août 1901. Ces usines fabriquant de l'absinthe hautement inflammable, les pompiers déversèrent dans un puits perdu600 000 litres du spiritueux. Le surlendemain, on retrouva des traces d’absinthe et de colorant jaune doré aux reflets verts dans la Loue, comme le rapportaAndré Berthelot[11]. Cela fut confirmé par les savants spéléologuesÉdouard-Alfred Martel etEugène Fournier qui, ayant remarqué une faille sur le cours du Doubs en aval dePontarlier, y jetèrent un puissant colorant vert (fluorescéine)[12]. Quelques jours plus tard, la Loue était colorée de ce même vert[13].
Après son passage à deux kilomètres au sud de Montbéliard, le Doubs reçoit àVoujeaucourt son deuxième affluent le plus important, l'Allan[15], et s'oriente définitivement vers le sud-ouest, en longeant les premierscontreforts du massif du Jura. Son altitude passe alors sous la barre des 300 m avant de s'engouffrer une fois de plus, par la cluse deClerval qui coupe la Chaîne d'Armont, dans une vallée encaissée de plusieurs centaines de mètres bordée par les deux chaînons boisés duFaisceau bisontin dont lesméandres anciens ou actuels, font ressortir les formes structurales tantôt en mettant au jour les surfaces calcaires, tantôt en les tranchant encluses (ex : cluse fossile de la Malcombe et cluses actives de Rivotte et de Tarragnoz àBesançon, double cluse d'Avanne-Aveney, deThoraise) ou demi-cluses (ex : demi-cluse de Souvance àLaissey)[16]. Le Doubs atteint la plus grande ville établie sur son cours, Besançon, où il forme unméandre parfaitement dessiné dénommé laBoucle. Il quitte finalement les formes jurassiennes au niveau de la localité d'Osselle[14].
La Moyenne Vallée du Doubs
Boucle du Doubs à Esnans.
Vue sur la moyenne vallée du Doubs depuis le Mont Dommage.
Le Doubs arrose deux agglomérations de plus de 100 000 habitants, situées toutes les deux dans le département du Doubs, celles deBesançon (environ 140 000 habitants) etMontbéliard (113 000 habitants). Dans cette dernière, la ville de Montbéliard à proprement parler n'est pas traversée par la rivière mais plusieurs villes de sa banlieue le sont :Mandeure (5 000 habitants),Valentigney (11 000 habitants),Audincourt (14 000 habitants),Voujeaucourt (3 000 habitants) etBavans (4 000 habitants).
La troisième agglomération la plus peuplée que traverse le Doubs est celle deDole (30 000 habitants),sous-préfecture dudépartement du Jura, suivie de cellePontarlier (23 000 habitants), sous-préfecture du département du Doubs.
Le débit est très irrégulier avec unrégime pluvial àpluvio-nival. Les étiages sont sévères en période estivale et la période des crues est très large, s'étalant historiquement de septembre à fin mai. En effet, les crues ont deux origines : soit des pluies longues qui saturent les sols, soit des pluies liées à un redoux et qui participent à la fonte du manteau neigeux.
Les crues historiques récentes sont celles de janvier 1955, mai 1983, février 1990, décembre 1995, février 1999, mars 2001, novembre 2002, mars 2006 et janvier 2018.La plus forte crue duXXe siècle est celle de 1910.
Il apparait que le débit du Doubs est supérieur à celui de la Saône à leur confluence. La grande Saône est formée par l'union du Doubs et de la Saône à Verdun-sur-le-Doubs. Le Doubs y apporte un débit moyen interannuel de 175 m3/s et la Saône 160 m3/s.
Le Doubs est une rivière fort abondante, mais très irrégulière, comme presque tous les cours d'eau de l'est de la France. Son débit a été observé sur une période de 43 ans (1966-2007), àNeublans-Abergement, localité du département duJura située à une trentaine de kilomètres de distance de son confluent avec laSaône[2]. Le bassin versant de la rivière y est de 7 290 km2[2] (soit près de 95 % de sa totalité qui fait 7 710 km2).
Lemodule de la rivière à Neublans-Abergement est de 176 m3/s[2].
Débit moyen mensuel (en m3/s) Station hydrologique : U2722010 - le Doubs à Neublans-Abergement pour un bassin versant de 7 290 km2[2] (données calculées sur 43 ans)
Le débit instantané maximal enregistré à Neublans-Abergement durant cette période de 42 ans, a été de 1 760 m3/s le 28 mai 1983, tandis que la valeur journalière maximale était de 1 760 m3/s le même jour[2]. En comparant la première de ces valeurs à l'échelle des QIX de la rivière, il apparaît clairement que cette crue était d'ordre quasi cinquantennal, et donc destinée à se reproduire peu fréquemment.
Le Doubs est une rivière fort abondante, puissamment alimentée par les fortes précipitations de son aire. Lalame d'eau écoulée dans son bassin versant est de 765 millimètres annuellement ce qui est plus de deux fois supérieur à la moyenne d'ensemble de la France tous bassins confondus, ainsi qu'à la moyenne du bassin de laSaône (501 millimètres par an à Lyon). Ledébit spécifique de la rivière (ou Qsp) atteint dès lors le chiffre très robuste de 24,2 litres par seconde et par kilomètre carré de bassin[2].
Le cours de la rivière n'a jamais été canalisé et il est varié : des sections en canyons alternent avec des sections en bassins périodiquement alimentées par des arrivéeskarstiques. Le lit mineur, de 30 à 50 mètres hormis au niveau des grands barrages a globalement conservé sa morphologie naturelle sur l'essentiel de son cours amont, souvent en fond de vallée boisée. Le fond du lit est hétérogène. Ces caractéristiques confèrent au Doubs un fort potentiel biologique[18], mais le contexte karstique le rend vulnérable à d'éventuelles pollutions des nappes qui alimentent les sources.
Le Doubs n'est plus une rivière sauvage : son régime hydrologique (originellement« pluvio-nival » marqué) et la qualité de son eau sont marqués par l'anthropisation ; lanaturalité du cours et lacontinuité écologique sont notamment altérées par troisbarrages hydroélectriques (barrage du Châtelot ; construit en 1953 et disposant d'une concession jusque 2028 ; barrage du Refrain (1909, autorisé jusque 2032) et barrage de la Goule (1898, autorisé jusque 2024)[18]. On y constate aussi la disparition de certains embâcles naturels, une modification de température ou de la dynamique sédimentaire (DIREN Franche-Comté, 1994)[19]. Les seuils marqués par les premiers grands barrages sont aujourd’hui considérés comme« trois grandes zones fonctionnelles »[20].
La richesseichtyologique du Doubs et sesichtyocénoses ont été périodiquement étudiées (dont par Jean Verneaux et l’Université de Franche-Comté (1973) et par leConseil supérieur de la pêche, Étude SRAE de Franche-Comté de 1986[21]. Étude CSP-INRA de 1994 à 1999[22]. Étude CSP de 2003 à 2005[23]...) en comparant la situation actuelle avec ce qui est supposé être celle dubon état écologique pour lebiocénotype correspondant à la station étudiée, ou plutôt avec un référentiel élaboré (« de façon statistique sur une série de sites non pollués »)[18].
La rivière est considérée comme« à truite et à ombre » et abrite une espèceendémique et patrimoniale du Sud-Est de la France : l'Apron du Rhône. Plusieurs variétés de truites (fario et arc-en-ciel), brochets, ombres, perches... y sont observées, mais en densité encore éloignée du potentiel écologique théorique du cours d'eau[18].
Le cours d'eau présente des situations dégradées, en partie mal expliquées qui ont justifié en 2003, un« programme d'amélioration des écosystèmes du Doubs franco-suisse » (sous forme d'un accord-cadre franco-suisse), dont la mise en œuvre a commencé par la réalisation d'unétat initial de la qualité de l’écosystème (principalement axé sur les poissons ; potentialités piscicoles, l’état des peuplements...)[18]. Cet accord vise à équiper en passes à poisson (ou ascenseur à poisson) les ouvrages hydroélectriques, augmenter les débits permanents et il a permis de« "lisser" davantage les éclusées »[18].
Comme dans laLoue (affluent du Doubs), plusieurs épisodes de mortalité massive de poissons ont été constatés (dont au printemps 2010 avec une mortalité importante de truites et en janvier 2011 avec de nombreuses espèces touchées). Ces phénomènes ont été étudiés par l'ONEMA qui a dans ce cas repéré de fréquentes infestations des poissons morts ou malades par unoomycète (saprophyte) du genreSaprolegnia[18], qui est un microorganisme parfois qualifié depseudochampignon, proche du mildiou susceptible d'attaquer des organismes en état d'affaiblissement immunitaire. À la suite de ces épisodes, une étude[18] a fait durant l'automne 2011 un point sur l'ichtyofaune de 5 stations (dont deux suisses) déjà inventoriées parpêches électriques et« méthode de pêche par épuisement de De Lury » (DE LURY, 1947[24] in Laurent & Lamarque, 1975) (1985, 1994, 1996[25] et 2004).
Cette étude a permis d'identifier 12 espèces de poissons présents en 2011 dans les trois stations françaises et a confirmé l'augmentation régulière du nombre d'espèces observées depuis trente ans (1970 - 2004)[18], phénomène général en Europe, notamment dû à l'arrivée d'espèces introduites (parfois invasives). Dans un premier temps, les nouvelles espèces étaient de types écologiques jugés par l'ONEMA "inférieurs" ou inféodées aux zoneslentiques, provenant pour la plupart des retenues d'eau des barrages hydroélectriques, mais cette tendance semble se retourner avec trois espèces (tanche,brème etrotengle) qui n'ont pas été retrouvées en 2011 hors des retenues, peut-être selon l'ONEMA en raison de débits plus importants volontairement maintenus par les électriciens, qui auraient redonné un cours plus rapide et oxygéné aux zones d'échantillonnage[18].par contre l'Apron, qui était encore capturé (par Verneaux au début des années 1970 durant sa thèse de doctorat[26] sur les sites de Goumois (France), de Clairbief (Suisse) et des Rosées (Suisse), n’est plus retrouvé sur le Doubs frontalier en France, mais est encore présent dans la boucle suisse du Doubs[27]. Concernant la truite, l'ONEMA conclut en 2011 à une population déséquilibrée en termes de classes d’âge (« déficit des juvéniles (1+) mais également d’adultes de plus de 5 ans », avec régression des grands individus (> 51 cm) par rapport aux années précédentes). L'ONEMA s'inquiète aussi d'une« forte régression des petites espèces (Loche franche, vandoise et vairon) »(sur la "station du Câble")[18].
EntreVoujeaucourt (juste en aval deMontbéliard) etDole, le lit du Doubs est en partie utilisé pour constituer lecanal du Rhône au Rhin[30] même si de nombreuses portions decanal sont construites en parallèle de la rivière ou pour courcircuiter certains méandres.
↑Le résultat de l'addition des longueurs sur le territoire français et le territoire suisse est supérieur à la longueur totale dans la mesure où la partie du tracé constituant la frontière compte pour les deux pays.
↑DIREN Franche-Comté (1994)Le Doubs franco-helvétique. Aménagement hydroélectrique, situation hydrodynamique et thermique, éléments de sédimentologie et de biologie. 90 p + annexes.
↑Degiorgi F & Champigneulle A (2000), « Diagnose piscicole et mesure de l’efficacité des alevinages en truite sur le Doubs franco-helvétique », Conseil supérieur de la pêche et Institut national de la recherche agronomique de Thonon-les-Bains, 119 p.
↑SRAE Franche-Comté (1986)Aménagement hydroélectrique du Doubs franco-helvétique, éléments de diagnose. 46 p.
↑ex : CSP DR5 (1995), « État de santé des populations salmonicoles et impacts des repeuplements sur le Doubs franco-helvétique », Rapport préliminaire : bilan des peuplements et résultats des marquages en 1994. Rapport CSP DR5-09-95, 1 vol., 34 p.
↑CSP (2005)Étude de la qualité piscicole du Doubs Franco-Helvétique – Définition d’un état initial. Rapport d’étude 38 p. + an.
↑de Lury D.B., 1947.On the estimation of biological population. Biometrics. 3 p, 145-147.
↑CSP (Conseil supérieur de la pêche) (1996)La circulation des poissons dans la Loue. Recensement des obstacles. Équipement en ouvrages de franchissement. Rapport d’étude. 22 p
↑Verneaux J., 1973. Cours d'eau de Franche-Comté (Massif du Jura). Recherches écologiques sur le réseau hydrographique du Doubs. Essai de biotypologie. Thèse de doctorat, Université de Besançon, 257 p.
↑AQUARIUS (2011)Pêches d’inventaires 2011 dans le Doubs jurassien. Rapport d’étude. 22 p + annexes.