
Unedomus de janas (nom signifiant « maison desfées ou dessorcières ») est une tombepréhistorique creusée dans laroche que l'on trouve sur tout le territoire de laSardaigne. Lesdomus de janas apparaissent dès leNéolithique moyen. Ce sont les héritières des grottes artificielles qui ont vu le jour avec laculture de Bunuighinu. Elle connaissent une grande diffusion durant laculture d'Ozieri. Elles constituent l'une des caractéristiques majeures de l'architecture funéraire duNéolithique en Sardaigne.
AuXIXe siècle, les domus de janas étaient assimilées à descatacombes et datées de l'époque romaine ou de l'Antiquité tardive. AuXXe siècle, les archéologuesGiovanni Lilliu (1963), et Ercole Contu (1997) ont proposé de voir dans les domus de janas une des composantes caractéristiques de laculture d'Ozieri. En 1980, les fouilles menées dans la grotte de Sa Ucca de su Tintirriolu (Mara), livrant un contexte archéologique daté duNéolithique moyen et récent, puis la découverte de la nécropole de Cuccuru S'Arrius (Cabras), attribuée au Néolithique moyen et présentant de fortes similitudes structurelles avec les domus de janas, ont semblé confirmer cette hypothèse[1]. La multiplication des fouilles qui ont pu être réalisées de manière scientifique ont toutefois mis en évidence des configurations archéologiques complexes. La domus I de Santu Pedru-Alghero a été utilisée du Néolithique final à l'Âge du bronze ancien et la domus II de Mesu 'e Montes (Ossi) a été utilisée duNéolithique moyen auBronze ancien, soit duIVe millénaire av. J.-C. jusqu'au quatre premiers siècles duIIe millénaire av. J.-C. Lesdatations radiométriques réalisées dans les domus de Molia sur des sédiments organiques et des charbons de bois correspondent à plusieurs intervalles compris entre 4230 et[2].
Les longues périodes d'utilisation des domus de janas soulignent leur valeur identitaire pour les groupes humains qui les ont utilisées durant toute lapériode prénuragique[2] dont elle constitue la caractéristique majeure de l'architecture funéraire. Elles ont parfois été réutilisées à des fins funéraires durant la périodenuragique puis réemployées comme bergeries ou abris de bergers jusqu'à des périodes récentes[3].
Giovanna Maria Meloni, à partir de données bibliographiques connues, a recensé 3 500 domus de janas[1]. Les domus de janas sont réparties sur tout le territoire insulaire, avec de fortes concentrations notamment dans le centre-ouest de la Sardaigne[1]. Les tombes sont parfois isolées mais le plus souvent elles sont regroupées ennécropoles dans de vastes affleurements calcaires ou gréseux. Lanécropole d'Anghelu-Ruju (Alghero) regroupe 38 tombes, celle de Montessu (Villaperuccio) 35 tombes. Les nécropoles de Su Crucifissu Mannu (Porto Torres) et celle de Forus à (Villa Sant'Antonio) comprennent respectivement 22 et 20 tombes[4].
Les tombes ont été creusées dans la roche avec des pics, comme en attestent les nombreuses traces laissées sur les parois des tombes. Les outils ont d'ailleurs fréquemment été laissés sur place. Il n'est pas exclu que la présence des pics dans les tombes ne soit pas due à un abandon accidentel, mais à un dépôt intentionnel, à valeur symbolique, le creusement de la tombe pouvant lui-même faire partie du rituel[5].

Les domus de janas font l'objet d'une classification typologique reposant sur deux critères : le mode d'accès (souterrain ou aérien) et le nombre de pièces.
Dans les domus à accès souterrain, les tombes sont creusées dans un sol rocheux et l'accès se fait par un puits vertical ou fortement incliné, la tombe s'apparente alors à unhypogée. Dans les domus à accès aérien, les tombes sont creusées dans des parois rocheuses verticales, voire des rochers erratiques (Rocher de l'Éléphant à Castelsardo)[4] et l'accès se fait au niveau du sol ou au-dessus, avec éventuellement un couloir à ciel ouvert de typedromos. Les domus à accès souterrain apparaissent dès leNéolithique moyen I (culture de Bunuighinu) et se développent au Néolithique moyen II (culture de San Ciriaco). Elles perdurent ultérieurement mais uniquement dans le contexte des grandes nécropoles, comme à Anghelu Ruiu, où ce choix semble être alors dicté par un manque d'espace alors que le type avec dromos est prédominant dans la nécropole[6]. Le passage d'un type à l'autre, d'une tombe invisible à une tombe visible, pourrait traduire un changement culturel[7].
À l'origine, les domus de janas ne comportent qu'une seule pièce en « forme de four » puis leur architecture évolue rapidement avec l'apparition d'une porte, puis d'un atrium ou d'un long couloir, permettant l'accès à la chambre sépulcrale. Vingt-neuf hypogées comportent un couloir d'entrée[1]. Peu à peu, la tombe unique se transforme en un espace multicellulaire, pouvant atteindre jusqu'à vingt pièces, résultant d'agrandissements successifs probablement réalisés pour accueillir les défunts d'un même groupe familial[4]. Dans les domus de janas multicellulaires, une petite porte d'entrée (0,50 m de côté) débouche sur une pièce d'entrée étroite faisant office d'antichambre et celle-ci donne accès une pièce centrale, de plus grande dimension, où chaque côté comporte une porte permettant d’accéder à une ou plusieurs chambres plus petites[4].
Les aménagements intérieurs peuvent reproduire dans la pierre des éléments issus de l'architecture domestique, représentation d'une hutte circulaire avec un toit à poutres rayonnantes (90 tombes comportent une représentation d'un plafond à deux versants), ou de décors intérieurs (linteaux, piliers, colonnes,pilastres, stipes, plinthes, frises) ou extérieure[4]. Des fausses portes, sculptées ou peintes, sont visibles dans une vingtaine de tombes, principalement situées dans le nord-ouest de la Sardaigne[8] (nécropole d'Anghelu Ruju) et les plus anciens exemples sont antérieurs à l'apparition des fausses portes dans les tombes de l'Égypte antique[9]. Ces fausses portes apparaissent généralement sur le mur du fond de la chambre principale et sont représentées par des cadres horizontaux et verticaux et un linteau en saillie.
Les techniques utilisées pour orner les tombes sont variées : la sculpture (bas-relief ou en pseudo-relief), la gravure par martelage, le graffiti, le polissage, les pointillés, la peinture directe sur le mur sur un enduit. Les techniques sont souvent utilisées en combinaison au sein d'une même tombe (notamment sculpture, gravure et peinture). Sur 215 domus de janas ornées, 120 tombes comportent un décor sculpté, 54 un décor gravé et 112 un décor ou peint, les trois techniques étant le plus souvent combinées[10].
On peut classer les motifs représentés en cinq types : lesprotomés et motifs en forme de corne oubucrane , les motifs en forme de peigne, les motifs anthropomorphes, les armes et les outils, les figures géométriques[10]. Ces décors sont généralement présents dans l'antichambre et dans la chambre principale, plus rarement dans les chambres secondaires, ce qui laisse penser que ces pièces avaient des fonctions distinctes[11] (culte des défunts dans les grandes pièces, dépôts des corps dans les plus petites)[4]. Le symbole le plus fréquent est celui du bucrane représenté de manière complète ou seulement par les cornes (jusqu'à 4 cornes)[4]. Les protomés et corniformes sont représentés, horizontalement ou verticalement, au-dessus de la porte d'entrée de la tombe ou dans les chambres, sur les murs latéraux, les murs du fond ou les murs d'entrée[10]. Le bucrane est généralement interprété comme un symbole de la force procréatrice masculine. Son complément féminin est beaucoup plus rare dans les domus de janas où il se présente sous la forme d'une statuette en pierre ou en argile[4].
Les domus de janas sont des tombes collectives destinées vraisemblablement à rassembler les dépouilles d'individus appartenant à un groupe familial. La plupart des domus de janas ayant été découvertes sans dépôts archéologiques ou avec un contexte archéologique pollué par de nombreuses réutilisations ultérieures, les pratiques funéraires demeurent largement méconnues. Par comparaison avec les rituels funéraires observés en Italie péninsulaire à la même période, on émet l'hypothèse que le rituel funéraire pratiqué était celui de l'inhumation secondaire[5]. Les corps des défunts étaient déposés à même le sol, séparés les uns des autres par des lignes de pierres faisant office de cloison de séparation. Quelques rares cas de chambres avec des bancs creusés dans les parois pourraient correspondre à des tombes destinées à des défunts d'un rang social plus élevé[4].
Tradition funéraire dans la Sardaigne préhistorique – Lesdomus de janas * | |
| Pays | |
|---|---|
| Subdivision | Sardaigne |
| Numéro d’identification | 1730 |
| Année d’inscription | (47e session) |
| Type | Culturel |
| Critères | (iii) |
| Superficie | 319,91 ha |
| Zone tampon | 21 828,17 ha |
| Région | Europe et Amérique du Nord ** |
| * Descriptif officiel UNESCO ** Classification UNESCO | |
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Le, l'Italie inscrit sur sa liste indicative une proposition intituléeArt and Architecture in the Prehistory of Sardinia. The domus de janas.[12] (« Art et Architecture de la préhistoire de la Sardaigne. Les domus de janas »). Cette inscription, préalable nécessaire à tout examen par le Comité du patrimoine mondial, comprend 35 sites distincts. Cet examen a lieu en 2025 durant la47e session, sur une liste resserrée de seulement 27 sites. L'ICOMOS recommande de renvoyer la proposition à l'Italie afin de la reformuler[13], mais le comité ne tient pas compte de cet avis et les sites inscrits au patrimoine mondial le[14] sous le libellé de « Tradition funéraire dans la Sardaigne préhistorique – Lesdomus de janas » comme étant la manifestation la plus étendue et la plus riche de l'architecture funéraire hypogée en Méditerranée occidentale, illustrant un phénomène attesté par environ 3 500 hypogées répartis sur toute l'île[15],[16].
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