Dolores Ibárruri Gómez, aussi surnomméela Pasionaria, née le àGallarta enBiscaye et morte le àMadrid, est unefemme politiquebasqueespagnole. Elle a été secrétaire générale duParti communiste espagnol (PCE) entre 1942 et 1960, puis présidente de ce parti entre 1960 et 1989, devenant la première femme à diriger un parti en Espagne[1].
Elle soutient les troupes républicaines antifranquistes pendant laguerre d'Espagne en prononçant des discours incendiaires à la radio et en visitant les troupes au front pour leur remonter le moral. Elle est connue pour son fameux sloganNo pasarán!.
Elle revient en Espagne après la mort deFranco (1977) et est de nouveau élue députée. Elle meurt en 1989.
Dolores Ibárruri Gómez naît le àGallarta enBiscaye[2]. Issue d'une famille de mineurs, elle est la huitième enfant d'une fratrie de onze[3],[4]. Sa mère, Juliana Gómez Pardo, est d’ascendance castillane[5].
L'ambiance familiale est marquée par le catholicisme et son père est un militantcarliste[4]. Elle est scolarisée jusqu'à l'âge de 15 ans, envisageant de devenir institutrice, mais elle ne peut y parvenir car ses parents n'ont pas les moyens de lui payer des études suffisamment longues[6]. Elle commence à travailler dans un atelier de couture, puis devientfemme de ménage, jusqu'à son mariage en1916[6].
Elle épouse un mineur et militant socialiste (adhérent duPSOE), Julián Ruiz Gabiña[7], originaire de Somorrostro. Avec son mari fréquemment emprisonné pour des activités politiques et la mort de quatre de leurs enfants, elle a connu la pauvreté et la douleur[6].
Ils ont six enfants, dont quatre morts très jeunes : Ester (1916-1919),Rubén (1920-1942), les triplées : Amagoia (1923-1923), Azucena (1923-1925), Amaya[8] (1923-2018[9]), et Eva (1928-1928).
Depuis qu'elle s'est mobilisée à l'occasion de lagrève générale révolutionnaire de 1917, Dolores Ibárruri s'est fait un nom comme conférencière et chroniqueuse politique[4]. Elle écrit aussi dans la presse ouvrière. C'est en 1918 qu'elle utilise pour la première fois le pseudonyme dela Pasionaria[10],[3], pour un article dans le journalEl Minero Vizcaino[11].
Monument à Dolores Ibárruri àGlasgow (Écosse), orné d'une de ses citations les plus célèbres : « Mieux vaut mourir debout, que de vivre à genoux ».
Après l'avènement de laSeconde République en 1931, elle se sépare de son mari et s’installe àMadrid, où elle devient responsable du journal du parti,Mundo Obrero[4]. Elle entre au bureau politique du parti en 1932. Elle est envoyée àMoscou en 1933 comme déléguée auprès duKomintern. En 1933, elle fondeMujeres Antifascistas, une association de femmes contre le fascisme et la guerre[5]. En 1934, elle est présidente deComité Nacional de Mujeres Contra la Guerra y el Fascismo, la section espagnole duComité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme[13]. Elle est arrêtée et emprisonnée à plusieurs reprises en raison de ses activités.
En, elle est élue députée desAsturies[4]. Peu après, elle réussit à obtenir des autorités locales d’Oviedo la libération de prisonniers politiques. Le 16 juin, elle répond à une intervention menaçante du dirigeant de la droiteCalvo Sotelo en réclamant l'arrestation des conspirateurs et de leurs complices. Les franquistes présentèrent ultérieurement ce discours comme un appel au meurtre de Calvo Sotelo[14]. Aucun document ne prouve que Dolores Ibárruri ait dit à Calvo Sotelo « cet homme a parlé pour la dernière fois » avant sonassassinat. Compte tenu du manque de rigueur des sources orales disponibles, seules des sources écrites ont pu être utilisées pour confirmer l'épisode, mais celles-ci ne permettent pas non plus de donner de la véracité aux théories de Franco. Ainsi, leJournal des séances du 16 juin 1936 n'inclut à aucun moment les menaces de la Pasionaria[15],[16].
Ces événements précipitent toutefois l'entrée dans la guerre d'Espagne[17].
Elle est élue vice-présidente desCortes en 1937. Elle participe à plusieurs comités avec des personnalités telles quePalmiro Togliatti pour défendre la cause républicaine. Pour mettre fin à des critiques, son fils revient en Espagne et participe à labataille de l'Èbre en 1938.
Dolores Ibárruri en 1936.
Par ailleurs, elle agit pour soutenir le moral des soldats républicains ou pour lutter contre les tendances défaitistes : ainsi, en 1938, elle dirige des manifestations àBarcelone devant les locaux du gouvernement républicain. C’est aussi elle qui, le, à Barcelone, salue le rôle desBrigades internationales sur le point de quitter l’Espagne après leur dissolution. Chose qui ne va pas de soi à l'époque, son discours s'adresse autant aux hommes qu'aux femmes, bouleversant les représentations des sexes, à l'heure où certaines militantes craignent que la victoire des nationalistes ne remette en cause les acquis féministes de la République. Le symbole de la femme qui prend les armes, pourtant une exception, est par ailleurs un outil de mobilisation important, du moins au début du conflit. La propagande évolue par la suite, louant la femme qui travaille à l'arrière et assure son rôle familial, pour aboutir à n'être valorisée qu'à travers le prisme de l'homme : comme épouse, comme mère ou comme sœur de combattant. L'historienneYannick Ripa note ainsi :« L'aura de la Pasionaria enferme les femmes dans la culture sacrificielle qu’on leur impose depuis des siècle ». Elles sont toutefois invitées à investir le champ économique, moyen politique de lutter contre le fascisme[18].
Dans ses mémoires,Valentín González, ditEl Campesino, ancien général républicain, est réservé sur sa personnalité. Il écrit :« Des autres communistes espagnols, elle se distingue par une obéissance absolue aux ordres du Kominterm et à ceux des émissaires de Staline. Elle ignore totalement le remords et les cas de conscience et manifeste une satisfaction malsaine dès qu'il est question d'épurer, de tailler dans le vif... En outre, elle n'hésite pas, quand l'occasion s'en présente, à se débarrasser, sous un prétexte politique, de ses ennemis personnels ». Par ailleurs, il lui reproche son fanatisme et sa vie confortable à l'arrière avecFrancisco Antón(en) (son amant), tandis que son mari et son fils sont au front[réf. nécessaire].
Ces discours et actions assurent à Dolores Ibárruri une grande popularité dans l’opinion communiste internationale et auprès d'une partie de la population de la zone républicaine, notamment les femmes.
Cependant, au bout de trois ans d'affrontements sanglants, le gouvernement républicain est défait et quitte le territoire espagnol ; les hostilités cessent le avec l'entrée dans Madrid des forces franquistes.
Après la signature duPacte germano-soviétique en et alors que beaucoup de militants communistes sont confrontés à un problème de conscience en raison du revirement russe, un manifeste rédigé par Dolores Ibárruri et largement diffusé le1er novembre 1939 est chargé de justifier la position soviétique et l'« action libératrice » de l'Armée Rouge en Pologne. Il constitue une attaque très dure contre la France et l'Angleterre et, en particulier, contre les leaders socialistes des deux pays tout en ne disant pas un mot contre l'Allemagne[19]. Un second manifeste publié la même année appelle à combattre le régime de Franco, mais également à lutter contre « les chefs traîtres duParti socialiste ouvrier espagnol, de l'anarchisme et des partis républicains » suivant la ligne stalinienne venant de Moscou[19].
Dolores Ibárruri en compagnie deNicolae Ceaușescu, à Bucarest, en 1972.
Dolores Ibárruri part en exil en Union soviétique, où elle continue ses activités politiques. Son filsRubén entre dans l'Armée rouge et périt le25août 1942 au cours de labataille de Stalingrad. Son action vis-à-vis des exilés espagnols en URSS, dont la condition était très précaire, est décrite très négativement parEnrique Castro Delgado[20]. La distinction dehéros de l'Union soviétique lui sera décernée en 1956.
En, elle devient secrétaire générale duPCE et le reste jusqu'en 1960[21] ; elle en devient alors présidente jusqu'à sa mort.
Après la mort deFranco en1975, elle revient en Espagne. Elle est élue députée aux Cortes en, lors des premières élections après la restauration de la démocratie. Elle est la seule députée élue en 1936 à être réélue en 1977 : cette élection est considérée comme un symbole à l'époque[22],[23]. Affligée par une mauvaise santé, elle a rapidement quitté son siège et s'est retirée de la politique active[4].
En octobre 1987, elle sollicite une aide financière du Congrès. Elle n'avait pas cotisé au régime national de sécurité sociale et n'avait donc pas de pension. Le Congrès lui a accordé un avantage mensuel de 150 000 pesetas[24],[25]. Le 13 septembre 1989, elle est hospitalisée, gravement malade d'une pneumonie. Elle se rétablit et quitte l'hôpital le 15 octobre, mais elle fait une rechute le 7 novembre et meurt le 12 novembre à l'âge de 93 ans[26] après être retournée à la foi catholique de son enfance, voire à un certain mysticisme. Cette conversion est restée cachée jusqu'à la publication de la biographie de son ami et confesseur, le père Llanos[27], dans laquelle ont été révélés des courriers échangés entre eux deux. Ainsi, dans une lettre au père Llanos écrite le, la Pasionaria écrivait :« Voyons si les petits vieux que nous sommes devenus pourront utiliser le temps qu'il nous reste à vivre en un chant de louanges et d'action de grâce au Dieu-Amour, comme une préparation de notre vocation éternelle. »
Certains passages de ses discours, tels que : « Mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux » (adaptation populaire de la phrase d'Emiliano Zapata) ou son « ¡No pasarán! » (inspiré de l'affiche deRamón Puyol Román ; le terme avait aussi été prononcé par le généralRobert Georges Nivelle pendant laPremière Guerre mondiale), sont connus dans le monde entier. Elle devient un mythe, valorisé par une hagiographie développée après sa mort[18]. Son rôle de symbole populaire en a fait un personnage de poèmes et de chansons pourPablo Neruda,Rafael Alberti,Ana Belén et quelques autres. Toutefois, dans l'ouvrage deSygmunt Stein,Ma guerre d'Espagne, un chapitre consacré à « la Pasionaria » la décrit surtout comme une idole fabriquée par l'appareil depropagande soviétique, sans dénier ses qualités humaines[28],[29].
↑Julián Ruiz Gabiña (né en 1890, mort en 1978 à Somorrostro (Biscaye). Exilé en URSS après la guerre civile, il y travaille comme ouvrier d'usine. Julián Ruiz rentre en Espagne en 1972 et finit ses jours à Somorrostro.
↑Amaya Ruiz Ibárruri a participé en octobre 2006 à une cérémonie d'hommage aux membres des Brigades internationales.
↑Le Parti communiste d'Espagne résulte de la fusion, à la demande de l'Internationale communiste, du Parti communiste espagnol avec le Parti communiste ouvrier espagnol, une sécession plus tardive (avril 1921) du PSOE.
↑J'ai perdu la foi à Moscou. Enrique Castro Delgado 1950.
↑. Elle démissionne dès 1959 (à la suite de l'échec de la grève générale du, et des divergences d'interprétation entre elle et les responsables de l'action en Espagne,Santiago Carrillo,Jorge Semprún etEnrique Lister), mais cette démission n'est rendue publique qu'en 1960.