Le19e amendement de laConstitution des États-Unis d'Amérique donne ledroit de vote aux femmes dans l’ensemble de l’Union.
Avant son adoption, le droit de vote des femmes est géré au niveau desÉtats de l'Union : alors que les femmes blanches vivant dans l'Ouest du pays peuvent voter à l'ensemble des élections, celles qui sont installées dans l'Est et dans le Sud ne bénéficient souvent que d'un accès restreint au suffrage, voire d'aucun droit.
Proposé par le présidentWoodrow Wilson en janvier 1918, leXIXe amendement entre en vigueur le, après sa ratification par l'État duTennessee.Sa portée reste toutefois limitée pour les minorités, pour lesquelles les mesures discriminatoires n'ont été levées que graduellement, entre et.
Le texte du dix-neuvième amendement est le suivant :
« The right of citizens of the United States to vote shall not be denied or abridged by the United States or by any State on account of sex. Congress shall have power to enforce this article by appropriate legislation. »
« Le droit de vote des citoyens des États-Unis ne peut être refusé ou restreint par les États-Unis ou par aucun État en raison du sexe. Le Congrès a le pouvoir de faire respecter cet article par une législation appropriée. »

Avant laDéclaration d'indépendance des États-Unis, lacondition féminine n'est pas identique dans lesTreize Colonies. Les femmes duMid-Atlantic, où la communautéquaker est bien implantée et où de nombreux colons sont originaires desPays-Bas, bénéficient en général de davantage de droits que les habitantes duSud profond ou deNouvelle-Angleterre. Cette différence culturelle, et l'implication des femmes dans laguerre d'indépendance des États-Unis, expliquent pourquoi certaines femmes disposant d'une fortune minimale de 50livres, indépendamment de leur race[1], ont eu accès au droit de vote, dans la première Constitution de l'État du New-Jersey du[2]. Cette possibilité ne concerne toutefois pas la grande majorité des femmes mariées, placées sous latutelle économique de leur mari[2] et les électrices ne représentent au mieux que 15 % du corpus électoral desTownships[1].
En 1808, la loi change et seuls les contribuables masculins d'origine européenne installés dans l'État ont désormais la possibilité de voter[3]. En 1912, la tentative deMary Philbrook de recouvrer ce droit de vote perdu, en se basant sur l'ancienne loi du New Jersey, se solde par un rejet de la Cour suprême de l'État[4].

Les luttes en faveur du droit de vote féminin reprennent en, lors de laConvention de Seneca Falls (New York), qui a été la première convention américaine en faveur desdroits des femmes[7]. Cette convention a été organisée parElizabeth Cady Stanton etLucretia Mott[7]. Les revendications sont alors en faveur desdroits des femmes, mais il y a encore des doutes sur la possibilité de revendiquer le droit de vote sans paraître trop radical. Un discours deFrederick Douglass parvient à convaincre les participants de la justesse de cette demande[7].
Dans l'Ouest américain, où l'implantation de colonies durables nécessite la présence de familles, le droit de vote est accordé aux femmes d'origine européenne à partir des années 1890[8]. Toutefois, les nouveaux États de l'Union n'arrivent pas à convaincre l'Est et le Sud du pays et la proposition d'amendement fédéral du sénateur californien Aaron A. Sargent de 1878 est rejetée par16 voix contre 34[8].
Malgré les moqueries et arguments donnés, dans les premiers temps, en défaveur de la revendication dessuffragettes, les mentalités changent, au fil des ans, grâce à l'obtention dudroit de vote par les femmes dans d’autres pays et à la présence de davantage de femmes dans la sphère professionnelle — notamment durant laPremière Guerre mondiale[7]. Ledroit de vote apparaît de plus en plus comme un moyen d'améliorer les conditions de vie des femmes et de permettre l'égalité femmes-hommes[7]. Avec un grand nombre de nouvelles sympathisantes issues des classes populaires, le mouvement, jusqu'alors limité auxclasses moyennes et supérieures, prend une grande ampleur et cette popularité a influencé leCongrès des États-Unis au moment du vote de l'amendement[7].

Des milliers d'Afro-Américaines ont participé activement au mouvement pour le suffrage féminin, abordant les questions de race, de genre et de classe, ainsi que celle de l'émancipation[10], souvent par l'intermédiaire des églises[11], mais aussi par le biais d'organisations créées pour défendre leurs revendications. Alors que les femmes blanches cherchent à obtenir le droit de vote pour avoir une voix égale à celle des hommes dans le processus politique, les Afro-Américaines le perçoivent souvent comme un ascenseur racial pour contrer lesystème ségrégationniste et apporter des changements sociétaux dans l'ère de l'après-Reconstruction[12],[13].
En 1896, des femmes afro-américaines appartenant à diverses organisations pour la promotion du suffrage féminin se sont réunies àWashington pour former laNational Association of Colored Women's Clubs. Parmi les fondatrices, on trouveFrances Harper,Josephine St. Pierre Ruffin,Harriet Tubman etIda B. Wells[14],[15]. Dirigée parMary Church Terrell, c'est la plus grande fédération de clubs de femmes afro-américaines du pays[16].
Parmi les associations afro-américaines non-confessionnelles figure également l'Alpha Suffrage Club, qui est le premier club de suffrage féminin noir deChicago et l'un des plus importants de cet État. Il est fondé le parIda B. Wells avec l'aide de ses collègues blanchesBelle Squire etVirginia Brooks[17],[18]. Ce club tente de donner une voix aux femmesafro-américaines qui sont marginalisées dans les organisations nationales défendant le suffrage féminin, telles que laNational American Woman Suffrage Association (NAWSA)[13]. L'objectif d'Ida B. Wells est de sensibiliser les femmes noires à l'exercice de leurs droits et de leurs devoirs civiques et d'organiser le soutien aux candidats qui serviraient le mieux les intérêts de la communauté afro-américaine de Chicago[18]. Les femmes de ce club ont joué un rôle central dans l'obtention du droit de vote de toutes les femmes (y compris les femmes de couleur) aux élections locales, dans l'Illinois, en 1913 et cette première victoire a dynamisé l'action des autres clubs militant en faveur des droits des femmes[19].
Mary Burnett Talbert, dirigeante de laNational Association of Colored Women's Clubs etde la NAACP, et la militanteNannie Helen Burroughs contribuent en août 1915 à un numéro deThe Crisis, publié parWEB Du Bois[20]. Elles rédigent un plaidoyer sur la nécessité du droit de vote des femmes afro-américaines. Burroughs, interrogée sur ce qu'une femme pourrait faire avec le bulletin de vote, a répondu :« Que peut-elle faire sans lui ? »[20].

Entre 1913 et le, date à laquelle le présidentWoodrow Wilson annonce son soutien à la proposition d'amendement, quinze États ont suivi l'exemple de l'Illinois[22]. Le projet ne fait toutefois pas l'unanimité, en particulier dans le Sud profond et l'Est du pays.
Il n'est voté qu'à la très courte majorité d'une voix par laChambre des représentants des États-Unis, le, et présenté ensuite au Sénat. Le président Wilson défend en personne l'amendement auprès des sénateurs (ce qui est une première à cette époque)[23]. Il prononce ainsi un discours où il fait le lien entre le droit de vote etl'effort de guerre fourni par les femmesentre 1917 et 1918[24]. Cependant, lessénateurs repoussent le débat à l'automne 1918. Parmi les plus farouches opposants à ce texte figure le sénateur démocrateEllison D. Smith deCaroline du Sud, qui déclare en juin 1918 :« Voici exactement le même amendement que celui qui s'applique à l'autre moitié de la race noire. L'homme du Sud qui vote pour l'amendementSusan B. Anthony vote la ratification duXVe amendement »[25]. Au moment du vote du Sénat, le, le texte est finalement rejeté par deux voix[26].

En réponse, le Parti national des femmes (National Woman's Party) mobilise les citoyens américains et les appelle à voter, lors desélections de mi-mandat aux États-Unis du printemps 1919, contre les sénateurs qui ont rejeté le texte et se présentent pour leur réélection[27].
Lors de la session parlementaire de juin 1919, Ellison Smith voit, en cas d'adoption du texte, un risque d'« anarchie séparatiste »[28]. De son côté, le sénateurrépublicainJames Wolcott Wadsworth Jr. plaide contre cet amendement, car il estime que le pouvoir fédéral va au-delà de ses prérogatives pour imposer une décision qui devrait rester, selon lui, du ressort de chaque État[28].
La majorité des sénateurs se prononcent toutefois en faveur du projet. Le, la Chambre des représentants vote leXIXe amendement par304 voix contre 89 et le Sénat suit le par56 voix contre 25[28].
LeXIXe amendement de laConstitution desÉtats-Unis, proposé par le66e Congrès le 4 juin 1919, est ratifié par les États dans l’ordre suivant[29] :
La ratification est devenue effective le 18 août 1920 avec la signature des trois-quarts des États. Les États suivants ont continué leur propre processus de ratification par la suite :

La résistance à la ratification a pris de nombreuses formes. Ainsi, les anti-suffragistes ont continué de s'opposer à l'amendement, arguant qu'il ne serait jamais approuvé par les scrutins simultanés desélections de novembre 1920 et que les sessions extraordinaires qui se tiendraient d'ici là dans les différents États seraient une perte de temps et d'énergie. D'autres opposants ont intenté des poursuites judiciaires, exigeant que l'amendement fédéral soit approuvé par des référendums d'État.
En juin 1920, après un lobbying intense de la part de laNational American Women Suffrage Association (NAWSA) et duNational Woman's Party (NWP), l'amendement a été ratifié par 35 des 36 législatures d'État nécessaires à son adoption[30]. À la mi-juillet 1919, les opposants et les partisans de l'amendement arrivent àNashville pour faire pression sur le parlement local durant les délibérations.Carrie Catt, représentant la NAWSA, a travaillé avec des dirigeants suffragistes de l'État, dontAnne Dallas Dudley. La militanteSue Shelton White, originaire du Tennessee, qui a participé à des manifestations devant la Maison-Blanche, représente le NWP[31]. Face aux suffragettes, on trouve parmi les opposants les militantes des Women's Rejection Leagues, dont laPremière dame deLouisiane,Anne Ector Pleasant. Selon elle, le droit de vote des femmes doit se décider au niveau de l'État et non au niveau fédéral. Ceci permettrait ainsi aux États duSud profond d'exclure les femmes noires du corps électoral[32]. L’amendement entre officiellement en vigueur le[33], après sa ratification le par leTennessee,36e État à le faire[34].
Certains États n'ont convoqué une session législative pour voter la ratification qu'après l'adoption du texte (notamment leConnecticut, le et leVermont, le). D'autres États l'ont rejeté lorsqu'il a été proposé au vote, puis sont revenus sur leur décision plusieurs décennies plus tard. La dernière ratification est celle duMississippi, le[35],[36].
LaCour suprême des États-Unis a confirmé à plusieurs reprises la validité de l'amendement dans les années qui ont suivi son adoption. Ainsi, dans le procèsLeser vs. Garnet (octobre 1920), l'argument de l'ingérence du gouvernement fédéral dans la législation des États est utilisé par le plaignant pour justifier l'illégalité de l'inscription de deux femmes (l'une blanche, l'autre noire) sur les listes électorales[37]. Une autre contestation de l'adoption du dix-neuvième amendement est rejetée par la Cour suprême parce que le parti portant plainte, l'ancien secrétaire au Trésor américainCharles S. Fairchild, vient d'un État qui autorise déjà les femmes à voter[38].
On estime à trois millions le nombre de femmes vivant au sud de laligne Mason-Dixon qui restent privées de leurs droits après l'adoption de l'amendement[39],[40]. Les responsables électoraux ont régulièrement obstrué l'accès aux urnes[41]. Alors que les femmes afro-américaines nouvellement émancipées tentent de s'enregistrer, les autorités ont accru l'utilisation de méthodes que l'éditorialiste afro-américain duNew York Times,Brent Staples, a qualifiées de frauduleuses et de violence d'État (impôts,tests de lecture...)[42]. En 1926, un groupe de femmes tentant de s'inscrire àBirmingham, en Alabama, est battu par des fonctionnaires[43]. Des incidents comme celui-ci, des menaces de violence et de perte d'emplois et des pratiques préjudiciables légalisées, empêchent les femmes de couleur de voter[44].
Le paiement d'un impôt, appelépoll tax, est une condition préalable au vote dans certains États duSud des États-Unis et de nombreuses femmes, en particulier celles des minorités, ne sont pas en mesure de le payer. Ceci déclenche lemouvement pour l'abrogation de la poll tax des femmes[45]. Les femmes noires et blanches font pression au niveau de l'État et au niveau national pour que des mesures législatives soient prises afin d'abolir les lois qui exigent de payer pour voter. Ces pratiques vont se poursuivre jusqu'à l'adoption duvingt-quatrième amendement de la Constitution des États-Unis en 1962[46], interdisant aux États de conditionner le vote au paiement d'une taxe, et ouvrant la voie à laloi sur les droits de vote de 1965[47].
Lespoll tax et lestests d'alphabétisation ont également empêché lesfemmes latines de voter. ÀPorto Rico, les femmes n'ont obtenu le droit de vote qu'en 1929, mais celui-ci est limité auxfemmes alphabétisées jusqu'en 1935[48]. Les Amérindiens, hommes et femmes, ont, pour leur part, obtenu la citoyenneté par une loi du Congrès en 1924, mais sans droit de vote. Dans certains États, cette interdiction n'a été levée qu'en 1957[43]. Les lois nationales sur l'immigration ont empêché les Asiatiques d'obtenir la citoyenneté jusqu'en[49].
Après l'adoption du dix-neuvième amendement, les femmes étaient toujours confrontées à des discriminations dans la vie politique. Elles ont dû faire pression sur les législateurs de leur État, intenter des poursuites et s'engager dans des campagnes de rédaction de lettres pour gagner le droit de siéger à des jurys. EnCalifornie, les femmes ont obtenu ce droit quatre ans après l'adoption du dix-neuvième amendement. AuColorado, cela a pris33 ans. Les femmes continuent de se heurter à des obstacles lorsqu'elles se présentent à des postes électifs, et l'amendement sur l'égalité des droits, qui accorderait aux femmes des droits égaux en vertu de la loi, n'a pas été adopté[50],[51],[52],[53].


Un groupe statuaire de la sculptriceAdelaide Johnson, issue d'un bloc demarbre de Carrare de 7,5 tonnes, appeléPortrait Monument[54], a été dévoilé dans la rotonde duCapitole le, lors de la première convention nationale post-ratification duNational Woman's Party à Washington[54].
Depuis le début des années 1970, leXIXe amendement est célébré chaque année, lors de laJournée de l'égalité de la femme (Women Equality Day)[55].
On y porte généralement une attention accrue et il bénéficie d'une meilleure couverture médiatique lors d'anniversaires importants, tels que le75e () et le100e (), ainsi qu'à l'occasion de l'élection présidentielle américaine de 2016[56]. Pour le centenaire de l'amendement, plusieurs organisations ont annoncé de grands événements ou expositions, notamment leNational Constitution Center et laNational Archives and Records Administration[57].
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