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Undiocèse (latin :diœcesis oudiocesis[N 1], motféminin) est une subdivision géographique du territoire de l'Empire romain.
Dans son acception la plus connue, c'est une subdivision de l'Empire romain propre à l'Antiquité tardive, qui regroupe plusieursprovinces romaines sous l'autorité d'unvicaire. Le système des diocèses a été mis en place par l'empereurDioclétien, dans le cadre des réformes administratives de laTétrarchie.Constantin Ier ajoute ensuite au-dessus des diocèses despréfectures du prétoire, qui regroupent plusieurs diocèses.
Un autre sens, nettement moins usité, fait du « diocèse » une subdivision judiciaire d'uneprovince romaine, équivalent auconventus juridici. Cet article traitera majoritairement de la première acception, reléguant la deuxièmeà la fin.

Depuis-27, l'Empire romain est divisé enprovinces (latin :provincia,provinciae au pluriel) dites « impériales » et « sénatoriales »[1]. Font exception à cela l'Italie, administrée à part, et l'Égypte, dépendante directement de l'empereur qui y délègue unchevalier, lepréfet d'Égypte,praefectus Augustalis, « préfet augustéen » enlatin. Lessénateurs détiennent la majorité des postes dans le système augustéen, tant du point de vue militaire qu'administratif, suivant la tradition romaine« qui voulait qu'un homme bien né fût capable d'être aussi bien au cours de sa carrière magistrat, général et administrateur[2] ».

Lesprovinces impériales sont le plus souvent frontalières, comme laGermanie Inférieure ou leNorique, destroupes y sont stationnées, et elles sont sous l'autorité directe de l'empereur, qui y possède unimperium proconsulaire[3]. Il délègue son autorité :

Les provinces dites « sénatoriales » sont officiellement « du peuple romain ». Elles sont placées sous l'autorité duSénat, qui pourvoit à leur gouvernance par la nomination d'unproconsul, par tirage au sort[4], qui reçoit un traitement[N 2] et dont le mandat dure une année, avec parfois des prorogations[7]. Toutefois, l'empereur garde la possibilité d'intervenir dans ces provinces[3], grâce à sonimperium proconsularis maius (« imperium proconsulaire majeur »). Les grandes provinces, comme l'Afrique ou l'Asie ont un proconsul derang consulaire, les autres, comme laMacédoine ou laBithynie, ont un proconsul derang prétorien[7]. Desquesteurs propréteurs assistent les gouverneurs sur le plan financier[7], et des procurateurs de l'empereur s'occupent des biens impériaux[8]. Aucune troupe n'est stationnée dans une province sénatoriale — sauf unecohorte urbaine àCarthage[4]. Lalegio III Augusta, au départ commandée par le proconsul d'Afrique passe dès37 sous le commandement d'unlégat, indépendant dugouverneur[4].
L'Italie n'est pas durant le Haut-Empire une province. L'autonomie desmunicipes, garantie par lalex Julia municipialis de-45, est respectée : les consuls, les préteurs et parfois les questeurs ont un « droit de regard[7] » sur l'administration des cités italiennes, mais elles restent largement autonomes[7], condition de leur liberté.Auguste découpa toutefois, pour des motifs peu clairs, onzerégions administratives enItalie.
Depuis-30, l'Égypte est la propriété personnelle d'Auguste, et par la suite de ses successeurs. L'empereur y est l'héritier despharaons[6]. Grenier à blé de Rome, l'Égypte est une province cruciale pour la paix civile, etAuguste cherche à s'en assurer le contrôle : lessénateurs sont ainsi interdits de se rendre en Égypte, tout le personnel y est derang équestre[7] : lePréfet d'Égypte, ditpraefectus Augustalis, la gouverne, assisté deprocurateurs, et les légions cantonnées dans la province sont commandées non par deslégats mais par des préfets : « préfet des camps » (praefectus castrorum) ou « préfet de légion » (praefectus legionis)[6].
Le système créé parAuguste reste relativement inchangé jusqu'auxSévères. L'arrivée au pouvoir deSeptime Sévère et de sa dynastie entame une évolution qui se termine avec les réformes deConstantin Ier. L'ordre sénatorial est petit à petit exclu de l'administration desprovinces et des commandements de l'armée[9].
Ainsi, les trois nouvelles légions créées parSeptime Sévère, lesI Parthica,II Parthica etIII Parthica, sont commandées non par des légats issu de l'ordre sénatorial mais par des préfets de l'ordre équestre[9]>. De même, de plus en plus, des provinces impériales munies delégions sont confiées, par intérim, à desprocurateurséquestres déjà en poste dans la province, dont on dit qu'ils sontvice praesidis (« à la place du gouverneur »)[9]. De même, la province deMésopotamie, récemment créée, est confiée à un préfet et non à unlégat d'Auguste[9].
L'Italie, jusqu'ici « sous-administrée[7] », se voit affecter de nombreuses procuratèles et préfectures[9] (contrôle desvoies, gestion de lares privata, c'est-à-dire du patrimoine de l'empereur). Unelectus ad corrigendum statum Italiae, Caïus Octavius Suetrius Sabinus, est attesté à l'époque de Caracalla[10], et, si son rôle est peu clair — lutte contre le brigandage ou surveillance des finances desmunicipes à une époque où les impôts sont augmentés[10] —, il reste que son pouvoir s'applique à toute l'Italie, signe d'une normalisation progressive de la péninsule.

Durant laCrise du troisième siècle, devant la faible valeur militaire des sénateurs[11], l'empereurGallien décide de les exclure de l'armée[12] en262[11] et de les remplacer par deschevaliers, de naissance ou admis à cette distinction après avoir étécenturion primipile. Leslégats de légion disparaissent ainsi, et l'on ne trouve plus que despréfets de légion[12].
Toujours soucieux de l'efficacité du haut-commandement, Gallien refuse que les légions continuent à dépendre deslégats d'Auguste, gouverneurs des provinces impériales, issus de l'ordre sénatorial. Il n'ose pas toutefois dissocier totalement carrière militaire et civile[2], mais il multiplie les nominations dechevaliers à la tête desprovinces impériales[2],[11] — le plus ancien apparaît en262 enArabie[2]. Ces nouveaux gouverneurs ne sont plus intérimaires comme lesprocuratores vice praesidi de l'époque sévérienne, ils sont permanents, et ce ne sont plus desprocurateurs de la province agissant en remplacement dulégat[2]. Ils sont le plus souvent appelés « agens vice praesidi », « agissant à la place du gouverneur ».
Certaines grandes provinces impériales, comme laTarraconaise, ont toutefois deslégats d'Auguste jusqu'àDioclétien[13]. Les provinces sénatoriales voient leursproconsuls remplacés aprèsGallien, mais les plus importantes, comme l'Afrique, sont restées contrôlées par dessénateurs[13].
Gallien établit aussi uncorrector totius Italiae[14] dont le rôle est mal connu, mais qui semble supérieur auxjuridices[14] établis parMarc Aurèle[15]. Là encore, on voit que le statut de l'Italie tend à se normaliser[14].

Dioclétien devient le seulempereur au printemps285[16]. Il s'adjoint peu de temps aprèsMaximien commecésar, élevé en286 au rang d'auguste[16]. En293,Constance etGalère deviennentcésars[16]. Le système tétrarchique, appelé « quattuor principes mundi », « les quatre maîtres du monde » par les Anciens[17], construction empirique[18], est alors fixé : Dioclétien conserve la prééminence sur son collègue Maximien[18], il assure l'unité de l'Empire. Les deux césars se voient attribuer des secteurs d'opérations, non des domaines fixes[19]. L'unité de l'État demeure, manifesté par le fait qu'il n'y a qu'une seulepréfecture du prétoire, comme sous leHaut-Empire[18].
« Et ut omnia terrore complerentur, provinciae quoque in frusta concisae; multi praesides et plura officia singulis regionibus ac paene iam civitatibus incubare.
Et pour mettre un comble à la terreur, les provinces elles aussi furent morcelées : beaucoup de gouverneurs et davantage de charges pesèrent sur chaque région, voire sur chaque cité[20]. »
— Lactance,Sur la mort des persécuteurs, ch. 7.
Lactance est certes hostile àDioclétien, mais son propos, fondamentalement, est juste. Dioclétien a en effet modifié en profondeur l'organisation territoriale de l'Empire romain, lui donnant le visage qu'il aura, avec des modifications ultérieures, durant tout leIVe siècle, et au début duVe siècle.
Deux réformes principalement ont été menées petit à petit[21] :
Elles entraînent un accroissement important du nombre de fonctionnaires impériaux[21], et, en conséquence, des dépenses de l'État. Dans le même temps, ces réformes améliorent la situation d'un empire « sous-administré[23] » jusque-là.
Pour des raisons probablement militaires[24],[22], financières — rapprocher legouverneur de lacité, qui est responsable de la collecte desimpôts[25] — et politiques — limiter les pouvoirs des gouverneurs[25], rapprocher l'administration des habitants[25] ou limiter l'autonomie des cités[25] —,Dioclétien divise lesprovinces héritées pour la plupart de l'époqueaugustéenne (ou, plus rarement, les regroupe dans une seule[24]).
Il uniformise également le statut des provinces : l'Égypte perd son statut unique, et est divisée en trois provinces[24], et l'Italie se « provincialise ». Lesregiones définies parAuguste, simplement numérotées, prennent un nom[24], et sont gouvernées par uncorrector[22]. L'immunité d'impôts des habitants de l'Italie disparait également[25].
Enfin, la vieille distinction entre les provinces sénatoriales et les provinces impériales disparaît[21], et tous les gouverneurs sont nommés par l'empereur[21].

Afin de compenser l'affaiblissement des provinces, et de maintenir un lien entre l'État et laprovince[21],[26]Dioclétien multiplie les « vice-préfets du prétoire » (vice praefectus praetorio), qui étaient auparavant des assistants extraordinaires dupréfet du prétoire[21]. Il les rend permanents, et leur assigne un domaine géographique[21] où ils sont des « remplaçants » du préfet du prétoire[27], ce qui permet du même coup d'affaiblir ces derniers[27]. On les appelle plus couramment « vicaire » (vicarius).
Cette nouvelle circonscription territoriale est appelée « diocèse » (diocesis oudiœcesis enlatin). Paul Petit date sa création des années296-298[27].
Il faut noter que ces nouveaux diocèses ne comprennent pas les provinces d'Afrique et d'Asie, proconsulaires, qui sont en dehors de ce système[28].
À la fin du règne deDioclétien, l'Empire romain compte douze diocèses[21],[25] :
André Piganiol rappelle que, par la géographie et par la différenciationlinguistique deslangues romanes, ces diocèses préfigurent les futuresnations[29] : l'Angleterre, l'Espagne, l'Afrique du Nord, les deuxFrance du nord (langue d'oïl) et du midi (langue d'oc), l'Italie, laRomanie pannonienne et laRomanie danubienne, formant l'« Europe latine »[30].
En moyenne, les diocèses comprennent huitprovinces[27]. Le plus petit est le diocèse des Bretagnes, qui comporte quatre provinces ; le plus grand, celui d'Orient, avec dix-huit provinces[27]. Ceux de Vienne et d'Asie seuls ne sont pas frontaliers.
Levicaire est un haut fonctionnaire nommé par l'empereur[26], qui ne rend de comptes qu'à lui[27]. C'est unchevalier dit « perfectissime »[21] (titre honorifique accordé aux détenteurs de certains postes, qui vient avant lesegregii mais après leseminentissimi[N 8]).
Le fait de confier d'aussi grands ressorts territoriaux à des chevaliers et non à dessénateurs est très nouveau, et montre queDioclétien souhaite continuer la politique d'affaiblissement de l'aristocratie sénatoriale au profit d'hommes qui ne doivent leur avancement qu'au prince[31]. En dignité, ces vicaires sont inférieurs auxgouverneurs de province sénatoriaux (lesconsulares[N 9])[27], ce qui pose un problème : des chevaliers peuvent-ils avoir autorité sur des sénateurs ? PourRené Rémond,« [il est possible], quand ils ont à commander à des gouverneurs de classe sénatoriale, qu'ils soient promus auclarissimat[N 10],[31] ».
Les attributions initiales des vicaires sont considérables : ils contrôlent et surveillent les gouverneurs[28] — sauf les proconsuls —, répartissent les impôts[28], les réunissent et les transmettent à qui de droit[29], interviennent dans les affaires militaires par la fortification des frontières[28], jugent en appel[28],[29]. Ils ne dépendent pas despréfets du prétoire mais directement de l'empereur, et l'on fait appel de leurs décisions judiciaires à l'empereur[29].
Nouveauté également par rapport au système augustéen : les vicaires n'ont aucun rôle militaire réel, ils ne commandent pas de troupes.Dioclétien réalise ainsi en grande partie la séparation des carrières militaires et civiles[31], afin d'éviter les révoltes et les sécessions.

À partir de310,ConstantinIer est l'un desaugustes légitimes de l'Empire romain, puis, à partir de324, il est le seul maître de l'État. Durant son règne, il a accompli plusieurs réformes cruciales qui donnent son visage définitif à l'organisation administrative et militaire de l'Empire jusqu'à sa chute.
La principale réforme territoriale, menée par tâtonnements[32], est la « régionalisation » de lapréfecture du prétoire. Auparavant, un ou deuxpréfets du prétoire servaient pour tout l'Empire depremier ministre et de chef d'état-major[32],[33]. Ils avaient des compétences militaires, judiciaires, administratives et fiscales[33].
La centralisation politique de plus importante autour deConstantin, qui culmine dans la réunion de tout l'Empire entre ses mains, impose une« déconcentration administrative[32] ». Un seul empereur ne peut tout contrôler ; pour cette raison,Constantin transforme progressivement, entre326 et337[32]>, le préfet « ministériel » en un préfet « régionalisé »[32], placé à la tête d'une circonscription territoriale englobant plusieurs diocèses, qui prendra le nom de « préfecture du prétoire » (praefectura praetorio).
Ces nouveaux préfets ont autorité sur lesvicaires[34], et sur lesgouverneurs provinciaux[35]. Ce lien direct, qui outrepasse les vicaires, condamnent ces derniers à décliner — d'autant plus qu'ils deviennent des agents d'exécution des préfets du prétoire[35].
Comme le soulignePaul Petit,« [les diocèses] préfigurent eux-mêmes en une certaine mesure [les préfectures du prétoire régionales][28] ». La création de ces dernières réduit ainsi l'utilité des premiers. Toutefois, malgré cet affaiblissement, les vicaires prennent de l'importance dans la noblesse :Constantin les élève au rang declarissimes, entre lesconsulares et les proconsuls[29].
L'autre raison de l'affaiblissement du vicariat est l'envoi régulier decomites[N 11], qui sont supérieurs auxvicaires[29], et qui jouent probablement un rôle d'inspection.
Tous les diocèses sont dirigés par desvicaires, sauf, à partir de334 ou335[29], celui d'Orient, placé sous l'autorité du « comte d'Orient »,comes Orientis. Selon certains spécialistes, cette particularité est à mettre en relation avec la préparation de la guerre contre lesPerses[29] ; selon d'autres, commeAndré Piganiol, c'est une survivance d'un de cescomites auxquelsConstantinIer conférait des missions d'inspection[29].
Le comte d'Orient est tout de suite rangé parmi lesclarissimes. Il possède des attributions militaires, et réside àAntioche[36]. Il dirige par ailleurs le plus étendu des diocèses de l'Empire romain.

À la fin duIVe siècle, le nombre de diocèses a augmenté, passant de douze à quatorze selon laNotitia dignitatum, et le nom de certains diocèses a changé. Il faut, par ailleurs, noter que l'ancienne province d'Achaïe est devenue, sousLicinius, proconsulaire (entre312 et315)[28]. Elle est donc détachée dudiocèse de Mésie, futurdiocèse de Macédoine.
Lediocèse d'Italie est, à la fin du siècle, sous l'autorité de deuxvicaires différents : celui de « l'Italie annonaire », àMilan, et celui de « l'Italie suburbicaire », àRome[37]. Par ailleurs, le vicaire qui gère l'Italie suburbicaire, qui était avant357 tantôt un vicaire dupréfet du prétoire, tantôt un vicaire dupréfet de la Ville, est, après cette date,vicarius Urbis Romae, « vicaire de la ville de Rome », c'est-à-dire vicaire du préfet de la Ville[37].
En Orient, lediocèse de Mésie a été divisé en deux entités nouvelles : lediocèse de Dacie et lediocèse de Macédoine[21]. Par ailleurs, sousThéodoseIer en 382, les provinces égyptiennes dudiocèse d'Orient sont érigées en un diocèse indépendant, lediocèse d'Égypte, et le responsable de cette nouvelle entité prend le nom depraefectus Augustalis, « préfet augustéen, préfet Augustal », comme sous leHaut-Empire[38].
LaNotitia dignitatum donne des noms différents pour certains diocèses, mais cela est relativement anecdotique. Ainsi :
À l'époque de laNotitia dignitatum, tous lesvicaires sont devenus desspectabiles[N 12],[34]. Ils ont autorité sur les gouverneurs de province, et, s'il est recommandé auxgouverneurs de passer par eux pour atteindre lespréfets du prétoire, la puissance de ces derniers souvent fait qu'on les contacte directement[34].
Un « diocèse » peut aussi être chez lesRomains le ressort d'un magistrat chargé de rendre la justice[39]. Le mot est surtout employé au début pour lesprovinces grecques[39]. Il aurait pris naissance dans la province d'Asie[39].
Il désigne une subdivision d'uneprovince, qui porte le nom de son chef-lieu, où legouverneur se rend durant l'année pour juger les affaires du district[39]. Cette subdivision existait au moins à l'époque deCicéron, qui la mentionne dans une lettre[40]. Plus tard, le mot de « diocèse » fut aussi employé dans les provinces occidentales de l'Empire romain — comme enAfrique[39]. Dans cette province, le diocèse est sous la responsabilité d'unlégat duproconsul d'Afrique[39].
Parfois, le mot « diocèse » désigne aussi« le territoire d'une cité, autrement dit le district des juges municipaux. Le grecδιοίκησις correspond dans ce cas à l'expression latineregio[39] ».