Ding Zilin (chinois : 丁子霖), née le, ancienne professeure de philosophie, est la fondatrice desmères de Tiananmen[1],[2], association qui demande que les auteurs de la répression desmanifestations de la place Tian'anmen en 1989 soient poursuivis en justice et des réparations accordées aux familles des victimes.
« Ce printemps-là, mon fils a passé beaucoup de temps sur la place. Il s'occupait du service d'ordre lycéen, distribuait des vivres et des boissons aux étudiants, se souvient-elle. Moi, à cette époque, j'étais plutôt conservatrice. J'essayais de le retenir, mais il n'y avait rien à faire : chaque soir, il attendait que je dorme pour quitter la maison et filer sur la place. »[3].
Membre du parti communiste chinois de 1960 à 1992, se décrivant elle-même comme ayant été une « communiste sincère », elle considère le gouvernement de Beijing comme unedictature et appelle à un changement de régime[8].
Malgré la surveillance policière, le licenciement de son travail en tant que tuteur universitaire et son expulsion du parti communiste, elle est devenue, selon la journaliste Susan Jakes duTime Magazine, le « leader symbolique de nombre de gens en Chine qui veulent que le gouvernement rende compte de ses actions cette nuit-là »[9]. Placée en résidence surveillée dès les années 1990, Ding a été à l'initiative d'une plainte contre l'ancien premier ministreLi Peng, responsable, selon elle, des 3 000 morts du 4 juin 1989. Ding Zilin tente, depuis, de recenser toutes les victimes de ces manifestations de cette journée[10],[11]. Par ailleurs, Ding Zilin souhaite la construction àPékin d'un mémorial pour les victimes du 4 juin : « Tous les noms y seront inscrits comme cela a été fait àAuschwitz »[3] .
L'écrivainLiu Xiaobo travaille avec Ding Zilin[note 1] et demande qu'elle soit retenue pour leprix Nobel, ignorant que c'est lui qui en sera le lauréat. Les anciens leaders des étudiants du 4 juin,Wuer Kaixi etWang Dan, toujours en exils, contacteront téléphoniquement Ding Zilin afin de lui exprimer leurs regrets pour la mort de son fils[12]. Quand le dissidentWei Jingsheng est libéré en septembre 1993, sa première sortie est consacrée à Ding Zilin[13].
Lors de laquatrième conférence mondiale sur les femmes organisée par l'ONU en 1995 àPékin, Ding est retenue pendant six semaines, avec son mari, pour empêcher les journalistes venus en Chine à cette occasion de la rencontrer[14]. En 2000, Lois Wheeler Snow, épouse d'Edgar Snow, souhaitait remettre un message de soutien à Ding Zilin, des policiers l'ont empêché d'accéder à son logement[15],[16],[17].
En 2004,Amnesty International demande la libération de Ding Zilin et deux autres mères de Tian'anmen, Zhang Xianling et Huang Jinping[note 2], emprisonnées certainement pour les empêcher de célébrer le15e anniversaire des événements du 4 mai 1989 selon l'organisation non gouvernementale[18],[19]. En 2005, Ding Zilin a adressé une lettre ouverte au présidentHu Jintao lui demandant des excuses :« Vous et vos prédécesseurs avez effacé la mémoire du 4 juin des livres. En cela, vous avez bien réussi. Vous avez été plus méthodiques que ces comploteurs japonais de l'aile droite qui ont tenté d'effacer l'histoire dumassacre de Nankin »[20]. Après la mort deZhao Ziyang[note 3] en 2005, Ding Zilin demande à participer à la cérémonie à sa mémoire.
Après l'attribution du prix Nobel de la paix à l'écrivain chinois Liu Xiaobo en octobre 2010, Ding Zilin et son époux Jiang Peikun sont incarcérés puis détenus en un lieu tenu secret[21]. Zhang Xianling, autre membre de l'association desMères de Tiananmen, condamne alors « le gouvernement qui prive de sa liberté Ding Zilin »[22].
En 2011, des milliers de manifestants se rassemblent àHong Kong afin de commémorer les événements du 4 juin.Wang Dan, un des leaders des étudiants de l'époque et Ding Zilin se sont adressés à la foule par liaison vidéo[23].
En mai 2014, Ding Zilin est de nouveau placée en résidence surveillée à l'approche du vingt-cinquième anniversaire des évènements[24],[25]. Elle ne peut se rendre sur la place en mémoire de la mort de son fils[26].
En septembre 2015, son mari Jiang Peikun décède[27],[28].
En 2016 à l'occasion de l'anniversaire de Tiananmen, Ding Zilin est de nouveau sous résidence surveillée avec sa ligne téléphonique coupée et un accès à son domicile contrôlé[29].
Le 20 mai 2019, à l’approche du 30e anniversaire du massacre, la police exige que Ding Zilin, alors âgée de 82 ans, quitte Pékin pour se rendre àWuxi sa ville natale située à plus de 1 100 kilomètres[30].
Depuis la mort de son fils, Ding Zilin milite pour un régime démocratique en Chine[31]. Elle est l'une des 303 intellectuels chinois signataires de lacharte 08, manifeste publié le 10 décembre 2008, pour promouvoir la réforme politique et lemouvement démocratique chinois[32].
En 1994, Ding Zilin estime les victimes de Tiananmen à « un millier de morts et des milliers de blessés graves »[33]. En 2005, elle produit une liste de 186 personnes tuées lors des manifestations et publie, àHong Kong un livre de 417 pages racontant les récits des familles en deuil[34].
En 1998, elle cosigne, avec son mari Jiang Peikun, un chapitre deTibet Through Dissident Chinese Eyes: Essays on Self-Determination[35], ouvrage collectif sous la direction de Changqing Cao, Chʻang-chʻing Tsʻao et du professeur James D. Seymour[36] de l'université Columbia et professeur associé de l'université chinoise de Hong Kong. Ding Zilin et son mari y indiquent « Les Chinois ont droit à la dignité, pourquoi doit-on croire que les Tibétains n'y ont pas droit? La lutte chinoise pour le droit est raisonnable, pourquoi doit-on dire que la lutte tibétaine ne l'est pas? ». Pour Jack Lu, docteur en géopolitique, comme certains autres intellectuels chinois, Ding Zilin défend la cause tibétaine[37]. En 2008, elle cosigne[38] le texte, Douze propositions pour gérer la situation au Tibet[39], à l'initiative deWang Lixiong demandant au gouvernement Chinois d'infléchir sa politique au Tibet, de supprimer la censure des informations sur les régions tibétaines et soutenant l'appel à la paix dudalaï-lama[40],[41].
The Factual Account of a Search for the June 4 Victims Éditeur Nineties Monthly, 1995, 33 pages ; publié en françaisCompte-rendu factuel d'une recherche des victimes du 4 juin Éditeur Selio, 1995, 38 pages[43].
Colophon title. - Liu si shou nan zhe xun fang shi lu Éditeur Jiu shi nian dai za zhi she, 1994, 244 pages[44].
↑En 2010, Liu Xiaobo dédia son prix Nobel aux « âmes perdues du 4 juin ».
↑Zhang Xianling a perdu son fils âgé de dix-neuf ans et Huang Jinping son mari pendant les manifestations de la place Tian'anmen.
↑Zhao Ziyang est l'anciensecrétaire général du Parti communiste chinois, favorable au dialogue avec les étudiants durant les manifestations de la place Tian'anmen. Il est placé en résidence surveillée en juin 1989 jusqu'à sa mort en 2005. Il désignera Deng Xiaoping comme le principal responsable de la répression.
↑(en)Testimony of Ding Zilin, Jiang Jielian's mother,HRIC, 31 janvier 1999 :« Jiang Jielian, male, born in Beijing on June 2, 1972, had just passed his 17th birthday when he died. He was a junior at the High School attached to People's University. Around 11:10 p.m., on June 3, 1989, he was killed behind the flower bed in front of Building 29, on the north side of Fuwai Street, Muxudi. A bullet hit him from behind and passed through his heart. His ashes are kept at a mourning altar in his home. »
↑Susan JakesMother Courage,Time Magazine, 5 avril 2004 :« Despite police surveillance, dismissal from her job as a university tutor and expulsion from the Communist Party, she has become the symbolic leader for many people in China who want the government to account for its actions that night. »
↑Jean-Philippe Béja et Merle Goldman,L’impact du massacre du 4 juin sur le mouvement démocratique inPerspectives chinoises, février 2009« Ce mouvement est mené par Ding Zilin, professeur à l’Université du peuple, dont le fils unique a été tué alors qu’il se rendait sur la place Tiananmen. Bravant les pressions exercées par le gouvernement, Ding a lancé seule une campagne pour recueillir les noms de tous ceux qui ont été tués le 4 juin, pour établir la vérité des faits, et pour déterminer les responsables du massacre. »
↑Stop persecution of Ding Zilin and June Fourth mothersHRIC , 3 avril 2000 :« Ms. Snow’s recent attempt to see Ding Zilin was in direct response to the government’s ongoing persecution. Ms. Snow’s original donation for June Fourth humanitarian aid was among the funds confiscated by Chinese authorities when they detained U.S.-based activist Lu Wenhe in December 1999 for trying to deliver over $25,000 to Ding Zilin and the families of June Fourth victims. »
↑Le PC chinois organise l'amnésie collective sur TiananmenLe Figaro, 4 juin 2014« Toutes les grandes personnalités liées aux événements, telles que Bao Tong, secrétaire de Zhao Ziyang, secrétaire général du PCC favorable aux réformes politiques, ou Ding Zilin, fondatrice des Mères de Tiananmen, ont été placées en résidence surveillée loin de Pékin. »
↑Jiang Peikun Is Dead: Must Ding Zilin Wait Another 26 Years?South China Morning Post, octobre 2015 :« Retired Chinese academic Jiang Peikun, who has died aged 81, used his grief and anger following the death of his only son during the 1989 Tiananmen Square crackdown to launch a group that saw him relentlessly campaign for justice for victims' families for the rest of his life. »
↑Pékin rend la liberté à Wei Jingsheng.L'Humanité, novembre 1997« «L'annonce de la libération deWei est surprenante et représente un grand événement pour la vie politique en Chine», a estimé Mme Ding Zilin, professeur à l'Université du peuple à Pékin, qui milite en faveur de la démocratie depuis que son fils a été tué par l'armée lors du massacre de la place Tiananmen en juin 1989 »
↑Marie Holzman,Comment les intellectuels chinois parlent-ils du Tibet ?, inPerspectives chinoises,« Par ailleurs, des intellectuels de divers horizons, tels Wang Lixiong, Liu Xiaobo, l’écrivain chrétienYu Jie, le Professeur Ding Zilin, mère d’une victime de la place Tiananmen, quelques dizaines en tout, se sont mobilisés pour faire circuler une pétition intitulée « Douze propositions pour gérer la situation au Tibet », qui demande entre autres de mettre fin à la censure de l’information concernant la réalité de la répression dans les zones tibétaines. »