Ledigestat (à ne pas confondre avec lecompost) est le résidu du processus deméthanisation (digestion anaérobie) dematières organiques naturelles ou deProduits résiduaires organiques (PRO) ; l'autre produit étant lebiogaz.
C'est une matière (solide ou liquide pâteuse) qui représente entre 70 et 80 % de la masse introduite dans le digesteur[1],[2] et qui est composée d'éléments organiques non minéralisés et deminéraux.
Le digestat peut être mis en « maturation aérobie », séché, chaulé… Sa fraction solide peut aussi êtrecompostée ou cocompostée avec d'autresdéchets ou produits organiques (matériauxligneux par exemple). Si ses caractéristiques physicochimiques et biologiques le permettent (pas de contamination excessive par desETM,composés organiques oumicrobes ouparasite indésirables), il peut directement êtreépandu sur des sols cultivés, éventuellement après séparation de phases solides et liquides ou compostage, chaulage, etc. Il contribue ainsi aurecyclage de biodéchets et au retour au sol des matières organiques promu par l'économie circulaire.
Lors de ladigestion par des bactériesanaérobies, 2/3 de la matière organique biodégradable (lipides,protides,glucides,cellulose,hémicellulose) sont altérés et en partie transformés enméthane (CH4) et en CO2. Au passage, une partie de l'azote est minéralisée[3], de même que le phosphore organique qui devient alors trèsbioassimilable[1]. Le taux dematière sèche diminue. Lalignine n'est pas dégradée saufhydrolyse préalable[4].
Le digestat stabilisé est généralement utilisable commefertilisant ou commeamendement organique. Le type de digestat varie beaucoup selon la nature des intrants méthanisés, et un peu selon les modalités de la méthanisation (sèche, humide, rapide ou lente...)[5]. Les principaux critères pour distinguer les digestats sont la quantité d'azote total et la part de matière sèche, qui permettent de former six groupes :
En France, Le projet« Valodim » vise à produire« des fertilisants adaptés aux besoins nutritionnels spécifiques des systèmes culturaux locaux, à prix compétitif et respectueux de l’environnement »[6]. Le digestat serait d'abord traité pour en séparer la matière organique (stabilisée) des nutriments (azote, phosphore, potassium...). Puis il serait « recomposé » pour présenter un ratio de nutriments (NPK) correspondant aux besoins du client[7].
En théorie et techniquement, la méthanisation peut s'appliquer au traitement decadavres et/ou de SPAn (sous-produits d'origine animale) (classés en Europe déchets de catégorie 1 (à risque, en cas par exemple de contamination par unprion pathogène), de catégorie 2 (c'est-à-dire provenant de produits présentant un risque microbiologique ou étant lié à des résidus de médicaments vétérinaires) ou de catégorie 3 (sous-produits issus d’animaux sains), mais en raison de risques sanitaires et environnementaux, depuis lacrise de la vache folle leprincipe de précaution implique dans de nombreux pays des restrictions et des agréments spécifiques.
Un digestat de qualité améliore lerendement agricole en apportant desnutriments et en contribuant à entretenir ou restaurer l'humification du sol (car lalignine et d'autres molécules impliquées dans l'humification sont relativement bien conservées lors de la digestion qui peut en outre dégrader certains polluants organiques et certains germes pathogènes)[8].
Les caractéristiques physicochimiques d'un digestat varient selon les intrants introduits dans le digesteur et selon le type de digestion. Elles étaient étudiées en observant ses effets sur les cultures, et depuis peu elles le sont aussi par fractionnement biochimique, par minéralisation potentielle du carbone et de l’azote, par traçage isotopique d'élément nutritifs, etc.[1]
Sa valeur agronomique (fertilisante et amendante) varie selon les produits méthanisés, et selon qu'il soit liquide ou solide et son temps de maturation[9] ; il s'évalue généralement selon deux types de critères[8] :
Au début des années 2000, des lacunes de connaissances sont encore à combler par exemple concernant les effets à long terme d'apports en digestat sur des sols cultivés ou pâturés, les effets des précurseurs d’humus formés lors de la maturation des digestats, labioassimilabilité du phosphore, etc.[8]
Elle dépend de la qualité du produit et donc du type d'intrants et de procédé, ainsi que de logiques "offre-demande" et sociopsychologiques.
Au Canada, Martelet al. (2013) ont évalué la valeur de 35 m3 de lisier de porc digéré sur la base de son contenu en nutriments N, P et K, des coefficients d’efficacité. Dans ce cas l'agriculteur économisait 560 $/ha par rapport au coût d’achat des engrais minéraux NPK classiques[10].
Cesous-produit et déchet issu des unités de méthanisation peut être éliminé (directement ou sous forme deméthacompost) de trois principales manières :épandage à l'état brut, valorisation après traitement physique ouincinération.
L'épandage permet une valorisation agronomique (en respectant les contraintes locales, règlementaires notamment), sachant que la qualité agronomique du digestat dépendra en partie de la qualité des intrants, c'est-à-dire de la part de biodéchets (dont déchets verts et horticoles qui tendent à diminuer la teneur du digestat en éléments fertilisants (N, P, K) alors qu'une cométhanisation de sous-produits animaux et de lisier porcin contraire fera croître leur taux[11]. Les digestats les plus "riches" en azote total etammoniacal, ainsi qu’enphosphore total viennent de la méthanisation deBoues de station d'épuration d'effluents urbains ou d'une co-méthanisation dedéjections animales (lisiers de porc en particulier) et de sous-produits animaux[11] (Lefumier de porc, outre ducuivre et duzinc[12], peut contenir des composésphénoliques augmentant la teneur en phénols du digestat (s'il y avait une forte proportion de lisier de porc dans le méthaniseur)[13] avec comme effet une réduction de l'activité microbiologique du sol après épandage[14]). Un post-traitement du digestat peut chercher à concentrer, répartir ou diluer ces éléments fertilisants (ou d'éventuels polluants)[11]. Des techniques de "séparation de phase" permettent de séparément valoriser des digestats liquides (engrais quasi-minéral) et une fraction presque sèche, qui contient souvent l'essentiel du phosphore et qui est utilisable comme un amendement organique[11]. Les digestats provenant de déchets urbains contiennent souvent plus d'indésirables (éléments traces métalliques et certains polluants organiques) que les digestats d'origine agricole, hormis ceux qui proviennent du lisier de porcheries industrielles, enrichis en cuivre et en zinc issus de l'alimentation animale et des suppléments alimentaires)[11]. Les polluants tels quedioxines,hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP),pesticides,PCB,paraffines chlorées,phtalates etcomposés phénoliques ont été retrouvés dans divers types de digestat, mais généralement à des teneurs inférieures aux normes européennes d'épandage, y compris pour les digestats (et composts) issus debiodéchets triés à la source (selon une étude suisse).
La valorisation (séchage ougranulation) permet de produire des matièresfertilisantes plus faciles à utiliser en agriculture, comme de lastruvite[15] ou dusulfate d'ammonium[16], voire desengrais normés. Il est possible aussi d'utiliser certains digestats pour produire des substrats de culturemaraichère ouhorticole, en pot ou en serre (ex : digestat issu de bio méthanisation industrielle defientes provenant de l'aviculture, comme alternative à latourbe). Dans ce dernier cas pour obtenir une matière organique résiduelle correctementhumifiée, il faut avoir produit un « méthacompost » ayant mûri dans de bonnes conditions et correctement hygiénisé. Ce substrat de culture doit en outre correspondre aux besoins des plantes qui y seront implantées (pH, aération et éléments minéraux).
Le digestat peut être utilisé commecombustible après séchage s'il est pollué mais contient encore une part significative d'hydrates de carbone combustibles (restes decellulose et delignocellulose). Leurs fractions minérales et en composés soufrés et azotés étant souvent élevées, ils laissent cependant une quantité importante decendres etcorrodent les parties métalliques des chaudières qui doivent être équipées de systèmes de postcombustion, filtration et lavage des fumées en raison d'émissions relativement élevées[17].
Le digestat peut aussi être utilisé comme matériel de recouvrement quotidien desites d'enfouissement si les normes d'épandage ne sont pas atteintes (selon les contraintes locales).
La demande de digestat homologué grandit en Europe ; en2014, il n'y a eu que trois décisions d'homologation en France et ce furent les premières (signées le 18 février 2014). Une quatrième était à l'étude en2015 avant un projet de consultation du public, selon le ministère de l'Agriculture[réf. souhaitée].
Elle n'est réalisée que dans une partie des cas (ex. : 10 % des cas pour 18 digestats étudiés en Suisse[11]).
Elle peut être pratiquée avant ou après la digestion, et dure 2 à 5 heures (de50 à70 °C)[11].
Si la méthanisation des biodéchets a été faite à 55-60 °C (conditions thermophiles), on considère que l'hygiénisation est déjà partiellement acquise[11]. Les indicateurs actuel de suivi sont généralement lesentérocoques etclostridium perfringens.
En2015, les producteurs de digestats agricoles et certaines administration cherchent encore à lui donner un statut facilitant sa valorisation en agriculture, ce qui passera par une homologation et le passage d'un statut actuel dedéchet à celui d'un produit commercialisable homologué et/ou normé.
Un projet derèglement européen est en cours d'écriture et lanorme engrais organique (NF U 42-001/A10) doit être mise à jour, ce qui pourrait être l'occasion d'introduire une norme "digestat", ce qui reste difficile en raison de la grande variété de produits méthanisés[7].
Selon Pascal Soulabail (PDG de Géotexia Mené), l'un des défis à relever est de maitriser les entrées et leur dosage pour produire un digestat homogène (et stable dans le temps) et correspondant aux critères de l'homologation, alors que les quantités de déchets agricoles varient en tonnage et type selon les saisons et les années[7].
D'autres difficultés sont pour certains types de digestats liées aux teneurs enmétaux lourds ouETM, en certains résidus de différentspesticides ou en microbes pathogènes (qui ne sont pas toujours détruits par la chaleur comme dans le cas du compostage)[7].
La tendance règlementaire et le contexte agroenvironnemental encouragent le recyclage agricole des matières organiques, aujourd'hui considérée« comme la meilleure alternative à d’autres filières de traitement des PRO », mais la diversité grandissante du gisement de matières fermentescible (nature, volume, localisation et éventuelles contaminations par des métaux lourds, des inhibiteurs de fermentation ou d'autres produits toxique ou écotoxiques) est source de certains risques pour les sols, les cultures, la biodiversité) ou pourrait ne pas correspondre aux besoins de certaines cultures ; l'agriculture de précision a besoin de maitriser les effets parfois ou potentiellement négatifs de certains digestats pour l'environnement et la santé, ce qui nécessiterait des données de court, moyen et long termes, statistiquement représentatives et fiables.
Il a été confirmé en 2015, malgré un développement important de la méthanisation dans le monde, les effets attendus et réels du retour au sol des PRO étaient encore insuffisamment connus et documentés (ainsi selon une enquête de 2011 e en 2011 faite auprès des organismes français conduisant des essais de plein champ visant à documenter et/ou comprendre les effets du recyclage agricole de PRO), sur 437 essais de retour au sol de matières organiques conduits entre 1974 et 2012, moins de 2 %[18],[19] concernaient les effets d'épandages de digestats ; et seuls trois essais sur 437 portaient sur le suivi d'éléments traces métalliques [ETM] et/ou de composés traces organiques [CTO] et des teneurs en pathogènes. Selon ses auteurs, cette étude a confirmé le« besoin de références sur les digestats de méthanisation toutes origines confondues »[20] ; Dans les années 1990-1995, les nutriments les plus étudiés sont P2O5, K2O, CaO, MgO, et lesETM les mieux suivis dans les PRO épandus sont le cuivre (Cu) et un peu moins souvent le zinc (Zn), le cadmium (Cd), le chrome (Cr), le nickel (Ni) et le plomb (Pb), le taux carbone organique, le pH, la capacité d’échange cationique ainsi que la teneur en P2O5 et enazote total[20].
La recherche s'intéresse notamment
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