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Pour la région du nord-ouest de l'État du Mississippi, voirMississippi Delta.

Ledelta du Mississippi forme l'embouchure du fleuveMississippi dans l'État deLouisiane dans le Sud desÉtats-Unis. Ce delta est formé par les alluvions déposées par le fleuve alors qu'il se jette dans les eaux dugolfe du Mexique. Il continue d'avancer vers le sud et est« l’un des plus changeants au monde, parce que l’un des plus jeunes »[1]. Le delta du Mississippi constitue un riche écosystème menacé par les activités humaines. Il s'agit du 2ème plus granddelta au monde après celui duGange. Il couvre une superficie de 75 000 km2 (plus de 400 km de largeur d'est en ouest, et de 200 km de profondeur du nord au sud[2]), sur laquelle vivent quelque 2,2 millions d’habitants, la plupart vivant dans l’agglomération deLa Nouvelle-Orléans[3]. Pourtant, comparé à d’autres deltas, la densité de la région est relativement faible.
L'embouchure du Mississippi s'est déplacée plusieurs fois. En 5 000 ans, le fleuve a changé neuf fois d'embouchure et l'actuel emplacement du cône de déjection ne date que duXe siècle.
À laPréhistoire, lesAmérindiens étaient présents des millénaires avant l'arrivée des colons européens en basse vallée du Mississippi et dans le delta. Des témoignages archéologiques datés de jusqu'à 12 000 ans le confirment, dont près des rives dulac Pontchartrain. Au moins à partir duIer siècle avant notre ère, les amérindiens construisaient de petits monts d'environ 20 m de haut, dans l'équivalent de l'actuel État du Mississippi et notamment dans laplaine alluviale. Des restes de ces monts sont encore visibles àVicksburg, et près deNatchez plus près de la mer[1].
Le FrançaisRobert Cavelier, Sieur de La Salle, atteint le delta du Mississippi en1682 et y déclare (au nom deLouis XIV) la souveraineté française sur tout son bassin qu'il nommeLouisiane. Certains des premiers colons français ont décrit à la fin duXVIIe/début duXVIIIe siècle des usages cérémonieux des buttes évoquées ci-dessus par les AmérindiensNatchez, avant que ces colons ou d'autres ne déciment les Natchez par les armes, la maladie ou la déculturation. Les Français décident de construire une ville portuaire dans l'estuaire, ce qui s'avère difficile en raison de la mobilité du« réseau réticulé des bouches du Mississippi »[1].Bâton Rouge est reconnu en 1699 par d'Iberville mais d'abord jugé trop éloigné de la mer (un poste n'y sera établi qu'en1718). Un premier poste est établi par le Canadien françaisPierre Le Moyne d'Iberville (àBiloxi dans la bordure orientale du delta) puis abandonné. Les français s'établissent ensuite sur larivière Mobile àFort Louis (aujourd'hui disparu), puis en 1710 àMobile sur l'estuaire cette rivière, ainsi que sur larivière Rouge en1714 àNatchitoches[1].

En 1718, sur la rive gauche d’un méandre réputé dangereux, mais connecté à la mer via des lacs et bayous,Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville (frère du précédent) établit la ville portuaire de la Nouvelle-Orléans sur un léger relief indiqué par les AmérindiensChoctaws aux français. Cette ville supplantera Bâton rouge comme capitale de la Louisiane[1].
La France crée laCompagnie du Mississippi, confiée en1717 au financier écossaisJohn Law. C'est un échec. Après laguerre de Sept Ans (1756-1763), l’Espagne et l’Angleterre récupèrent la Louisiane[1].

Dans lesannées 1720 - en s'appuyant sur l'esclavagisme et avec l'aide desAcadiens à partir de 1760 - on endigue, on draine et met en valeur par la culture de vastes parcelles de marais, ce qui sera le début d'une vaste opération de domestication du delta, dont on verra 3 siècles plus tard qu'il s'agit d'un semi-échec.

La population de la Nouvelle-Orléans reste modeste en nombre, avec un peu plus de 8 000 habitants seulement en 1803 quand la ville devient officiellement américaine. En 1812, 800 km de digues cherchent à contrôler le fleuve[4].
À partir de 1830, la Louisiane sera un grand fournisseur de coton[1], puis de pétrole.
Durant la guerre civile qui a opposé l’Union des États du Nord aux sécessionnistes, la maîtrise du fleuve et donc de son estuaire et delta a été un enjeu stratégique.
Andrew Humphrey, diplômé deWest Point réalise une grande étude sur le fleuve, lancée par le Congrès en1850, qui sera rendue en1861. Humphrey qui est alors un ingénieur réputé montre, confirme ou précise certaines spécificités du Mississippi, dont sa turbidité très élevée, sa capacité à creuser de profondes fosses dans la partie amont du delta (jusqu'à 50 m de profondeur à La Nouvelle-Orléans, c'est-à-dire près de 50 m sous le niveau marin) puis à massivement déposer ses sédiments près de la mer[5]. Il conclut comme la plupart de ses collègues qu'endiguer le fleuve est une erreur[5], mais il ne sera jamais entendu par les élus et habitants qui malgré les débordements successifs de digues de plus en plus hautes et longues ont toujours intuitivement l'impression que l'endiguement est la meilleure solution à leurs problèmes. Le parti de l'endiguement sera ensuite porté dans les années 1870 par un autre ingénieurJames Eads[6]
Quand un canal fut construit au début duXIXe siècle, le fleuve a cherché à rejoindre le lit et l'embouchure de la rivièreAtchafalaya, à 95 km deLa Nouvelle-Orléans. LeCorps des ingénieurs de l'armée américaine dépense depuis une énergie considérable pour construire desdigues pour conserver le cours actuel et artificiel du fleuve[1], ce qui est généralement présenté par les autorités locales et la« Mississippi River Commission » comme une« amélioration » du fleuve[7].
L’endiguement a porté le débit maximum de crue du fleuve à 100 000 m3/s lors d'une inondation record en avril 1927[8], avec un record de débit qui a atteint à Greenville (au nord de Vicksburg ) 300 000 m3/s, dopant la puissance destructrice de l'eau[8]. James Eads semble avoir été inspiré d'une (« thèse fort ancienne, mise en avant auXVIIe siècle par un ingénieur italien,Guglielmini, au sujet duPô »[8]. Selon cette thèse, connue aux États-Unis sous le nom de « levees only » (« seulement des digues »)« plus le fleuve est canalisé, plus il va couler vite et à la fois creuser son lit, l’agrandir et porter loin en mer ses dépôts, évitant ainsi de former des bancs de sable obstruant son accès ultime à la mer ». Cette thèse - au moins pour le Mississippi - avait été réfutée par Humphrey et plusieurs de ses collègues[5] et dans ce cas, l'autocurage attendu n'a effectivement jamais eu lieu ; au contraire le fond du fleuve ne cesse de remonter et il faut toujours rehausser les digues, alors que le reste du delta s'enfonce et s'appauvrit faute d'apports alluvionnaires[8]. Néanmoins, la stratégie de l'endiguement s'est poursuivie pour protéger les biens et personnes, autant que possible et à ce jour aussi longtemps que financièrement et techniquement possible.
| 4600 ans BP | |
| 4600-3500 ans BP | |
| 3500-2800 ans BP | |
| 2800-1000 ans BP | |
| 1000-300 ans BP | |
| 750-500 ans BP | |
| 550 ans BP - aujourd'hui |
Le fleuve et ses bras apportent desalluvions de différentes granulométries et une grande quantité de sédiments fins (B. Clarence Hall décrivant le fleuve dans le sillage deMark Twain[9] le surnomme en 1937 leGrand boueux[10].
Depuis quelques décennies, une partie des sédiments a été piégée en amont par les grands barrages établis par l'Homme sur les cours d'eau de son immensebassin-versant, qui couvre près de 3,3 millions de km², dont une petite partie, moins de 2 %, est au Canada. Laturbidité du fleuve a néanmoins augmenté en raison de l'érosion agricole et de la perte d'humus des sols, permettant à la partie active du delta actuel du Mississippi d'encore progresser (d'environ 100 mètres par an), alimenté par environ 730 millions de tonnes d'alluvions déposées à raison de 60 centimètres par an sur le fond de son lit et sur le bord duplateau continental. Ces dépôts forment un immensecône de déjection qui gagne facilement sur les eaux du golfe du Mexique en raison de la faible profondeur des eaux littorales et de la faible amplitude des marées[11].




Néanmoins une grande partie de l'immense delta tend à s'enfoncer sous l'eau depuis 80 ans, et de plus en plus rapidement au point que selon la NOAA, plus de 80 % du sud-est de la Louisiane pourrait disparaître avant la fin du siècle. Presque tout le Sud-Est de la Louisiane est concerné[12]. Les cartes faites par la NOAA doivent être régulièrement rectifiées : En 2011, 31 baies et autres lieux-dits de la zone du Plaquemines Parish (nommés par les explorateurs français dans les années 1700) ont ainsi disparu des nouvelles cartes[13]. De 2010 à 2013, l’équivalent d'environ unterrain de football a été perdu en moyenne chaque heure, et la situation devrait empirer[14]. Selon les prévisions 2013-2014 de la NOAA, c'est la zone des États-Unis et du monde qui pourrait être la plus gravement, la plus coûteusement et la plus rapidement envahie par l'océan[15].
Les spécialistes expliquent ce phénomène par la conjonction de plusieurs raisons, presque toutes d'origines humaines :
Dans lesannées 1980, les méthodes de mesure régionale duniveau relatif de la mer se sont affinées[28]. Des années 1990[29] aux années 2000, le recul des terres, ou plus exactement le niveau relatif de la mer[29] est jugé préoccupant[30], puis en2013-2014, laNOAA conclut de l'évolution des données et desmodèles climatiques disponibles qu'une grande partie de la Louisiane pourrait être submergée en2100 (-4.3 pieds sous la surface), y compris des zones très habitées (dont laNouvelle-Orléans) qui semblent s’enfoncer plus rapidement que la plupart des zones littorales, ce qui nécessitera le relogement et un nouveau travail pour plus d’un million de personnes[14]. Le phénomène pourrait avoir été sous-estimé d’un facteur deux par les planificateurs des mesures de protection (plan sur 50 ans, qui doit être mis à jour tous les 5 ans) ; lemarégraphe deGrand Isle (Louisiane), à environ 50 miles au sud de la Nouvelle-Orléans montre une quela mer s’est élevée en moyenne de 9,24 mm /an de 2004 à 2010, alors que celui de Key West où la subsidence est faible n’enregistre que 2,24 mm/an. Grand Isle a servi de point de référence pour lesétudes prospectives, mais on s’est ensuite rendu compte que l’enfoncement du sol était pire à certains endroits dans l’intérieur des terres (ex ; 11,2 mm/an le long de la rive sud dulac Pontchartrain, en zone métropolitaine de la Nouvelle-Orléans. Et plus encore à l'intérieur de la ville)[14].
Seule une partie de la frange côtière de la Louisiane, toujours alimentée en alluvions pourrait paradoxalement survivre, grâce à un reste de transit sédimentaire duMississippi[14]. Port Fourchon est depuis 2011 de plus en plus isolé dans un paysage de plus en plus marin, et exposé aux évènements météorologiques graves[31].
Face au constat de la disparition de 2 000 miles carrés de terres et à l'accélération du phénomène, des divergences existent sur les solutions à apporter : faut il stopper l'urbanisation voire la faire reculer, continuer à endiguer, sacrifier certaines zones pour en restaurer d'autres... ? qui doit payer, l'État fédéral, l'État de Louisiane, les habitants ? ou les industries pétrolières responsables de la dégradation des écosystèmes qui protègent de moins en moins desondes de tempête ?...).
Plusieurs études disent que l'industrie du pétrole et du gaz est responsable de 16 à 50 % du phénomène, et certains jugent maintenant impossible de protéger tout le sud-est de la Louisiane.
En Complément de laLouisiana Coastal Protection and Restoration Authority, une autre autorité nommée« The Southeast Louisiana Flood Protection Authority », elle-même subidivée en deux Conseils chargés respectivement de l'Ouest (rive droite du Mississippi) et de l'Est (rive gauche) du delta[32] a été mis en place. Cette institution indépendante de l’État fédéral et local, a été créée par une Loi spéciale, votée par le gouvernement de Louisiane en2006. Sonconseil d'administration est présidé par neuf membres non-rémunérés, dont le mandat est de quatre ans, et un conseil d'expert ; Les membres du Conseil sont nommés par un comité de représentants des écoles d'ingénieurs de LSU, Tulane, UNO et des universités du Sud-Est (« Southern universities »), de représentants d'organisations professionnelles d'ingénieurs et d'un think tank indépendant, le « Public Affairs Research Council ». Tout candidat au Conseil doit avoir une expérience en ingénierie ou démontrer des compétences professionnelles pertinentes en matière de protection contre les inondations. Pour chaque siège ouvert, le comité envoie deux noms au gouverneur, qui en sélectionne un pour approbation par le Sénat de l'État. Un seul membre peut résider dans les districts relevant de la compétence du conseil. Cette autorité est un organe degouvernance mis en place après le passage de l'ouragan Katrina (qui a causé de nouvelles disparitions de terres marécageuses[33]), pour notamment répondre à la colère des populations victimes. Elle est chargée de la protection contre les inondations et notamment chargée d'entretenir le système de digues et murs de protection construit autour de la Nouvelle-Orléans, renforcé (pour 14,5 milliards de dollars) dans le cadre de l'après-Katrina
En juillet2013, la« Southeast Louisiana Flood Protection Authority » a déposé une plainte devant untribunal civil de la Nouvelle-Orléans[34] contre 97 compagnies pétrogazières et sociétés de pose et gestion depipelines.
La plainte (votée à l'unanimité par le Conseil[20]) cite et cible trois illégalités :
John Barry, vice-président du conseil d'administration de l'autorité qui a déposé la plainte a déclaré que l'autorité ne considérait pas l'industrie du pétrole et du gaz comme unique responsable des dommages, mais qu'elle demande seulement à l'industrie d'atténuer les dommages qu'elle a causé[20]. Cette action en justice a néanmoins immédiatement suscité un tollé« de la part des amis de l'industrie du pétrole et du gaz au sein du gouvernement de l'État, à commencer par le gouverneur »[14].
L'industrie a reconnu une certaine responsabilité dans l'inondation par les canaux et les rejets d'eaux qu'elle a créés (eau produite)[36], mais jusqu'à présent elle a réussi à faire en sorte de ne pas ou très peu payer de contreparties au droit d'exploiter (de plus en plus profondément) les hydrocarbures souterrains[14].
La Louisiane est l'un des États les plus pauvres du pays, et l'industrie pétro-gazière y est très présente depuis le début duXXe siècle[37]. C'est un puissant lobby et elle y emploie directement environ 63 000 personnes (selon le ministère fédéral du Travail)[14].
Le delta du Mississippi était et reste encore (bien qu'en rapide régression) la plus grande zone humide littorale des États-Unis. Le delta offre des paysages divers, allant deslagunes saumâtres, à lamangrove ou aumarais d'eau douce.
La plaine deltaïque du Mississippi inclut lesmarécages côtiers et arrière-littoraux de la Louisiane ; ils couvrait encore dans les années 1980 28 568 kilomètres carrés[38]. Elle se caractérise par un réseau complexe de bras et de levées naturelles qui rayonnent à partir du fleuve en aval deBâton-Rouge.
En raison des pollutions pétrolières chroniques ou accidentelles dans le golfe du Mexique et le delta, beaucoup de ces milieux ont été dégradés. En raison de la subsidence, plus encore ont été physiquement perdus (submergés) depuis 80 ans et plus.
De nombreux projets de stabilisation et deréhabilitation écologique des marais existent[39], sous l'égide de l' NOAA et d'ONG et fondés sur des bases écosystémiques et de cohérence écologique[40] mais qui souvent ne trouvent pas les financements nécessaires. De nombreux habitants et communautés quittent les régions de marais[41], et certains changements pourraient déjà être irréversibles[14].

Le boisement du delta est dominé par diverses espèces dechênes et lecyprès chauve, qui se trouve être l'arbre emblématique de l'État deLouisiane. L'humidité permet l'épanouissement d'une abondance delichens.
Dans les milieux aquatiques se développent, entre autres, lesjacinthes d’eau.
La faune du delta est diverse : parmi les animaux les plus connus, on peut citer l'alligator américain, plusieurs espèces detortues et deserpents. Les mammifères sont aussi nombreux :castors,raton laveur,loutre de rivière,vison d'Amérique,rat musqué,petit polatouche,opossum de Virginie,tatou à neuf bandes, etc. On trouve également de nombreuses espèces dechauve-souris.De nombreux oiseaux nichent dans le delta du Mississippi :hérons,aigrettes,pélicans bruns et blancs,ibis ethiboux. D'autres espèces viennent hiverner dans la région : il s'agit de l'oie sauvage, ducanard d'Amérique, ducanard pilet ou dubalbuzard pêcheur. Lepygargue à tête blanche et lefaucon pèlerin sont desespèces menacées.Dans les eaux des marais ou des cours d'eau, on trouve desécrevisses, despoissons-chats, (Cycleptus elongatus, des représentants de la famille desSciaenidae et desCatostomidae. Une espèce d'esturgeon (Scaphirhynchus albus) y vit aussi, mais menacée d'extinction.