Ces peintres, architectes, sculpteurs et poètes influencent profondément l'architecture duXXe siècle, en particulier leBauhaus et ensuite lestyle international.
La plupart des membres envisagent un environnement utopique par le biais de l'art abstrait, d'une harmonie universelle dans l'intégration complète de tous les arts[1]. L'ambition deDe Stijl est de donner un sens nouveau aux arts en les rapprochant, en les intégrant autour du désir de destruction du« baroque » (selon l'acception que Van Doesburg et ses amis donnaient à ce mot), par l'utilisation de couleurs et de formes « pures », en équilibre dynamique et comme en expansion, légères et même, visuellement, en apesanteur. Les mathématiques, la perfection de la machine, la vie en collectivité et l'anonymat des méthodes de travail à cette époque les ont stimulés dans leurs recherches.
La fin deDe Stijl, en 1932, est précipitée par des divergences de plus en plus saillantes entre ses deux membres fondateurs, Van Doesburg reprochant à Mondrian son manque de liberté et d'imagination dans la création, avant le décès de Van Doesburg en 1931.
Ce mouvement d'idées trouve ses sources aussi bien dans lecubisme que lesymbolisme et l'Art nouveau, dans lesArts & Crafts, l'architecture deFrank Lloyd Wright et dans les doctrines philosophiques répandues à la fin duXIXe siècle comme lathéosophie. Sur le plan géographique, elle a concerné les Pays-Bas, la France et l'Allemagne pour s'étendre de la Pologne aux États-Unis et de la Grande-Bretagne à l'Italie.
Entre 1910 et 1915, Theo van Doesburg collabore à la création d'une revue à Amsterdam pour établir des contacts avec les mouvements d'avant-garde étrangers et plus particulièrement parisiens. Il publie dans d'autres revues dont certaines à orientations spirituelles etthéosophiques des articles sur le renouveau de l'art. En 1914 il rencontre l'écrivainAntony Kok avec lequel et envisage pour la première fois de fonder une revue[2].
En 1915,Theo van Doesburg qui vient de découvrir le travail dePiet Mondrian et qui rencontreGeorges Vantongerloo réalise ses premiers vitraux. Il est présenté en 1916 par Piet Mondrian authéosophe Schoenmaekers qui joue un rôle déterminant en fournissant l'appui théorique au groupe, rencontre les architectesJacobus Johannes Pieter Oud,Jan Wils(en) etRobert van 't Hoff, le peintreBart van der Leck avec lesquels il fonde un club artistique destiné à promouvoir les relations entre la peinture et l'architecture et de développer un art monumental. C'est le début d'une coopération avec la conception de vitraux et la mise en couleur d'espaces intérieurs. L'année suivante,Theo van Doesburg suivant les principes dePiet Mondrian basés sur l'utilisation de grilles géométriques peint ses premiers tableauxnéo-plastiques nommés :Compositions.
En 1919,Gerrit Rietveld entre dans le groupede Stijl, et c'est la publication de ses premiers meubles, laChaise d'enfant et le prototype de laChaise rouge et bleue[4]. L'architecteRobert van 't Hoff quitte le mouvement. Piet Mondrian vient habiter à Paris et réalise ses premiers tableaux de forme carré posés sur la pointe. Il y accueilleTheo van Doesburg l'année suivante en 1920 où paraît leDeuxième manifeste de De Stijl. Ils rencontrentLéonce Rosenberg dans saGalerie de L'Effort moderne puisTheo van Doesburg visite leBauhaus en et janvier 1921 puis inaugure leStijl Kursus en marge de cette école. Il renforce sa collaboration avec les architectes mais sa conception de la couleur comme facteur d'une dynamique et de la destructuration de l'architecture entraine sa rupture avec l'architecteJacobus Johannes Pieter Oud. Il proposeVers une nouvelle formation du monde le troisième manifeste du groupe de Stijl.Georges Vantongerloo quitte le groupe, Theo van Doesburg rencontreEl Lissitsky.
Piet Mondrian publie chezLéonce Rosenberg à laGalerie de L'Effort moderne :Néo-plasticisme - Principe général de l'équivalence plastique. Ces premières toiles néo-plasticiennes sont composées de carrés et de rectangles dans des quadrillages de lignes asymétriques. Le but est de détruire par le plan l'espace et le volume et dépasser la nature visible.
L'année suivante la rencontre àWeimar avec le jeune étudiant en architecture, lauréat du Prix de RomeCornelis van Eesteren qui voyage en Europe pour étudier l'architecture et l'urbanisme etTheo van Doesburg marque le début d'une intense collaboration marquée en 1923 par exposition de laGalerie de L'Effort moderne à Paris chezLéonce Rosenberg. Elle est représentée avec plus de succès l'année suivante à l'École spéciale d'architecture dans une exposition plus large et plus accessibleL'architecture et les arts qui s'y rattachent.Gerrit Rietveld reprend sa chaise conçue en 1917 et lui applique les principes deDe Stijl en la laquant avec les trois couleurs fondamentales. LaChaise Rouge et bleue représente avec samaison Schröder de 1924 des icônes de cette époque.Vilmos Huszár quitte le groupede Stijl.
De 1924 à 1927, un collectif d'artistes lillois publient une revueVouloir organe dunéoplasticisme en France devient un des lieux de promotion et de diffusion des idées du groupeDe Stijl.
Après l'élimination de fait deDe Stijl,Theo van Doesburg qui ressent encore le besoin de s'associer avec d'autres artistes fonde à Paris le groupe et la revueArt concret dont le seul numéro paraît à Paris en. Dans son manifeste, l'Art concret se présente comme une opposition ausuréalisme.
Le,Theo van Doesburg meurt d'une crise cardiaque après avoir construit àMeudon près de Paris sa maison-atelier dont les portes de la façade sud reprennent les trois couleurs fondamentales[5],[6],[2].
Par son caractère anti-individualiste, le mouvementDe Stijl est surtout dans ses premières années lié aucommunisme.Vilmos Huszár,Jan Wils(en) etRobert van 't Hoff(en), sont membres du parti communiste des Pays-Bas et Rielvet de sa branche radicale d'Utrecht. En 1919, Theo van Doesburg rejoint l'Association des intellectuels révolutionnaires.Jacobus Johannes Pieter Oud etPiet Mondrian n'ont pas d'engagements politique etBart van der Leck pense que l'artiste doit propager ses idées politiques par son travail. En 1921, Theo van Doesburg publie dans la revueDe'Stijl le troisième manifesteVers une nouvelle vision du monde où il prend ses distances avec le socialisme,Le règne de l'esprit a commencé. Les capitalistes sont des trompeurs, mais les socialistes sont aussi des trompeurs[7].
L'intransigeance de Theo van Doesburg pour désapprouver ou réprimer l'activité des membres en dehorsDe Stijl provoque de nombreux départs et il se retrouve pratiquement seul à défendre les principes deDe Stijl. Son isolement croissant aux Pays-Bas l'entraîne à développer le mouvement dans d'autres pays européens et en particulier auBauhaus deWeimar. Lors d'un voyage àBerlin en 1920, il a rencontréWalter Gropius,Bruno Taut et Alfred Meyer qui lui trouve un logement àWeimar. Un étudiant duBauhaus Karl Peter Röhl lui propose son atelier pour donner des cours.
Theo van Doesburg se rend pour la première fois à Weimar en 1921 et donne des conférences publiques louant la conception de base deWalter Gropius sur l'enseignement mais critique la voie prise par l'enseignement au Bauhaus. Un article deVilmos Huszár inspiré parTheo van Doesburg montre que pour atteindre les objectifs énoncés par les manifestes du Bauhaus, il faut des maîtres qui savent ce qu'implique la création d'une œuvre d'art unifiée.
ÀWeimar, à cette époque,Johannes Itten qui fait régner une atmosphère mêlant mystique etexpressionnisme est le maître qui domine tout, dogmatique il défend une œuvre produite par un seul individu. L'accent mis sur l'artisanat devient de plus en plus anachronique et Walter Gropius qui avait à l'origine envisagé une école capable d'accueillir plusieurs points de vue et de créer l'harmonie à partir de la diversité dans un programme plus industriel pense que le Bauhaus risque de s'isoler du monde réel.
S'il est lui aussi dogmatique, déstabilisant pour l'école et n'est pas nommé maître immédiatement, les critiques deTheo van Doesburg ne sont pas faciles à écarter, il est célèbre et respecté dans l'avant-garde internationale. AvecDe Stijl qui a compté dans ses rangsGerrit Rietveld etPiet Mondrian il a déjà marqué le paysage artistique européen et est responsable d'un style architectural dont Walter Gropius est un fervent admirateur.
Sa richesse d'idées et ses talents de pédagogue et de propagandiste ont du succès et Theo van Doesburg organise en dehors du Bauhaus un cours sur les théories deDe Stijl à la demande d'élèves et d'enseignants. Ce transfert d'élèves vers l'enseignement de Theo van Doesburg mécontente le Bauhaus qui veut entraver son action, il quitteWeimar pourBerlin désamorçant ainsi le conflit.
Ce cours et particulièrement la géométrie élémentaire avec les verticales, horizontales, diagonales et aplats ainsi que les couleurs primaires et les contre-compositions imprègnent le travail de Karl Peter Röhl, Werner Graeff, Andreas Weininger, Hans Vogel, Egon Engelien, Max Burchartz, Bernhard Sturtzkoph, et Farkas Molnár.
À l'automne 1921, on peut voir un signe dans le changement de l'emblème expressionniste de l'école par un logo qui doit beaucoup àDe Stijl et à l'œuvre deTheo van DoesburgRythme d'une danse russe. Il annonce clairement l'image que le Bauhaus cultive surtout à partir de 1923 et porte la marque évidente deDe Stijl. Walter Gropius connaît le virage que prennent tous les arts en Allemagne où l'expressionnisme est mort et remplacé par un style sobre, discipliné et même conventionnel, laNouvelle objectivité. Johannes Itten est amené à démissionner et est remplacé parLászló Moholy-Nagy, un artiste proche deTheo van Doesburg. Les idées et les formes deDe Stijl et les intuitions de Theo van Doesburg sont des éléments fondamentaux dans la réforme de l'orientation industrielle du Bauhaus menée par Walter Gropius[8],[2],[9].
De Stijl est une revue d'art destinée aux artistes publiée àLeyde auxPays-Bas puis àParis entre et soit 90 numéros formant huit volumes. Avec une distribution comprise entre 120 et 300 exemplaires elle a une influence majeure sur l'art néerlandais et international.
Un an après le début des publications, un premier manifeste est rédigé par des peintres, architectes, poètes, sculpteur ce qui montre la cohésion du groupe rassemblé parTheo van Doesburg.
1. Il y a deux connaissances des temps : une ancienne et une nouvelle. L'ancienne se dirige vers l'individualisme. La nouvelle se dirige vers l'universel. Le débat de l'individualisme contre l'universel se révèle autant dans la guerre du monde que dans l'art de notre époque. 2. La guerre détruit l'ancien monde avec son contenu : la domination individuelle à tous les points de vue. 3. L'art nouveau a mis au jour ce que contient la nouvelle connaissance des temps : proportion égales de l'universel et de l'individuel. 4. La nouvelle connaissance des temps est prête à se réaliser dans tout, même dans la vie extérieure. 5. Les traditions, les dogmes et les prérogatives de l'individualisme (le naturel) s'opposent à cette réalisation. 6. Le but de la revue d'artde Stijl est de faire appel à tous ceux qui croient dans la réformation de l'art et de la culture pour annihiler tout ce qui empêche le développement, ainsi que ces collaborateurs ont fait dans le nouvel art plastique en supprimant la forme naturelle qui contrarie la propre expression de l'art, la conséquence la plus haute de chaque connaissance artistique. 7. Les artistes d'aujourd’hui ont pris part à la guerre du monde dans le domaine spirituel, poussés par la même connaissance contre les prérogatives de l'individualisme : le caprice, Ils sympathisent avec tous ceux, qui combattent spirituellement ou matériellement pour la formation d'une unité internationale dans la Vie, l'Art, la Culture. 8.De Stijl fondé dans ce but, fait tous ses efforts pour placer la nouvelle idée de la vie dans la lumière.
Pour le deuxième anniversaire du groupede Stijl,Theo van Doesburg publie un numéro spécial avec les projets marquant des membres du groupe ce qui permet de faire se confronter les opinions de chacun d'entre eux[5]. Avec la fin de la guerre et l'ouverture des frontières, la revue est diffusée à l'étranger et publie des informations sur l'activité artistique étrangère[2].
En 1919-1920,Piet Mondrian publieRéalité naturelle et réalité abstraite où il propose d'étendre le système auquel il est parvenu à toute la société. Une société fondée sur une dualité équivalente entre le spirituel et le matériel qui corresponde à la nouvelle ère industrielle duXXe siècle[6].
Après des articles consacrés à la décoration intérieure et l'art plastique, l'architecture des logements d'urgence, la nouvelle peinture, l'art et la littérature paraît en 1920 le second manifeste consacré à la littérature[13] signé parTheo van Doesburg,Piet Mondrian etAntony Kok(nl). En 1921 le troisième manifeste :Vers une nouvelle formation du monde est publié puis des propos sur la nouvelle peinture, lecubisme,Picasso etde Stijl.
En 1923, la revue s'ouvre davantage à la poésie, la danse, au théâtre et à la musique. Le mathématicienHenri Poincaré y publiePourquoi l'espace en trois dimensions.
1. En travaillant collectivement, nous avons examiné l'architecture comme unité créée de tous les arts, industrie, technique... et nous avons trouvé que la conséquence donnera un style nouveau. 2. Nous avons examiné les lois de l'espace et nous avons trouvé que toutes ces variations de l'espace sont à gouverner comme une unité équilibrée. 3. Nous avons examiné les lois de la couleur dans l'espace et dans la durée et nous avons trouvé que les rapports équilibrés de ces éléments donnent enfin une unité nouvelle et positive. 4. Nous avons examiné le rapport entre l'espace et le temps, et nous avons trouvé que l'apparition de ces deux éléments par la couleur donne une nouvelle dimension. 5. Nous avons examiné les rapports réciproques de la mesure, de la proposition, de l'espace, du temps et des matériaux et nous avons trouvé la méthode définitive de les construire comme une unité. 6. Nous avons par la rupture de la fermeté (les murs...) élevé la dualité entre l'intérieur et l'extérieur.
7. Nous avons donné la vraie place de la couleur dans l'architecture et nous déclarons que la peinture séparée de la construction architecturale (c'est-à-dire le tableau) n'a aucune raison d'être. 8. L'époque de la déconstruction est à son terme. Une nouvelle époque commence: la grande époque de la construction.
En, l'article sur la peinture : de la composition à la contre-composition est proposé parTheo van Doesburg comme en 1927 l'article sur les dix ans deDe Stijl où la nouvelle conscience plastique est définie parnéoplasticisme etélémentarisme. En 1928, le dernier numéro provisoire est entièrement consacré à la réalisation de l'espace de restauration et de loisirs de l'Aubette àStrasbourg avecJean Arp et son épouse,Sophie Taeuber-Arp[14].
Usage uniquement des couleurs pures : bleu, jaune, rouge (pas de cyan ou de magenta, donc on évitera de dire "couleurs primaires"), ainsi que des non-couleurs : blanc, noir, gris ;
Usage uniquement de lignes droites et orthogonales ;
Les couleurs sont appliquées en aplat, sans mélange ou dégradé ;
Les formes se limitent à des rectangles et des carrés ;
Dynamisation de l'espace par le jeu des diagonales.
Ces principes se retrouvent également dans les réalisations architecturales.
« Depuis 1913, nous ressentions tous un besoin d'abstraction et de simplification. Le caractère mathématique s'imposa de toute évidence face à l'impressionnisme, que nous rejetions; tout ce qui n'allait pas au bout de nos principes était qualifié de "baroque". Nous étions tous d'accord sur un point : nous déclarions la guerre au style baroque sous ses formes les plus diverses. »
« L'art tel que nous le comprenons n'est ni prolétarien, ni bourgeois. Il n'est pas non plus déterminé par les circonstances sociales, il développe au contraire des forces qui conditionnent à leur tour l'ensemble de la culture. »
Les premières pierres du principe général deDe Stijl sont posées à l'origine par une association de peintres à laquelle se sont joints ensuite des architectes. Ce groupe vient d'un milieu artistique hollandais complexe qui se retrouve dans des communautés d'artistes. Ils font partie de sociétésthéosophiques et à partir d'une spiritualité ordonnée et géométrisée recherchent un nouvel art qui soit en phase avec cette nouvelle société industrielle qui bouleverse les codes esthétiques, plastiques et même philosophiques de la société.
Bart van der Leck (1876-1958) fait son apprentissage chez un maître verrier d'Utrecht et est influencé par l'architecte et ébénistePiet Klaarhamer(nl). Il est marqué par l'école hollandaise duXIXe siècle,Van Gogh, lesymbolisme et lapeinture dans l'Égypte antique. En 1912-1915, il peint des formes simplifiées avec un nombre limité de couleurs posées en aplats. En 1914, ses personnages sont cernés de noir, vus latéralement et étagés dans un plan. En 1916, il réaliseTravail au port etLa tempête aux formes stylisées et limitées aux trois couleurs primaires, le bleu, le rouge, le jaune ainsi que le blanc et le noir posées en aplats. La composition privilégie deux directions, l'horizontale et la verticale.
En 1916, il rencontrePiet Mondrian et son travail évolue. Son tableauLa Mine est non figuratif etBart van der Leck parvient par des chemins différents à la même abstraction quePiet Mondrian avecJetée et Océan. En 1917, laSortie de l'usine est construite dans un plan avec des formes dont les contours sont parallèles au bord de la toile. Il ne cherche plus qu'à structurer la surface.
À partir de ces sourcesthéosophiques, le peintreBart van der Leck est le premier à élémentariser[15] la couleur et a l'idée de réduire la palette de sa peinture aux trois couleurs primaires, le jaune, le bleu et le rouge. Il appartient au mouvementde Stijl avecTheo van Doesburg et travaille à partir de l'analyse de la figure humaine en mouvement[6].
Piet Mondrian qui doit àBart van der Leck ses couleurs primaires est dans une logique différente et travaille à partir de l'analyse des arbres et de la nature[16].
Pendant son séjour à Paris en 1912-1914,Piet Mondrian assimile lecubisme ce qui lui permet de résoudre le problème de l'abstraction. Son premier souci après avoir adopté les couleurs primaires est d'unir la figure et le fond en un tout inséparable. Il abandonne le fond neutre deBart van der Leck grâce à la grille modulaire dans ses tableaux de 1918-1919 ce qui lui permet de résoudre une opposition essentielle laissé de côté par les autres peintres deDe Stijl, celle de la couleur et de la non couleur.
À partir de 1918 et jusqu'en 1921,Piet Mondrian met au point son langage lenéo-plasticisme en expérimentant diverses possibilités. En 1918, c'est un nouveau format, le carré sur la pointe, laComposition dans le carreau aux lignes grises qui n'a ni composition ni aucun motif particulier mais une trame systématique. La même année, laComposition en plans de couleur avec contours gris contient tous les éléments qu'il développe à partir de 1920-1921 : la répartition de plans orthogonaux de couleurs rouge, bleu, jaune, blanc ou gris séparés par une structure de lignes grises. Ces tableaux sont suivis d'autres recherches faites en Hollande puis à Paris dès. Les couleurs sont encore hésitantes, l'épaisseur des lignes, leur répartition et leur nombre restent mal définis. À partir de 1920, Piet Mondrian trouve le parti qu'il ne quittera plus jusqu'en 1938, le néo-plasticisme est né[6].
Dans les années 1920-1921, quand son style est venu à maturité,Piet Mondrian a commencé à changer son studio à Paris parce que la peinture était prête à être fusionnée avec les plans muraux de l'architecture mais il refuse d'appliquer son travail sur la picturalité à l'espace, aux trois dimensions, à l'architecture et à la ville et quitte le mouvementDe Stijl en 1925[5],[17].
Theo van Doesburg est un peintre qui a compris la dimension politique, sociale et historique qu'opère le modernisme sur les consciences et l'art en général. Il utilise tous les supports de l'esthétique, la peinture, le dessin, la sculpture, l'architecture, le design, la publicité et le graphisme.
Dès 1912 et sa première exposition, sa peinture subit l'influence deVan Gogh puis de l'abstraction lyrique deKandinsky. Il écrit sur lefuturisme et fait des recherches sur les éléments fondamentaux. Il s'intéresse àPiet Mondrian dont il reprend l'esthétique à partir de 1915 puis trouve aunéo-plasticisme un côté conservateur. Il réalise en 1918Rythmes des danses russes où il reprend des éléments formels dePiet Mondrian et certaines parties de laComposition 1917-3 deBart van der Leck. Il trouve un effet différent dû au format rectangulaire très prononcé en hauteur. En 1920 saComposition XVIII en trois parties est constituée de trois châssis distincts dont la disposition calculée permet de structurer le mur par leur relation spatiale et la correspondance des élém|ents de la composition.
Theo van Doesburg qui voyage beaucoup et organise des expositions rencontre àBerlinWalter Gropius en 1920. Puis il s'installe àWeimar en 1921-1922 où il anime des réunions et donne des cours de style dans un atelier près duBauhaus dont il bouleverse profondément l'esprit mais n'obtient pas le statut de maître qu'il souhaitait. Il convaincWalter Gropius aux idéesconstructivistes dont il devient avecEl Lissitsky le principal propagandiste. Une rétrospective est organisée au Landesmueum deWeimar en et.
En se démarquant dunéo-plasticisme il crée ce qu'il appelle desContre-compositions qui donneront naissance au manifeste de l'Élémentarisme paru dans la revueDe Stijl en 1927. C'est une réaction contre les applications trop dogmatiques dunéo-plasticisme en introduisant des surfaces inclinées, des surfaces dissonantes en opposition à la pesanteur et la structure statique architectonique. Quand ces peintures sont réalisées, Piet Mondrian rompt ses relations avecTheo van Doesburg et sa collaboration à la revueDe Stijl. De 1926 à 1928, il travaille avec beaucoup plus d'efficacité dans l'art de l'intérieur et l'architecture que dans ses tableaux à la mise en œuvre de ses principes. La restauration du café-dancing de l'Aubette à Strasbourg est son œuvre la plus importante réalisée en style élémentariste.
En 1930, il exécute un tableau capitalComposition arithmétrique où pour la première fois étant donné le postulat abstrait initial, toutes les composantes sont justifiées par un système, la position et les proportions des éléments se trouvant dans des rapports logiques. En même temps il publie la revueArt concret avec un manifeste signé partOtto Gustav Carlsund,Theo van Doesburg,Jean Hélion,Léon Tutundjian et Wantz.
La carrière et l'évolution des autres peintres deDe Stijl après 1920 est plus uniforme et moins profonde.Vilmos Huszár après avoir été marqué par lesnabis et lesymbolisme exécute des vitraux dont certains sont parfaitement abstraits. Ses œuvres de 1918 montrent des plans de couleurs dans une grille orthogonale. Puis il cherche à faire passer ses recherches dans l'architecture et collabore avecPiet Zwart,Jan Wils(en) etGerrit Rietveld. Il réalise en 1923 une maquette[18] pour une exposition à Berlin,Gerrit Rietveld concevant le mobilier et peut-être le plan etVilmos Huszár la coloration des murs, du sol et du plafond, les plans de couleurs passant d'une paroi à l'autre sans tenir compte des angles. Il quitte le groupede Stijl en 1923[6].
Georges Vantongerloo est jusqu'en 1916 un sculpteur figuratif et peut-être le seul artiste à apporter par ses sculptures et ses tableaux une dimension supplémentaire à l'œuvre dePiet Mondrian et deTheo van Doesburg. Dès 1919-1920, il cherche à trouver une application à ses recherches en concevant des meubles et des projets d'aéroports ou de ponts. À partir de 1926-1927 il fait intervenir le calcul, la géométrie et les mathématiques dans l'élaboration de ses sculptures. Sa peinture très épurée est fondée sur un raisonnement mathématique, de grandes surfaces blanches et grises et quelques plans de couleurs sont séparées par de fines lignes noires. Il cherche une harmonie universelle dont il pense qu'elle est ordonnée par les lois arithmétiques[6].
PourPiet Mondrian l'architecte n'étant pas un artiste est incapable de créer une beauté nouvelle. Celle-ci ne sera réalisée que par l'artiste collaborant avec l'ingénieur chargé de la technique, l'essentiel étant de prendre l'esthétique comme point de départ. C'est l'équilibre des rapports des lignes et des plans orthogonaux qui crée la beauté nouvelle, la couleur étant une partie intégrante de cette nouvelle architecture. L'esthétique néo-plasticienne fait passer le point de vue toujours avant le plan et l'œuvre apparaît comme une pluralité de plans et non de prismes. La couleur est nécessaire pour annihiler l'aspect naturel de la matière employée. Les couleurs néo-plasticiennes pures, planes, déterminées, primaires, fondamentales (rouge, jaune, bleu) sont en opposition avec les non couleurs (blanc, noir, gris). Il n'y a pas à craindre que l'on se répande dans l'excès de couleur car souvent une surface de couleur minime suffit pour obtenir un rapport équilibré, la difficulté étant de trouver l'équilibre esthétique véritable[19].
Pour Theo van Doesburg l'évolution de l'architecture moderne en Hollande est plus facile pour les architectes que pour les peintres car ils n'ont devant eux aucune École ni opinion commune établie et peuvent se livrer aux expériences les plus osées contrairement aux peintres héritiers d'une histoire prestigieuse.
Les architectesEduard Cuypers etBerlage délivrent l'architecture de ses traditions d'imitation et la font passer de pseudo-classique à une architecture indépendante et élémentaire. Elle influence une nouvelle génération par ses accents modernes, la suppression du superflu, la subdivision de la façade, la prédominance des surfaces-plans et des espaces fonctionnels.
Dans la revueDe Stijl, les premiers peintres, sculpteurs, architectes exposent leurs conceptions d'un style vraiment nouveau et les architectes ont la possibilité de mettre en application les principes collectifs du groupe réalisés d'abord par les peintres. Les premiers architectes sontRobert van 't Hoff(en),J.J.P. Oud etJan Wils(en). Les premières œuvres ne sont pas totalement délivrées de la tradition et sont encore un peu monumentales, lourdes et fermées mais elles annoncent une période où l'architecture pourra se développer librement. Grâce à ces expériences,Gerrit Rietveld,W. van Leusden,Cornelis van Eesteren et Theo van Doesburg purent tirer toutes les conséquences de la nouvelle tendance et étudier le problème d'un art collectif.
Le désir d'incorporer la couleur à l'architecture a toujours été au cœur de l'entreprisede Still et ce qui engendra la constitution du groupe. Ces membres ont cherché à définir les critères qui rendraient possible l'intégration de ces arts dans un tout unifié et déhiérarchisé, le peintre et l'architecte collaborant sur une base égale, chacun dans son domaine de compétence, la couleur pour le peintre et la structure pour l'architecte[19],[10].
Les architectes ont eu la possibilité de mettre en application les principes collectifs du groupe. 1.La forme bannit l'illusion et la conception d'une forme à priori. 2.Les éléments sont créateurs et l'architecture se développe à partir des éléments du bâti : fonction, masse, lumière, matériaux, plan, temps, espace, couleur... 3.L'économie est trouvée par l'utilisation des moyens élémentaires les plus essentiels. 4.La fonction est la synthèse des exigences pratiques déterminées par un plan clair et précis. 5.L'informe est obtenue par la division et la subdivision des espaces de l'intérieur et de l'extérieur par des plans rectangulaires qui n'ont pas de formes individuelles et peuvent s'étendre à l'infini de tous côtés. 6.Le monumental est indépendant degrand et depetit. 7.Le trou est vaincu. La fenêtre a une importance active par rapport à la position de la surface plane et aveugle des murs. 8.Le plan dont les murs sont de simples points d'appui entrainent un plan ouvert où les espaces de l'intérieur et de l'extérieur se pénètrent. 9.La subdivision peut se faire par des plans mobiles pour séparer les fonctions. 10.Temps et espace unifiés donnent à la vision architecturale un aspect plus complet. Le temps comme l'espace sont des valeurs architecturales. 11.l'aspect plastique est obtenu par la quatrième dimension de l'espace-temps. 12.L'astatique ou ce qui ne prend pas de direction particulière organise les différents espaces qui ne sont pas comprimés dans un cube fermé mais se développe excentriquement pour créer une nouvelle expression plastique. 13.Symétrie et répétition sont supprimées et remplacer par un rapport équilibré des parties inégales, c'est-à-dire des parties qui diffèrent par leur caractère fonctionnel. 14.Le frontalisme né d'une conception statique est remplacé par le développementpolyèdrique dans l'espace-temps. 15.La couleur comme expression individuelle de la peinture c'est-à-dire une harmonie imaginaire et illusionniste est remplacée par l'expression plus directe du plan coloré. Elle est un des moyens élémentaires de rendre visible l'harmonie des rapports architecturaux. Le peintre-constructeur y trouve son vrai champs d'action créatrice. Il organise esthétiquement la couleur dans l'espace-temps et rend visible plastiquement une nouvelle dimension. 16.La décoration est abandonnée car la nouvelle architecture est anti-décorative. La couleur n'a pas une valeur ornementale mais elle est un moyen élémentaire de l'expression architecturale. 17.L'architecture comme synthèse de la construction plastique est obtenue par la collaboration de tous les arts plastiques qui permettent à l'architecture d'atteindre sa pleine expression. Chaque élément architectural doit contribuer à créer un maximum d'expressions plastiques sur une base logique et pratique. Le néo-plasticien est convaincu qu'il construit dans l'espace-temps et cela suppose qu'il peut se déplacer dans les quatre dimensions de cet espace[19].
Le peintre assimile la surface murale à un plan neutre sur lequel il peut projeter une composition conçue à l'avance. L'architecte conçoit son mur comme un élément architectural intégré à une composition d'ensemble. Le conflit est latent, le peintreBart van der Leck se plaint que l'architecteBerlage veuille prendre tout en main et cesse sa collaboration puis des divergences apparaissent avecTheo van Doesburg etBart van der Leck quittede Stijl et ne signe pas le premier manifeste[10].
PourTheo van Doesburg, l'espace architectonique doit se conforter aux idées du peintre et il recherche des architectes partageant sa conception. Au début il se limite à la conception de vitraux et de fresques puis à la mise en couleur d'intérieurs et d'extérieurs. Parfois il expérimente l'espace dans l'idiome néo-plasticien mais ces expériences ont un caractère plus sculptural qu'architectonique.
Le plan de la fontaine deLeeuwarden est une collaboration deTheo van Doesburg avec l'architecteJan Wils(en) en 1917-1918. C'est une pure œuvre de la plastique-espace, une bonne sculpture spatiale. Pour la maisonHuis De Lange, conçue en 1917, il réalise un vitrail, une bordure monumentale, un escalier une mosaïque de verre et les couleurs intérieures et extérieures en utilisant un système de couleur : rouge, jaune, bleu, noir et blanc complété par de l'orange, du vert et du violet. Les relations entre le peintre et l'architecte sont comparables avec celles entretenues avecJ.J.P. Oud.
Jan Wils(en) s'associe aussi avecPiet Zwart créateur de meubles et de décoration intérieure qui se joint au groupeDe Stijl en 1918 sans en devenir un membre officiel. Dès l'année 1919, il prend une attitude très critique vis-à-vis des membres du groupe et Theo van Doesburg réplique en publiant des articles très acerbes dans la revueDe Stijl[2].
La collaboration avec l'architecte de la première heure deDe StijlRobert van 't Hoff(en), ne s'est pratiquement pas concrétisée[20]. En 1919 Theo van Doesburg intervient auprès de lui pour l'aménagement intérieur de la maison Bart De Ligt. La composition du sol et des murs est réalIsée d'un seul geste. De grands aplats rectangulaires rouges, verts et bleus sont soulignés par des lignes noires et déstructurent complètement les murs blancs. On connaît aussi un poteau de départ d'escalier[20].
Les propositions deDe Stijl publiées sur une nouvelle identité de la ville sont hétérogènes. L'idée de la ville monumentale est portée parJ.J.P. Oud élève deBerlage. La rue est définie comme unité élémentaire du vocabulaire de l'urbanisme. La question du plan urbain est la rencontre des dispositions internes des logements avec la cellule de base multipliée et juxtaposée donnant corps à l'architecture de la rue. La monumentalité de la ville vient de cette régularité ordonnée par le rythme horizontal et vertical queTheo van Doesburg souhaite perturber par des diagonales[5].
Theo van Doesburg donne sa vision de la ville en 1924 en réponse auPlan Voisin deLe Corbusier qu'il trouve trop traditionnel et qui contraste avec saCité de circulation. Il ressort ses plans en 1929 pour illustrer une solution aux problèmes de logement et de circulation dans la métropole du futur. Il détruit le réseau des rues et ouvre la cité de tous côtés. Les blocs d'appartements sont des tours de quarante mètres de hauteur suspendues à quatre piliers contenant les ascenseurs et les fluides. Le rez-de-chaussée est réservé à toutes les circulations dans toutes les directions imaginables, aux parcs, jardins et fontaines[20].
La collaboration entre le peintreTheo van Doesburg et l'architecteJ.J.P. Oud montre que la belle entente entre peintres et architectes repose sur un tissu de contradictions inavouées et un quiproquo fragile.
Au début, en 1917-1918Theo van Doesburg pour le projetDe Vonk deJ.J.P. Oud respecte l'intégrité des portes et en fait une chaine colorée puis conçoit le carrelage du sol comme un correctif à l'architecture. Dès 1920, il ne veut plus se limiter à un emploi subalterne et souhaite que l'on pense tous ensemble l'articulation des éléments architecturaux et l'articulation des éléments picturaux. Il élabore un programme coloré pour les blocs d'habitationsSpangen I et V sur des plans deJ.J.P. Oud de 1918. Satisfait l'architecte lui confie à l'automne 1920 les ensembles voisins.Theo van Doesburg travaille dessus à partir de l'été 1921 mais il n'accepte plus d'être un exécutant, il se trouve àWeimar proche duBauhaus avec des étudiants et son nouveau statut social le pousse à ne plus accepter les limites structurales imposées par l'architecte et il déclare la guerre à la morale fonctionnaliste fondement du travail deJ.J.P. Oud. Fin, il envoie ses esquisses colorées deSpangen VII et IX qui sont refusées. C'est la fin de la collaboration du peintre et de l'architecte et la rupture deJ.J.P. Oud avecde Stijl[10].
Beaucoup d'idées deDe Stijl viennent deBerlage, le père spirituel de l'architecture moderne auxPays-Bas, employeur deJan Wils(en) etJacobus Johannes Pieter Oud de 1914 à 1916. Il y fait connaître après un voyage auxÉtats-Unis en 1911 l'œuvre deFrank Lloyd Wright et le contraste mystique entre l'horizontal et le vertical, la nature et la culture. On retrouve encoreBerlage dansde Stijl, avec le mur plat et distributeur de l'espace, le principe de l'unité dans la multiplicité où les bâtiments, les meubles, la sculpture et la peinture sont vus comme unité mais aussi assemblage d'éléments individuels[7].
Cornelis van Eesteren etTheo van Doesburg présentent un hôtel particulier, une maison d'artiste et le développement d'une architecture démontrée par une maison particulière avec des schémas et l'analyse de l'architecture, la construction de la couleur.Cornelis van Eesteren avecTheo van Doesburg pour la construction de la couleur exposent le projet d'un hall d'université à Amsterdam.
Ils essaient de transposer la recherche néo-plastique dans l'espace. Les maquettes d'architectures montrent des réalisations faites uniquement avec des plans horizontaux et verticaux. Le volume architectural est détruit et rend caduques toutes idées de façades, de divisions verticales en travées et horizontales en étages. Le jeu des pleins et des vides est accentué ou contrarié par les surfaces de couleur[6].
La maison particulière est le projet le plus ambitieux avec un noyau fixant le point capital. Le volume du bâtiment n'est pas fixé au préalable mais disposé depuis une vague idée d'ensemble des pièces. La maison est construite de l'intérieur vers l'extérieur en donnant à chaque pièce et sa fonction une certaine grandeur sans les déterminer par les liaisons avec les pièces secondaires. La maison est une création qui passe directement de l'intérieur vers son environnement. Aucune vue extérieure n'est prépondérante, les quatre côtés du bâtiment disparaissent et un grand nombre de perspectives différentes déterminent la forme totale.
Les couleurs ont une importance décisive dans l'impression d'ensemble.Theo van Doesburg utilise les couleurs primaires, le noir et le blanc qui encadrent et pénètrent le bâtiment. Elles sont sans rapport avec les surfaces de l'architecture, n'occupent pas totalement les murs et empiètent sur d'autres pièces. L'architecture passe de l'objet entourant l'espace et séparant de l'environnement à la structure spatiale et groupée de surfaces[4].
Jacobus Johannes Pieter Oud propose une maison au boulevard de plage , une maison de campagne et une autre semi-permanente, des maisons ouvrières, un projet d'usine de 1918,Jan Wils(en) un ensemble de maisons etVilmos Huszár son travail sur la composition des couleurs dans l'espace..
Mies van der Rohe a fait un montage photographique à partir de la maquette d'une tour de verre,W. van Leusden des maquettes d'une vespasienne, d'un garage avec boutique, d'un abri de tramway flanqué d'un kiosque de fleuriste etGerrit Rietveld la maquette d'un magasin de joaillerie.
Cette exposition qui a pour but de démontrer la possibilité de créer collectivement sur des bases générales n'obtient pas le succès escompté etTheo van Doesburg est déçu par l'accueil de la presse.Le Corbusier,Mallet-Stevens,Gabriel Guevrekian,André Lurçat et tous ceux qui comptent dans l'architecture moderne en France visitent l'exposition. Le Corbusier silencieux dans un premier temps fait un compte-rendu dansl'Esprit Nouveau[22] en isolant la polychromie et la manière dont l'architecture et la peinture peuvent s'articuler. Il y trouve des réponses dans l'articulation spatiale d'une maison en tant que boite et la représentation axonométrique des projets[10].
Cet intérêt rejaillit sur les exposants dede Stijl qui proposent les travaux exposés à laGalerie de L'Effort moderne et distribuent le Manifeste V du GroupeDe Stijl : Vers une construction collective et son point VII : la peinture séparée de la construction architecturale (c'est-à-dire le tableau) n'a aucune raison d'être.
C'est en Hollande que leur participation est la plus reprise par la presse et que sont reçues les premières louanges par le groupe.L'Architecture vivante revue prestigieuse pour les architectes modernes du monde entier décide de consacrer un numéro spécial au groupe hollandais avec des textes deTheo van Doesburg etPiet Mondrian[19],[23].
Cette exposition est perçue comme un point de départ pour une architecture où l'angle droit règne, l'angle aigu ose à peine se hazarder, toute courbe semble bannie[10]
Vue générale de l'expositionDe Stijl, galerie deL'Effort Moderne, 1923
Initialement prévue comme un dispositif scénographique pour présenter des dessins et des maquettes sur l'architecture de théâtre,Frederick Kiesler renomme en 1925 cette installationCity in Space. Simultanément, il publie dansDe Stijl une critique de la ville contemporaine et prend ses distances avec les architectes qui soutiennent la ville fonctionnelle. LaCité de l'Espace s'apparente à un programme esthétique où, comme au théâtre, le centre lie la temporalité à la perception de l'espace.
Il crée un grand dispositif pour présenter ses maquettes, une grande structure en trois dimensions. La nouveauté n'échappe pas àTheo van Doesburg qui parle dans ses écrits d'un espace d'exposition centripète en opposition au mode centrifuge des expositions qui utilise les parois comme cimaises.Frederick Kiesler transpose les tableaux dePiet Mondrian et deTheo van Doesburg dans un espace tridimentionnel, une union indissoluble de la peinture, de la sculpture et de l'architecture.
Pour lui, ce n'est plus le plan qui détermine la ville mais la structure. C'est une nouvelle vision de la spatialité qui influencera les méga-structures et l'architecture à plateaux comme leCentre Pompidou[2].
Le Corbusier comprend remarquablement la notion théorique de contre-construction formulée parTheo van Doesburg. Elle lui sert à transformer ses espaces intérieurs.Robert Mallet-Stevens qui semble parmi les architectes français le plus proche duStijl reprend volontiers les décrochements asymétriques des volumes : plasticité, dissimulation illusionniste de la structure porteuse, multiplication des porte-à-faux mais ne retient essentiellement du groupe que les jeux plastiques des premières années du mouvement.Eileen Gray n'hésite pas à emprunter le vocabulaire formel duStijl après avoir étudié les principes structuraux sur lesquels se fonde ce mouvement. Elle est la seule en France à en retenir la syntaxe et la morphologie[10].
Bien qu'il ne soit plus membre deDe Stijl en 1925, leCafé De Unie(nl) à Rotterdam deJacobus Johannes Pieter Oud a toutes les caractéristiques de ce mouvement avec des surfaces rectangulaires aux couleurs primaires et du plâtre blanc. Il y a une fusion claire entre la typographie, la couleur et l'architecture. Ces trois éléments constituant une véritable affiche qui identifie le Café[5]
LaMaison Eames construite àLos Angeles en 1949 parCharles etRay Eames est un exemple de l'influence du mouvementde Stijl en dehors de l'Europe. Les parois coulissantes et les fenêtres lui donnent la polyvalence et l'ouverture recherchées par les Hollandais.
Gerrit Rietveld ébéniste et joaillier de formation passe par l'agence de l'architecte et ébénistePiet Klaarhamer(nl). En 1911 il devient fabricant de meuble et rencontreBart van der Leck. En 1917-1918, il met au point un prototype de siège fondé sur l'analyse de la structure qui deviendra laChaise rouge et bleue. Pour la première fois, les éléments d'un siège peuvent être énumérés comme ceux des œuvres deBart van der Leck et dePiet Mondrian à la même époque.Gerrit Rietveld réduit le siège à sa structure fondamentale pour des raisons esthétiques et simplifier la fabrication.
En 1918, il rencontreTheo van Doesburg et l'architecteRobert van 't Hoff(en) puis devient membre deDe Stijl en 1919. En 1920, il conçoit son premier projet architectural, l'aménagement d'un cabinet médical qui est publié dans la revuede Stijl[24] avec un retentissement exceptionnel. Il influenceWalter Gropius pour la réalisation du bureau du directeur duBauhaus de Weimar. Tout est conçu dans le même système pour former un ensemble homogène par une unité formelle et des relations orthogonales entre le bureau, le porte-lettres, la chaise et le luminaire. Dans un projet avecVilmos Huszár pourBerlin en 1923, il place une table basse et un siège, laChaise de Berlin qui se présente comme la traduction dans l'espace des recherches picturales dunéo-plasticisme[6].
Lamaison Schröder est conçu avec la propriétaireTruus Schröder(nl) parGerrit Rietveld le seul architecte du groupede Stijl en 1923-1924 en utilisant les principes tirés du manifeste deTheo van Doesburg :À une architecture nouvelle publié dans le numéro 6/7 de la revuede Stijl.
La nouvelle architecture brise le mur et détruit la séparation intérieure / extérieure avec des murs non porteurs ce qui crée un plan ouvert avec des espaces intérieurs et extérieurs se pénétrant les uns les autres.
À l'étage de la maison,Gerrit Rietveld utilise des parois coulissantes à la place des murs fixes. La nouvelle architecture n'enferme pas les fonctions dans des cubes, les façades ne sont plus rigides ni statiques mais offrent une richesse plastique d'effets spéciaux. La nouvelle architecture est anti-décorative et la couleur est une expression organique de la couleur.
Gerrit Rietveld conçoit ses œuvres comme des sculptures et dépasse les principes deTheo van Doesburg en donnant à l'écran une portée beaucoup plus large et en déplaçant le porte-à-faux au niveau de l'ossature elle-même.
Cette maison fait aujourd'hui partie dupatrimoine mondial de l'UNESCO pour son organisation flexible et ses qualités visuelles et formelles. Elle représente la synthèse des concepts de son époque et est reconnu comme une icône dumouvement moderne en architecture[10],[25],[26].
En 1926, une commande qui n'a pas d'écho à l'époque sur les architectes français est obtenue parTheo van Doesburg grâce au sculpteur strasbourgeoisJean Arp. Le projet porte sur la restauration d'une partie de l'intérieur de l'Aubette àStrasbourg sans toucher à l'extérieur de cet immense bâtiment construit parJean-François Blondel et classéMonument historique. Le programme des frères Paul et André Horn, concessionnaires depuis 1922 de l'aile droite du bâtiment porte sur la création d' un vaste complexe de restauration et de loisirs.
Pour ce chantier qui dure deux ans de 1926 à 1928,Theo van Doesburg est l'architecte et maître d'œuvre avecJean Arp et son épouse,Sophie Taeuber-Arp. Ils se répartissent la conception. Au rez-de-chausséeSophie Taeuber-Arp aménage le passage d'entrée, le salon de thé et l'Aubette-bar,Theo van Doesburg le café-brasserie et le café-restaurant. Au sous-sol,Jean Arp règne sur le caveau -dancing et le bar -américain. L'escalier qui monte à l'étage peint comme la salle de billard de l'entresol parJean Arp est conçu parTheo van Doesburg. L'étage avec la grande salle des fêtes et le ciné-dancing est le domaine réservé deTheo van Doesburg même si le foyer entre les deux est réalisé parJean Arp et son épouseSophie Taeuber-Arp.
Pour le ciné-dancingTheo van Doesburg par son savoir faire arrive à animer la salle par des couleurs et la dynamiser par des miroirs. Dans les contraintes orthogonales de l'existant, il introduit une répartition oblique des couleurs, une contre-composition capable de résister à toute la tension de l'architecture. La perturbation visuelle est si importante qu'il est difficile de voir que les compositions des différents murs prolongeraient celles du plafond si toutes ces surfaces étaient dépliées sur un même plan.
La presse locale semble conquise par cette réalisation mais les frères Horn respectant les désirs de leurs clients qui jugent l'ensemble froid et sans confort apportent des éléments perturbant l'ensemble et en1938, leur successeur décide de masquer les décorations défraîchies. Elles sont redécouvertes dans lesannées 1970 et classéesmonuments historiques en 1985 pour le ciné-dancing et l'escalier d'accès au premier étage et en 1989[27] pour le foyer-bar et salle des fêtes[28],[29],[10].
La villa-atelier deTheo van Doesburg et de sa femme Nelly, 29 rue Charles Infruit à Meudon demeure sa seule conception architecturale. Certains y trouvent encore les principes du groupede Stijl, les formes rectangulaires, l'utilisation des trois couleurs de base, jaune, bleu et rouge, les panneaux pivotants et l'effet de la lumière dans l'architecture de ce petit bâtiment moderniste simple et blanc. D'autres y voient une approche purement fonctionnelle de l'architecture.
Le deuxième album du groupeThe White Stripes,De Stijl sorti en2000, fait référence à ce mouvement. Il est d'ailleurs dédié àGerrit Rietveld. La pochette de l'album reprend les caractéristiques du mouvement.
↑Theo van Doesburg indique 1916 dans son texte pour la revue : L'Architecture Vivante, automne 1925, Édition : Albert Murange, textes de Theo van Doesburg, page : 11 (numérisée sur le site de la bibliothèque de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine)
↑a etbL'idéal en tant qu'art. De Stijl 1917-1931, C.P. Warncke, Köln, Taschen, 1991, 216 p,(ISBN3822805203), Collectif, Mardaga éditions, 1995, 175 p,(ISBN2870092458)
↑abcd eteMondrian / De Stijl, au Centre Pompidou, Beaux Arts éditions, 5/01/2011, 65 p,(ISBN9782842787769) + enregistrement du colloque de l'exposition
↑Texte en français dans le numéro 1 deL'Esprit Nouveau, page 82-83, numérisé sur le site de la Bibliothèque de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine
↑Voir sur wikisource aux articles Theo van Doesburg et De Stijl
↑Voir articles :Élémentarisme etOrigine de l'élémentarisme par Theo van Doesburg sur Wikisource
↑Mondrian / De Stijl, au Centre Pompidou, Beaux Arts éditions, 5/01/2011, 65 p,(ISBN9782842787769)
↑Cette théorie : Du tableau à l'atelier, de l'atelier à l'architecture, de l'architecture à la ville est précisée par Mondrian dans un article de la revueVouloir, n°25, Lille, 1927
↑Trois images en couleur + texte pages : 14-15 dans la revueL'Architecture vivante, 1924. Numérisé sur le site de la Bibliothèque de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine
↑abc etdPhotographies de l'exposition publiées dans la revue : L'Architecture Vivante, automne 1925, Édition : Albert Murange, textes de Theo van Doesburg, page : 11 et Piet Mondrian, page : 14 (numérisée sur le site de la bibliothèque de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine)
↑Des textes de Mondrian, Oud, van Doesburg, Vantongerloo, sont publiés dans leBulletin de l'Effort moderne, (numérisés sur le site : Gallica)
↑Compte-rendu dans le numéro : 19, page : 27/67 de l'Esprit nouveau, Bibliothèque numérique de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine
↑ Texte de Le Corbusier sur l'exposition de l'École Spéciale d'Architecture dans le numéro 23 deL'Esprit Nouveau, (numérisée sur le site de la bibliothèque de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine)
↑Emmanuel Guigon, Hans van der Werf, Mariet Willinge (dir.),L'Aubette : ou la couleur dans l'architecture : une œuvre de Hans Arp, Sophie Taeuber-Arp, Théo van Doesburg, Musées de Strasbourg, Strasbourg, 2006, 221 p.
↑Noell, Matthias (2011),Im Laboratorium der Moderne. Das Atelierwohnhaus von Theo van Doesburg in Meudon – Architektur zwischen Abstraktion und Rhetorik, Institut für Geschichte und Theorie der Architektur, Zürich: Gta Verlag.
Mondrian / De Stijl, au Centre Pompidou, Beaux Arts éditions, 5/01/2011, 65 p,(ISBN9782842787769)
Yve-AlainBois,De stijl et l'architecture en France, Liège/Bruxelles, Pierre Mardaga,, 175 p.(ISBN2-87009-245-8).
Emmanuel Guigon, Hans van der Werf, Mariet Willinge (dir.),L'Aubette : ou la couleur dans l'architecture : une œuvre de Hans Arp, Sophie Taeuber-Arp, Théo van Doesburg, Musées de Strasbourg, Strasbourg, 2006, 221 p.