Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant lesréférences utiles à savérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références ».
David Grin, futur Ben Gourion, au centre (chemise blanche) du groupe Ezra devant son domicile à Plonsk (Pologne), à la veille de son départ pour la Palestine ; son père et sa belle-mère aux fenêtres, août 1906.
Ben Gourion, au centre, tenant une grappe de raisin devant les caves deRishon LeZion, 1906-07.
Il travaille d'abord dans les orangeraies et lesvignobles des exploitations agricoles juives créées dans lesannées 1880 par les sionistes de la première émigration. Il est aussi garde enGalilée. Il vit pauvrement, parfois en proie à lamalaria. Comme il l'indique par la suite, son travail modeste et surtout le chômage fréquent lui font connaître la faim, ce qui ne l'empêche pas de refuser toute aide financière de sa famille.
C'est à cette époque qu'il entre au Comité central duPoale Zion.
En 1909, lors d'une attaque arabe, il perd un camarade qui l'accompagnait. Il est également victime d'une seconde attaque, durant laquelle il n'utilise pas son arme et laisse son assaillant fuir avec son panier, après un combat à mains nues[2]. Il s'en sort avec une blessure au couteau, mais se dit fier de ne pas avoir tué son assaillant, et ainsi cassé un cercle de violence[3].
Il commence en 1912 des études dedroit à l'université d'Istanbul, capitale de l'Empire ottoman. Il souhaite tisser des liens avec la future élite ottomane, afin de la rendre plus favorable au projet sioniste.
En 1914, au début de laPremière Guerre mondiale, Ben Gourion s'en tient à une attitude loyaliste vis-à-vis de l'Empire ottoman et la promeut au sein duYichouv. En mai 1915, il est déporté enÉgypte bien qu'il forme unemilice juive de soutien aux Ottomans. Il se rend auxÉtats-Unis pour trois années et forme le groupeHeHalutz.
En 1919, Ben Gourion participe à la création duAkhdut Ha'avoda (« L'union du travail »), le parti sioniste marxiste qui succède auPoale sion. Il se situe plutôt à l'aile droite (réformiste) de ce parti. L'aile gauche, désignée comme « groupe de Rostov », est progressivement marginalisée.
En 1921, Ben Gourion est élu secrétaire général de laHistadrout (« Association générale des travailleurs d'Eretz Israël »). Ce syndicat, fondé en 1920, regroupe surtout les militants des différentes factions sionistes de gauche.
La direction de Ben Gourion est reconnue comme efficace mais parfois autoritaire. À la tête de laHistadrout, il privilégie plusieurs démarches :
développement économique du pays. LaHistadrout est un syndicat classique, qui revendique au nom des salariés et parfois organise des grèves. Mais dans un pays encore largement sous-développé, laHistadrout crée aussi des emplois en développant un fort secteur d'entreprises coopératives :hevrat ovdim (association des travailleurs). Elle devient ainsi un des principaux employeurs de laPalestine mandataire ;
unité socialiste. LaHistadrout est la matrice de l'unification duAkhdut Ha'avoda et de l'autre grand parti de la gauche sioniste, leHapoel Hatzaïr (lesquels fusionneront effectivement en 1930). Les militants des partis socialistes sionistes s'y retrouvent en effet et militent côte à côte ;
développementnationaliste. Un des principaux dirigeants de l'aile droite dusocialisme sioniste, Ben Gourion privilégie le nationalisme par rapport au projet de transformation socialiste. En particulier, Ben Gourion s'opposera toujours à ce que des travailleurs non-juifs (arabes) puissent être organisés au sein de laHistadrout. Il est également un des partisans du soutien de la gauche sioniste àHaïm Weizmann comme président de l'Organisation sioniste mondiale. Weizmann est pourtant un libéral du parti dessionistes généraux (droite modérée). Le slogan de Ben Gourion« de laclasse au peuple » est symbolique de ses priorités. Il déclarait par exemple[4] :
« Le régime socialiste et la commune ne peuvent avoir aucun intérêt pour nous dans ce pays si ceux qui les appliquent ne sont pas des travailleurs juifs. Nous ne sommes pas venus ici pour organiser qui que ce soit, et nous ne sommes pas ici pour répandre l'idée socialiste auprès de qui que ce soit. Nous sommes ici pour établir une patrie de travail pour le peuple juif ; »
auto-défense juive. LaHaganah est une organisation armée clandestine chargée de la défense duYichouv. Elle a été formée en 1920 sous l'impulsion deVladimir Jabotinsky mais est très vite passée sous le contrôle de laHistadrout, donc de Ben Gourion (qui intervient relativement peu dans son fonctionnement quotidien).
Après l'assassinat le d'Haïm Arlozoroff, chef du département politique de l'Agence juive, Ben Gourion voit son influence encore augmenter. Il devient en 1935 président de l'Agence juive et démissionne de son poste au sein de laHistadrout. Il devient alors le principal dirigeant duYichouv sioniste. L'alliance avec les libéraux de Weizmann est cependant poursuivie : ce dernier reste le président de l'OSM.
De 1936 à 1939, les Arabes se révoltent contre lemandat britannique. Cette révolte s'explique par le refus catégorique de voir un « foyer national juif » prévu par la déclaration britannique Balfour du 2 novembre 1917 s'installer en « terremusulmane », un des objectifs du mandat britannique en Palestine. Face au nationalisme juif naît également unnationalisme arabe, dont est issu lenationalisme palestinien actuel.
Conséquence de cette révolte, laHaganah se développe fortement. Groupe armé de défense des Juifs de Palestine, officiellement interdite par le mandat britannique à sa création puis tolérée à compter des années 1930, elle était depuis sa création en 1920 sous l'autorité de laHistadrout. Elle passe en 1931 sous la direction de l'Agence juive, ce qui signifie que son responsable politique suprême était Ben Gourion jusqu'en 1931 et qu'il le redevient en 1935.
En 1937, les Britanniques (commission Peel) envisagent de diviser laPalestine mandataire et de créer un petit État juif sur une petite partie (15 %) de celle-ci : le nord de laPalestine mandataire et une partie de la bande côtière. Malgré la taille modeste de l'État proposé, Ben Gourion s'engage en faveur du plan de partage, contre l'avis d'une partie duMapaï (derrièreBerl Katznelson etItshak Tabenkin). Pour ce faire, il a le soutien d'Haïm Weizmann.
Mais il ne parvient que partiellement à surmonter les fortes réticences de l'OSM. Celle-ci accepte l'idée d'un partage mais refuse les frontières trop étroites proposées par les Britanniques.
Devant le manque d'enthousiasme des sionistes et devant l'hostilité des nationalistes arabes, les Britanniques abandonnent le plan Peel. Mais la réaction de Ben Gourion est révélatrice de son pragmatisme.
Ben Gourion va organiser l'opposition résolue duYichouv à cette politique.
Une immigration illégale est mise en place autour duMossad le'Aliyah Beth. Elle vise à amener des Juifs en Palestine mandataire.
La rupture entre les Britanniques et les projets des sionistes étant maintenant consommée, Ben Gourion et l'Organisation sioniste mondiale décident aucongrès sioniste de Biltmore(en) (àNew York, aux États-Unis) de 1942 de revendiquer un État juif sur toute la Palestine mandataire, impliquant le départ des Britanniques.
Dans le même temps, Ben Gourion oriente le mouvement sioniste dans un soutien résolu à l'effort de guerre contre lesnazis. Des membres duYichouv, en particulier de laHaganah s'engagent dans la « Brigade juive » sous commandement britannique. Il déclare :« Nous aiderons les Britanniques dans la guerre comme s'il n'y avait pas de Livre blanc et nous lutterons contre le Livre blanc comme s'il n'y avait pas la guerre ». En 1942, la puissance mandataire britannique était en effet elle-même menacée par les troupes deRommel, et l'arrivée des troupes allemandes auMoyen-Orient signifiait la fin probable duYichouv.
Si la lutte contre le nazisme est essentielle, la sécurisation du projet sioniste passe avant tout. David Ben Gourion s'accommodait même bien des mesures antisémites nazies à compter de 1933 qui lui permirent d'accueillir en Palestine des flots d'immigrants venant d'Allemagne puis d'Autriche. Il va même jusqu'à déclarer en 1938, devant le comité central du Mapai, que s'il avait le choix entre sauver la totalité des enfants juifs allemands pour les envoyer en Angleterre ou n'en sauver que la moitié pour les envoyer en Palestine, il opterait pour la dernière option. Et en 1939, devant leCongrès sioniste à Genève, il déclare que les juifs restés en Allemagne sont des couards et que les juifs palestiniens ne veulent pas être ce type de juif (« that sort of Jew »)[5]. Confronté sur toute la durée de laSeconde Guerre Mondiale, tout comme le reste des Alliés, à des informations concordantes sur un génocide des Juifs d'Europe, il n'avait pas plus que les autres mesuré sa véritable dimension[6], ses discours sur le sujet de la Shoah restent toujours évasifs même après-guerre. Selon lenouvel historienTom Segev, le sentiment d'impuissance et l'ordre des priorités avaient fortement limité les tentatives d'assistance auxJuifs d'Europe (peu après les débuts de la guerre, Ben Gourion laisse en effet entendre aux dirigeants de l'Agence juive que la protection des Juifs à travers le monde est maintenant « au-dessus des capacités humaines »).
Dès mai 1944, l'Irgoun, structure armée droitière, qui est apparue en 1931 comme scission de la Haganah, jugée trop molle vis à vis des Britanniques, organisation liée au camp révisionniste, reprend les armes et commet des attentats contre les Britanniques en Palestine (attaques de postes de police, de convois militaires, de camps afin notamment de rafler des armes).
Entre 1944 et 1945, Ben Gourion organise la répression contre l'Irgoun et ses membres. Des membres de l'Irgoun sont livrés aux Britanniques. D'autres sont enlevés par laHaganah et soumis à des interrogatoires musclés, parfois à des sévices. Mais cette politique est de plus en plus impopulaire au fur et à mesure du durcissement britannique contre le sionisme.
La crise des réfugiés juifs après leur libération des camps de la mort met fin à cette attitude de l'exécutif sioniste et de Ben Gourion. Plus de 300 000 rescapés de laShoah, considérés comme personnes déplacées (displaced persons - D.P.) par les Alliés après mai 1945, veulent quitter l'Europe pour aller en Amérique ou en Palestine mais les Britanniques s'y opposent. Cette politique, qui est incomprise par l'opinion publique, entraîne la colère duYishouv.
À partir de 1945, Ben Gourion réoriente la politique de l'Agence juive et de laHaganah dans un sens plus anti-britannique. Si les actions sanglantes de l'Irgoun (et de sa dissidence créée en 1941, leLehi) continuent à être condamnées, laHaganah participe maintenant à des sabotages (normalement sans morts) contre les Britanniques. Ben Gourion organise grèves et sabotages, tout en renforçant laHaganah par une politique d'achats d'armes enEurope, notamment en France et en Tchécoslovaquie.
Parallèlement, Ben Gourion et laHaganah développent massivement l'immigration clandestine (Aliyah Beth). Des dizaines de milliers de réfugiés parviennent à pénétrer dans le pays, mais des dizaines de milliers d'autres sont arrêtés par les Britanniques et enfermés dans descamps d'internement pour réfugiés juifs àChypre ou enAllemagne, provoquant une forte sympathie internationale. Le sommet de cette crise des réfugiés est atteint avec l'odyssée du cargo parti de Sète,Exodus, transportant plus de4 000 personnes et qui est interdit d'accostage en Palestine par les Britanniques.
Au cours du premier trimestre 1947, les Britanniques, qui ne maîtrisent plus la situation, décident de rendre leur mandat sur la Palestine à l'ONU. Celle-ci décide l'envoi d'une mission qui se rend sur place et rend un rapport favorable au partage de la Palestine entre Juifs et Arabes.
La grande majorité des Arabes a refusé le partage prévu par le vote de l'O.N.U. le 29 novembre 1947, prévoyant un Etat juif, un Etat arabe et une zone internationale autour de Jérusalem et Bethléem . À compter de décembre 1947, une guerre civile entre Juifs et Arabes de Palestine éclate, sous l'œil passif des Britanniques, qui quittent finalement la Palestine le, au lendemain de la création de l'Etat d'Israël le 14 mai 1948 par David Ben Gourion, proclamée au sein d'une salle du Musée des Beaux Arts de Tel Aviv, en tant que président du Yishouv .
Ben Gourion dirige la défense duYichouv. En, une crise l'oppose à la direction de laHaganah : Ben Gourion veut une offensive que cette organisation armée ne s'estime pas capable de mener[7]. Ben Gourion s'impose malgré les menaces de démissions et l'offensive réussit.
Le 26, par l'ordonnanceno 6 du gouvernement de l'État d'Israël, Ben Gourion crée les forces de défense d'Israël - en initiales hébraïques :Tsahal, qui regroupe les forces du Palmach, de laHaganah, de l'Irgoun et duLehi. Pendant l'été, une nouvelle crise éclate, contre l'Irgoun cette fois. L'Irgoun avait maintenu ses unités au sein deTsahal. Mais Ben Gourion ne voulait pas d'unités politisées. Profitant d'une tentative de l'Irgoun de faire rentrer des armes dans le pays, Ben Gourion fait tirer sur le bateau transportant ces armes, l'Altalena. Il y a 18 morts : 16 membres de l'Irgoun, 2 soldats deTsahal. Ben Gourion accuse l'Irgoun et son chef,Menahem Begin, de préparer un coup d'État. Toutes les unités constituées de l'Irgoun - sauf celles implantées à Jérusalem et dans les villes limitrophes - sont dissoutes.
En juin-juillet, Ben Gourion décide aussi de dissoudre lePalmach, unité d'élite créée par laHaganah en 1941, dont les officiers étaient considérés comme trop liés à un parti, le Mapam, organisation opposée au parti de David Ben Gourion. Les anciens membres du Palmach s'intègrent dans la nouvelle armée israélienne.
Ben Gourion a imposé son autorité sur les anciens groupes sionistes armés et les a fondus dans une armée unique.
Le (un jour avant le départ des Britanniques, afin de respecter leShabbat), vers 16 heures, David Ben Gourion lit à Tel-Aviv dans l'enceinte du Musée des Beaux Arts et au nom du futur gouvernement provisoire israélien, ladéclaration d'indépendance de l'État d'Israël.
Il a existé une controverse quant à l'exode palestinien durant la guerre d'indépendance[8]. SelonBenny Morris, David Ben Gourion a clairement pesé pour l'expulsion desArabes palestiniens lors de la guerre. Il affirme :« Ben Gourion voulait clairement que le moins d'Arabes possible demeurent dans l'État juif. [...] Mais aucune politique d'expulsion n'a jamais été énoncée, et Ben Gourion s'est toujours abstenu d'émettre des ordres d'expulsion clairs ou écrits ; il préférait que ses généraux « comprennent » ce qu'il souhaitait les voir faire. »[9]. Ces expulsions sont préparées dès 1937 par des plans successifs dont la version finale qui a été appliquée est leplan D. Selon d’autres historiens, les intimidations et les massacres étaient prévues pour faire fuir les Arabes ; il y avait même une organisation qui fournissait des bus aux Palestiniens au moment de leur départ, et desbulldozers arrivaient dès leur départ pour raser leurs maisons[10],[11] ;Ilan Pappé et plusieurs historiens à sa suite qualifient cette expulsion et ces destructions denettoyage ethnique organisé, les uns pour le justifier, les autres pour le critiquer (voirLe Nettoyage ethnique de la Palestine).
Pour empêcher leur retour, Ben Gourion et son futur chef d’état-majorYigaël Yadin mettent sur pied l'opération « Répands ton pain » qui consistait à empoisonner les puits de villages palestiniens pour empêcher tout retour des Palestiniens après leur expulsion[12],[13]. Comme tout ce qui pouvait nuire à sa réputation historique, il a mentionné seulement par allusions tout ce qui concernait ces opérations deguerre biologique dans son journal, qui a encore été expurgé lors de sa publication[13].
Le gouvernement et Ben Gourion étaient au courant des dizaines de massacres commis par la Haganah et les milices juives, puis par lesforces de défense israéliennes, qui étaient discutés à chaque conseil des ministres. Alors que certains ministres parlent d’un« effondrement des valeurs morales », Ben Gourion tergiverse ; lorsqu’un comité d’enquête est finalement nommé, il dispose de tellement peu de moyens qu’il ne fait rien, et il est dissous au bout d’une semaine[14].
Une divergence importante oppose historiquement les ultra-orthodoxes juifs (haredim) et les sionistes. Lesharedim n'acceptent pas l'idée d'un État juif non religieux imposé par deslaïcs avant la venue duMessie. Ben Gourion ne veut pas d'une opposition religieuse à l'existence de l'État et va négocier un compromis.
En 1947, lors de l'enquête du comité spécial de l'ONU (UNSCOP) sur la création d'un État juif menée à compter de mars 1947, Ben Gourion négocie avec l'Agoudat Israel, le parti politique (non-sioniste) des ultra-orthodoxes. Ceux-ci acceptent de ne pas prendre position contre la création de l'État juif (mais ne le soutiennent pas), en échange d'un courrier dit dustatu quo, signé par les représentants sionistes (de gauche, du centre ou sionistes généraux etsionistes religieux), qui s'engagent à :
Sous la direction de Ben Gourion, l'État exonèrera peu après , dès 1950, les ultra-orthodoxes duservice militaire.
La lettre dustatu quo et l'exemption du service militaire sont encore aujourd'hui la base de l'actuelle politique israélienne vis-à-vis des Juifs ultra-orthodoxes, quoiqu'une loi de 2014[15], validée par laCour suprême[16], ouvre la voie à leurconscription.
À part une interruption entre 1954 et 1955, Ben Gourion occupe le poste de Premier ministre, à partir du (officieusement) ou du (officiellement)[réf. nécessaire] au.
Ben Gourion en campagne électorale pour leMapaï, début 1949.David Ben Gourion et l'ambassadeur israélienAbba Eban dans lebureau ovale, avec le président américainHarry S. Truman, en 1951.
Cette période est marquée par un afflux considérable de réfugiés juifs. La population juive de l'État, diminuée de moitié par l'exode palestinien, double pour atteindre près de 1,3 million de personnes qui font leurAlya.
Face à certains qui voulaient limiter les entrées pour permettre de mieux les absorber, Ben Gourion s'oppose à cette idée et favorise au contraire une politique d'immigration maximum. C'est ce qui est appelé "le Plan Un million" (enhébreu : תוכנית המיליון ;Tokhnit hamillion), un plan logistique pour l'immigration et l'absorption d'un million de Juifs d'Europe, du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord enPalestine mandataire, dans un délai de 18 mois, afin d'établir un État sur ce territoire si possible dès 1944 . Il est devenu la politique officielle de la direction de l’État et de l'Agence juive pour Israël en 1948.
Environ 150 000 des nouveaux immigrants sont des rescapés de laShoah. Mais plus de 600 000 arrivants sur trois ans sont desréfugiés juifssépharades despays arabes, ce qui est une relative nouveauté pour unYichouv jusqu'alors constitué à 80 % d'Ashkénazes d'origine européenne. Leur intégration est difficile compte tenu d'un niveau de formation très bas, et beaucoup considèrent que c'est un des plus graves échecs de Ben Gourion. Dans lesannées 1970, les Séfarades se retournent contre lestravaillistes, en leur reprochant leur intégration imparfaite dans le nouvel État et votent en masse pour la droite sioniste qui arrive au pouvoir aux élections législatives israéliennes de juin 1977.
L'autre grand sujet de l'époque est la politique de défense. Sur ce plan, Ben Gourion, qui conserve le portefeuille de la défense, défend plusieurs axes :
Ben Gourion en 1952.Une riposte forte pour toute attaque extérieure. Les attentats pratiquées par des Arabes sont assez nombreux, souvent (mais pas toujours) soutenus par les services de sécurité des pays arabes limitrophes. Ben Gourion favorise une politique dereprésailles parfois sanglante, ce qui lui vaut des critiques jusqu'au sein du gouvernement (celles deMoshé Sharett, son futur successeur, en particulier).n
L'alliance avec l'Occident en général et laFrance en particulier. Des tendances pro-soviétiques existent au sein de la gauche sioniste (Mapam). Ben Gourion impose contre ces tendances un solide ancrage occidental. Plus particulièrement, lesannées 1950 sont celles de l'alliance privilégiée avec la France, notamment sur le plan militaire (fourniture d'armes par la France et formation en France de cadres militaires d'Israël). De plus, leDavid Ben Gourion en tant que Premier ministre lors d'une prière leJour de l'indépendance dans la synagogue Yeshurun à Jérusalem, 1950-52.lancement d'unprogramme nucléaire se fait avec le concours également de la France, qui conduit à lacentrale nucléaire de Dimona, matrice de labombe atomique israélienne.
Le refus de reconnaîtrela ligne d'armistice de 1949 comme les frontières définitives de l'État. Il refuse notamment de se contenter d'uneJérusalem divisée.
En 1951, dans une interview avec une journaliste suédoise, Ben Gourion déclare sa vision pour l'avenir :
« Plus que tout, l'humanité a besoin en ce moment de paix, de coopération et d'amitié entre les peuples. La véritable amitié prospérera uniquement sur la base de la reconnaissance mutuelle[17]. »
Fin 1953, il annonce son intention de se retirer du gouvernement et de s'installer aukibboutzSde Boker, dans leNéguev israélien. En fait, il n'abandonne pas complètement ses obligations gouvernementales, même s'il réside au kibboutz toute l'année de 1954.
Ben Gourion a laissé le pouvoir àMoshé Sharett. Il a cependant lui-même désigné le ministre de la Défense,Pinhas Lavon, et le chef d'état-Major,Moshé Dayan, sur lesquels Sharett aura du mal à s'imposer. Ben Gourion continue donc à avoir un rôle important, quoique officieux, sur les décisions prises.
Ben Gourion revient au pouvoir en 1955, après les élections qui suivent le fiasco desaffaires Lavon et (des attentats anti-occidentaux organisés par des agents israéliens enÉgypte, et visant à discréditer le régime égyptien) etKastner (procès à propos de la conduite des Juifs pendant la Shoah, et plus généralement du choix entre une politique martiale ou ouverte à la négociation). Il présente son nouveau gouvernement le[18].
Il organise laguerre du Sinaï de 1956 contre l'Égypte, en réponse aux menaces égyptiennes de détruire Israël, et aublocus égyptien contre le port israélien d'Eilat.
Il élabore avec l'état-major de l'armée israélienne le « plan Taupe » : il était prévu d’exploiter une future guerre avec la Jordanie pour vider la région duTriangle de sa population arabe en perpétrant des massacres de civils afin de pousser les survivants à fuir. Le plan n'est pas réellement mis en œuvre mais conduit tout de même aumassacre de Kafr Qassem au cours duquel une unité de Tsahal exécute 48 civilsarabes israéliens, dont 15 femmes et 11 enfants, le 29 octobre 1956[19],[20].
La guerre est un succès militaire : leSinaï est occupé et Ben Gourion envisage de le conserver. Mais l'opposition des États-Unis et de l'Union soviétique à l'opération israélo-franco-britannique ramène austatu quo : sous la pression des États-Unis, le Sinaï est restitué à l'Égypte au début de 1957, en échange d'une détente de la situation sécuritaire et de la levée du blocus d'Eilat. Cette détente dure une dizaine d'années, jusqu'à laguerre des Six Jours de 1967.
Il privilégie le rapprochement avec laTurquie qu'il visite secrètement en 1958 à l'invitation duPremier ministre turc de l'époqueAdnan Menderes. Pendant cette visite, un accord sur la coopération économique et militaire est signé entre les deux pays.
En 1963, Ben Gourion démissionne de nouveau, du fait des suites de l'affaire Lavon.
AvecYitzhak Rabin en 1966.David Ben Gourion en 1968.
Marginalisé au sein du Mapaï, il crée en 1965 leRafi. Cette création est un échec partiel. Le parti obtient 7,9 % et 10 sièges aux élections de 1965. Ce score est insuffisant pour permettre à Ben Gourion de revenir au pouvoir.
En 1968, il accepte la réunification du Rafi avec leMapaï etAchdut Ha'avoda, une autre dissidence du Mapaï, qui datait, elle, de 1944. Cette réunification reconstitue le Mapaï dans son périmètre politique de 1930 mais sous le nouveau nom deParti travailliste.
Ben Gourion reste membre de laKnesset jusqu'en 1970.
Il prend sa retraite à 84 ans et meurt en 1973. Il est enterré auKibboutz deSdé-Boker, dans le cadre grandiose d'uncanyon duNéguev.
David Ben Gourion était un brillantorateur. De petite taille (moins d'un mètre soixante, comme un de ses opposants célèbres, Yitzhak Shamir), il avait un fortcharisme personnel.
Gros travailleur,autoritaire, c'était aussi un énorme lecteur. Sa bibliothèque comptait une vingtaine de milliers de livres. Ben Gourion apprit ainsi legrec classique pour pouvoir lirePlaton dans le texte. Sonjournal personnel compte des centaines de milliers de pages. Une grande partie (période 1905-1960) en a été traduit enfrançais en 2012. Il y décrit notamment lacréation de l'État d'Israël de 1947-1948[21].
En 1966, l'historienMichel Bar-Zohar écrit« David Ben Gourion est un homme solitaire. Il est plus facile de l'admirer que de l'aimer. Il ignore le geste humain, le sourire chaleureux, le mot amical. Il ne sait pas extérioriser ses sentiments. […] ses ennemis sont légion, de gauche et de droite. […] Lui aussi sait haïr, avec ténacité, avec passion, jusqu'au bout. Sa haine contre lesEtzel (Irgoun) et son chef,Begin, est tenace »[22]. Ben Gourion est ainsi resté célèbre pour refuser presque systématiquement d'appelerMenahem Begin par son nom. À laKnesset, il utilisait des périphrases comme« l'homme qui est assis à la droite du député Baer ».
Ben Gourion a été élu par le magazineTime comme l'une des 100 plus importantes personnalités ayant influencé leXXe siècle[23].
Ben Gourion est un juif non-pratiquant et s'est rarement rendu dans une synagogue au cours de sa vie ; c'est donc un homme laïc, qui considère le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat comme essentiel (il refusait, par exemple, que les séances de la Knesset soient ouvertes par la prière d'un rabbin). Il admire le modèle américain et la façon dont les États-Unis se sont construits.
Il adhère de ce fait à l'esprit des pionniers (c'est-à-dire, celui des habitants des kibboutz) et au mythe du melting-pot ; il rêve du mélange de tous les immigrés venant en Israël et de l'agrégation des cultures pour former un « homme » nouveau, les immigrants en Palestine devant ainsi oublier d'où ils viennent tout comme il a lui-même oublié sa polonité en abandonnant son nom de naissance[5].
La Palestine dans le monde d'après guerre : rapport présenté par Ben-Gourion, président de l'exécutif de l'agence juive au congrès sioniste extraordinaire tenu à New-York le 9 mai 1942, Terre retrouvée, 1945.
Le sens de la révolution juive, Terre Retrouvée, 1947.
Le peuple et l'État d'Israël, Éditions de Minuit, 1959.
Israël, années de lutte, Flammarion, 1964, 1993, 2006.
Regards sur le passé, Éditions du Rocher, 1965.
Destins d'Israël, Hachette, 1967.
Ben Gourion parle, Stock, 1971.
Mémoires : Israël avant Israël, Grasset, 1974.
Les Arabes, les Palestiniens et moi, Presses du temps présent, 1974.
Du rêve à la réalité, Stock, 1986.
En faveur du messianisme, L'Etat d'Israël et l'avenir du peuple juif, éditions l'éléphant 2024.
↑Journal 1947-1948. Les secrets de la création de l’État d'Israël de David Ben Gourion ; préfaces : Tuvia Friling et Denis Peschanski ; traduction : Fabienne Bergmann, 621 pages, éditions de la Martinière, 2012.
↑Michel Bar-Zohar,Ben Gourion, le prophète armé, Librairie A. Fayard, Paris, 1966.