LesDaces (engrecΔάϰοι (singulier Δάϰης), enlatinDaci (singulierDacus) est le nom donné par lesRomains aux peuples ayant peuplé le bassin du Bas-Danube dans l'Antiquité.
Le lien entre « Daces » et « Gètes » est discuté. La plupart deshistoriensroumains etmoldaves les dénomment « Gèto-Daces » ou « Gètodaces », arguant que « Gètes » est leurnom grec et « Daces » leur nomlatin, mais une minorité considère qu'il s'agit de deux peuples distincts : les Daces à l'ouest desCarpates, les Gètes à l'est. Quoi qu'il en soit, au sud de l'Hæmos, les sources antiques ne parlent plus de Daces ou de Gètes mais deThraces sans autre précision, et là aussi les historiens débattent pour savoir si Daces, Gètes et Thraces formaient un même peuple ou des populations différentes[4]. Quoi qu'il en soit, du nom des Daces dérive le nom romain de leurterritoire, laDacie[5].
Pour l'écriture, on ne dispose que de quelques patronymes ou citations en grec et latin (voire les deux associés en traduction) ; leCodex Rohonczi estapocryphe.
La religion des Daces est fort mal connue : selonHérodote d'Halicarnasse, leur religion présentait des points communs avec l'orphisme et semble avoir été à base dedivinations et d'initiations. Cette religion étaitpolythéiste, le panthéon dace et thrace comprenant une bonne trentaine de divinités :
Bendis, déesse des forêts, des herbes, des rythmes, et de la lune,
Cotys ou Cottyto, la déesse-mère de la terre et des moissons,
AuVe siècle, un prophète nomméZalmoxis, y avait en outre introduit le culte d'une divinité suprême,Gebeleizis, l'idée de l'immortalité de l'âme et unculte à mystères, d'inspirationpythagoricienne, volontiers adopté par lespolistes ettarabostes (aristocrates) Daces[7] mais Hérodote tenait ce culte pour une tromperie[8]. Il ajoute que les Daces « ne reconnaissent d'autres dieux que les leurs ». Selon le philosopheJamblique (333 apr. J.-C.),Zamolxis est considéré chez eux (les Daces) comme « la plus grande de toutes les divinités », mais Jamblique est tardif. D'autres auteurs affirmant qu'il s'agit d'un prince ou d'un roi divinisé (Platon,Strabon,Jordanès).Strabon (58 av. J.-C.) écrit que « le dieu suprême dacique est sans nom, sans qualification » et ajoute que « la pratique propre à Pythagore consistant à ne pas consommer de viande est parvenue chez eux sous la forme d'un commandement donné par Zamolxis ».
Allant largement au-delà de ces sources, les commentateurs ont librement brodé sur le thème d'une religion zalmoxienne monothéiste et initiatique promouvant l'immortalité de l'âme des « élus », les plus prolixes étant Nicolae Densuşianu, « père duprotochronisme roumain » avec son ouvrageDacie préhistorique, etMircea Eliade, historien des religions. Des auteurs comme Harald Haarmann (linguiste[9]),Doru Todericiu (ingénieur) ouNapoleon Săvescu (médecin) ont abondamment contribué à populariser les thèsesprotochronistes, selon lesquelles la civilisation dace est la plus ancienne et l'une des plus élevées spirituellement du monde antique, lesLatins n'étant qu'une tribu dace installée enItalie, de sorte que, plutôt que de parler deromanisation des Daces, il faudrait, selon eux, parler de « dacisation du monde méditerranéen »[10].
De même, à partir de monuments comme celui, largement reconstruit, deSarmizégétuse, les mêmes commentateurs ont imaginé un calendrier solaire et astral sacré très précis, rythmant les travaux agricoles et les fêtes religieuses en lien avec l'astronomie et l'astrologie, ainsi qu'une médecine de typeholistique[11].
Grâce aux sources grecques et romaines[12], l'organisation sociale des Daces est mieux connue que leur langue ou leur religion : elle illustre la « trifonctionnalité indo-européenne » définie parGeorges Dumézil car les Daces, comme beaucoup d'autres sociétés dans le monde, avaient des prêtres (polistes), des cavaliers aristocrates (tarabostes) parmi lesquels se recrutaientleurs rois, et des paysans-guerriers à pied (comates soit « chevelus »)[13]. Lespolistes progressent en connaissances par le biais d'initiations successives qui rappellent celles desorphistes et despythagoriciens. Pour marquer leur appartenance, ils se couvrent la tête d'un bonnet de feutre blanc. Lestarabostes, propriétaires des terres et des troupeaux, ne travaillent pas : leur fonction est de transmettre et d'exercer l'art de la guerre. Ils sontpileati (armés d'unpilum) et forment la classe des cavaliers. Si les ressources diminuent, ils organisent des expéditions de pillage chez les peuples voisins. Pour marquer leur appartenance, ils se couvrent la tête d'un bonnet de feutre rouge (proche dubonnet phrygien). Lescomates sont soldats, paysans ou artisans, et portent les cheveux longs (capillati). Ils restent tête nue l'été mais portent un bonnet de laine noire l'hiver. En raison de ces couvre-chefs, les Grecs surnommaient les Daces (mais aussi lesScythes)pilophores soit « porteurs de bonnets »[14]. Tous sont des hommes libres.
Les premiers habitats étaient formés de huttes en bois et enpisé regroupées en villages entourés d'une palissade. Plus tardivement, les Daces construisirent des forteresses aux tours coniques en pierre (toponymes finissant en-dava : Sarcidava, Cumidava,Capidava, Piroboridava, etc.)[13].
Les Daces développèrent à l'âge du bronze une civilisation agricole, d'ailleurs attestée dans la région dès le néolithique, à la fin du 7ème millénaire avant notre ère. Ils connaissant le travail et le commerce de l'or, de l'argent et dusel alimentaire : les mines alors exploitées dans l'actuelleTransylvanie sont restées en exploitation jusqu'à nos jours. Les richesses des Daces étaient constituées d'importantes réserves d'or, de sel et de céréales. Le commerce extérieur était important, au vu du nombre de monnaies étrangères trouvées dans le pays. Ce commerce s'effectuait essentiellement avec laGrèce, puis avec l'Empire romain qui s'y intéressa de plus en plus jusqu'auxguerres daciques de Trajan dont l'objectif fut entre autres le contrôle des mines d'or desMonts Auranéens[13].
Les Daces ont une stratégie militaire avec des points de défense séparés des lieux de vie. La construction des points de défense profite au maximum des caractéristiques géographiques de la région. Les structures militaires sont le résultat de l'union des tribus en cas de danger. Elles peuvent se focaliser sur un seul objectif, comme la construction d'un ensemble de défense. Pour la première fois, on peut parler d'une armée dace vers leIVe ou IIIe siècle, sousDromichète, avec toutes les institutions d'un État[13].
On retrouve deux types d'armes : armes de lutte à distance et armes de lutte au corps à corps. La cavalerie a un rôle de harcèlement, pour essayer d'attirer l'ennemi, lui tendre des pièges, et le mettre en position défavorable. Les Daces n'utilisent pas de techniques massives avec des unités rigides et nombreuses[13].
Pour les luttes au corps à corps, les Daces préfèrent porter une arme spécifique, lasica, ornée des symboles sacrés (en albanaissika =thika). Cette arme sera utilisée par certains gladiateurs à Rome, appelésthraces par les Romains[13].
De nombreux peuples étaient présents à Rome, dont des Daces et Thraces, connus pour être de bonsgladiateurs, qui s'entraînaient dans de petites arènes nomméesludus. On connaît quatre dénominations de ces arènes :Dacicus,Gallicus,Magnus,Matutinus. Parmi ces gladiateurs, une inscription de l'an 70 avant notre ère évoque unLucius Avilius Dacus[réf. nécessaire].
Une autre inscription, découverte le long de la Via Flaminia, est dédiée à la mémoire de la reine Zia, veuve du roi Dieporos desCostoboces, élevée par ses petits-enfantsNatoporus etDriglisa[réf. nécessaire].
Les états daces ont toujours été très indépendantes, chacune menant sa propre politique, même s'il est arrivé que certains rois, telsBurebista ouDécébale, parviennent à en fédérer la plupart (le premier finissant assassiné, le second contraint au suicide). SousDomitien comme sousTrajan dont les règnes sont concomitants à celui de Décébale, ils ont attaqué l'Empire romain (Décébale obtenant de Domitien le versement d'un tribut) mais ceux vivant le long duDanube et commerçant intensément avec les Romains ont toujours préféré s'allier à ces derniers. C'est ce qui permit à l'architecteApollodore de Damas de construire pourTrajan, en toute sécurité, un pont sur le Danube, élément-clé de la conquête romaine commencée en 101 et achevée en 106, conclue par la prise du trésor de Décébale, le suicide de ce dernier, et l'intégration de la Dacie à l'Empire romain, qui exploita dès lors, durant165 ans, les mines d'or, d'argent et de sel de cette nouvelle province[13].
Colonne trajane : subjugation des Daces (scène LXXV) départ de la population autochtone (scène LXXVI).
Gravure de la colonne Trajane représentant une scène de la guerre des Daces : la retraite des Daces.
Monument romain commémorant labataille d'Adamclisi ; il montre deux guerriers daces brandissant unfalx à deux mains.
↑Les Dahes, aussi connus comme les Gaae, Dahas ou Dahéens (latin :Dahae ; perse : داهان Dahan ; grec ancien :Δάοι,Δάαι,Δαι,ΔάσαιDáoi,Dáai,Dai,Dasai ; sanskrit :Dasa ; chinoisDayi大益) étaient unpeuple iranien localisé à l'est de lamer Caspienne.
↑Hérodote écrit (L'Enquête, Livre IV, 93) que les Thraces dans leur ensemble étaient « le peuple le plus nombreux du monde après celui des Indes, et s'ils avaient un seul roi, et pouvaient s'entendre entre eux, ils seraient invincibles et, d'après moi, beaucoup plus puissants que toute autre nation ». Pour lui les Thraces étaient divisés en trois grandes branches : les Thraces proprement dits, au sud de l'Hæmos, les Daces au nord de ces montagnes, qu'il considère comme les « plus braves et les plus droits des Thraces », et les Gètes à l'est des Daces jusqu'au Pont Euxin.
↑Calvert Watkins,The Indo-European linguistic family, genetic and typological perspectives dans Giacalone, Anna & Paolo Ramat (dir.),The Indo-European languages, Routledge, Londres, 1998.
↑Hérodote (Livre IV, 94-95) relate une histoire que des commerçants grecs lui avaient apprise : « un homme, du nom de Zalmoxis, esclave affranchi dePythagore, serait allé vivre trois ans en ermite dans une grotte dans une montagne sacrée nomméeKogaionon, et aurait ensuite prêché aux Daces qu'ils allaient vivre heureux pour toujours après la mort, et ils l'auraient cru ».
↑« Je juge moi-même que ce Zalmoxis a vécu bien avant Pythagore et que son enseignement est une tromperie » écrit Hérodote dansL'Enquête, Livre IV, 94-96.
↑Harald Haarmann,Das Rätsel der Donauzivilisation : die Entdeckung der ältesten Hochkultur Europas (L'énigme de la civilisation danubienne : découverte de la plus ancienne haute-culture d'Europe) éd. Becksche Reihe, Munich 2011,(ISBN978-3-40662-210-6).
↑Par exemple « La civilisation danubienne, la plus ancienne du monde » - sur[1].
↑« La civilisation danubienne, la plus ancienne du monde »[2] déjà cité.
↑Selon Julian Chitta, « Les dossiers de l'histoire : le latinisme britannique » surZiare.com, Ovide appelle cet instrumenttsampona, qu'il traduit enlatin partibia utricularis :(ro)Dosarele istoriei: Latinismul britanic, 21 septembre 2010.