Déportation illégale (ditedéportation de Bisbee(en)) de mineurs et d'une partie de la population, expulsés par un groupe de « vigilants » armés à Bisbee, enArizona, le.
On a parlé depopulicide, actuellement degénocide, lorsque la déportation n'a pas seulement pour objectif ou pour effet l'éviction d'une population d'un territoire, mais sa destruction physique et culturelle ; ainsi laShoah avant et pendant laSeconde Guerre mondiale ou bien pendant l'esclavage.
Lebannissement, qui est une mesure individuelle, semble avoir été une peine fréquente dans différentes civilisations ou systèmes tribaux. Ladéportation politique, ouexil, en était la forme la plus arbitraire[2].
Lors de la conquête de laSaxe (772–804),Charlemagne déporte en masse les rebellessaxons, les dispersant en Gaule avec leurs femmes et leurs enfants, et les remplace par des Francs afin d'éviter de nouvelles révoltes.
EnRussie, elle a été un temps substituée à la peine de mort (abolie en 1741, sauf de rares exceptions, sous le règne d'ÉlisabethIre)[2], avant de devenir un moyen massif de peupler laSibérie et l'Asie centrale à l'époquesoviétique.
La déportation debagnards a été utilisée par plusieurs pays pour peupler ses colonies lointaines. En particulier, l'Empire britannique eut comme lieu de destinationBotany Bay (près deSydney) où un premier convoi arriva en 1788 avec laFirst Fleet (« Première flotte »)[2],[4].
La déportation forcée et collective d'un ensemble de population civile apparaît, sans que le mot soit utilisé, dans la loi française avec le décret en 14 articles de laConvention nationaledu1er août 1793 ordonnant dans son article VIII de séparer par la force la population des habitants de laVendée en deux groupes, d'un côté les femmes, les enfants et les vieillards et de les conduire vers l'intérieur, de saisir les récoltes et les bestiaux, de tuer les hommes, et de brûler les maisons et les forêts.
En France, il existe sous l'Ancien Régime une peine individuelle debannissement, c'est-à-dire d'obligation de quitter le territoire du ressort d'une juridiction (ban), mais cette peine n'est pas appelée du nom de « déportation ». Il existe depuis longtemps d'autre cas de lois obligeant à quitter le territoire du royaume, soit des étrangers, en particulier avec les ordonnances révoquant le privilège de séjour des juifs, soit des sujets du roi refusant de quitter la « religion prétendument réformée » avec larévocation de l'édit de Nantes.
La peine de déportation est prévue en 1810 par la promulgation du nouveauCode pénal à l'article 7, et elle sera appliquée aux révolutionnaires de 1848[6]. Troisième peine « afflictive et infamante », souvent utilisée pour châtier les « délits politiques », la déportation arrivait en effet après lapeine de mort et lestravaux forcés à perpétuité, mais avant les travaux forcés à temps. Or, sous laRestauration et lamonarchie de Juillet, l'État ne disposait de nul lieu prévu, outre-mer, pour la déportation. Cette peine était donc souvent commuée,de facto oude jure, en détention (auMont Saint-Michel ou àDoullens).
Mais l'abolition de la peine de mort pour les crimes politiques par laConstitution de 1848 conduisit les parlementaires à substituer celle-ci par la déportation, avec la loi du 8 juin 1850. Lesîles Marquises furent le premier lieu utilisé, pour ceux condamnés par laSeconde République. Sous leSecond Empire, d'autres furent déportés, mais en fonction dedécrets et non de la loi de 1850.
Même si le statut précis des faits (non exhaustifs) listés ici est sujet à discussions parmi les historiens et les juristes (les recherches et l'ouverture d'archives ne cessant d'apporter des éléments nouveaux, surtout depuis lamondialisation des moyens de communication), elles sont néanmoins perçues comme des « déportations historiques » par les descendants des survivants ou par les groupes qui s'en revendiquent culturellement[8] :
Déportation de travailleurs belges[9] et français en 1916, dite « déportation civile » ou « déportation du travail » (en opposition à la « déportation politique ») ;
Déportation après letraité de Versailles en 1919 de plus de 100 000 Alsaciens etLorrains germanophones vers l'Allemagne, et de1,5 million d'Allemands des anciens territoires allemands (re)devenus français, polonais, lituaniens, danois…
La déportation de divers groupes de citoyenssoviétiques vers leGoulag par laTchéka-Guépéou-NKVD-KGB dans le demi-siècle 1918-1968[10], sous diverses accusations (« saboteurs », « contre-révolutionnaires », « dissimulation d'informations aux autorités », « collusion avec une puissance impérialiste étrangère », « koulaks », « prosélytisme religieux », « déviationnisme par rapport à la ligne du Parti »…) et pour différentes raisons (réticence face à la collectivisation et aux réquisitions, attachement à des traditions religieuses ou ethniques, mise en doute du bien-fondé des décisions des autorités…), notamment durant la « terreur rouge » et les « Grandes Purges » ;
Déportation par lesnazis de plus de8 millions de travailleurs civils européens (dont environ 600 000 Français), de 1942 à 1945, pour letravail forcé dans l'industrie de guerre allemande, accomplie notamment sous l'autorité dugauleiterFritz Sauckel, le « négrier de l'Europe ». Admise en Belgique, et bien que le Parlement français ne se soit jamais prononcé définitivement sur la qualification à donner aux requis duService du travail obligatoire (STO), la dénomination officielle de « déporté du travail » a été interdite aux associations de victimes du STO par la justice française (1992), au nom du risque de confusion entre la déportation vers la mort des résistants et des Juifs, et l'envoi au travail obligatoire ;
Déportation des résistants alsaciens et mosellans (PRO) durant laSeconde Guerre mondiale, refusant « l’annexion de fait » des départementsAlsace etMoselle et ses conséquences. Il concerne environ 9 250 Mosellans et 3 700 Alsaciens qui ont été déportés par familles entières dans des camps spéciaux duGrand Reich entre 1942 et 1945 ;
Déportation des populations polonaises et non-russes ou non-ukrainiens des territoires annexés par l'Union soviétique à la suite desaccords de Yalta et desaccords de Potsdam en 1945 et 1946 ;
Expulsions répétées d'une partie des populations arabes palestiniennes par les forces israéliennes et des populations juives des pays arabes pendant et à la suite desguerres et conflits israélo-arabes ;
La déportation de divers groupes de citoyenschinois vers leLaogai par leministère de la Sécurité publique, selon les « neuf catégories de nuisibles » (propriétaires fonciers, paysans « riches », « contre-révolutionnaires », « mauvais éléments », « droitiers », militaires et agents duKuomintang, « agents ennemis capitalistes » et intellectuels) notamment pendant la « révolution culturelle » et le « Grand Bond en avant » ;
Déportation des résidents des îlesDiego Garcia en1971 pour faire place à une base maritime des États-Unis ;
Déporter des individus dans une colonie est un cas particulier qui n’est ni complètement interne ni externe. Une telle déportation a eu lieu dans l'histoire. Par exemple, après 1717, laGrande-Bretagne a déporté environ 40 000[13] objecteurs religieux et criminels en Amérique avant la cessation de la pratique en 1776[14]. Les criminels ont été vendus par des geôliers à des entrepreneurs maritimes, qui les ont ensuite vendus à des propriétaires de plantations. Le criminel a été contraint de travailler pour le propriétaire de la plantation pendant la durée de sa peine[13]. La perte de l'Amérique en tant que colonie, l'Australie est devenue la destination des criminels déportés dans les colonies britanniques. Plus de 160 000[13] criminels ont été transportés enAustralie entre 1787 et 1855[15].
La déportation peut également se produire dans un État, par exemple lorsqu'un individu ou un groupe de personnes est réinstallé de force dans une autre partie du pays. Ce fut par exemple le cas auCambodge sous le régime sanguinaire desKhmers rouges, entre 1975 et 1979.
Si des groupes ethniques sont concernés, cela peut aussi être appelétransfert de population. La raison en est souvent que ces groupes pourraient assister l'ennemi dans une guerre ou une insurrection[16].
↑« Les peines qui seront prononcées contre les accusés trouvés coupables par le juré, sont la peine de mort, les fers, la réclusion dans la maison de force, lagêne, la détention, la déportation, ladégradation civique, lecarcan. » Titre I, art.1er.
↑Israël W. Charny :Le Livre noir de l'Humanité, encyclopédie mondiale des génocides (préfaces de Simon Wiesenthal et Desmond Tutu), Privat,(ISBN2708956078 et9782708956070)
↑Nicolas Werth,Histoire de l'Union soviétique : de l'Empire russe à la Communauté des États indépendants, 1900-1991, Presses Universitaires de France, Paris, 1990(ISBN2130514774).
Philippe de Ladebat,Seuls les morts ne reviennent jamais : les pionniers de la guillotine sèche en Guyane française sous le Directoire, éd. Amalthée, Nantes, 2008 .(ISBN978-2-35027-894-0)