« Démocratie populaire » est un terme issu dulexiquepolitiquecommuniste pour distinguer lesÉtats communistes desdémocraties libérales, que les communistes désignent plutôt sous le terme de « républiques bourgeoises » ou de « pays capitalistes ».
Le terme a été largement utilisé dans un but depropagande pour masquer lespratiques dictatoriales et lesinégalités de classe[1] des régimes se réclamant dumarxisme-léninisme, imposés après laSeconde Guerre mondiale dans les pays d'Europe centrale et orientale libérés, puis occupés par l'Armée rouge, et composant l'ensemble connu sous le nom debloc de l'Est[2].
Selon l'analyse de lalutte des classes, il faut distinguer la « démocratie formelle » (dont le pluripartisme des « pays capitalistes », défini comme factice et visant à égarer le peuple)[3] de la « démocratie populaire » des « pays socialistes » (où le peuple est censé exercer directement le pouvoir à travers des conseils ou soviets communaux, départementaux, provinciaux et ainsi de suite).
Déjà les premiersbolcheviks, dontLéon Trotski, différencient la « démocratie formelle » des pays capitalistes de la « démocratie prolétarienne » qui doit concerner non seulement le prolétariat mais également la classe paysanne avec laquelle le prolétariat doit faire alliance pour conquérir le pouvoir. Des formulations équivalentes se retrouvent chez Lénine et Trosky. Lénine estime, dansL'État et la Révolution, que« Ladictature du prolétariat est un élargissement considérable de la démocratie, devenue pour la première fois démocratie pour les pauvres, démocratie pour le peuple et non pour les riches ». Léon Trotsky utilise le terme, écrivant, dansLa Révolution permanente (1936) :« Nous pouvons d'ores et déjà affirmer avec certitude que la Chine aussi bien que l'Inde ne pourront arriver à une véritable démocratie populaire, c'est-à-dire ouvrière et paysanne, qu'au moyen de ladictature du prolétariat ».
Mais historiquement et dans la pratique, la « dictature du prolétariat », que ce soit au niveau communal, provincial ou national, s'est avérée être celle duparti unique (dit tantôt « ouvrier », tantôt « communiste ») et de sesbureaucrates, policiers et militaires. Par conséquent, le terme « démocratie populaire » est devenu unparadoxesémantique puisque lesrégimes ainsi désignés avaient unepraxispolitique autoritaire et impopulaire. Il est, de plus, unpléonasmeétymologique puisque le motdémocratie est déjà basé sur les mots grecsdemos (peuple) etkratos (pouvoir).
C'est à partir de la fin de laSeconde Guerre mondiale, et principalement sous l'impulsion deJoseph Staline, que le terme de « démocratie populaire » entre réellement dans le vocabulaire politique courant. L'expression est d'abord utilisée, durant le conflit mondial, par la propagande duParti communiste de Yougoslavie deTito : Staline l'adopte et conseille au gouvernement durégime communiste polonais, mis en place en décembre1944, de l'utiliser. Il définit la « démocratie populaire », sans plus de précisions, comme une « démocratie d'un type nouveau et amélioré, grâce à l'absence de la classe des capitalistes ». L'expression est employée dans un but propagandiste, avec pour objectif de susciter l'émulation chez les populations d'Europe de l'Ouest[4]. Dans la pratique, les régimes dits de « démocratie populaire » apparus à la fin de la Seconde Guerre mondiale évoluent dès leurs premières années d'existence vers la domination d'unparti unique, ou d'une coalition unique formée du parti communiste local et de ses partis d'appoint[5]. Durant la période de laguerre froide, le terme de « démocratie populaire » se retrouve avec constance dans la propagande communiste : leKominform publie ainsi une revue intituléePour une paix durable, pour une démocratie populaire[6].
Le terme de « démocratie populaire » est notamment utilisé pour désigner les régimes européens dits dubloc de l'Est, apparus en tant qu'États satellites de l'URSS[7] :république fédérative socialiste de Yougoslavie (enrupture avec l'URSS après1948),République démocratique allemande,République socialiste tchécoslovaque,République populaire de Hongrie, république populaire de Pologne,république socialiste de Roumanie,république populaire socialiste d'Albanie (en rupture avec l'URSS après1960) etrépublique populaire de Bulgarie. Ces régimes étaient caractérisés par[8] :
Ces aspects ont parfois valu à ces régimes le qualificatif de « totalitaires », fermement récusé par leurs défenseurs, qui niaient ces caractéristiques et la pertinence des témoignages et des analyses les dénonçant, comme celles deDavid Rousset.
Lesrégimes politiques se présentant comme des « démocraties populaires » utilisent fréquemment des appellations officielles comme« république démocratique »,« république populaire » ou« république socialiste », ainsi que diverses variantes. Ces différences de nom n'impliquent pas de divergences politiques de fond quant aux formes de gouvernement ou aux politiques suivies par ces différents États. L'usage de ces dénominations n'est pas une constante, ni une obligation, le changement d'appellation pouvant intervenir pour souligner une évolution législative ou constitutionnelle, ou réaffirmer la nature du régime et son passage à un stade politique déterminé. LeParti communiste tchécoslovaque a ainsi été au pouvoir dès 1948 après lecoup de Prague, mais a attendu 1960 pour abandonner la désignation officielle deRépublique tchécoslovaque au profit de celle deRépublique socialiste tchécoslovaque, lors de l'adoption d'une nouvelle constitution. Pareillement,Nicolae Ceaușescu abandonne en Roumanie l'appellation deRépublique populaire roumaine au profit de celle derépublique socialiste de Roumanie.
Si l'expression « démocratie populaire » fait rapidement partie du vocabulaire des mouvements communistes, elle n'est cependant pas réellement définie en tant que forme concrète de gouvernement.Mátyás Rákosi, secrétaire général duParti des travailleurs hongrois et dirigeant de la république populaire de Hongrie, a avoué qu'il ignorait initialement ce que signifiait au juste le terme[9]. En1945,Georgi Mikhailov Dimitrov définit la démocratie populaire comme un« pouvoir démocratique, reposant sur la coopération des pouvoirs politiquesantifascistes avec un rôle essentiel des communistes et des forces de la gauche », soit un système différent de la dictature du prolétariat et du pouvoir soviétique[10]. En, le même Dimitrov, secrétaire général duParti communiste bulgare et premier ministre de la république populaire de Bulgarie, donne la définition de la démocratie populaire comme un« État s'inspirant de lathéorie marxiste et réalisant le passage ducapitalisme ausocialisme »[11] ; il définit par la suite la démocratie populaire comme étant tout simplement une nouvelle forme dedictature du prolétariat[12]. L'usage du terme semble avoir été, dans l'optique deStaline, purement opportuniste dans le contexte de la prise du pouvoir en Europe de l'Est par les partis communistes, alors que ceux-ci n'avaient pas encore de plan précis en 1944-1945[10]. La démocratie populaire a été également décrite comme une phase de gouvernement« chargée de préparer le passage à la révolution socialiste »[13].
L'historien Archie Brown, tout en soulignant l'aspect pléonastique de l'expression, considère que l'URSS, en désignant ses pays satellites sous ce vocable, les identifie comme des États en voie d'évolution vers le socialisme, et n'ayant donc pas entièrement terminé leur transition politique[14]. Lachute des régimes communistes en Europe met un terme aux régimes européens dits de démocratie populaire.
L'usage du terme démocratie populaire, ou d'appellations équivalentes, n'est cependant pas limité à l'Europe, bien qu'il ait pu être utilisé pour désigner de manière restrictive l'ensemble des seuls régimes marxistes-léninistes européens ; le terme a été également revendiqué par les régimes de type communiste apparus enAsie et enAfrique. En Afrique, le terme de démocratie populaire, défini selon les cas comme la participation accrue des« masses populaires » à l'exercice du pouvoir a été utilisé dans le vocabulaire de régimes politiques comme larépublique populaire du Congo[15], larépublique populaire du Bénin[16], larépublique populaire d'Angola[17] ou larépublique populaire du Mozambique[18].Ahmed Sékou Touré, président de laGuinée, distinguait trois stades, celui de la« démocratie nationale », celui de la démocratie populaire, et enfin celui de la« démocratie populaire et révolutionnaire », cette dernière phase correspondant, selon lui, à un système non seulement de parti unique, mais de parti-État[19]. Dans lemonde arabe, larépublique démocratique populaire du Yémen (ouSud Yémen) était officiellement définie par sa constitution comme une démocratie populaire[20].
La république populaire deChine se définit, dès sa fondation, comme une« nouvelle démocratie », basé sur la« dictature démocratique du peuple »[21] ; le pays se définit encore aujourd'hui comme« un État socialiste de dictature démocratique populaire, dirigé par la classe ouvrière et basé sur l'alliance des ouvriers et des paysans »[22]. Le terme de démocratie populaire apparaît dans les discours officiels des gouvernements deCuba[23] et duLaos[24]. La constitution de Cuba dispose :« Les organes de l'État se forment et développent leur activité sur la base des principes de la démocratie socialiste (...) les masses populaires contrôlent l'activité des organes de l'État, des députés, des délégués et des fonctionnaires »[25]. La constitution du Laos se présente comme« celle d'un régime de démocratie populaire pour notre pays »[26]. LeViêt Nam considère avoir été le« premier État de démocratie populaire dans la région [dusud-est asiatique] », à partir de la proclamation en1945 de larépublique démocratique du Viêt Nam parHô Chi Minh[27]. LaCorée du Nord (de son nom officiel larépublique populaire démocratique de Corée) compte parmi ses objectifs affichés l'accomplissement de« la tâche révolutionnaire de la démocratie populaire dans le pays », l'expression désignant la réunification avec laCorée du Sud sous l'égide du régime nordiste[28].
L'usage de l'expression« démocratie populaire » n'est cependant pas strictement limité aux régimes de typemarxiste-léniniste et classés comme communistes : on le retrouve sous cette forme ou sous diverses variantes, sinon dans la dénomination officielle du type de gouvernement, du moins dans le vocabulaire politique de divers pays. Des partis politiques peuvent, par ailleurs, utiliser l'appellation« démocrate populaire », sans être pour autant affiliés en aucune façon à l'idéologie marxiste-léniniste et en prônant simplement lesocialisme.
La première Constitution de l'Algérie en1963, tout en fixant l'objectif d'une« démocratie socialiste », dispose :« L'Algérie est une république démocratique et populaire »[29]. La Constitution de 1996 maintient la définition du pays comme« une république démocratique et populaire » (l'appellation officielle de l'Algérie demeureRépublique algérienne démocratique et populaire) mais ne mentionne plus la« démocratie socialiste »[30].
EnLibye,Mouammar Kadhafi proclame en1977 le régime dit de laJamahiriya, censé fonctionner selon un système dedémocratie directe. L'article 3 de laDéclaration sur l'avènement du Pouvoir du peuple, qui tient lieu de Constitution en Libye, dispose :« La démocratie populaire directe est la base du système politique de la Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste, dans laquelle le pouvoir est entre les mains du peuple seul »[31].
La République d'Irak de 1968 à 2003 était dirigée par leparti Baas irakien sous la présidence deAhmad Hassan al-Bakr et deSaddam Hussein et elle prônait lesocialisme arabe et lepanarabisme.
Hugo Chávez, ancien président de larépublique bolivarienne du Venezuela (poste désormais occupé parNicolás Maduro) qui se réclamait du « socialisme duXXIe siècle » et dubolivarisme, prônait une« démocratie populaire et participative »[32].
Evo Morales, l'ancien président etLuis Arce, l'actuel président, de l'État plurinational de Bolivie, membres duMouvement vers le socialisme, se réclament dusocialisme duXXIe siècle, dubolivarisme et de l'indigénisme.
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