Démétrios Ier (engrec ancienΔημήτριος Αʹ) ouDémétrios Poliorcète (Δημήτριος ὁ Πολιορκητής /Dêmếtrios hο Poliorkêtếs : le « Preneur de villes »), né vers et mort en àApamée, est un généralmacédonien appartenant à la dynastie desAntigonides, etroi de Macédoine régnant de à, ainsi queroi d'Asie de306 à
Fils d'Antigone le Borgne et grand commandant militaire, ses ambitions impériales se heurtent à plusieurs coalitions desDiadoques et desÉpigones entreprises pour entraver son expansion. Il s'illustre notamment en écrasant la flottelagide à labataille de Salamine et en s'emparant deChypre ; il est aussi l'une des rares figures historiques à avoir conquisAthènes plusieurs fois. Il se distingue particulièrement dans le domaine de lapoliorcétique, et bien quetous ses sièges ne soient pas des succès, à l'instar dusiège de Rhodes, il imprime sa marque sur l'histoire militaire, notamment par l'usage important demachines de siège et l'instauration de procédés logistiques efficaces pour soutenir des sièges à des échelles beaucoup plus importantes qu'auparavant. Après deux décennies de conflits incessants, en, il est finalement vaincu parSéleucos Ier, ce qui mène à son abdication et au partage de la Macédoine. Il peut être considéré comme l'un des principaux Épigones, les héritiers des Diadoques.
La destinée de Démétrios est bien connue grâce auxVies parallèles dePlutarque qui met en comparaison Démétrios avecMarc-Antoine[1], ce qui témoigne de la renommée du personnage dans l'Antiquité. Démétrios serait le fils aîné d'Antigone le Borgne et de son épouseStratonice ; il a pour frère cadetPhilippe. Mais Plutarque spécule sur le fait que Démétrios puisse être un neveu d'Antigone que celui-ci aurait adopté après s'être marié avec la veuve de son frère[2]. Il est né au moment où débutent les conquêtes d'Alexandre le Grand. Il aurait passé son enfance à la cour d'Antigone,satrape deGrande-Phrygie depuis333 av. J.-C. et aurait résidé àKelainai. Il est décrit comme ayant une « posture héroïque »[3], ce qui signifierait qu'il est de grande taille. Après lepartage de l'empire à Babylone, en323, Antigone, hostile àPerdiccas, se réfugie auprès d'Antipater, régent deMacédoine. Afin de sceller cette alliance renouvelée par lesaccords de Triparadisos, Démétrios épouse en321 la fille d'Antipater,Phila, veuve deCratère.
Démétrios est le personnage central de la période allant de labataille d'Ipsos (301), où meurt son père, à celle deCouroupédion (281) qui marque la fin desDiadoques et le temps des Épigones (« héritiers »). Ce sont bien ses multiples expéditions militaires qui déterminent l'action de ses adversaires. Mais Démétrios occupe, davantage qu'il ne domine, la période, car son ambition est desservie par un défaut de constance et de prudence. Il remporte de grandes victoires, surtout sur mer ou lors de sièges ; mais il est aussi, par sa fougue, à l'origine de désastres décisifs dans de grandes batailles rangées, comme àGaza ou à Ipsos. Prompt à profiter de la moindre occasion pour accroître ses possessions, il ne conçoit pas de plan à long terme et manque d'objectifs clairement définis, comme son père a pu en avoir. Il est réputé pour être un séducteur (ses conquêtes féminines sont célèbres dans l'Antiquité), un amateur de vin et un grand guerrier[4]. Il sait se montrer généreux avec ses amis et magnanime avec ses ennemis[N 1], mais il témoigne d'un orgueil qui l'empêche de fidéliser ses soutiens. Cette vie romanesque, remplie d'actions d'éclat et de brusques retours de fortune, se termine sans gloire dans une oisive captivité.
Durant lesguerres des Diadoques, Démétrios apporte une aide considérable àAntigone le Borgne dans ses campagnes pour la suprématie impériale. Sa participation, à l'âge de 20 ans, à labataille de Gabiène en316 av. J.-C., et très probablement à celle deParaitacène, est attestée aux côtés de son père, au sein de la cavalerie placée sur l'aile droite[5]. Puis, alors qu'Antigone occupe laBabylonie aux dépens deSéleucos après sa victoire contreEumène de Cardia, Démétrios reçoit son premier véritable commandement en315 : il est chargé de défendre laSyrie contrePtolémée. Il possède dans son état-major des personnalités de premier plan commeHiéronymos de Cardia, le futur historien des Diadoques[N 2]. Mais en raison de sa fougue inconsidérée (il ne parvient pas à contrôler la poursuite de sa cavalerie), il est vaincu à labataille de Gaza en312 par Ptolémée etSéleucos[6]. Mais après la bataille il parvient à réorganiser ses troupes ; et au printemps311, près du village de Myus enPhénicie, ilremporte une victoire complète surCilles, un général de Ptolémée[7], ce qui lui permet de reprendre les territoires perdus en Phénicie et en Syrie[8].
Il parvient également à rétablir la situation l'année suivante enCarie. Après une courte trêve, il se lance dans laguerre babylonienne (310) contre Séleucos mais n'arrive pas à garder le contrôle de Babylone face à l'insurrection de ses partisans. Son père échoue lui aussi enBabylonie, brisant le rêve d'une hégémonie sur lessatrapies orientales.
Entre310 et309 av. J.-C.,Ptolémée mène une campagne victorieuse enCilicie et dans plusieursîles Égéennes. La réaction d'Antigone est immédiate et Démétrios reprend l'initiative enAsie Mineure. Vers308, Antigone profite de ce queSéleucos est occupé à la frontière orientale de son empire, pour tourner ses ambitions sur ce qui reste son objectif primordial, la Grèce et la Macédoine. Antigone fait donc armer une nouvelle flotte. Démétrios entre dansAthènes en307[9]. et en chasse l'oligarqueDémétrios de Phalère qui gouverne la cité au nom deCassandre, allié dePtolémée.Diogène Laërce mentionne que Démétrios a voulu faire exécuter le poète comiqueMénandre, partisan de l'oligarchie, mais que celui-ci a été sauvé par l'intervention deTélesphore, neveu d'Antigone[10].
Démétrios annonce sa volonté de rendre la liberté aux Grecs, conformément à la politique entamée par Antigone depuis la proclamation deTyr en315. À partir de 307, Démétrios et Antigone jouissent d'unculte héroïque de la part des Athéniens et deux nouvellestribus sont créées pour les honorer ; ce qui montre la volonté de la cité de trouver de nouveaux protecteurs.
Cette situation en Grèce est inacceptable pour Ptolémée, à qui la puissance nouvelle d'Antigone apparaît comme une menace pour son projet dethalassocratie. Aussi arme-t-il une flotte en vue d'attaquer laSyrie. Démétrios est alors rappelé par son père sans avoir pu prendreCorinthe niSicyone. Démétrios, secondé parMédios de Larissa, fait voile versChypre et détruit la flotte de Ptolémée au large de l'île à labataille de Salamine en306[9]. LeLagide abandonne Chypre pour 10 ans et la maîtrise des mers à Antigone.
Monnaie à l'effigie de Démétrios, avec à l'avers Démétrios portant un diadème, au reversPoséidon armé d'un trident et l'inscriptionΒΑΣΙΛΕΩΣ ΔΗΜΗΤΡΙΟΥ, « Roi Démétrios ».
Les autresDiadoques que sontPtolémée,Séleucos,Cassandre etLysimaque réagissent en adoptant successivement le titre royal à partir de305. Il s'agit bien pour eux de s'opposer aux prétentions impériales d'Antigone et de son fils mais aussi d'assurer la légitimité de leur pouvoir. La prise du titre royal ne vise que les Macédoniens et les Grecs car vis-à-vis des autres peuples, les Diadoques se comportent comme des souverains dès le début de la conquête. La conséquence la plus directe est d'assurer en droit le démembrement définitif de l'empire d'Alexandre. Il s'agit là de l'acte de naissance desmonarchies hellénistiques.
Pour consacrer la victoire deSalamine de Chypre, Démétrios, comme son père, a frappé des monnaies d'argent, outétradrachmes, dont quelques-unes sont encore conservées de nos jours. Le roi Démétrios occupe la place divine tandis qu'au revers on litΒΑΣΙΛΕΩΣ ΔΗΜΗΤΡΙΟΥ (Basiléos Démétriou : « du roi Démétrios »). On peut trouver au revers deux types idéologiques distincts :
une statue dePoséidon portant un trident qui montre que Démétrios en est l'élu ;
une proue de vaisseau avec, installée sur une plate-forme, laVictoire ailée soufflant dans une trompette.
Cette représentation d'une Victoire ailée à la proue d’un navire a fait penser que Démétrios aurait pu édifier la statue de laVictoire de Samothrace en commémoration de sa victoire navale surPtolémée[13]. La Victoire de Samothrace a en effet été découverte en1863 en plusieurs morceaux sur l'île deSamothrace. Le buste et le corps ont permis d'identifier une représentation deNiké. En1875, une nouvelle mission archéologique fouille de nouveau le site. On identifie alors les blocs de marbre trouvés à proximité comme la proue d'un navire servant de base à la statue, représentation qui se retrouve donc sur lestétradrachmes frappés par Démétrios. La statue est alors restituée selon ce modèle, c'est-à-dire avec une trompette à la main. À ce stade, la statue est attribuée à un sculpteur de la fin duIVe siècle av. J.-C. ou du début duIIIe siècle av. J.-C., par exemple un élève deScopas qui a travaillé à Samothrace. Cependant, Samothrace est alors sous le contrôle deLysimaque, ennemi de Démétrios : il paraît peu probable que ce dernier ait pu y dédier un tel monument. Les hypothèses modernes accréditent désormais une date de construction plus tardive (IIe siècle av. J.-C.).
Ptolémée ayant abandonné la maîtrise des mers,Antigone met sur pied une armée et une flotte considérable, dont il confie le commandement à Démétrios, pour attaquer l'Égypte. L'opération d'Antigone est cependant un échec[12]. Dans le même temps, en305 av. J.-C., Démétrios essaye de réduireRhodes qui penche du côté de Ptolémée. Lesiège de Rhodes, qui a tant frappé les contemporains, dure une année. Il s'achève en304 quand, après une résistance obstinée des assiégés, Démétrios est obligé de conclure un traité de paix dans les meilleures conditions qu'il peut obtenir[12]. Il y gagne son surnom dePoliorcète (« Preneur de ville ») car il utilise les engins de siège les plus perfectionnés de son temps, dont les fameuseshélépoles.
En304,Cassandre et ses alliés, qui assiègent Athènes depuis307, menacent à nouveau l'Attique. Démétrios débarque alors enBéotie et s'empare deChalcis. Puis il repousse Cassandre au nord desThermopyles après avoir remporté une grande victoire. Démétrios reçoit également la soumission de la Béotie et de laPhocide. Soucieux de conserver l'alliance athénienne, il livre à la cité les places fortes dePhylé,Salamine etPanacton. Lors de son séjour à Athènes, il heurte l'opinion publique par son comportement : installé auParthénon dans lamaison des vierges, il cohabite avec des courtisanes et se présente comme le « frère » de la déesseAthéna. En vue de permettre son initiation auxmystères d'Éleusis sans attendre les délais théoriques, le calendrier est bouleversé en303 afin de faire se succéder les mois plus rapidement.
Entre304 et302, Démétrios entreprend la conquête duPéloponnèse. Il s'empare d'abord deSicyone qu'il refonde parsynœcisme[N 3] ; puis il occupeCorinthe, seuleMantinée restant fidèle à Cassandre. En 302, il reconstitue avec son père laLigue de Corinthe[12]. Dirigée principalement contre Cassandre, elle regroupe de nouveau la plupart des cités grecques à l'exception deSparte, de laMessénie et de laThessalie.
LesDiadoques ne peuvent laisser Démétrios mettre la main sur la Grèce et conforter les ambitions impériales d'Antigone. Aussi dès304 av. J.-C. des tractations aboutissent à une ultime coalition[12]. Démétrios est appelé en302 pour faire face au débarquement deLysimaque enPhrygie hellespontique alors que la coalition cherche à surprendre Antigone enAsie Mineure[12]. Démétrios envahit laThessalie au printemps302 en contournant lesThermopyles avec sa flotte. Il conclut rapidement une trêve avecCassandre puis passe en Asie où il débarque àÉphèse à l'automne 302. Dès le départ de Démétrios, Cassandre s'est empressé de rétablir son autorité enThessalie et enPhocide ; il renverse par ailleursPyrrhus, roi d'Épire, alors allié de Démétrios.
L'arrivée de Démétrios en Asie met Lysimaque en difficulté. De plus, les renforts envoyés par Cassandre sous le commandement de son propre frèrePleistarchos sont vaincus par Démétrios. Aussi Lysimaque se retire afin d'attendre l'arrivée deSéleucos qui hiverne enCappadoce. L'arrivée de ce dernier avec environ 500éléphants bouleverse complètement le rapport de force, même siPtolémée n'a pas joint ses troupes.
Antigone et Démétrios réunissent leurs forces enPhrygie ; mais ils sont vaincus par Séleucos et Lysimaque en301 à labataille d'Ipsos, l'une des plus importantes de l'époque hellénistique. Antigone ayant trouvé la mort, Démétrios rejoint sa flotte encore puissante àEphèse avant de lancer unecampagne contre Lysimaque en Chersonèse de Thrace[14],[15]. Il profite ensuite d'une entrevue amicale avec Séleucos enSyrie pour lui offrir la main de sa filleStratonice. Il est ensuite abandonné par une grande partie de ses alliés forcés, dont Athènes qui lui ferme ses portes. Il ne conserve alors queMégare etCorinthe, quelques places fortes enPhénicie et surtout une flotte puissante[12].
La coalition contreAntigone ne perdure pas.Ptolémée etSéleucos se disputent notamment laCœlé-Syrie[16]. Séleucos choisit alors de s’allier à Démétrios ; fort de cette nouvelle alliance, ce dernier s’empare de laCilicie, alors aux mains de Pleistarchos, un frère deCassandre[16]. Cassandre joue les médiateurs et offre la Cilicie à Démétrios en échange de l’assurance qu'il n'envahisse pas la Grèce.
Après la mort deCassandre en297 av. J.-C., Démétrios reprend l'offensive en Grèce continentale, notamment contreSparte, ralliée à Ptolémée, etThèbes. Il assiège victorieusementAthènes en294. Il fonde à cette époque une nouvelle cité (considérée comme l'une de ses plus grandes réussites),Démétrias, le long dugolfe Pagasétique.
À l'issue de querelles dynastiques entre les fils de Cassandre, il fait assassinerAlexandre V en 294 ; il prend sa succession comme roi deMacédoine après acclamation de l'armée macédonienne[17]. Il ménage une entente avecLysimaque, car il a besoin des forces du roi deThrace dans la lutte contre lesGètes (ou Daces) qui menacent les frontières septentrionales du royaume. Il maintient également l'alliance avecPyrrhus.
Maître de la Macédoine, de laThessalie, d’une grande partie duPéloponnèse et des cités deMégare et d’Athènes, Démétrios continue de s'opposer àThèbes qui s'est alliée avec Sparte dans le refus de la domination macédonienne. En293, il prend Thèbes sans difficulté et applique des mesures modérées envers la cité qui reçoit tout de même une garnison, installée dans laCadmée. Il désigne l'historienHiéronymos de Cardia, autrefois au service de son père, gouverneur (harmoste) deBéotie[18].
Lorsque Lysimaque tombe vers292 entre les mains desGètes, Démétrios en profite pour envahir la Thrace ; mais l'expédition est de courte durée car Thèbes en tire avantage pour se révolter[17]. Son filsAntigone Gonatas mène la répression contre les Béotiens tandis que Démétrios revient en toute hâte entreprendre un second siège de Thèbes, cette fois-ci plus ardu. Dans le même temps, Pyrrhus brise l'entente avec Démétrios et s’avance jusqu’auxThermopyles depuis la Thessalie ; Démétrios laisse son fils continuer le siège et marche contre lui. Pyrrhus prend la fuite sans oser combattre Démétrios qui laisse d'importantes forces en Thessalie et retourne faire le siège de Thèbes. Il utilise unehélépole pour percer les défenses de la cité mais les Thébains opposent avec une grande résistance ; Démétrios est gravement atteint d'un javelot qui lui perce le cou. Mais cette blessure ne l'empêche pas de se rendre maître de Thèbes pour la seconde fois vers291.
À cette époque arrive la célébration desjeux pythiques ; mais lesÉtoliens, hostiles à Démétrios, occupent les défilés qui mènent au sanctuaire deDelphes. Le roi de Macédoine fait à cette occasion une exception en célébrant les jeux pythiques à Athènes. En290 av. J.-C., Démétrios reçoit à sa cour en Macédoine une délégation d'Agathocle de Syracuse et met au point une alliance contrePyrrhus ; il établit en outre des contacts diplomatiques avec laRépublique romaine. Une fois lesjeux pythiques terminés, il retourne en Macédoine et lance l’offensive contre les Étoliens. Puis il marche contre Pyrrhus ; il ravage l’Épire tandis que son lieutenant, Patauchos, est sévèrement battu par Pyrrhus ; ce qui accroît le prestige de l’Épirote tandis que Démétrios se voit reprocher par les Macédoniens son goût du faste et son mépris de leur usage. Quand Démétrios tombe dangereusement malade àPella, Pyrrhus s’avance en toute hâte jusqu’àÉdessa. Alors sur le point de perdre la Macédoine, Démétrios recouvre ses forces et le chasse sans peine. C’est alors qu’il entreprend de constituer une flotte afin de mener la guerre en Asie et de restaurer l’empire de son père. Ayant déjà rassemblé une armée considérable d’environ 80 000 fantassins et 12 000 cavaliers, il fait construire une flotte de 500 navires de guerre.
Pour autant la situation de Démétrios reste fragile. LesDiadoques se liguent en effet contre lui qui, maître de la Grèce et de la Macédoine, représente à nouveau une menace.Ptolémée,Séleucos etLysimaque envoient d’abord des ambassadeurs à Pyrrhus pour le presser d’entrer en Macédoine. Démétrios fait alors face à une puissante coalition. En289, Ptolémée fait descendre en Grèce une flotte nombreuse et suscite une révolte contre Démétrios, notamment à Athènes. Lysimaque pénètre en Macédoine par laThrace, tandis que Pyrrhus s’y jette depuis l’Épire. Démétrios laisse son fils en Grèce et vole au secours de la Macédoine. Il défait d’abord Lysimaque àAmphipolis ; mais il apprend bientôt que Pyrrhus s’est emparé deBéroia, ce qui a fortement démoralisé ses troupes. Il juge alors bon de porter son offensive sur Pyrrhus, un étranger à la patrie macédonienne, plutôt que sur Lysimaque, l’illustresômatophylaque d’Alexandre. Mais il se trompe dans ses conjectures : ses troupes désertent en masse et se rallient à Pyrrhus qui bénéficie déjà d’un grand prestige ; la tente royale est même pillée par les Macédoniens, tandis que Pyrrhus se rend maître du camp. Démétrios doit fuir àCassandréia alors que son épouse,Phila, se suicide. En288, la Macédoine est donc partagée entre Lysimaque et Pyrrhus qui obtient lui le titre royal[17].
Démétrios, qui contrôle encore de nombreux territoires en Grèce, n'a pas pour autant abandonné tout projet de conquête. En287 av. J.-C. il entreprend une nouvelle fois le siège d'Athènes qui, sous la direction du stratège Olympiodore, s'est révoltée. La cité est secourue parPyrrhus ; mais ce dernier reconnaît à Démétrios ses possessions deThessalie et de Grèce (dontLe Pirée,Salamine,Lemnos,Éleusis,Skyros etImbros qui restent détachées d'Athènes). Il semble que Ptolémée, dont Pyrrhus est l'allié indéfectible, trouve habile de gêner la puissance montante de Lysimaque en suscitant une alliance objective entre Pyrrhus et Démétrios. Après avoir séjourné àCassandréia, il entreprend de reprendre la domination sur Athènes mais décide de lever le siège, comprenant que son intérêt est plutôt de s'implanter en Asie Mineure. Il rassemble ce qui lui reste de ses navires et de ses troupes (tout de même évaluées à 12 000 fantassins) et fait voile pour l’Asie, dans le dessein d’enlever àLysimaque laCarie et laLydie. En 287, il est reçu àMilet parEurydice, sœur dePhila, et épouse la fille de Ptolémée,Ptolémaïs[20], qui lui a été promise en mariage dès300 par l'entremise deSéleucos.
Il prend quelques cités et places fortes, notammentSardes. MaisAgathoclès, fils de Lysimaque, arrive avec une puissante armée obligeant Démétrios à passer enPhrygie dans l’espoir de s’emparer de l’Arménie et de laMédie. Ne pouvant le vaincre sur le champ de bataille, Agathoclès décide d’affamer les troupes de Démétrios. Une partie de ses troupes est également emportée lors de la traversée duLycos. Tandis que la peste s’ajoute à la famine, Démétrios, qui a perdu au moins 8 000 hommes, séjourne àTarse, alors dépendance de Séleucos. Ce dernier hésite sur le sort à réserver au Poliorcète ; il finit par se résoudre à marcher sur laCilicie à la tête d’une puissante armée. Démétrios se retire alors dans des places fortes dumont Taurus et envoie une ambassade afin de négocier avec Séleucos. Celui-ci lui permet seulement d’hiverner enCappadoce à condition qu’il donne en otages les principaux de ses amis. Enfermé de toute part, Démétrios se voit obligé de recourir à la force ; il pille la région et mène une guerre d’escarmouches contre Séleucos qui refuse de l’affronter, sachant qu’il ne peut plus compter sur l’aide de Lysimaque. Mais Démétrios tombe gravement malade et la plupart de ses soldats désertent. À peine rétabli au bout de quarante jours, il regroupe ce qui lui reste de ses troupes, franchit lesmonts Amanus et parvient jusqu’au nord de laSyrie en286.
Séleucos se met aussitôt à sa poursuite en Syrie ; alors Démétrios s’avance de nuit vers le camp de Séleucos afin de le surprendre. Mais, averti par des transfuges, Séleucos fait sonner l’alarme, forçant la fuite précipitée de Démétrios. Le lendemain, il remporte une victoire sur Séleucos ; mais celui-ci se présente aux mercenaires de Démétrios et les exhorte, avec succès, à passer de son côté. Après ce nouveau revers, Démétrios s’enfuit avec un nombre réduit d’amis et d’officiers à travers lesportes Amaniques. Il compte remonter vers les côtes deCilicie afin de retrouver sa flotte. Mais complètement isolé, il se résout finalement en285 av. J.-C. à offrir sa reddition à Séleucos[21]. Lysimaque l’encourage à l’exécuter mais Séleucos choisit de l’assigner à résidence àApamée enChersonnèse de Syrie. Il est bien traité par Séleucos qui lui assure une existence digne de son rang. Il mande à ses officiers et amis qui lui sont restés fidèles àAthènes et àCorinthe, de conserver les possessions d'Antigone Gonatas en Grèce (Démétrias,Chalcis,Le Pirée,Corinthe)[17]. Après une captivité de trois années, il meurt en283 « d’une maladie causée par la paresse, l’intempérance et les débauches de table »[22]. Après de pompeuses funérailles àCorinthe, son fils transporte l’urne funéraire àDémétrias. C'est Antigone Gonatas qui installe en277 lesAntigonides sur le trône de Macédoine pour un siècle[23].
Lanassa, fille d'Agathocle, tyran deSyracuse. Elle épouse d'abord Pyrrhus puis le quitte pour Démétrios en 291 à qui elle apporte en dot l'île deCorcyre.
Romain Barre, « Les Antigonides avaient-ils des cornes ? Sur l’utilisation d’un attribut divin dans les représentations d’une dynastie hellénistique »,Dialogues d'histoire ancienne,vol. 39,no 2,,p. 125-145(lire en ligne).
Paul Cloché,La dislocation d'un empire : Les premiers successeurs d'Alexandre le Grand, Payot,.
Yvon Garlan,« Le siège de Rhodes », dans Claude Mossé,La Grèce ancienne, Seuil,(ISBN2020092344),p. 254–269.
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