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Ladéfenestration de Prague intervenue le auchâteau de Prague, également appeléeseconde défenestration de Prague, aprèscelle de 1419 (mais il y en a euune autre en 1483, la « première et demie (en) »), marque le paroxysme de la fronde des nobles deBohême contre la monarchie desHabsbourg, qui depuis un siècle s'était établie à la tête de ce royaume. Conséquence des antagonismes religieux, économiques et politiques qui déchiraient l’Europe centrale au début duXVIIe siècle, cet événement fut l'une des causes immédiates de laguerre de Trente Ans.
Vers la fin duXVIe siècle, deux confessions s'opposaient enBohême : c'était d'une part lesutraquistes (ouhussites, qui donneront naissance au mouvement desFrères moraves ouFrères tchèques), devenus majoritaires en Bohême, et lescatholiques d'autre part. Les Frères tchèques et leurs représentants étaientexcommuniés par lepape et leur culte interdit : leurs temples étaient brûlés et leurs livres détruits.
Mais, en1609, l'empereurRodolphe II promulgua la « lettre de majesté», un décret par lequel il reconnaissait aux hussites, et plus généralement auxprotestants regroupés dans laConfession de Bohême, la liberté de culte, et renonçait aux conversions forcées, moyennant leur appui dans sa lutte contre son frère révolté,Matthias. Pour défendre les intérêts des non-catholiques, il institua un collège arbitral composé de 10 bourgeois, 10 chevaliers et 10 représentants du ban seigneurial de Bohême.
LorsqueMatthias, successeur de Rodolphe en tant qu'empereur etroi de Bohême depuis1612, transféra sa capitale àVienne, les catholiques de Bohême, menés par le gouverneur local, regagnèrent en force. L'année1615 vit les tensions politiques et religieuses s'exacerber dans toute l’Europe : au nord, la trêve naguère conclue entre lesProvinces-Uniescalvinistes et l'Espagne catholique venait à échéance ; enEurope centrale, la succession de Matthias, désormais agonisant, s'annonçait tout aussi disputée : non seulementPhilippe III d'Espagne réclamait la couronne impériale, mais aussiFerdinand, de la branche desHabsbourg-Styrie. Par letraité d'Oñate, Philippe renonça pourtant à ses prétentions sur laBohême et laHongrie.
Le, l’archiducFerdinand de Styrie fut élu roi deBohême. Il entreprit immédiatement la catholicisation à grande échelle de la Bohême et s'efforça de restreindre les prérogatives desparlements. Ces deux mesures allaient à l'encontre de laLettre de majesté et aliénèrent au nouveau souverain les chambres élues.
En 1617, la crise intérieure dégénéra en rébellion ouverte. Le, après que laLigue catholique eut fait fermer un temple àBroumov et qu'elle eut fait raser une église dissidente édifiée sur les terres de l'archevêché àHrob, les nobles s'assemblèrent et adressèrent àMatthias une lettre de remontrances ; pour toute réponse, le monarque fit interdire le parlement.
L'insoumission des parlementaires protestants de Bohême marqua le pas. Le, les princes rebelles se réunirent auCarolinum dePrague, mais sans représentants des villes royales. L'assemblée, d'abord paisible, tourna au tumulte après le discours deHeinrich Matthias von Thurn.
Le, un certain nombre de participants, parmi lesquels Matthias von Thurn,Albrecht Smiřický (cs), le comteAndreas Schlick, Venceslas de Ruppa, les frères Říčan et Kinsky, un frère de Wilhelm de Slavata,Leonhard Colonna von Fels (de) et Wilhelm deLobkowitz se rendirent finalement auchâteau de Prague. Après une longue dispute avec les gouverneurs présents, Ladislasvon Sternberg, Diepold von Lobkowitz,Jaroslav Borsita von Martinic (de) etWilhelm Slavata (de), ils tinrent un tribunal improvisé et firentdéfenestrer Slavata et Martinic ; les deux hommes en furent quittes pour quelques blessures et une belle peur. Slavata lui-même fut emporté inconscient par ses serviteurs. Cela ne l'empêcha pas de devenir l'auteur d'une monumentale histoire des événements des années1637 à1651.
Une reconstitution précise des faits donnerait à peu près ceci[réf. souhaitée] : le comte Jaroslav Borsita von Martinic, gouverneur impérial et Défenseur de la Foi, est le premier défenestré. Hissé contre son gré sur la fenêtre haute du palais :« Oh, Oh, Woe ! », le comte est précipité dans le vide, tête la première :« Jésus Marie ! Au secours ! ». Selon les sources, dix-sept à trente mètres plus bas, le comte s’écrase. Le comte Wilhelm Slavata von Chlum et Koschumberk, lui aussi gouverneur et Défenseur de la Foi, est le deuxième défenestré. Il appelle à son secours laVierge Marie. Agrippé au rebord de la fenêtre, meurtri de coups, ses mains lâchent prise.Filip Fabricius, secrétaire des gouverneurs, est précipité par la fenêtre à la suite de ses maîtres. Un des agresseurs, penché sur le rebord, crie :« Nous allons voir ce que votre Marie peut pour vous ! ». Aussitôt après, Martinic se met à bouger :« Par Dieu, sa Marie l’a sauvé ! ». On leur tire dessus sans les toucher. Martinic et Fabricius s’enfuient en courant. Slavata est emporté inconscient par ses serviteurs.
Les catholiques invoquent l’intervention des anges. Slavata est nommé chancelier de Bohême. Fabricius estanobli avec le titre von Hohenfall, qui veut dire « de haute chute ». Martinic est promu par le roi catholique Ferdinand II et se voit accorder laToison d’or par le très catholiqueroi d’EspagnePhilippe IV. Les protestants attribuent le prétendu miracle au tas de fumier[1].
Le lendemain, les frondeurs élurent dans leurs rangs undirectoire (de) de trente nobles, et démirent les régents locaux de tous leurs mandats. Ce directoire était composé de dix représentants de chacune des chambres de Bohême.Wenzel Wilhelm von Ruppau fut choisi comme président, etMatthias von Thurn, qui s'affairait à recruter des soldats, comme chef des armées.
La rupture était à présent consommée avec les souverains de Vienne, qui réagirent d'abord maladroitement aux événements survenus à Prague. L'empereur Matthias, incrédule devant la situation insurrectionnelle, ne fit guère mieux. Son successeur désigné, l'archiduc Ferdinand, se présentait alors àPresbourg pour s'y faire remettre laCouronne de saint Étienne. Le Premier ministreMelchior Khlesl était impuissant.
La quête de liberté confessionnelle des aristocrates de Bohême, cause première de la rébellion, trouvait à vrai dire peu d'écho chez les bourgeois et les paysans du royaume. Les princes rebelles avaient agi de leur propre chef, sans prendre la peine de s'associer les représentants des autres classes. Ils cherchèrent à compenser l’isolement relatif qui d'emblée affecta leur insurrection en nouant des contacts avec l’Union Évangélique, lesProvinces-Unies et lespresbytériens d’Angleterre. Ils escomptaient par là un appui non seulement militaire, mais aussi financier, mais leur appel resta vain. Seule laMoravie se rallia le aux insurgés.
Dans les débuts du conflit, si les nobles reconnaissaient encore la suprématie des Habsbourg, ils n'hésitaient pas à s'en prendre auxjésuites et à confisquer les propriétés des catholiques pour financer leurs troupes.
À la mort de l'empereur Matthias, en mars 1619, ils dénoncèrent les prétentions de son successeurFerdinand de Styrie au trône impérial, notamment parce que toute tension au sein de la famille desHabsbourg était profitable à leur cause.Charles de Žerotín l'Ancien, gouverneur de Moravie, dut prendre les armes à l’instigation de son belliqueux parent,Ladislas de Žerotín (de).
Le, on proclama une nouvelleconstitution pour le royaume, au terme de laquelle la Bohême devenait uneconfédération de provinces égales en droit, et gouvernée par un monarque élu. Cette confédération rallia à elle une partie de la noblesse autrichienne. Le 19 août 1619, Ferdinand fut déposé et le 26 août, le meneur des calvinistes allemands, l'électeur palatinFrédéric, fut proclamé souverain de Bohême. Le directoire escomptait rallier à sa cause non seulement laCouronne d'Angleterre, mais aussi lesDanois et lestathouderMaurice d'Orange-Nassau. Peu auparavant, leprince-électeurJean-GeorgesIer de Saxe avait refusé la couronne de Bohême.
Dans l'intervalle, et en dépit de la situation en Bohême, lesprinces-électeurs élurent Ferdinand empereur le 28 août 1619.
Au début, les insurgés disposaient sans conteste de la suprématie militaire. Ils pouvaient temporairement menacer les princes Habsbourg de Vienne, qui étaient encore très divisés.Gabriel Bethlen sut tirer parti de la crise de Bohême et de la faiblesse politique temporaire de Vienne pour s'emparer de laSlovaquie. À son instigation, le parlement de Hongrie décida en janvier1620 de rejoindre la Confédération. Seulement la mésentente dans leurs propres rangs, les jalousies et le manque de subsides minaient à moyen terme les espoirs des nobles de Bohême.
L'empereur s’assura de son côté l’appui financier et idéologique de la Couronne espagnole, du pape et surtout de laSainte Ligue. Ferdinand s'allia avecMaximilien de Bavière, auquel il promit, en cas de victoire, le siège d'électeur de Frédéric du Palatinat. Le duché deJean-GeorgesIer de Saxe, qui nourrissait de son côté des projets d’expansion enLusace et enSilésie, rallia lui aussi la Sainte Ligue. Le, l’Union Évangélique et la Sainte Ligue finirent par conclure un traité de neutralité.
Alors que l'isolement politique des rebelles devenait chaque jour plus manifeste, le parti de l'empereur Ferdinand ne faisait que se renforcer. Avec la capitulation du parlement d'Autriche le et sa sécession d'avec la Confédération, l'armée impériale, appuyée par les forces de la Sainte Ligue, entreprit des préparatifs pour une campagne militaire en Bohême. À l'automne 1620, sous le commandement du généralissime des ligueurs,Jean t’Serclaes de Tilly, elle pénétra en Bohême parGratzen, prit la direction deČeské Budějovice (enallemand Budweis) et occupa la Bohême-occidentale.Christian d’Anhalt, à la tête d'une seconde armée, marcha depuis la Moravie sur la Bohême. Il s'empara d'une excellente position devant Prague, la colline de la Montagne-Blanche. Lorsque l'armée de la Confédération de Bohême fit sa jonction avec un parti demercenaires indisciplinés, épuisés et en mal de solde, elle crut pouvoir engager le combat ; labataille qui s'ensuivit, le, fut décidée en l'espace de deux heures et se solda par la victoire écrasante de la Sainte Ligue.
Le roi Frédéric, sa cour et les membres du Directoire prirent la fuite. Les mercenaires à la solde du Directoire se replièrent quant à eux surVienne. Comme la solde promise ne venait pas, ils se mirent à piller la région et finalement se mirent au service du général catholiqueCharles-Bonaventure de Bucquoy.
L'armée impériale, commandée parCharles de Liechtenstein, le comte PaulMichna von Waitzenau (de),Adam et Albert-Venceslas de Wallenstein, et enfinCharles de Bucquoy, s'empara de la Bohême, tandis que lecardinalFrançois-Séraphin de Dietrichstein ramenait la Moravie sous la tutelle impériale.
Les membres du Directoire qui n'avaient pu prendre la fuite furent arrêtés et 43 d'entre eux condamnés à mort. Le, on endécapita vingt-sept sur laplace de la Vieille-Ville[2][réf. à confirmer]). Trois des condamnés,Joachim Andreas von Schlick,Venceslas de Budovec (de) etChristoph Harant von Polschitz et Weseritz (de), étaient desprinces d'Empire ; sept étaient deschevaliers, et 17 des représentants de labourgeoisie. Outre les trois princes, lebourreauJan Mydlář (de) décapita les personnalités suivantes : les chevaliersKaspar Cappleri de Sulewicz (de), Procope Dwořecký d'Olbramowitz, Frédéric de Bilá, Henri-Othon de Losz, Guillaume Konecchlumský, Boguslav de Michalovice,Divich Czernin von Chudenitz, ainsi que les bourgeois praguois Valentin Kochan, Tobias Šteffek, Christoph Kober, Venceslas Maštĕřowský Gizbicky et Jean-Théodore Sixt ; les bourgmestres deKutná Hora (Jean Schultys) et deŽatec (Maximilien Hošťálek von Javořice), leDr Jan Jessenius, recteur de l’université Charles de Prague ; le conseiller de Prague Heinrich Kozel ainsi qu'André Kocour, Georges Řečický, Michel Witman, Simon Wokáč, Leander Rüppel et Georg Haunschild. Les conseillers praguois Johann Kutnauer, Simon Sušický et Nathanaël Wodňanský furent exécutés parpendaison. Martin Fruwein fut condamné à la détention à perpétuité. Les têtes des douze hommes décapités demeurèrent fichées dix années au bout de longues perches sur la tour gardant lepont Charles. Les condamnations à mort de Wilhelm Popel von Lobkowitz et Paul von Říčan ne furent jamais exécutées. Johann Vostrovec, Matthias Borbonius, Gaspard Hutzlar, Melchior Teyprecht, Georges Tsavieta, Paul Pretska, Nicolas Diwisch et Felix Petipeski furent détenus à vie dans la forteresse deRaab. Felix Petipeski, revenu au catholicisme, fut même élargi.
Les biens des exilés et des condamnés, comprenant notamment 115fiefs et domaines, furent confisqués par la Couronne.
L'échec de cette fronde des princes devait s'avérer catastrophique pour leroyaume de Bohême ; la noblesse locale était décimée, bien que certaines familles fidèles à l'empereur comme lesMichna (de),Wallenstein,Terzky etKinský aient pu échapper aux confiscations et même s'enrichir. Les souverainsHabsbourg accentuèrent lacentralisation du pouvoir. Dès1627, la nouvelle constitution du royaume, ratifiée àVienne, rendit la couronne héréditaire à leur bénéfice ; lecatholicisme devint religion exclusive, et l'allemand remplaça letchèque en tant quelangue officielle. Les chambres élues de Bohême n'étaient plus consultées pour l'élection du souverain, et même le dépôt des lois était du ressort exclusif du monarque. Seuls les parlements deMoravie conservèrent lepouvoir législatif. L'empereur-roi rétablit à son profit leféodalisme: il pouvait à tout moment saisir un bien foncier et le redistribuer à qui lui semblait bon. Les droits urbains furent considérablement diminués.
Mais lacondamnation deFrédéric du Palatinat et l'attribution auduc de Bavière de sa charge d'électeur entraînèrent l'entrée en guerre des princes protestants au côté de Frédéric, ébranlant tout leSaint-Empire : ce fut l'élément déclencheur de laguerre de Trente Ans.