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Ladéchristianisation sous la Révolution française, aussi appeléedéchristianisation de l'an II[1], désigne un mouvement qui démarre approximativement à lachute de la Royauté (août 1792) et connait son apogée pendant les premiers mois de l'an II pendant la période deTerreur de laRévolution française. Elle recouvre un certain nombre d'actions dirigées contre leclergé catholique et menées par les révolutionnaires les plus radicaux, à la suite du schisme provoqué par laConstitution civile du clergé. Elle n'est pas organisée par les instances centrales que sont leComité de salut public ou laConvention, qui se montrent plutôt hostiles ou circonspects face à ce qu'ils considèrent comme des désordres ou des excès. Elle peut être mise en œuvre par laCommune de Paris ou diverscomités de surveillance locaux, soutenus par une partie de la population, ou s'inscrire dans le cadre de répression de différentes insurrections, comme à Nantes ou à Lyon, où se déroulent les épisodes les plus célèbres et les plus violents. Elle est alors le fait de représentants en mission (Carrier pour Nantes,Fouché etCollot d'Herbois pour Lyon), proches desHébertistes. Elle connait une intensité variable selon les régions.
Elle s'accompagne d'une tentative d’instaurer un nouveau culte civique, celui de laRaison et aboutit, en réaction, le, à l'instauration duculte de l'Être suprême par la Convention.
Le terme de « déchristianisation » est utilisé pour la première fois parFélix Dupanloup, futurévêque d'Orléans, dans lesannées 1840. Perçue à partir duXIXe siècle dans le cadre d’uncatholicisme dominant qui ne parvient pas à maintenir son hégémonie avec le recul des colonisations et l'affirmation de leurs religions d'origine par les populations extra-européennes, cette tendance sociétale trouve en partie ses racines ausiècle des Lumières[2].
Dans les débuts de la Révolution, l'Assemblée nationale constituante adopte le un décret deConstitution civile du clergé qui, entre autres dispositions, transforme les membres duclergé catholique en fonctionnaires salariés par l'État. Les membres duclergé séculier sont désormais élus et doivent prêter un serment dans lequel ils s'engagent à accepter et protéger la nouvelle organisation du clergé. Sanctionnée contre son gré parLouis XVI le, la Constitution civile du clergé réorganise unilatéralement le clergé séculier français, instituant une nouvelle Église, l'Église constitutionnelle. Cette réorganisation est condamnée par le papePie VI en, ce qui provoque la division du clergé français entreclergé constitutionnel (les « jureurs ») etclergé réfractaire[5].
La Constitution civile du clergé entraîne un véritableschisme dans l'Église de France, qui est à l'origine de la volonté de déchristianisation qui marque le mouvementsans-culotte à partir de 1791 et des gouvernements républicains à partir de lachute de la Royauté le 10 août 1792. Par ailleurs, leshébertistes demandaient un renforcement de laTerreur et furent des partisans de la déchristianisation.
Fête de la Raison àNotre-Dame en 1793. Une montagne est édifiée dans le chœur ; une actrice personnifie la Liberté ; la Convention vient assister à la cérémonie. Eau-forte, 1793, Paris,BnF,département des estampes.
La Commune de Paris, sous l'impulsion de son procureur-syndicChaumette, est la première à prendre, après la chute de la Royauté le10 août 1792, des mesuresanticléricales : interdiction du port du costume ecclésiastique en dehors des fonctions sacerdotales (), interdiction des processions et manifestations religieuses sur la place publique (), réquisition des bronzes d'église pour l'armée (). Toutefois, les arrêtés de la Commune ne sont pas toujours reconnus par la Convention, ni même suivis dans toutes lessections.
L'an II (septembre1793-) marque l'apogée de la déchristianisation.
Le, la Convention décrète l'application ducalendrier républicain en remplacement ducalendrier grégorien, substituant, comme ère, à la naissance duChrist la date du, premier jour de la République, et éliminant le dimanche au profit du « décadi ». Lecomité d'instruction publique fut chargé d'étudier la dénomination des jours et des mois ; à cette fin, une commission composée deMarie-Joseph Chénier, le frère cadet du poète, du peintre David, deFabre d'Églantine et deRomme fut constituée le 18 octobre, et six jours plus tard, le 24 octobre, Fabre d'Églantine présentait à la Convention nationale un projet lui revenant pour la plus grande part et qui fut adopté séance tenante. Il fallait frapper l'imagination du peuple, et substituer aux images inspirées par le culte catholique d'autres reflétant l'idéologie républicaine[6].
Le, la Convention accorde qu'une commune est en droit de renoncer au culte catholique. Un certain nombre de communes changeront ainsi de nom (Saint-Malo devient par exemple « Port-Malo) et fermeront ou détruiront les lieux de culte. La carte de ces communes comporte certaines affinités avec la carte desprêtres assermentés de1791 (Timothy Tackett) et correspond à des régions où un certain détachement vis-à-vis de la religion s'était opéré avant la période révolutionnaire[7].
Dans la nuit du,Gobel, l'évêque de Paris, qui est pourtant unévêque constitutionnel est forcé d'abdiquer ; le 17, il vient, avec ses vicaires, se démettre solennellement à la Convention. La Commune édifie une montagne dans le chœur de Notre-Dame ; une actrice personnifie la Liberté ; la Convention se rend à la cathédrale, baptisée « temple de la Raison » et assiste à une nouvelle présentation de la fête civique. Des sections imitent cet exemple ; le, des citoyens de la section de l'Unité, revêtus d'ornements sacerdotaux, défilent, chantant et dansant, devant la Convention.
Le, sur la recommandation deChaumette, laCommune ordonne la fermeture de toutes les églises de la capitale.
Collection generale des brefs et instructions relatifs a la revolution francoise par papePie VI, 1798
L'activité deJoseph Fouché, dans laNièvre et laCôte-d'Or, reste la plus célèbre. Sous l'influence de Chaumette (qui fait un voyage dans le département en septembre 1793), il prend différents arrêtés interdisant toute manifestation extérieure duculte, rend obligatoire le mariage des prêtres pensionnés (ou à défaut, l'adoption par eux d'un enfant ou l'entretien d'un vieillard indigent), et laïcise les convois funèbres ainsi que les cimetières. Sa décision d'inscrire sur les portes d'entrée des cimetières : « La mort est un éternel sommeil » connut un grand retentissement.
Envoyé àLyon avecCollot d'Herbois, il y poursuit sa politique antireligieuse : le, il organise une grande cérémonie aux mânes deChalier exécuté lors de l'insurrection de juin. Dans le cortège, unsans-culotte portant mitre et crosse précède un âne recouvert d'habits pontificaux, coiffé d'une mitre, portant un calice sous le cou et, attachés à sa queue, une bible et un missel. D'autres représentants, appuyés par lesarmées révolutionnaires, procèdent à la fermeture et aupillage deséglises.
Entre novembre 1793 et février 1794,Jean-Baptiste Carrier, investi de tous les pouvoirs par la Convention, procède à desnoyades dans la Loire à Nantes d'hommes, de femmes et de prêtres réfractaires, de prisonniers vendéens, de contre-révolutionnaires[9]. Dans le jargon des soldats républicains, on désignait par « mariage républicain » le mode d'exécution qui consistait à attacher nus un homme et une femme avant de les noyer[10]. Cela pouvait concerner des prêtres et des religieuses.
Les exactions des représentants sont dénoncées auprès du comité de Salut public, qui les rappelle à Paris.
La Convention désapprouve la déchristianisation poussée jusqu'à l'abolition du culte et le considère comme une faute politique. Les grands noms de la Montagne,Robespierre,Danton,Camille Desmoulins s'expriment dans ce sens. Desmoulins considère ainsi que s'attaquer aux prêtres va fabriquer beaucoup d'ennemis de la Révolution[11]. Robespierre affirme que la déchristianisation cache une manœuvre politique et aggrave l'agitation, menée par les sans-culottes radicaux (hébertistes etEnragés), qui dans les sections et les clubs menacent leComité de salut public. Le, il inaugure auClub des Jacobins sa croisade contre l'« athéisme ». Il oppose l'athéisme qui est « aristocratique » à l'idée « d'un grand Être qui veille sur l'innocence opprimée » et qui est « toute populaire ». Le 28, il déclare au club : « Nous déjouerons dans leurs marches contre-révolutionnaires ces hommes qui n'ont eu d'autre mérite que celui de se parer d'un zèle anti-religieux... Oui, tous ces hommes faux sont criminels, et nous les punirons malgré leur apparent patriotisme ». De concert avecDanton, il fait condamner la déchristianisation par lesJacobins. Danton conjure la Convention de « poser la barrière ». Le, un décret est adopté sur la proposition deRobespierre, et affirme que la liberté des cultes subsiste et sera garantie[12] ; le 29, une loi sur l'enseignement le déclare également libre, sans exclusion des prêtres.
Les dirigeantshébertistes sont exécutés le sans que les sans-culottes ne bougent[13].Chaumette les suit à distance de vingt jours.
Cependant, le succès du Comité reste relatif : la Commune admet que les prêtres constitutionnels puissent célébrer leur culte à titre privé, mais les églises de Paris restent closes et le, la Convention suspend le paiement des pensions ecclésiastiques.
les persécutions, arrestations, déportation voire exécutions desprêtres réfractaires (le nombre des prêtres exécutés fut proportionnellement plus élevé que celui des autres classes[14]) ;
Son but était d'éradiquer les références chrétiennes dans la société française. Ce processus a pris plusieurs formes[17] :
la suppression ducalendrier grégorien et la mise en place ducalendrier républicain, avec des « semaines » de dix jours (suppression dudimanche) et la suppression de la référence auxsaints (14 vendémiaire an II) ; le calendrier républicain était conçu comme un outil de propagande révolutionnaire qui devait se substituer auxalmanachs traditionnels, principale lecture en milieu rural mais vecteurs de l'« obscurantisme », et régénérer « les citoyens qui ont encore entre leurs mains des heures chrétiennes »[18] ;
la mise en place d’un nouvelétat civil tenu par les maires et non plus par les curés ;
le changement de nom de lieux dans le but principal d’en supprimer les références chrétiennes et féodales[19] ; en particulier la suppression deshagiotoponymes[20].
Plusieurs entreprises visèrent néanmoins à protéger le patrimoine religieux de la destruction : c'est pour sensibiliser les parlementaires à la valeur de ces objets, indépendamment de leur origine cléricale ou monarchique qu'en 1794, l'abbé révolutionnaireGrégoire invente la notion devandalisme, en référence au peuple des Vandales, modèle des barbares antiques. Il présente alors au Comité d’instruction publique unRapport sur les destructions opérées par le vandalisme et sur les moyens de le réprimer[25].
De son côté, le peintreAlexandre Lenoir est chargé en 1791 d’entreposer dans l’anciencouvent des Petits-Augustins, à Paris, les sculptures religieuses rescapées : fragments de portails ou d’autels, gisants... En 1795, il fait de ce dépôt le premier musée des Monuments français, qui se propose de retracer l’histoire de France à travers sa sculpture.
le culte des martyrs de la liberté (Marat, Le Pelletier…) ;
les cultes civiques (cultes décadaires, fêtes des victoires de la République et autres cérémonies commémoratives des grands événements de la Révolution)[26] ;
Leséglises sont rouvertes le. Le mouvement va continuer à décroître sensiblement après lecoup d'État du 18 fructidor an V (). LeConcordat rétablit officiellement le culte en1802. Des manifestations de la déchristianisation de l'an II se maintiennent cependant sous le Consulat et l'Empire[27].
↑Paul Chopelin.La question religieuse en France sous la Révolution et l’Empire. Jean-Pierre Chantin ; Philippe Martin. Religions. Les clés pour comprendre, les clés pour enseigner, CNRS Editions, pp.217-238, 2018, 978-2-271-12014-4. ffhalshs-02972235,lire en ligne
↑N. Delahaye & J. Ch. Mênard, présenté parJean Tulard,Guide historique des guerres de Vendée - Les itinéraires de la Mémoire 1793/1832, Editions Pays et Terroirs, Cholet, 1993, p.51
↑Xavier Maréchaux,Noces révolutionnaires, le mariage des prêtres en France, (1789-1815), Paris, Vendémiaire,, 191 p.(ISBN978-2-36358-153-2),p. 57-83
↑ab etcXavier Maréchaux, « Les séquelles de la déchristianisation de l'an II : l'héritage laïc sous le Consulat et l'Empire »,Napoleonica. La Revue, 2012/3 n° 15(lire en ligne)
↑De temps en temps, Histoires de calendriers, Tallandier Historia, Claude Naudin (direction éditoriale), 2001, p. 108-117
↑Xavier Maréchaux, « Les séquelles de la déchristianisation de l'an II : l'héritage laïc sous le Consulat et l’Empire »,Napoleonica, la revue,,p. 4-16(ISSN2100-0123, www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2012-3-page-4.htm)
André Latreille ,L'Église catholique et la Révolution française, tome I, Le pontificat de Pie VI et la crise française (1775-1799), 1946, réédité en 1970, puis en 2019 chez Lexio,p. 1035,Grand prix Gobert d'Histoire de l'Académie Française en 1947
Ouvrages sur la déchristianisation et sur des sujets connexes
ÉricDesmons, « Réflexions sur la politique et la religion : de Rousseau à Robespierre »,Revue française d'histoire des idées politiques, Paris, L'Harmattan,no 29,1er semestre 2009,p. 77-93(JSTOR24610574).
Christine Dousset,Entre tolérance et violence : la Révolution française et la question religieuse Religions, pouvoir et violence, édité par Patrick Cabanel and Michel Bertrand, Presses universitaires du Midi, 2004,lire en ligne, consulté le 28 mai 2025
Jacques Bernet, « Terreur et religion en l’an II ». Les politiques de la Terreur, édité par Michel Biard, Presses universitaires de Rennes, 2008,lire en ligne
Xavier Maréchaux - Les séquelles de la déchristianisation de l'an II : l'héritage laïc sous le Consulat et l'Empire, 2012,lire en ligne
Paul Chopelin. La question religieuse en France sous la Révolution et l’Empire. Jean-Pierre Chantin ; Philippe Martin. Religions. Les clés pour comprendre, les clés pour enseigner, CNRS Editions, pp. 217–238, 2018, 978-2-271-12014-4. ffhalshs-02972235f, octobre 2020lire en ligne