Ledébarquement de Provence, désigné sous les noms de codeAnvil puisDragoon, est une opération militaire menée pendant laSeconde Guerre mondiale à partir du par les troupesalliées dans le sud-est de laFrance (entreToulon etCannes).
À l'origine appeléeAnvil (enclume en anglais), l'opération a été renomméeDragoon parWinston Churchill qui était hostile à ce débarquement (il déclara y avoir été « contraint »,dragooned en anglais[6]). Il préférait une percée des troupes déployées sur le front d'Italie vers les Balkans afin de prendre en tenaille l'armée allemande en Europe centrale et d'arriver àBerlin avant lesSoviétiques. Il s'oppose notamment àde Gaulle, qui menace de retirer les divisions françaises dufront italien. Les objectifs étaient de libérerToulon,Marseille puis de remonter leRhône jusqu'à effectuer la jonction avec les forces de l'opérationOverlord débarquées en Normandie.
L'opérationDragoon comportait le déploiement de planeurs (opérationDove) et un faux débarquement dans le Nord de l'Italie (opérationSpan).
La défense allemande composée de laXIXe armée (essentiellement des troupes étrangères) est dégarnie, notamment de la9ePanzerdivision, à la suite de l’envoi de renforts vers lefront de Normandie. À la suite de ce débarquement et de sa rapide progression,Hitler opère un repli pour éviter l'encerclement mais ordonne la destruction des ports deToulon etMarseille et de garder ces deux villes.
LaKriegsmarine, commandée par l'amiral commandant la côte sud française (Kommandierender Admiral Französische Südküste) en la personne duVizeadmiralPaul Wever, QG àAix-en-Provence composée de :
leMarine-Einsatz-Kommando 71. : chargé du renseignement naval. P.C. : Aix-en-Provence.
Il dépend tactiquement de laFlughafenbereich 1/VII deCarcassonne, laquelle est sous les ordres de l’Oberst Gieche.
Les unités de combat sont réparties entreMontpellier (I./FI.Rgt.71),Carcassonne (II./FI.Rgt.71 dont deux compagnies sont en poste àPerpignan) etBéziers (III./FI.Rgt.71).
Les unités navales alliées étaient constituées de 880 navires de guerre, sur ce nombre 130 furent principalement engagés dont une trentaine de navires français[12] :
À partir du, ce sont environ 260 000 combattants de la1re Armée Française dirigée par le généralJean de Lattre de Tassigny, qui sont arrivés dans le Sud de la France. Ils débarqueront dans les mois qui suivent, dont 5 000 auxiliaires féminines ; 10 % étaient originaires de la métropole (les « Français libres » du général de Gaulle) ou d'Afrique subsaharienne (près de 10 000), 90 % venaient d'Afrique du Nord dont une écrasante majorité d'anciens soldats de l'armée d'armistice (devenueVichyste) desdépartements d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie ; parmi ces derniers, 52 % étaient d'origine nord-africaine (près de 100 000) et 48 % étaient d'origine européenne (lesPieds-noirs)[13],[14].
Dans les grandes unités, le pourcentage de soldats nord-africains variait de 27 % à la1re DB à 56 % à la2e DIM.
Par type d'arme, ce pourcentage était d'environ 70 % dans les régiments detirailleurs, 40 % dans le génie et 30 % dans l'artillerie[15].
La veille,Radio Londres diffuse 12 messages pour laRésistance, des régions R1-R2, R3-R4 et R6, et dont les plus connus sont : « Le chasseur est affamé (Bibendum) ou Nancy a le torticolis (guérilla) » ainsi que « Le premier accroc coûte 200 francs » qui deviendra letitre d'un recueil de nouvelles d'Elsa Triolet, femme de lettres résistante, qui obtint pour cette œuvre leprix Goncourt 1945, au titre de l'année 1944.
Comme lors de l'opérationOverlord, le plan de bataille prévoit une division des troupes en différentes « forces » ayant chacune un but précis.
Les différentes forces participant au débarquement.Débarquement sur les côtes françaises en août 1944.
L'assaut naval a lieu sur les côtesvaroises entreToulon etCannes et mobilise 880 navires anglo-américains, 34 français et 1 370 navires pour le débarquement.
Durant la nuit du 14 au, des commandos français sont débarqués sur les flancs du futur débarquement :
Rosie Force débarque les 67 hommes du Groupe Naval d'Assaut de la marine en Corse (GNA de la marine en Corse) du capitaine de frégate Seriot sur l'aile est, àMiramar pour couper la route aux renforts allemands venant de l’est ;
Romeo Force débarque le Groupe desCommandos d'Afrique (GCA) du lieutenant-colonelGeorges-Régis Bouvet sur l'aile ouest, de part et d'autre ducap Nègre. (750 hommes). La première plage foulée par les Commandos d'Afrique est celle duRayol-Canadel-sur-Mer, choisie pour son grand escalier, repérable de loin.
L'objectif était de débarquer et de constituer une ligne de front de vingt-cinq kilomètres de profondeur (appeléeBlue Line), puis d’avancer vers la vallée du Rhône et de prendre contact avec le2e corps d'armée français.
Le, les Alliés mènent uneattaque de diversion à La Ciotat pour attirer les forces allemandes à l'écart des principales zones de débarquement[16]. Pendant l'opération, deux navires de guerre allemands attaquent la flottille alliée, mais ils sont tous deux coulés[16]. Au nord deLa Ciotat, l'aviation américaine largue 300 parachutistes factices pour renforcer la tentative de diversion[16].
À l'aube du, lesAlliés déploient laTask Force 88 au large de laProvence. Cette forcetactique a pour mission d'assurer la couverture aérienne du débarquement dans un premier temps, puis d'aider les troupes débarquées dans leur progression dans un deuxième temps.
Les trois quarts deForce Garbo étaient sous commandement français avec pour moitié destroupes des colonies (moitié de soldats d'origine européenne et moitié de soldats africains et nord-africains).
En deux semaines laProvence aura été libérée. Digne et Sisteron sont atteintes le,Gap le.Grenoble est prise le 22 août (soit 83 jours avant la date prévue[réf. nécessaire]),Toulon le 23 août,Montélimar le 28 août, Marseille le 29 août et Lyon le. Les forces alliées, remontant lavallée du Rhône, rejoindront le 12 septembre, àNod-sur-Seine versMontbard, au cœur de laBourgogne, celles du front de l'ouest.
La progression principale se fait vers le nord, laissant sur son flanc un front au niveau des cols alpins, qui ne constituent pas un objectif immédiat pour les états-majors alliés. Des unités allemandes venues d'Italie et chassées de Provence s'y réfugient, notamment dans les différents ouvrages et forts qui constituaient laligne Maginot alpine[18]. Mais les FFI contrôlaient les Alpes.
Les derniers combats pour libérer la région ont lieu finavril 1945. Les forts de lavallée de l'Ubaye, les ouvrages Maginot deSaint-Ours etRoche-la-Croix, ne sont repris aux Allemands qu'entre les 23 et par les forces françaises aidées de l'armée américaine[19], soit huit mois après le débarquement sur les côtes du Var, alors que les derniers combats ont lieu en Allemagne.
Dès les premiers jours, un camp de transit est projeté et sa construction mise en œuvre au nord de Marseille, lecamp de Calas, pour organiser la redirection des troupes vers les Vosges et l'Alsace, l'Asie ou le retour vers les États-Unis pour hommes totalisant plus de 80 points sur leur "carte de crédit". La première inspection du lieu se fait le et les premiers travaux commencent immédiatement. On estime que plus de deux millions de militaires américains ont transité par le camp, avec 5 000 mouvements par jour[20] jusqu'au, date de sa fermeture, avec une population de l'ordre de 100 000 occupants.
Ce camp accueille aussi dans sa partie sud les prisonniers au fur et à mesure de leur arrivée.
Les soldats américains morts au combat sont regroupés à lanécropole nationale de Luynes, non loin de ce camp, d'où ils seront redirigés vers celui deColleville-sur-Mer en Normandie ou réclamés par leurs familles aux États-Unis (60 %).
Selon le site defense.gouv.fr, ce sont au total plus de 324 000 soldats, 68 000 véhicules et près de 500 000 tonnes de ravitaillement qui ont été acheminés en Provence à partir du premier jour[21].
Du 15 au (prise de Marseille), les pertes de cette Armée B s’élèvent à 933 tués, 19 disparus et 3 732 blessés, les jours les plus terribles étant les 23 et. Environ 35 000 Allemands ont été capturés[22].
Les soldats alliés tombés au cours de la campagne de Provence sont enterrés dans différents cimetières :
cimetière américain de Draguignan : près de 900 soldats américains tués au cours des combats de la libération de la Provence reposent en ce lieu ;
cimetière militaire britannique de Mazargues, Marseille : ce cimetière regroupe les corps des soldats de l'Empire britannique tués au cours de l'année 1944 en Provence auprès des tombes de soldats de la Grande Guerre.
Les corps des soldats allemands tués durant l'opération Anvil/Dragoon ainsi que durant les années d'Occupation du Sud de la France sont regroupés aucimetière militaire allemand de Dagneux dans l'Ain.
« Mais la très grande majorité, des soldats de la plus grande force de l'armée française de la libération, venait d'Afrique. Français d'Afrique du nord, pieds noirs, tirailleurs algériens, marocains, tunisiens, zouaves, spahis, goumiers, tirailleurs que l'on appelait sénégalais, mais qui venaient en fait de toute l'Afrique subsaharienne, et parmi eux des Guinéens, des Ivoiriens, cher Alpha, cher Alassane [présidents guinéen et ivoirien, Alpha Condé et Alassane Ouattara]. Tous se sont unis contre l'ennemi nazi au service du drapeau et de la liberté. Tous ont fait preuve d'un courage immense et d'une bravoure hors pair. Ils ont payé un lourd tribut à la victoire qu'ils ont largement contribué à forger. Ils sont des milliers à s'être sacrifiés pour défendre une terre lointaine, une terre souvent inconnue, une terre jusqu'alors jamais foulée, une terre à laquelle ils ont à jamais mêlé leur sang. Ils ont fait l'honneur et la grandeur de la France et pourtant qui d'entre nous se souvient aujourd'hui de leurs noms, de leurs visages ? [...] Honorés à juste titre par leurs camarades de l'époque, ces combattants africains, pendant nombre de décennies, n'ont pas eu la gloire et l'estime que leur bravoure justifiait. La France a une part d'Afrique en elle et sur ce sol de Provence, cette part fut celle du sang versé. Nous devons en être fiers et ne jamais l'oublier : les noms, les visages, les vies de ces héros d'Afrique doivent faire partie de nos vies de citoyens libres parce que sans eux nous ne le serions pas. »
Le débarquement de Provence, a été rendu possible par des actes héroïques de la résistance.René Borghini, Esther Poggio, Joseph Lajouxou ont été agents de liaisons et furent arrêtés à Monaco en. En 2021, leprésident du Conseil national a tenu à rendre hommage au résistant patriote, René Borghini, par le biais d'un buste commémoratif[29].
2006 :Indigènes deRachid Bouchareb retrace le sacrifice des soldats nord-africains pour la libération de l'Italie et de la France. Une scène montre les soldats progressant à pied dans la campagne de Provence, sans livrer de combat. Dans la scène suivante, ils entrent dans Marseille libérée et sont acclamés par la population.
2012 :Saints and Soldiers, l'honneur des Paras deRyan Little se passe intégralement durant le débarquement de Provence. Il décrit les aventures de trois parachutistes américains du 517thParachute Infantry Regiment ayant atterri dans l'arrière-pays provençal et isolés de leur unité, qui s'efforcent de la retrouver, tout en combattant les forces allemandes rencontrés en chemin.
Le débarquement de Provence est une des mini-campagnes solo du jeu vidéoBattlefield V, le joueur y incarne Deme Cisse[31], untirailleur sénégalais qui combat les troupes allemandes aux côtés d'un autre tirailleur vétéran : Idrissa. La campagne met en avant le mauvais traitement des tirailleurs par les troupes françaises au début de l'offensive et la volonté de ceux-ci de prouver leur valeur comme soldats. Elle se termine par la mention dublanchiment des troupes coloniales effectué après la libération de Paris. Après la scène finale, le jeu fait mention sous forme d'une série de petits textes sur fond noir que les actes héroïques des tirailleurs lors de la campagne de Provence ont été oubliés de la mémoire collective, occultés par ledébarquement de Normandie. Ces actes n'ont été reconnus que très récemment[32], notamment parFrançois Hollande etNicolas Sarkozy.
Certains navire du débarquement de Provence sont représentés en 3D et jouable warthunder ou la Franchise world of warships, world of warships blitz et world of warships legends
2006 :Mémoires de guerre, mémoires de soldats oubliés, documentaire de Eric Blanchot et Le Grain (association stéphanoise) . Prix du public au festival du cinéma méditerranée de Lunel 2006. Plusieurs fois diffusés sur la chaine publique France 3.
2014 :Provence, l'autre débarquement réalisé parChristian Philibert et raconté parCharles Berling, retrace l'historique du débarquement de Provence, le tout illustré de nombreuses images d'archives et d'interviews inédites.
↑Source principale pour le § : Alain Chazette,L’armée allemande sur la côte méditerranéenne, A.O.K.19 Mittelmeerküstenfront, vol. 1, Éditions Histoire & collection, Paris, 2004,p. 96.
↑Jacques Frémeaux, « Les contingents impériaux au cœur de la guerre »,Histoire, économie et société, Éditions C.D.U. et S.E.D.E.S., vol. 23,no 1-4, 2004,p. 223.
↑Déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République, en hommage aux combattants du débarquement de Provence du 15 août 1944, à Saint-Raphaël le 15 août 2019.,Vie-publique.fr, 15 août 2019[en ligne