C'est la phase d'assaut d'une plus vaste opération qui vise à créer unetête de pontalliée de grande échelle dans le Nord-Ouest de l'Europe, et à l'ouverture d'un nouveaufront à l'ouest. Ce débarquement marque le début de l'opérationOverlord, nom de code de labataille de Normandie.
Une fois les plages prises, l'opération se poursuit par la jonction des forces de débarquement et l'établissement d'une tête de pont sur la côte normande puis l'acheminement d'hommes et de matériels supplémentaires. Les jours suivants sont mises en place des structures logistiques (ports artificiels Mulberry,oléoduc sous-marin PLUTO, terrains d'aviation[2]) pour le ravitaillement dufront et le débarquement de troupes supplémentaires. L'opération cesse officiellement le.
Entre le et le, plus de 338 000 hommes ducorps expéditionnaire britannique et de l'armée française, encerclés sur les côtes du nord de la France, regagnent le Royaume-Uni grâce à l'évacuation de Dunkerque. La signature de l'armistice puis l'occupation allemande en France privent les Alliés de l'Europe de l'Ouest continentale. Après l'invasion de l'Union soviétique par l'armée allemande en juin 1941,Joseph Staline commence à demander aux Alliés l'ouverture d'un second front en Europe de l'Ouest[3]. Fin mai 1942, les États-Unis et l'Union soviétique font une déclaration commune sur l'urgence de créer un second front à l'Ouest[4]. Mais le premier ministre britanniqueWinston Churchill persuade le président des États-UnisFranklin Delano Roosevelt de retarder le débarquement promis, les Alliés n'ayant pas encore les forces adéquates pour une opération de cette ampleur[5].
Profitant de la présence des troupes anglo-américaines en Afrique du Nord après leurs victoires sur les armées allemandes et italiennes, les Alliés passent à l'offensive en Méditerranée en lançant l'invasion de la Sicile en juillet 1943, puis l'invasion de la péninsule italienne en septembre de la même année. Au même moment, les armées soviétiques passaient à l'offensive après avoir gagné la bataille de Koursk. La décision de monter un débarquement amphibie à travers la Manche est prise lors de laConférence Trident à Washington en mai 1943[6]. La préparation de l'opération se heurte cependant au problème du nombre de barges et navires de débarquement disponibles, la plupart étant déjà requises en Méditerranée ou dans le Pacifique[7]. À la conférence de Téhéran en novembre 1943, Roosevelt et Churchill promettent à Staline l'ouverture d'un second front pour mai 1944[8].
Les Alliés ont retenu quatre potentiels lieux de débarquement à l'ouest de la France : la Bretagne, la péninsule du Cotentin, la Normandie et le Pas-de-Calais. Parce qu'il aurait été facile pour les Allemands de contenir l'avance alliée dans une péninsule, la Bretagne et le Cotentin furent abandonnés[9]. Le Pas-de-Calais étant la plus proche côte d'Europe continentale depuis la Grande-Bretagne, les Allemands le considéraient comme le lieu de débarquement le plus probable et avaient concentré un grand nombre de troupes et de fortifications[10]. De plus, l'avance dans les terres aurait souffert du grand nombre de canaux et de rivières[11]. Un débarquement en Normandie en revanche permettrait de capturer le port de Cherbourg, d'avancer vers les ports bretons tout en menaçant d'une avance vers Paris puis l'Allemagne[12].
Les Alliés planifient le débarquement pour le[11]. Un plan initial est accepté à laconférence de Québec en août 1943. Le général américainDwight D. Eisenhower est promu commandant duSupreme Headquarters Allied Expeditionary Force (SHAEF)[13]. Le général britanniqueBernard Montgomery est nommé commandant du21e groupe d'armées, qui se compose de toutes les troupes terrestres de l'invasion[14]. En décembre 1943, Eisenhower et Montgomery découvrent le projet de débarquement, qui consiste en un débarquement amphibie de trois divisions. Les deux généraux insistent immédiatement pour étendre le projet à cinq divisions plus trois aéroportées, pour créer un front plus étendu et hâter la capture du port de Cherbourg[15]. Le besoin en matériel et en barges et navires de débarquement devient dès lors tel que l'opération est repoussée à juin 1944[15]. Au total, trente-neuf divisions alliées seront envoyées en Normandie : vingt-deux américaines, douze britanniques, trois canadiennes, une polonaise et une française, pour un total de plus d'un million d'hommes[16].
Un exercice de répétition du débarquement appeléOpération Tigre a eu lieu fin avril 1944 àSlapton Sands dans le sud-ouest de l'Angleterre, et s'est soldé par un désastre, à cause de l'intervention surprise de vedettes lance-torpilles allemandes, qui coûtèrent la vie à946 soldats alliés[17].
L'opérationNeptune doit répondre à deux objectifs successifs : établir unetête de pont sur la côte normande puis y acheminer renforts et ravitaillement. Pour cela,Neptune va s'articuler en plusieurs opérations :
Dans la nuit du 5 au 6 juin, lesopérations aéroportées ont pour objectif de sécuriser le flanc est sur l'Orne et le flanc ouest ainsi que la sortie de plage à l'ouest dans leCotentin. L'opérationTonga est leparachutage et l'arrivée parplaneurs de la6e division aéroportée britannique sur le flanc est ducanal de Caen à la mer et à Ranville, près du fleuveOrne. Le but est de tenir le flanc gauche du secteur de débarquement, particulièrement les ponts, pour empêcher les blindés allemands de rejoindre les plages et permettre par la suite aux blindés britanniques de les utiliser. En effet, la zone du débarquement est bordée à l’est par le canal de Caen à la mer et par l’Orne. Le contrôle des deux ponts les plus proches de la zone de débarquement, lePegasus Bridge et lepont de Ranville, s’avère un objectif stratégique. LesopérationsAlbany etBoston sont le parachutage de régiments des101e et82e divisions aéroportées américaines dans le nord-est du Cotentin. Elles sont précédées par la mise en place despathfinders(en) et suivies par l'atterrissage de planeurs de ces mêmes divisions (opérationChicago,Keokuk,Detroit etElmira). Elles sont suivies par d'autres opérations parachutées le 7 juin. Leur but est de protéger le flanc ouest de la zone de débarquement et surtout de contrôler les sorties de plage d'Utah Beach. En effet, celle-ci, contrairement aux autres plages, se trouve sur un cordon littoral isolé par des marais et n'est reliée que par quelques routes à la péninsule du Cotentin. En soutien, l'opérationDingson et l'opérationSamwest sont le parachutage en Bretagne de36 parachutistes français en quatre groupes.
Traversée de la Manche de la flotte de débarquement et des bâtiments d'appui naval, avec, préalablement, les :
OpérationGambit : positionnement de deux sous-marins de poche pour baliser les plages est.
OpérationMaple : opération de minage naval pour protéger les flancs de la force d'invasion (6 850 mines furent mouillées durant cette opération).
Jour J : Assaut et débarquement
Bombardement aérien puis naval des défenses allemandes sur la côte devant les plages de débarquement et des batteries de canons plus à l'intérieur des terres.
Une fois les plages et leurs abords pris, elles doivent être nettoyées et des chenaux dégagés afin de permettre un débarquement de plus grande ampleur de troupes et de matériels.
Jours suivants : Mise en place des structures de ravitaillement
Deux ports artificiels, dont leport Mulberry : les Alliés ont renoncé à prendre directement un port en eaux profondes. Pour pouvoir acheminer le ravitaillement, l'armement et les troupes, ils vont mettre en place un port artificiel (l'autre port est détruit par une tempête peu après sa mise en place) devant une des plages prises.
Des cartes postales permirent aux services de renseignements britanniques de se familiariser avec l'aspect des côtes normandes. Ils s'aidèrent aussi de cartes topographiques, de photos aériennes prises par des avions de reconnaissance et des renseignements des espions.
Avant et durant l'opérationNeptune eut lieu l'opérationFortitude, nom de code collectif des opérations de désinformation et de diversion des Alliés dont le but était double :
d'abord dissimuler à l'état-major allemand le lieu réel du débarquement en Europe du Nord-Ouest, par le biais de larésistance française qui devait faire croire à l'état-major allemand que le débarquement se déroulerait sur une autre côte, le Pas-de-Calais, qui était la cible la plus évidente selon l'état-major allemand.
une fois le débarquement de Normandie effectué, faire croire qu'il ne s'agissait que d'une opération de diversion. Le premier objectif tactique était d'éviter un renforcement des défenses ainsi qu'une concentration de troupes en Normandie. Il s'agissait ensuite d'éviter une arrivée trop rapide des renforts allemands dans les premiers jours suivant le débarquement. En particulier, il fallait tenir à l'écart les unités blindées de laXVe armée stationnées dans le Pas-de-Calais avant que les Alliés aient pu établir une tête de pont suffisamment solide.
L'opérationFortitude comprit deux volets :
l'opérationSkye (britannique) :British Fourth Army, armée fictive basée àÉdimbourg et en Irlande du Nord pour faire croire à un débarquement en Norvège ;
La préparation de l'opération requiert l'établissement du jour du débarquement, le Jour J (D-Day) et d'un horaire défini comme l'Heure H (H-Hour) où les premières troupes d'assaut amphibies débarqueront[18]. Il est décidé que le débarquement amphibie se fera de jour et qu'un clair de lune est nécessaire la nuit précédente pour faciliter le largage des parachutistes et l'atterrissage desplaneurs chargés de transporter des armes lourdes et des véhicules légers. Un débarquement de jour permet un meilleur déploiement des unités navales et des troupes d'assaut. Il accroît également la précision de l'artillerie et de l'aviation. Le clair de lune précédant le débarquement facilite la traversée de la Manche[18]. Afin de limiter le temps d'observation et de réaction de l'ennemi, et de profiter au maximum de la lumière du jour pour débarquer assez de troupes, il est décidé que le temps entre le crépuscule nautique et jusqu'à40 minutes plus tard est suffisant à l'aviation et à la marine pour bombarder la côte[19]. Les nombreux obstacles plantés sur les plages, entre la limite de basse mer et celle de haute mer, et sur lesquels s'empaleraient les barges, ne permettent pas de débarquer à marée haute. La marée basse imposerait une trop longue course à découvert. Il est ainsi décidé que le débarquement aura lieu à mi-marée montante, ce qui permet de repérer et déblayer ces obstacles[20].
Controverses stratégiques et erreurs tactiques du côté allemand
Dès la fin 1943,Adolf Hitler et ses généraux sont certains que les Alliés vont débarquer en Europe dans les mois qui viennent, mais ils ne savent pas où. Lemur de l'Atlantique est construit par le Troisième Reich le long de la côte occidentale de l'Europe pour empêcher l'invasion du continent par les Alliés depuis la Grande-Bretagne. Mais ce mur de fortifications, que la propagande nazie dit imprenable, comporte d'innombrables lacunes.
Les maréchauxGerd von Rundstedt, aux commandes sur le front ouest depuis 1942, etErwin Rommel, nommé en janvier 1944 commandant dugroupe d'armées B chargé de la défense du nord-ouest de l'Europe, des Pays-Bas jusqu'à la Loire, la zone la plus probable pour le débarquement allié, ne sont pas d’accord sur la stratégie à adopter pour faire face à l'invasion. Alors que Rommel veut repousser les Alliés sur les plages dès les premières heures du débarquement, von Rundstedt préconise un système de défense plus mobile : des troupes armées et blindées en retrait dans les terres qui, concentrées, livreraient le combat après le débarquement, car selon lui, les Alliés ne pourront combattre longtemps sans disposer d'un port. Von Rundstedt juge donc opportun de maintenir lesdivisions blindées en retrait alors que Rommel les souhaite au plus près des côtes. Hitler ne tranche pas entre les deux hommes : trois divisions seront positionnées près des côtes, le reste à l'arrière[21].
L'Abwehr, le service central d’espionnage et de contre-espionnage de laWehrmacht inonde l'Ob West (centre de commandement des forces de la Wehrmacht sur leFront de l'Ouest) d'un flot de rapports parfois contradictoires. La répétition des alertes de débarquement (pas moins de 32 pour le seul mois de mai) entraîne la baisse de vigilance des Allemands[22].
Le jour J est initialement prévu le 2 juin 1944 mais les Alliés ont besoin de la pleine lune pour les parachutages et de40 minutes de jour avant l'heure H pour le débarquement. En juin, ces conditions ne se retrouvent que les 5, 6 et 7 juin. Le débarquement est fixé le 5 juin puis le 6 en raison des trop mauvaises conditions météorologiques. Le second vers du poèmeChanson d'automne deVerlaine prononcé le 5 à 21h15 (heure de Paris) surRadio Londres avertit la section de renseignement ducentre de commandement à l'ouest dirigée par le lieutenant-colonelWilhelm Meyer-Detring(de)[e] de l'imminence du débarquement, mais l'œuvre des services secrets alliés, grâce aux opérationsTaxable etFortitude, empêche l'état-major allemand d'engager immédiatement sur le front de Normandie la majorité de ses 34 divisions stationnées au nord de la Loire[23]. La riposte allemande reflétera la relative désorganisation de son commandement le jour J[f].
La mise en place de cette énorme flotte s'effectue dans tous les ports de la côte sud de l'Angleterre, dePlymouth jusqu’àNewhaven, où il faut auparavant compléter les installations par130 embarcadères supplémentaires.
Déplacer cette armada exige la définition de quatre passages maritimes depuis les ports britanniques jusqu’à un carrefour au centre de la Manche appeléSpout ouPiccadilly Circus. De cette zone d'un diamètre de10 milles marins, dix chenaux (deux par plage d'assaut) nettoyés par desdragueurs de mines et balisés de bouées lumineuses permettent aux bateaux (navires de ligne, chalands) d'arriver jusqu'aux cinqplages de débarquement. Les navires se positionnent à environ10 milles au large des plages entre2 h et3 h du matin le 6 juin.
Une part importante de l'opérationNeptune est la protection des voies utilisées par les navires alliés et des plages contre laKriegsmarine. Cela est confié à laHome Fleet. Les Alliés envisagent deux menaces maritimes allemandes importantes :
l'attaque par de gros navires de surface stationnés en Norvège et enmer Baltique. Cette menace est sans doute surévaluée par les Alliés qui ne se rendent pas compte, avant juin 1944, de la grande faiblesse de la marine de surface allemande, dont certains navires ne sont pas en état de combattre et manquent de carburant, d'équipages et d'entraînement. Ces gros navires ne s'aventurent plus guère en mer : il s'agit duTirpitz, réfugié dans unfjord deNorvège ; d'un croiseur de bataille, leGneisenau, qui est en réalité hors d'état de combattre ; des cuirassés de pocheAdmiral Scheer etLützow et de cinq croiseurs. Le gros de laHome Fleet est rassemblé enmer du Nord, avec des navires de ligne récents et les porte-avions que l'Amirauté n'a pas voulu engager dans la Manche à cause de la menace des mines. Elle doit s'opposer le cas échéant à une éventuelle sortie des forces navales de surface allemandes. Lecanal de Kiel en mer du Nord a aussi été miné préventivement (opérationBravado) ;
LesU-boots, en provenance de l'Atlantique, constituent une deuxième menace. Une surveillance aérienne est mise en place à partir de trois petitsporte-avions d'escorte et par leCoastal Command de la RAF, pour maintenir un cordon de sécurité jusqu’à très à l'ouest de la pointe desCornouailles (Land's End). Quelques U-boots sont repérés mais sans représenter de réel danger. Ceci est confirmé par le récit des auteurs allemands[26]. Les U-boots sont réduits à l'impuissance et perdent leur base de Cherbourg. Le bilan est relativement mince ;
Une troisième menace existe toutefois avec les unités deS-Boot, mais les vingtvedettes lance-torpilles opérationnelles dans la Manche et neuf en mer du Nord ne représentent pas un réel danger face aux forces déployées par les Alliés.
D'autres opérations permettent de sécuriser la partie occidentale de la Manche contre d'éventuelles forces navales allemandes venant de Bretagne ou de la côte atlantique. Des champs de mines sont posés (opérationMaple) pour forcer les navires ennemis à sortir de leur zone de protection aérienne et à se trouver dans des zones où les destroyers alliés peuvent les attaquer. L'activité navale ennemie est mineure mais le 4 juillet, quatre destroyers allemands sont coulés ou forcés de rejoindre Brest.
LePas-de-Calais est fermé par des champs de mines, des patrouilles navales et aériennes, des contrôles radar et des bombardements efficaces des ports ennemis de la zone pour réduire le risque de raids allemands. Les forces navales allemandes de la zone sont d'ailleurs assez faibles, bien qu'elles puissent être renforcées depuis lamer Baltique. Mais cette flotte doit surtout servir à protéger le Pas-de-Calais où les Allemands attendent le débarquement et aucune tentative de forcer le blocus allié ne se produit dans ce secteur.
La couverture navale est un succès, plus de300destroyers etescorteurs sont chargés à l'entrée de la Manche de refouler les bâtiments légers et les U-boots allemands. Ceux-ci n'attaquent pas et seuls quelques navires allemands de surface tentent de le faire, sans conséquence sur la flotte alliée. Les seules pertes de navires en mer sont le fait de mines ou des rares incursions aériennes allemandes après le 6 juin.
Plan de la traversée. L'opération Neptune engage 6 939embarcations de débarquement[i] qui traversent la Manche et les150 kilomètres qui séparent le littoral britannique des côtes françaises[27].
Le entre23 heures et minuit, 1 200 appareils décollèrent en emportant trois divisions aéroportées : la6e britannique, et les82e et101e américaines. Les avions étaient chargés de larguer des compagnies de parachutistes ou de tracter des planeurs de combat[28]. La82e division aéroportée passe à l'assaut aéroporté àSainte-Mère-Église et la101e division aéroportée attaque en arrière deUtah Beach pour prendre le contrôle des routes menant dePouppeville à la côte.
Les Britanniques envoient la6e division aéroportée commandée par le major généralRichard Gale pour prendre d'assaut le pont deBénouville sur lecanal de Caen (appeléPegasus Bridge par la suite), et le pont sur l'Orne, en planeurs (ce qui permet d'être plus discret, et surtout plus précis).
Mais ces assauts aéroportés ne se déroulent pas comme prévu : les parachutistes sont dispersés et ont du mal à se retrouver dans la nuit. Plusieurs centaines d'entre eux se noient dans les plaines inondées par les Allemands. Après plusieurs rudes heures de combat, les parachutistes arrivent finalement à prendreSainte-Mère-Église et leurs autres objectifs.
Seuls vingt-et-un avions sur les huit-cent-cinquante appareils américains ont été détruits par les contre-feux allemands ; côté britannique, huit appareils sur quatre-cents ont été déclarés manquants[28].
Au début de l'opérationNeptune se déroule l'opérationGambit quand les deux sous-marins miniaturesbritanniques, appelésX-Craft, viennent se mettre en position près des plages pour guider la flotte d'invasion.
L'assaut des troupes d'infanterie qui franchissent la rampe à l'avant despéniches de débarquement, est parfois précédé ou accompagné du débarquement desHobart's Funnies (chars amphibies DD, chars fléaux qui arrachent les barbelés et déminent les plages, chars bobines qui déroulent des tapis afin d'éviter que les véhicules ne s'enlisent…)[29].
L'opérationNeptune ne se limite pas seulement au transport des troupes d'assaut. Elle assure le ravitaillement des têtes de pont. Cet aspect est une source de préoccupations pour l'état-major allié, à cause de l'absence de port en eau profonde disponible dans les premiers jours de la bataille de Normandie. Les Alliés ne peuvent disposer que des petits ports de pêche dePort-en-Bessin etCourseulles dont la capacité d'accueil est minime, ce qui limiterait l'ampleur du débarquement.
Pour résoudre ce problème, les Alliés conçoivent d'« apporter leurs ports avec eux ». Quinze jours après le débarquement débute la mise en place de deux ports artificiels, lesMulberries, face aux plages deSaint-Laurent-sur-Mer (Mulberry A, port américain) et d'Arromanches (Mulberry B, port britannique). Ces deux ports doivent être capables de permettre le débarquement de 6 500 véhicules et 40 000 tonnes d'approvisionnement par semaine. Une tempête détruit le Mulberry A américain et endommage le Mulberry B britannique et, dans les faits, la majeure partie du débarquement du matériel et des troupes continue à se faire par les plages et par l'utilisation intensive et, plus qu'initialement prévu, des petits ports côtiers, et ce jusqu’à laprise et remise en état du port de Cherbourg pour pouvoir acheminer du carburant, des munitions et des soldats en renfort.
L'approvisionnement en carburant est un des éléments vitaux de la réussite de l'opérationOverlord. Les Alliés ont estimé leurs besoins à 15 000 tonnes à J+41 (soit le 15 juillet) pour approvisionner en essence les 200 000 véhicules qui auraient déjà été débarqués[30], mais également le carburant de l'ensemble des avions ou le mazout des navires de la zone. Pendant les dix premiers jours, les Alliés font échouer sur les plages desLCT remplis de jerricans d'essence[30]. En parallèle, deux points d'ancrage pour pétroliers sont installés au large deSainte-Honorine-des-Pertes et reliés à la côte et aumont Cauvin par des tuyaux souples[30]. Un terminal pétrolier sommaire est installé le long des jetées dePort-en-Bessin et est relié lui aussi au Mont-Cauvin par un oléoduc[30].
À partir du 15 juillet, ces systèmes d'approvisionnement dits mineurs doivent être remplacés par des systèmes à plus grande échelle à partir du port de Cherbourg reconquis. Le terminal pétrolier d'avant-guerre de la marine nationale de la digue de Querqueville doit être remis en service avec l'accostage de gros pétroliers, et surtout avec la mise en place d'un oléoduc sous la Manche. Mais les importantes destructions allemandes du port ne permettent au premier pétrolier allié de n'accoster à Querqueville que le 25 juillet et la mise en place de l'oléoduc est elle aussi retardée[30].
Il s'agit de dérouler entre l'île de Wight etQuerqueville, soit une centaine de kilomètres, dix tuyaux souples sous la mer (Pipe-Line Under The Ocean ou PLUTO), ce qui n'a encore jamais été fait dans l'Histoire[30]. Initialement, le premier tuyau doit entrer en fonctionnement le 18 juin, soit12 jours après le débarquement. Mais laprise de Cherbourg plus tardive, le long nettoyage des eaux du port et le mauvais temps retardent sa mise en service de six semaines et il ne peut entrer en fonction qu'au début du mois d'août. Néanmoins, le manque de carburant ne se fait pas trop sentir, le front progressant peu[30].
Le fonctionnement de PLUTO se révèle également insuffisant, chaque tuyau ne fournissant pas les300 tonnes par jour initialement prévues[30], ce qui contraint les Alliés à poursuivre les débarquements de carburant sur les plages, à décharger dans le port deCourseulles-sur-Mer et à continuer de faire fonctionner le terminal de Port-en-Bessin[30]. Par la suite, avec l'avancée des Américains, PLUTO est prolongé par un oléoduc terrestre jusqu'àAvranches[30]. Au mois d'août, il est redirigé vers la Seine et Paris. Ces travaux sont réalisés par 7 500 sapeurs américains aidés de 1 500 prisonniers de guerre allemands[30].
Les présidents s'offrent desbains de foule lors de ces commémorations.
La première commémoration du débarquement a lieu en1945, àArromanches, en présence de l'ambassadeur britanniqueDuff Cooper et de sa femme,Diana Cooper, et de soldats britanniques[31]. Depuis, chaque année, des commémorations ont lieu le 6 juin pour célébrer le débarquement et le début de la libération de l'Europe de l'Ouest.
Jusque dans lesannées 1980, les commémorations du débarquement sont essentiellement militaires : les chefs d'État ne sont pas représentés. Leur mise en place après la guerre doit beaucoup àRaymond Triboulet, député duCalvados et plusieurs foisministre des Anciens combattants. Aucun président américain ne vient sur les plages normandes avantRonald Reagan (exceptéJimmy Carter en1978, mais à titre privé). Ce phénomène commémoratif assez récent tient en particulier aux réticences dugénéral de Gaulle à célébrer une opération militaire anglo-américaine, dont les Français avaient été en grande partie exclus. En 1964, le général de Gaulle refuse de participer au20e anniversaire du débarquement ; il délègue l'un de ses ministres qui déclare que le succès du Jour J était dû à la résistance française[32]. Mais dans le contexte deguerre froide, afin de montrer aux Soviétiques que laSeconde Guerre mondiale n'avait pas uniquement été gagnée à l'est mais aussi à l'ouest, le bloc occidental décide de médiatiser davantage ce cérémonial. Le tournant est dû àFrançois Mitterrand qui, en 1984, transforme la cérémonie militaire d'alors en cérémonie politique où sont invités les chefs d'État. L'historienOlivier Wieviorka note ainsi :« dorénavant, les commémorations ne sont plus axées sur l'idée de victoire, mais sur l'idée de paix, de réconciliation et de construction européenne ». Cela va de pair avec une américanisation de l'événement, qui se manifeste avec l'emprunt à l'anglais américain du terme « vétéran », et de l'expression « D-Day » à la place de « Jour J ». Après lafin de l’URSS, d'autres nations se joignent aux commémorations, comme en 2004 l'Allemagne (avec le chancelierGerhard Schröder) et la Russie[33].
La télévision,vecteur de masse, vecteur demémoire, contribue à écrire un récit du Débarquement, notamment lors des commémorations qui sont les cérémonies sans doute les plus médiatisées parmi tous les événements relatifs à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale.« La date du 6 juin 1944 semble aujourd’hui résumer à elle seule la victoire alliée. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. En 1945, un sondage Ifop demandait aux Français : « Quelle est la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne nazie ? » Réponse : URSS à 57 % et États-Unis à 20 %. En 2004, les chiffres s’étaient inversés[j]. Entre les deux, il y a eu lachute du bloc soviétique et le fantastique succès des films hollywoodiens, qui, duJour le plus long (1962) àIl faut sauver le soldat Ryan (1998), ont redessiné le souvenir des derniers mois de la guerre[34]. »
Il y a aussi desmémoriaux : lemémorial britannique de Normandie, inauguré en 2021, commémore le nom des 22 442 officiers et soldats sous commandement britannique qui ont été tués en Normandie du au[35].
↑L'histoire officielle britannique estime à 156 115, le nombre d'hommes ayant débarqués dont 57 500 Américains et 75 215 Britanniques et Canadiens sur les mers et 15 500 Américains et 7 900 Britanniques dans les airs. CfEllis, Allen et Warhurst 2004,p. 521-533.
↑L'estimation initiale pour les pertes alliées étaient de 10 000 pertes, dont 2 500 tués. Les recherches du National D-Day Mémorial ont confirmé 4 414 décès, dont 2 499 Américains et 1 915 d'autres pays.Whitmarsh 2009,p. 87.
↑L'historien Nicolas Aubin rappelle aussi les 2 200 civils tués le 6 juin, essentiellement à cause desbombardements aériens alliés. CfNicolas Aubin,Le Débarquement. Vérités et légendes, Perrin,,p. 180
↑Bien qu'il soit quelquefois affirmé que l'opérationNeptune n'est que la partie navale de l'opérationOverlord, elle-même souvent limitée au seul débarquement allié et à l'établissement des têtes de pont sur la côte normande, les sources historiques établissent clairement que l'opérationNeptune est la partie débarquement et l'établissement d'une tête de pont côtière au sein de la plus vaste opérationOverlord, qui vise quant à elle à l'établissement d'unetête de pont de plus grande échelle dans le Nord-Ouest de l'Europe.
↑Ce message est correctement capté à Tourcoing et interprété parWilhelm Meyer-Detring(de), grâce à des agents infiltrés dans un réseau de résistance dépendant duSOE. De plus, des avions de reconnaissanceMe 262 ont repéré depuis le mois de mai les rassemblements de troupes et d'embarcations, au sud de l'Angleterre.
↑Dans la nuit du 5 au 6, Hitler dort si profondément que personne n'ose le réveiller, en vertu des consignes, pour lui apprendre la nouvelle. Rommel, profitant de son voyage en Allemagne pour aller plaider sa cause après du Führer, célèbre l'anniversaire de sa femme àHerrlingen. Le généralDollmann assiste à unKriegspiel (« exercice simulé » du débarquement allié) àRennes. Cf(en) Lauran Paine,D-Day, Magna,,p. 224
↑« En réalité, leur nombre réel est encore plus faible, car beaucoup, pour échapper aux frappes incessantes sur les aérodromes avancés, se sont mis à l'abri sur des terrains plus discrets, éloignés, mal équipés. C'est d'ailleurs la raison pour laquellePriller, dansle film et lelivre, n'a plus queson ailier à ses côtés, le reste de l'escadrille étant éparpillé ». CfNicolas Aubin,Le Débarquement. Vérités et légendes, Place des éditeurs,,p. 134
↑4 126 navires et barges constitués en 47 convois pour le transport des troupes, 736 navires auxiliaires et 864 navires marchands pour le transport de vivres et de munitions et les hôpitaux flottants, 137 navires de guerre dont 7 cuirassés, une vingtaine de croiseurs, 221 destroyers, frégates, corvettes, 495 vedettes, 58 chasseurs de sous-marins, 287 dragueurs de mines, 4 poseurs de mines, 2 sous-marins. Cf« Débarquement : le 6 juin 1944 en chiffres », surlepoint.fr,.
↑23 % pour l’URSS contre près de 54 % pour les États-Unis.
Anthony Beevor,D-Day et la bataille de Normandie, Calmann-Lévy,.
La Seconde Guerre mondiale en Normandie, Éditions Spart,(lire en ligne)
Vincent Carpentier et Cyril Marcigny,Archéologie du débarquement et de la bataille de Normandie, Rennes/Paris, Ouest-France,, 143 p.(ISBN978-2-7373-6345-0).
Frédéric Veille, Frédéric Leterreux, Emmanuel Thiébot,Histoires insolites du Débarquement, Saint-Victor-d'Épine, City Editions,, 251 p.(ISBN978-2-8246-0448-0)
Fabrice Drouelle, « Normandie 44 »[audio], émissionAffaires sensibles, série « Normandie 44 » (4 épisodes de 48 min env.),France Inter, - récit au cœur de la bataille de Normandie, depuis la planification du débarquement le 6 juin 1944, pour comprendre comment cette opération stratégique visant à libérer l'Europe a été vécue par les alliés, les nazis, les résistants et les civils.