Bien que pratiquée depuis longtemps, cette technique de conquête fut améliorée et très largement utilisée par les forces alliées lors de la Seconde Guerre mondiale.
Le débarquement fastidieux des troupes françaises àNarvik[1] a en effet révélé l'absence de matériels adaptés : les troupes sont transportées par des paquebots et le matériel par des cargos dont le déchargement nécessite des installations portuaires. Mais surtout le débarquement ne peut être réalisé en zone hostile.
La technique mise au point par les alliés se déroule en trois phases principales et nécessite des matériels adaptés à chacune des missions[2].
Les opérations de débarquement amphibie sont presque toujours précédées d'un bombardement aérien ou naval et très fréquemment d'uneopération aéroportée.
Elle consiste à capturer par surprise puis à nettoyer la zone de débarquement. La première vague est mise à terre au moyen de petites embarcations à fond plat qui viennent s'échouer sur la plage. Afin d'être le moins vulnérables possible les troupes sont dispersées en petits groupes suffisamment éloignés les uns des autres.
Lorsque la plage est sécurisée, la seconde vague d'assaut peut intervenir. Mise à terre avec des moyens de débarquement lourds, ces troupes sont destinées à relever celles de la première vague et de résister aux éventuelles contre attaques ennemies.
Pour cette phase deux types de bateaux sont utilisés :
LCI ou landing craft infantry, navire de 380 tonnes, comportant une passerelle de chaque côté, avec une capacité d'emport de 190 hommes ou 75 tonnes de fret,
LCT ou landing craft tank, navire de 300 tonnes, comportant une rampe rabattable à l'avant, pouvant transporter 150 tonnes de matériels ou 9 camions ou 5 chars de 30 tonnes.
Il s'agit de faire débarquer les troupes de deuxième échelon qui ont été acheminées en grande quantité sur des paquebots, le matériel est transporté par des Libertyship ou des navires spécialement étudiés pour des mises à terre rapides :
LST ou landing ship tank, navire de 4 000 tonnes, d'une capacité de 500 tonnes ou 80 camions ou encore 50 chars. Il dispose d'un pont levis, situé à l'avant derrière deux portes, permettant le déchargement de la cale qui comporte deux étages.
ABC ou assault boat carrier, transporteur de bateaux d'assaut, ils sont très analogues aux LST mais se chargent par l'arrière.
En 490 avant J.-C., une puissante flotte perse se présente sur la côte est de l'Attique. Elle y débarque une forte armée (les chiffres exacts ne sont pas connus) qui doitmarcher sur Athènes. Cette force est cependantécrasée sur la plage de Marathon par les forces athéniennes etplatéennes coalisées.
En 415 avant J.-C., Athènes envoie une expédition pour attaquerSyracuse, en Sicile. L'opération mobilise 134 navires dont plus de 90trières portant plus de 5 000 soldats. Après quelques succès, cette force estcomplètement écrasée en 413 avant J.-C., affaiblissant gravement Athènes.
En 334 avant J.-C.,Alexandre le Grand débarque près de l'emplacement de l'ancienneTroie avec plusieurs dizaines de milliers d'hommes. Laconquête de l'Empire perse commence.
En 55 avant J.-C.,Jules César fait construire àPortus Itius une flotte de 80 navires de transport et 18 navires de guerre pourdébarquer en Bretagne avec deux légions. L'opération réussit, mais il se rembarque finalement après plusieurs combats difficiles contre les Bretons.
En 54 avant J.-C., Jules Césarrenouvelle son expédition en Bretagne. La flotte appareille de nouveau depuisPortus Itius, mais elle est beaucoup plus nombreuse et César embarque cinq légions au lieu des deux de l'année précédente. Il mène plusieurs combats contre les Bretons puis finit par se rembarquer.
Détail de latapisserie de Bayeux illustrant les navires employés par la force amphibie normande pour conquérir l'Angleterre en 1066.Louis VIII débarquant à Londres en 1216 avec une petite troupe.
À la fin de l'été533, une flotte byzantine de 20 000 marins débarque en Tunisie un contingent de 10 000 fantassins et 5 000 cavaliers. Laconquête de l'Afrique du Nord contreles Vandales qui l'avaient pris aux Romains un siècle plus tôt commence.
En avril 711,Tariq ibn Ziyad franchit la Méditerranée et débarque dans la baie d'Algésiras une armée de 7 000 hommes, rejoint bientôt par une autre de 8 000 combattants. En juillet, ilécrase l'armée wisigothe. L'Espagne passe sous contrôle musulman pour plusieurs siècles.
En 717, une importante flotte arabe se présente de nouveau devant Constantinople et débarque en de nombreux points de lamer de Marmara pour isoler la ville qui est aussi attaquée par la terre. Les Byzantinsrésistent à nouveau et un hiver glacial provoque la famine chez les assaillants. Le siège est levé en 718 après la défaite d'une flotte de renfort.
En mai 1216, une petite flotte française portant 1 200 hommes sous les ordres deLouis VIII le Lion débarque en Angleterre, s'empare de Londres et met en fuite le roi Jean sans Terre. L'expédition tourne cependant court l'année suivante avec ladéfaite de Lincoln. C'est la dernière tentative de débarquement conduisant une troupe d'invasion jusqu'au cœur du territoire anglais.
Au printemps 1281, une flotte mongole plus importante que celle de 1274 aborde les côtes sud-ouest du Japon et tente d'y débarquer une armée. Les Japonais résistent de nouveau. Les troupes deKubilai Khan ne réussissent pas à établir de tête de pont et unenouvelle tempête détruit la flotte mongole. LeJapon préserve son indépendance pour plusieurs siècles.
En juillet 1346, le roi d'AngleterreÉdouard III débarque dans leCotentin avec une armée d'à peu près 15 000 hommes transportée sur plus de 1 000 navires. Le succès de l'opération lui permet deravager la Normandie, de battre ensuite le roi de Franceà Crécy puis de faire victorieusement lesiège de Calais en 1347.
En juin 1535,Charles Quint se présente devant les côtes tunisiennes avec plusieurs centaines de navires et 33 000 hommes. Le débarquement de cette armée, entre Carthage etLa Goulette, lui permet de faire provisoirement laconquête de Tunis et de garder un point d'appui sur la côte jusqu'en 1574.
En 1655, une flotte anglaise d'une trentaine de navires débarque 7 000 hommes à laJamaïque. L'île estenlevée aux Espagnols. Elle reste anglaise jusqu'à son indépendance en 1962.
En juillet 1664, une petite escadre française débarque 5 000 hommes sur les côtes algériennes. Louis XIV veut faire laconquête du port de Djidjelli pour lutter contre lesBarbaresques et donner à la France un point d'appui commercial en Afrique du nord. Mais les Musulmans résistent et c'est finalement un échec complet.
En mai 1689, une escadre française de 24 vaisseaux et de plusieurs transports aborde le sud de l'Irlande, en baie deBantry, avec des renforts pour soutenirJacques II qui tente de reconquérir sa couronne, perdue l'année précédente. LaRoyal Navy ne peut empêcher ledébarquement des renforts, mais Jacques II est cependantvaincu l'année suivante.
En juin 1694, une puissante escadre anglo-hollandaise de 36 vaisseaux, 12 galiotes à bombes et 80 navires de transport arrive sur les côtes bretonnes. Elle est chargée de faire débarquer une armée de 10 à 12 000 hommes qui doivent s'emparer deBrest pour y détruire la flotte française. Mais les Français ont eu le temps d'organiser leurs défenses et l'opération est unéchec complet.
En avril 1697, une dizaine de navire français portant un peu plus de 2 000 combattants embarqués à Brest et àSaint-Domingue entrent dans la baie deCarthagène des Indes. La ville est prise rapidement et subit unpillage impitoyable.
En septembre 1710, une petite escadre française transportant un peu plus de 1 000 combattants débarque sur les côtes brésiliennes pour attaquerRio de Janeiro. C'est unéchec complet qui se termine par la mort ou la capture des troupes de débarquement.
En mai 1745, une opération de débarquement est montée depuis Boston contre labase française de Louisbourg. L'attaque est couverte par laRoyal Navy. Les 4 000 hommes mis à terre font lesiège de Louisbourg et contraignent la place à capituler. Elle reste entre les mains de Londres jusqu'à la paix de 1748.
En septembre 1746, laRoyal Navy met à terre 8 000 hommes sur la plage du Pouldupour attaquer Lorient, mais cette force se rembarque au bout de quelques jours sans avoir rien tenté.
En avril 1748, 13 vaisseaux de guerre anglais et 19 bâtiments de charge transportant plus de 4 000 hommes se présentent devant la base française dePondichéry en Indepour s'en emparer. C'est un échec et ils doivent se rembarquer en septembre.
En mai 1756, une escadre française de 12 vaisseaux escortant 176 bâtiments de transport couvre le débarquement d'une armée de 12 000 hommes sur labase anglaise de Minorque. Celle-ci est prise et reste entre les mains de la France jusqu'à la signature de la paix en 1763.
En septembre 1757, une importante force anglaise s'empare de l'île d'Aix avec pour objectif d'attaquer ensuite Rochefort, mais elle rembarque au bout de quelques jours car l'opération est trop difficile.
En juin 1758, leRoyal Navy débarque plus de 10 000 hommes près deCancale et Paramé. Ce débarquement détruit plusieurs dizaines de navires marchands français maiséchoue à s'emparer de Saint-Malo et doit se rembarquer.
En juin 1758, une flotte de 22 vaisseaux couvrant le transport de 14 000 soldats sur 120 bâtiments de charge se présente devant l'Île du Cap-Breton pour attaquer une nouvelle fois Louisbourg. Le succès de l'opération permet de s'emparer de la place qui est définitivement perdue pour la France.
En août 1758, c'est 10 000 soldats anglais qui sont débarqués dans le Cotentin pourattaquer Cherbourg. La ville est prise et occupée pendant quelques jours, le temps de détruire ses installations portuaires.
En septembre 1758, laNavy veut rééditer son exploit contre Cherbourg en débarquant à Saint-Cast pour attaquer Saint-Malo. Mais lacontre-attaque française transforme ce débarquement en sanglant échec pour les troupes anglaises.
En janvier 1759, plus de 5 000 hommes sont débarqués pour s'emparer de la Guadeloupe. L'île se rend en mai et reste entre les mains de l'Angleterre jusqu'en 1763.
En juin 1759, débarquement anglais de 10 000 hommes sur 70 navires de transport aux portes de Québec, couvert par 22 vaisseaux et 22 frégates. Lors dusiège de Québec, le généralJames Wolfe tente de faire traverser à son armée leSaint-Laurent. Pour la première fois, sont employées desbarges spécifiquement conçues pour un assaut amphibie.
En février 1760,François Thurot, à la tête d'une petite force de 5 frégates et d'un corps de débarquement de 1 200 hommes,débarque en Irlande et s'empare deCarrickfergus près deDublin, libère de nombreux prisonniers français puis se rembarque.
En avril 1761, après un premier échec, laRoyal Navy réussit à faire débarquer un important contingent surBelle-Île-en-Mer. Après divers combats, l'île est prise et reste entre les mains de l'Angleterre jusqu'à la conclusion de la paix en 1763.
En janvier 1762, une flotte de 35 vaisseaux anglais couvre le débarquement de 18 000 hommessur la Martinique alors que celle-ci n'a qu'une petite garnison. Comme pour la Guadeloupe, l'île reste entre les mains de Londres jusqu'en 1763.
En juin 1762, plus de 20 vaisseaux anglais accompagnés de 160 transports, débarquent àCuba pour s'emparer deLa Havane. Cette importante position espagnolecapitule en août. Elle est rendue à Madrid lors de la conclusion du traité de paix en 1763.
En septembre 1762, 14 vaisseaux anglais couvrent le débarquement d'un important corps d'infanterie auxPhilippines pour attaquer Manille, la plus importante base espagnole dans l'océan Pacifique. Laplace est prise en octobre et reste entre les mains de Londres jusqu'à la conclusion de la paix l'année suivante.
Le, à l'occasion de labataille de Nassau, lecorps des Marines, nouvellement créé pour être l'armée américaine spécialisée dans les assauts amphibies, mène son premier débarquement pour conquérir la capitale desBahamas.
En septembre 1781, une flotte française d'une trentaine de vaisseaux débarque en Virginie une troupe de 3 200 hommes pour renforcer les armées deWashington,Rochambeau etLa Fayette qui encerclent les forces anglaises à Yorktown. Elle bloque aussi toutravitaillement venu de la mer. L'armée anglaise capitule en octobre.
En août 1793, une importante flotte anglo-espagnole entre dansToulon en profitant des troubles révolutionnaires. Elle y débarque plusieurs milliers d'hommes, mais lacontre attaque républicaine la force à évacuer la ville en décembre après avoir incendié une partie de l'escadre française de Méditerranée.
En juillet 1798, une flotte française de 13 vaisseaux, 8 frégates, 280 navires de transport se présente près d'Alexandrie pour y faire débarquer l'importante armée (plus de 30 000 hommes) que Bonaparte commande en vue deconquérir l’Égypte puis de marcher vers les Indes. Dans un premier temps victorieuse, elle échoue en 1801 avant d'être rapatriée cette même année.
En juin 1830, une armée navale française partie de Toulon assure le débarquement de plus de 35 000 hommes àSidi-Ferruch. C'est le début de laconquête de l'Algérie, territoire qui restera français jusqu'en 1962.
En novembre 1838, un petit débarquement français permet de s'emparer de San Juan de Ulúa près deVeracruz pour forcer le gouvernement mexicain à négocier, à la suite d'un différend économique entre les deux pays. La forteresse est rendue au Mexique à la signature de la paix en 1839.
En mars 1847, débarquement deVeracruz au Mexique : environ 9 000 hommes de l'armée du généralWinfield Scott débarquent de vive force sur la plage de Collado bien que, de façon inattendue, sans opposition mexicaine. Début dusiège de Veracruz.
Le, débarquement deGallipoli : 29 000, puis 45 000 Australiens, Néo-Zélandais, Britanniques et Français, transportés et appuyés par 200 navires, débarquent sur lapéninsule de Gallipoli en deux zones. Il s'agit du plus important débarquement réalisé jusqu'à maintenant[3].
Débarquement franco-espagnol d'Al Hoceima au Maroc le.
Durant laguerre du Pacifique et sur les frontsnord-africain eteuropéen, les Alliés ont successivement et considérablement amélioré les techniques de débarquement. Ils ont conduit durant cette guerre 78 opérations militaires amphibies majeures impliquant au moins unbataillon.
,opérationTorch enAfrique du Nord. 107 000 hommes sous les ordres du généralEisenhower débarquent dans trois zones sur les côtes marocaines, à Oran et à Alger.
Après laSeconde Guerre mondiale, le développement de l'aviation militaire et des missiles guidés a beaucoup diminué l'efficacité de l'artillerie côtière, du moins dans sa composante fixe. L'artillerie côtière désignée comme telle est désormais surtout mobile, comme le canon russeA-222 Bereg sur un véhiculeMAZ-543 destiné à détruire les navires de petites et moyennes surfaces, notamment ceux à haute vitesse, en cas de débarquement ou lemissile antinavirekh-35 sur un véhiculelance-missilesMZKT-7930 et peut travailler d'entente avec lesgarde-côtes. Desvéhicules de minage, en particulier amphibies, sont employés pour disposer deschamps de mines sur les plages pour prévenir les débarquements.