« Je suis dePrato, je me contente d'être de Prato, et si je n'y étais pas né, je voudrais n'être jamais venu au monde »
C'est dire l'importance affective qu'il attachait à laToscane et aux Toscans, mais surtout aux habitants de Prato et de sa région, dont il « revendique notamment l'esprit d'anarchie et les contradictions qui caractérisent, en effet, son parcours politique de membre du parti fasciste interné par le régime mussolinien pour ses sympathies socialistes, avant d'être séduit à la fin de sa vie par le communisme chinois. »[3]. Dans la lignée de l'auteur duDécaméron, qui fut le créateur de la prose italienne[réf. nécessaire], Malaparte demeure par son goût de lachronique un fils spirituel deBoccace, et l'un des prosateurs majeurs de lalittérature italienne duXXe siècle.
Né enToscane de père allemand, Erwin Suckert, et de mère lombarde, Edda Perelli, Curt Erich Suckert fut, très jeune, éloigné de ses parents pour être élevé à Coiano par des paysans pauvres[4]. Malgré de brillantes études et son jeune âge, il choisit de se mettre en danger et s'engage, dès1914, dans l'armée française.
Il s'échappe du célèbrecollège et lycée Cicognini(it) où il faisait ses études classiques[5],[6], il traverse à pied la frontière àVintimille. Il écrira plus tard dansLe soleil est aveugle : « Mais en haut, sur les pics et sur les névés, sur l'immense chaîne desAlpes savoyardes, lointaines et précises dans le ciel de soie pâle, sur cette fuite ininterrompue d'aiguilles scintillantes et de glaciers bleus, l'air limpide et immobile a une cruauté vierge[7]. » Il s'engage comme volontaire dans l'armée française à seulement 16 ans[8], trichant donc sur son âge, préfigurant ainsi l'écrivain engagé qu'il allait devenir, bien avantErnest Hemingway et sonAdieu aux armes de1929.
LaLégion garibaldienne étant dissoute, il revient en Italie, participe à la campagne interventionniste et s'engage à nouveau dès la déclaration de guerre de l'Italie à l'Empire austro-hongrois : combat sur le front italien dans les régiments alpins (Brigata“Cacciatori delle Alpi”), devient officier, avant de revenir en France où il est gazé lors de la bataille duChemin des Dames[9], et est décoré de la croix de guerre avec palme (1914-1918)[8].
Les mots vont lui permettre d'exprimer ses idées politiques —Viva Caporetto, republié sous le titreLa Révolte des saints maudits, est d'ailleurs trois fois saisi et censuré entre 1921 et 1923. Les convictions de Malaparte sont si profondes qu'il est persuadé que lecollectivisme russe et l'individualisme italien ne sont pas antinomiques et que, ensemble, ils déboucheront sur une société nouvelle[10].
Il adhère auparti fasciste en. En1923, dansL’Italie contre l'Europe, traduit en français en1927, il interprète le fascisme comme un syndicalisme politique et invoque la pensée deGeorges Sorel et deFilippo Corridoni[11]. En 1924, sous le nouveau régime, il administre plusieurs maisons d'édition, y compris celle deLa Voce deGiuseppe Prezzolini. Dans la foulée de l'assassinat deMatteotti, il est parmi les défenseurs les plus fervents des « escadrons des intransigeants ». Il fonde et dirige la revueLa conquête de l’État, qui incite Mussolini au durcissement vers la dictature, matérialisé par le discours du 3 janvier 1925. En 1925, il fait partie des signataires du « Manifeste des intellectuels fascistes ».
Il devient pour un temps un théoricien dufascisme. Alors qu'au sein du parti, les partisans du courantstrapaese (retour aux traditions paysannes) et le courantStracittà (futuriste et technologique) s'opposent, Malaparte se tient à mi-distance des deux courants tout en écrivant des articlesstrapaese pour le journalIl Selvaggio. Il fonde simultanément avecMassimo Bontempelli en1926la revue 900 (cahiers d'Europe et d'Italie), revue intellectuelle et d'avant-garde à laquelle collaborent aussi bienPablo Picasso queJames Joyce ou desdadaïstes commePhilippe Soupault. En1928, il devient directeur de la revueL'Italia letteraria et, en1929, rédacteur en chef deLa Stampa de Turin.
Il change son état civil en1925 pour Curzio Malaparte[6] après avoir lu un pamphlet de1869 intituléI Malaparte e i Bonaparte. Malaparte disait, à propos de son pseudonyme : « Napoléon s'appelait Bonaparte, et il a mal fini : je m'appelle Malaparte et je finirai bien[13]. » Son nouveau nom est inscrit à l'état-civil par un décret du 15 avril 1937[1],[14]. Ses papiers d'identité ne feront plus mention de Curt Suckert, mais de Curzio Malaparte. « Malaparte est mon étendard[15]. » Ce changement d'ordre symbolique marquera définitivement son appartenance à la lignée des Toscans, en leur compagnie, il mange « l'herbe du ridicule en salade »[16]. Il se dit dans la lignée deFilippo Lippi. Il se dit aussi né commeFilippino Lippi, rue Gaetano Magnolfi[2][17], celle aussi deMarsile Ficin[18]. Son goût deschroniques lui vient de la lecture deBoccace, deDino Compagni[19] et surtout deFranco Sacchetti qu'il aimait par-dessus tout[20]. Sacchetti, l'auteur deIl trecento novelle (Trois cents nouvelles) regroupées dansOpere[21]. « Une analyse plus technique permettrait de dégager les racines littéraires de son goût del'hénaurme, qui enjambeDostoïevski etNietzsche, pour retrouver le monde plein de sève et d'humeur, mais dégraissé, sec et sans bavures des nouvelles deFranco Sacchetti et deBoccace : à la fois chronique, constat, compte rendu de faits sans jugement préconçu, où la farce côtoie le tragique et où il est interdit de ne rien prendre au sérieux[22]. »
Grâce à sa solide culture classique[23], ce « Toscan d'adoption » choisit ainsi de s'ancrer dans le monde toscan. Ce qui lui vaudra bien des critiques. Il se réinvente alors une vraie famille et unefratrie spirituelle ; aux liens de l'hérédité qu'il rejette, il préfère ceux de l'héritage culturel toscan. Il reste toujours fidèle à ses amis proches et lointains dans le temps jusqu'à la tombe, comme au colonel H. Cumming de l'Université de Virginie, dédicataire deLa Peau, rebaptisé Jack Hamilton dans le roman, ou à son chien Febo[24]. « Jamais je n'ai aimé une femme, un frère, un ami comme j'ai aimé Febo », écrit Malaparte dansLa Peau.
Il semblerait que les changements politiques qui se sont opérés à partir de 1925 aient commencé à décevoir les espoirs derévolution sociale qui avait initialement attiré Malaparte vers le fascisme. Mais, ses relations avec le régime se détériorent réellement lorsque, se réclamant du fascisme révolutionnaire de1919, il dénonce les dérives réactionnaires deMussolini, notamment dansMonsieur Caméléon (1929). Il réprouve ainsi l’embourgeoisement du régime et la signature desAccords du Latran avec le Saint-Siège, et moque le caractère égocentrique de Mussolini[25].
Dans son livre,Technique du coup d'État qu'il publie en1931 en France chezGrasset, il dénonce également la montée au pouvoir d'Adolf Hitler[26], et considère comme inéluctable l'élimination desSA comme force politique autonome et en anticipe les modalités[27]. Cet ouvrage et le caractère soi-disant individualiste de ses écrits lui valent son renvoi deLa Stampa. Son livre est interdit de publication en Italie et en Allemagne (où il est utilisé par la campagne électorale socialiste contre Hitler). Il est exclu duPNF en pour « activités antifascistes à l'étranger », vraisemblablement en raison de ses critiques contreItalo Balbo[25]. De plus, condamné par le régime, Malaparte est confiné aux îlesLipari, en résidence surveillée pour une durée annoncée de cinq ans[28]. En fait, selonMaurizio Serra, il n'y restera que quelques mois. « Le 12 juin 1935, soit un an et huit mois après son arrestation et un peu moins de trois ans avant la fin de la sanction qui lui avait été infligée, il est remis en liberté conditionnelle, « par un acte de clémence de S. E. le Gouverneur »[29]. » En 1941, avecLe soleil est aveugle, il poursuit cette condamnation du régime en condamnant l'agression italienne contre la France.
Malaparte à Capri.
ÀCapri, contre l'avis général, l'écrivain fait construire en1937 une villa loin de toute voie de communication terrestre, sur l'extraordinaire site de Capo Massullo et de ses falaises[30] : c'est l'étrange et fameusevilla Malaparte. Il résume ainsi son projet à l’architecte chargé de la concevoir,Adalberto Libera : « Faites-moi une maison comme moi[31] ! », dira-t-il. Selon son amiRaymond Guérin[32], cette maison, « ce n'est pas la demeure d'un voluptueux, d'un dilettante, d'unsardanapale. C'est celle d'un errant, d'un aventurier habitué à vivre sous la tente. C'est celle, avant tout, d'un écrivain qui se bat et ose dire ce qu'il faut dire[33]. » Cette villa, « symbole de sa modernité, aussi bien que de son désir de se mettre en scène et de son goût de la provocation[34] », servira de cadre au filmLe Mépris deJean-Luc Godard[35].
Au début de laSeconde Guerre mondiale, il est d'abord envoyé en reportage pourLa Stampa, puis comme correspondant de guerre sur leFront de l'Est pour leCorriere della Sera[36] en[37]. Malaparte envoie ses articles en Italie, mais la censure nazie veille et leur teneur polémique le fait arrêter et assigner à résidence par les Allemands. Il cache alors le manuscrit deKaputt chez des amis sûrs[38], à travers toute l'Europe. À partir de cette époque l'écrivain rompt définitivement avec le fascisme et ne retourne en Italie qu'à la chute deMussolini. Il participe auxcombats pour lalibération de son pays au sein de la division de partisansPotente.
Il fait publier le romanKaputt[39] en, peu après ledébarquement allié de Salerne. Ce livre raconte, avec un humour glacé et féroce, drapé dans un baroque morbide, son expérience de correspondant de guerre à l'Est. Il constitue un témoignage cruel et réaliste de cette période où l'Europe est détruite[40],[41]. Terreur etémerveillement s'y mêlent au sein d'uneréalité magique : « Lelac était comme une immense plaque de marbre blanc sur laquelle étaient posées des centaines et des centaines de têtes de chevaux. Les têtes semblaient coupées net au couperet. Seules, elles émergeaient de la croûte de glace. Toutes les têtes étaient tournées vers le rivage. Dans les yeux dilatés on voyait encore briller la terreur comme une flamme blanche[42]. » Comme l'écrivaitHenri Barbusse dansLe Feu : « C'est la vérité des choses qui est folle[43]. » Le critique contemporainGianni Grana(it) note : « On pourrait se demander si un autre livre européen a pu conjuguer à ce point autant de reportage vécu, de métier littéraire et d'ampleur d'invention ; autant de génie évocateur, de sens poétique complexe, dans la conscience de la crise et de la défaite de l'Europe, dans le massacre de ses peuples et la chute définitive de la civilisation chrétienne et moderne, européocentrique[44]. »
Avec le romanLa Peau (1949)[45], Malaparte met en scène avec force la libération d'une Italie affamée face aux armées américaines qui découvrent l'Europe[46]. On retrouve l'humanisme baroque et désespéré de l'auteur, avec son humour grinçant ainsi que les grands thèmes malapartiens : lahonte[47], ledégoût et lapitié. Ce livre d'une veine tout aussi brutale que le précédent déroule devant les yeux du lecteur un monde où le pourrissement côtoie l'obscène, l'atroce et le macabre[48]. Ces nouvelles ou chroniques, devenuesroman, ont été écrites par un homme douloureux[49] qui a vécu l'horrible, et comme témoin ironique, cherche à restituer commeVictor Hugo, la souffrance de ces « choses vues » jusqu'à l'invraisemblable, jusqu'au cynisme le plus abject, mais avec, dans la prose, une grande ampleur et une riche matière, un goût prononcé pour l'onirisme porté par des mouvements d'images et des procédés demontage qui relèvent de l'art ducinématographe. Malaparte romancier émeut ici, car il est bien proche de lapeinture[50], celle de l'« invraisemblable ». « La comparaison qui vient le plus directement à l'esprit est d'ordre plastique, avec lesPeintures noires deGoya, ouLe radeau de la Méduse deGéricault[51]. »
La période fort troublée d'après-guerre[52] donne à Malaparte l'idée d'écrire pour le théâtre. En fuite à Paris (30 juin 1947[53] -[54]), sans doute dans une volonté de rompre avec l'Italie d'alors[55], il écrit leJournal d'un étranger à Paris[56], mais ses pièces de théâtre,Du côté de chezProust (1948) etDas Kapital (1949), sont un cuisant échec. À son retour au pays natal en1949, il exerce sa verve toute toscane de chroniqueur dans des éditoriaux hebdomadaires, leBattibecco de1949 à1955[57].
1950 demeure une date importante pour Malaparte comme pourPavese. L'actrice américaine Jane Sweigard, délaissée par Malaparte, se suicide.Pavese, lui, se tue pour une autre actrice américaine, Constance Dowling. Des destins se croisent dans levivre-écrire : « On ne se tue pas par amour pourune femme. On se tue parce qu'un amour, n'importe quel amour, nous révèle dans notre nudité, dans notre misère, dans notre état désarmé, dans notre néant[58]. »
Puis, il tourne son unique film,Le Christ interdit (Il Cristo proibito)[59] qui sort sur les écrans en1950 avec en vedetteRaf Vallone etAlain Cuny[60]. Il est présenté auFestival de Cannes l'année suivante. Dans ces années d'après-guerre, le cinéaste Malaparte, toujours à la manière d'un journaliste, met en lumière une fois encore l'actualité brûlante et inquiète de l'Italie desannées 1950, les rapports conflictuels entre le désir de justice, le lourd ressentiment et la volonté de paix.
À partir de 1945, Malaparte tente de se rapprocher duParti communiste. Il effectue une demande d'adhésion qui est refusée par le parti.
Il meurt d'un cancer après un voyage enChine communiste en1957. Sur son lit d'hôpital, il réitère sa demande d'adhésion au Parti communiste qui est, cette fois, acceptée parPalmiro Togliatti[61] et lègue sa célèbre maison à la république populaire de Chine. Un mois avant sa mort, le, il avait reçu lebaptême et fait sapremière communion dans l'Église catholique, après avoir abjuré ce que l'Église avait condamné dans ses écrits.
En 1959 sera publié un ouvrage posthume :Il y a quelque chose de pourri (Mamma Marcia), qui se présente comme un dialogue avec sa mère mourante (« Une mère pourrie »). Ces textes polémiques révèlent la profonde déception, la désillusion d'un soldat après deux guerres mondiales. C'est un véritable déluge verbal d'un style éblouissant, où l'auteur dialogue avec les morts[62]. « Il seconvertit aucatholicisme et prit, en même temps, la carte du Parti communiste, le tout sur son lit de mort[63] ! » Il meurt d'un cancer du poumon à 59 ans.
Le Mausolée de Malaparte
Son corps repose, depuis1961, dans un sarcophage de pierre blanche locale qui fut transporté en hélicoptère dans un mausolée prévu à cet effet, sur les hauteurs deFigline di Prato[64], entre Schignano etVaiano, du côté deVernio, au-dessus du val deBisenzio[65]. Sur un mur, il est écrit, selon sa volonté : « Je voudrais avoir ma tombe là-haut, au sommet du Spazzavento » (« pointu et rageur » selon Malaparte lui-même)[66], « pour lever de temps en temps la tête et cracher dans le courant froid de latramontane[67] ».
« Un miroir que ce ciel toscan, si proche que la moindre haleine le ternit… »
« Je préfère les vaincus, mais je ne saurais m'adapter à la condition de vaincu. » dit Malaparte[71]. Il y a des parentés d'écorchés vifs entre les vies et les œuvres deLouis-Ferdinand Céline et de Curzio Malaparte[72], car ils ont une même fascination face à l'horreur du monde[73] et à sabrutalité, bien qu'ils aient réagi de façon différente sur le plan idéologique. « À propos des Juifs : qui d'autre a écrit un témoignage aussi bouleversant sur leur persécution quotidienne dans tous les pays occupés ? Et qui plus est, en1944, alors qu'on n'en parlait pas encore beaucoup et qu'on n'en savait même presque rien ! » ajouteKundera dansUne rencontre, éclairant Malaparte, mieux qu'aucun écrivain français avant lui[74]. Pour le romancierAlberto Moravia qui fut pour une courte période de temps, pendant sa jeunesse, le « secrétaire » de Malaparte, « sa qualité principale était une ingénuité quasi animalesque[75] ». PourMaurizio Serra, l'un de ses récents biographes, Malaparte est « nationaliste et cosmopolite, pacifiste et belliciste, élitiste et populiste, écrivain politique à la prose dégraissée et romancier à l'imagination baroque,arcitaliano etantitaliano, parfois un peuciarlatano, Malaparte ne cesse de nous déconcerter par sa modernité et son perpétuel défi à toute convention admise[76]. » Son confrère biographe et prédécesseurGiordano Bruno Guerri, quant à lui, le définit comme « un anarchiste de droite, ou mieux un anarcho-fasciste, c'est-à-dire un homme fasciné par les idéaux de l'anarchie, mais qui les tient pour irréalisables. Un personnage qui se considère très supérieur à tout ce qui l'entoure, que ce soit les hommes et les événements, et qui s'en sert à dessein pour servir son art et sa vie. Cette vision dusurhomme n'en a pourtant jamais fait un réactionnaire. Le fait est qu'il méprisait les idéologies, mais aimait les révolutions[77]. »
Selon l'Encyclopædia Universalis, « L'écriture de Malaparte fait éclater les genres ;Les Maudits Toscans (Maledetti Toscani, 1956) constituent un développement de cette tendance vers leroman-essai : les observations se font toujours plus incisives, le ton polémique devient insoutenable et s'applique à la fois aux idéologies en général et aux mœurs italiennes en particulier[78]. » CommePier Paolo Pasolini dans sesÉcrits corsaires (Scritti corsari)[79], Malaparte a beaucoup écrit contreCes Chers Italiens et leur provincialisme[80]. Pour le romancier toscan dePrato,Sandro Veronesi, Malaparte et Pasolini sont deuxindéfendables. « Malaparte était indéfendable par rapport à la droite et au fascisme, tout comme Pasolini par rapport à une certaine gauche plus bigote ou bornée. C'étaient essentiellement deux esprits libres, qui avaient une orientation résolument individualiste et, dans le cas dePasolini surtout dominée par l'art. Et dans leur diversité, ils se rejoignaient à mes yeux, et souvent leur façon de penser aussi se ressemblait et se ressemble de plus en plus avec le recul[81]. »
Ainsi, il demeure aujourd'hui aupurgatoire des Lettres italiennes[84]. « Ce qu'il y a de singulier dans le caractère des Italiens, c'est que leurconscience morale ne se manifeste qu'en présence dusang, car ils subordonnent tout au respect de la vie[85]. » Cet « Archi-italien » (selon Giordano Bruno Guerri[86]) demeure très critiqué[87], pour ses outrances langagières, pour son « emphase » verbale, pour son « exhibitionnisme » morbide, son côté versatile est très « controversé », et surtout pour son étrange et singulière volonté d'avoir manifesté sans cesse son puissant tempérament tempétueux sous une forme, la plupart du temps, provocatrice et scandaleuse[88]. SelonDavid Lajolo, ami communiste et critique deCesare Pavese, « Malaparte était un être absolument contradictoire avec d'énormes défauts et de grandes vertus. Il avait réussi à transformer en vertu même son hypocrisie, en courage la part de lâcheté qui est en chacun de nous. Je l'ai combattu et je l'ai aimé : inimitable dans la jactance, dans l'invention, dans la fantaisie, l'homme et le défenseur d'une seule cause qui s'appelait Malaparte[89]. »Antonio Gramsci eut à son égard un jugement très sévère puisqu'il le traita de « caméléon capable de toutes les scélératesses[90] ».Blaise Cendrars dédicace l'un de ses chapitres deBourlinguer à propos deNaples, « au dégueulasse et génial Curzio Malaparte, auteur deKaputt ».
Bruno Tessarech, dans sonPour Malaparte écrit : « Plus le captivent la naissance et l'agonie des régimes que leur histoire. Et puis les idéologies, quelles qu'elles soient, l'intéressent peu[91]. Malgré les trésors d'imagination et de rhétorique qu'il a déployés pour défendre le fascisme, il n'y croit pas. ÀMoscou, àLéningrad, il regarde le peuple faire la queue devant les étals de marchés aux puces. Bien sûr il découvre la misère, l'atroce pénurie, les difficultés où se débat le régime, mais surtout la patience résignée des pauvres[92]. »
Pourtant,Milan Kundera fait, dans son livre (essai)Une rencontre, un beléloge, un exercice d'admiration de romancier européen, face à la puissance desÉtats-Unis d'Amérique. Malaparte est plus proche dePétrarque que deGaribaldi[93], donc, plus proche du poète humaniste que du combattant patriote. C'est dire aujourd'hui l'« inactualité » de cet écrivain intempestif, plus admiré en France qu'en Italie[94].Giuseppe Ungaretti, représentant la poésie, fut présent lors de son enterrement. (Voir les images d'archives deLa Stampa). Il apparaît nécessaire de lever la véritable « malédiction » qui pèse sur la représentation de l'homme Malaparte[95], dont le nom est si souvent encore associé aufascismo[96].Eugenio Montale a dit de Malaparte qu'il fut « un exquis causeur et un grand esprit à l'écoute plein de tact et d'éducation[97] ». Cet hommemoderne par son élégance verbale et la grâce de sa plume, « dandy » tant décrié[98], est devenu au fil du temps un écrivainclassique[99]. La relecture deKaputt et deLa Peau témoigne de cette maîtrise dustyle, de son artlittéraire ainsi que de son architecturenarrative.
Il fut un reporter exceptionnel, unchroniqueur. Céline et Malaparte furent des chroniqueurs, chacun à sa façon. SelonFrédéric Vitoux, dans sa thèseLouis-Ferdinand Céline, Misère et parole: « Céline, après la guerre, exprime à maintes reprises son ambition d'être unchroniqueur, il parle avec admiration deTallemant des Réaux, il dédie l'un de ses livres àPline l'Ancien. Or le chroniqueur — image type de l'écrivain "classique" — est par définition celui qui s'efface devant l'histoire. Il est là, présent, neutre, prêt à rapporter ce dont il a été témoin. Il ne veut pas être un écrivain qui déforme tout au gré de sa sensibilité et au moyen de tel ou tel effet de langage, non, il se contente de reproduire le plus fidèlement possible l'histoire. C'est cela, le chroniqueur ne se justifie que sur le plan de l'histoire, le discours chez lui est insignifiant »[100]. SelonOlivier Weber, écrivain bourlingueur et essayiste, l'engagement du correspondant de guerre fut « le plus dense au sens existentiel et au sens philosophique. » Unengagement éprouvé « dans le fracas des bombes, la mélancolie des paysages dévastés et l'infinie solitude duchroniqueur de la détresse[101] ».
PourMaurizio Serra, la poétique de Malaparte se résume ainsi : « partir du réel pour le transfigurer, le dévirginiser, le violenter, mais sans jamais le renier, ce qui constitue une des rares déclarations d'une poétique malapartienne. » (Maurizio Serra,Malaparte, vies et légendes, Grasset, 2011,p. 289) halluciné[102] doublé d'un écrivain inclassable, dans la tourmente de la première moitié de l'Europe duXXe siècle en pleine décompositon[103].
Comme l'écrit l'intellectuelle et femme politique italienneMaria-Antonietta Macciocchi, amie dePier Paolo Pasolini[104], à propos de Malaparte (cet « écrivain des idées » selonEugenio Montale) : « L'Européen émerge au-dessus d'un horizon gris qui voulait le condamner au silence. Vers l'an 3000[105]... » L'écrivain européen, Curzio Malaparte, homme de la révolte deCaporetto et de la « civilisation de l'homme humain », souligne dans son ouvrageMaledetti Toscani : « Apprenez des Toscans à cracher dans la bouche des puissants, des rois, des empereurs, des évêques, des inquisiteurs, des juges, des seigneuries, des courtisans de toute espèce, comme on a toujours fait en Toscane et comme on fait encore. Apprenez des Toscans "qu'on n'a jamais vu un homme dans la bouche d'un autre", "qu'un homme en vaut un autre, et même moins". Apprenez des Toscans qu'il n'y a rien de sacré en ce monde, à l'exception de l'homme[106]... » —Maudit Toscan certes, car « les Toscans ont le ciel dans les yeux et l'enfer dans la bouche » selon le célèbre proverbe (I toscani hanno il cielo negli occhi e l'inferno in bocca), mais en tout cas,Européen exemplaire[107].
Viva Caporetto!, Prato, publié à compte d'auteur, 1921 ; rééd.La Révolte des saints maudits (La rivolta dei santi maledetti,1921),Les Belles Lettres, 2012, trad. S. Laporte
Les Noces des eunuques (Le nozze degli eunuchi),1922, inédit en français
L'Italie contre l'Europe (L'Europa vivente,1923), Paris, Félix Alcan,1927, trad. M. Y. Lenois, essai
Le Bonhomme Lénine, Paris, Grasset,1932, récit ; parution en Italie sous le titreLenin Buonanima, 1962 puisIl buonuomo Lenin, 2018
La Tête en fuite (Fughe in prigione,1936), Paris, Denoël, 1961, trad. George Piroué, nouvelles
Sang (Sangue,1937), Monaco, Éditions du Rocher, 1959, trad. René Novella, nouvelles ; rééd.Sang et autres nouvelles, Paris,Garnier-Flammarion, 153 p., 1993(ISBN978-2080706782) ; rééd. 2010.
Une femme comme moi (Donna come me,1940), Monaco, Éditions du Rocher, 1947, trad. René Novella, nouvelles
Le Soleil est aveugle (Il sole è cieco, 1941), Paris, Denoël, 1958, trad. George Piroué, récit
La Volga naît en Europe (Il Volga nasce in Europa,1943), Paris, Domat, 1948, trad. Juliette Bertrand ; rééd. Les Belles Lettres, coll. Mémoires de guerre, 2024.
Kaputt (1944), Paris, Denoël, 1946, trad. Juliette Bertrand, roman
Monsieur Caméléon (Don Camaleo,1946), Paris, La Table Ronde, trad. Line Allary, récit
Le Compagnon de voyage (rédigé en1946, repris en1955), publication posthume en 2007 ; trad. Carole Cavallera, Paris, Quai Voltaire (2009)(ISBN9782710330905)
L'Œuf rouge (1948), Éditions du Rocher, essai ; traduit une nouvelle fois en 1995, sous le titre originalLe Sourire de Lénine, Éditions Remi Perrin.
En Italie, une sélection de ses œuvres a fait l'objet d'une réédition dans la collection Meridiani, l'équivalent italien de labibliothèque de la Pléiade :Opere scelte, préface de Luigi Martellini, Milan, Mondadori, 1997.
Sauf indication contraire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par la base de données cinématographiquesIMDb, présente dans la section« Liens externes ».Curzio Malaparte a écrit, réalisé et composé la musique d'un unique film :
↑Curzio Malaparte,Le soleil est aveugle, traduction deGeorges Piroué, Paris, Denoël,1958 ; édition révisée et augmentée par Muriel Gallot, Paris, Gallimard Folio bilingue,2000,p. 177.
↑a etbFrançois Livi et Christian Bec,De Marco Polo à Savinio : écrivains italiens en langue française, Presses Paris Sorbonne,2003(ISBN978-2840502753),p. 147.
↑Malaparte, auteur de poèmes écrit : « Les morts deBligny jouent aux cartes / Dans l'ombre verte des bois, / Ils parlent en riant de la guerre, / Des jours de permission, / De la maison lointaine, des amis, / Qui sont restés vivre dans le soleil chaud. / Le canon tonne, tonne le canon encore / Du côté deReims, deChâteau-Thierry, deSoissons, / Ou peut-être est-ce un orage qui s'éloigne / Vers le Chemin des Dames, versÉpernay, / VersLaon où les nuages lourds / D'herbe et de feuilles effleurent en passant / Les vignes sur les blancs coteaux deChampagne. » Vers traduits par Maurizio Serra, dansMalaparte, (biographie), Appendice I, Malaparte,Les morts de Bligny jouent aux cartes,p. 563.
↑Curzio Malaparte, Maledetti toscani inOpere scelte, Milano, Mondadori, « I Meridiani »,1998, p. 1478 : « L'erba del ridicolo la coltivano in tutti gli orti […] ed è cosa meravigliosa […] mangiar di quell'erba in insalata, in compagnia con loro. » C'est aussi Malaparte qui appelle la Toscane « il mio paese » cf., par exemple, le premier chapitre de Mamma marcia, Firenze,Vallecchi,1959.
↑Marie-Anne Rubat du Mérac,Maledetti Toscani de Curzio Malaparte ou d’un voyage au « pays » de ceux qui « cultivent l'herbe du ridicule » et la « mangent en salade »[1] Consulté le 28 septembre 2011.
↑Son attachement à la Toscane est le sujet même d'un des livres les plus célèbres et des plus savoureux que Malaparte ait écrit tardivement en1955 : sonMaledetti Toscani. « Ces qualités qui font des Toscans les meilleurs fils de l'Italie, Malaparte va les définir, traçant par contraste et comme en creux le portait des autres Italiens... Maniant avec verve l'érudition et l'ironie, nous menant de Pérouse chez ces fous de Florentins en passant par Prato, sa ville natale, écorchant les pisans, moquant les siennois, vantant les belles Livournaises, nous initiant au vol des poulets à Campi, Curzio Malaparte nous donne une chronique étourdissante de gaieté. » Introduction àCes sacrés Toscans, Éditions Le livre de poche, n° 2843, Paris,1970.
↑Il est le créateur d'une célèbre expression toscane :il cerbaccone (« le cerveau »). Il fut très apprécié de Malaparte et des Toscans pour ses inventions langagières, fortes et crues,alla toscana.
↑On retrouve par exemplel'astringent esprit toscan dans une critique jalouse et quelque peu abrupte de l'écrivainAlberto Moravia dans ce genre de propos. En effet, Malaparte dans une note, avait surnommé son compatriote romancier, toujours maladif alors que, lui, sans cesse faisait preuve de courage : « L'Amaro Gambarotta » (l'amer jambe-cassée), jeu de mots à propos faisant référence à une marque d'amer alors en vogue. [extrait de la correspondance de Malaparte, cité par Maurizio Serra,Malaparte, vies et légendes,p. 294.
↑Les noms de Boccace et Sacchetti sont récurrents dansCes sacrés Toscans. Pour Sacchetti, voirTables florentines, Écrire et manger avec Franco Sacchetti, traduit sous la direction de Jacqueline Brunet et Odile Redon, Éditions Stock/Moyen Âge, Paris,1984(ISBN9782234017344).
↑« Et j'imagine qu'il y en a encore qui hausseront les épaules : « Comediante! » quand je raconterai que chaque fois que Malaparte fait un pas en dehors de chez lui, qu'il soit seul ou non, il va se recueillir devant la tombe de son chien Febo, creusée dans le rocher. Là, il s'incline un instant et pose ses lèvres sur la pierre. Bien sûr, aux yeux de la plupart, ce geste peut paraître théâtral, forcé, impudique même. Moi, j'y vois, au contraire, le signe d'une fidèle tendresse envers l'animal, qui fut son unique compagnon pendant ses années de misère. »Raymond Guérin,Du côté de chez Malaparte, Éd.Finitude,p. 69.
↑a etbLaurent Schang, « La maison rouge de Malaparte »,Éléments,,p. 66-68
↑« Et là, tout en bas, allongée sur l'abrupt rocher de la pointe de Massullo, solide comme une casemate, insolite comme une architecture deChririco, avec son escalier-terrasse de trente-deux marches en forme de trapèze, montant vers le ciel, impressionnant comme un temple aztèque, et ce blanc solarium à figure d'épure dont l'audace mérita les éloges deLe Corbusier, avec des à-pics de soixante mètres au-dessus de la mer, jaillissant, libre et nue, des touffes d'euphorbes et de campanules, enfin nous apparut, solitaire et de bon augure, la casa « Come Me » : la maison « Comme Moi » ! »Raymond Guérin,Du côté de chez Malaparte, éd. Finitude, Bordeaux,2009,(ISBN978-2-912667-65-6),p. 14.
↑Dans sa biographie de Raymond Guérin,Jean-Paul Kauffmann (Raymond Guérin, 31, allées Damour,La Table ronde, 2004), ce dernier tente un rapprochement entre les deux hommes : « Guérin et Malaparte n'aiment pas leur époque. On pourrait penser qu'ils sont trop narcissiques pour se regarder à travers elle. Mais ce sont plutôt deux électrons libres. Aucun parti, aucune coterie ne les reconnaît. Ils paient cher leur non-alignement et leur autonomie. »
↑Bertrand Poirot-Delpech, « Il y a trente ans mourait Malaparte l'européen exemplaire », dansLe Monde,.
↑« Et cette horreur procède d'une expérience qui n'appartient pas qu'à moi, mais à toute ma génération. C'est pourquoi d'ailleurs elle a quelque valeur. Les récits groupés dans ce recueil sont le fruit de cette expérience. Ils sont l'histoire de mes premières intuitions, découvertes et révélations des lois mystérieuses du sang, ainsi que du lent et douloureux tourment... » Extrait deSang, cité parLe Nouveau Dictionnaire des Œuvres, tome V, Laffont-Bompiani, Paris, 1994(ISBN9782221077139),p. 6551.
↑« Kaputt est un livre horriblement cruel et gai. Sa gaieté cruelle est la plus extraordinaire expérience que j'aie tirée du spectacle de l'Europe au cours de ces années de guerre. » Préface de Curzio Malaparte àKaputt, traduction de l'italien par Juliette Bertrand, Éditions Folio Gallimard, n° 237,p. 9.
↑Le critique Gianni Grana analyse ainsi ce roman de Malaparte,écrivain d'intervention selon son expression : « Le roman livre untémoignage complexe et hautement composé, entre réalisme visionnaire et évocation imaginaire : une méditation historique empreinte de moralismechrétien, utilisant une quantité de faits et d'émotions enregistrées sur les différents théâtres de désastres européens pendant la période où Malaparte était dans la presse comme correspondant de guerre. Mais la présence, dans l'Europe victime de la guerre, de la terriblepeur allemande n'empêche pas l'écrivain d'opérer, par sa réflexion et son invention, ce détachement nécessaire à la méditation littéraire et linguistique la plus exigeante. Il utilise ainsi une technique très subtile de composition des épisodes, emboîtés les uns dans les autres selon une texture raffinée et paradoxale où vient s'insérer une page de réflexion, avec ses pointes moralistes, et l'évocation illusionniste, qui donne forme à la description mémoriale de la scénographie de l'horreur. L'ensemble est lié par des accords thématiques plus larges, des assonances musicales parfois précieuses, et des tableaux symboliques d'une grande énergie figurative.Spectacle baroque, ou mêmenéo-baroque contemporain, fait d'érudition littéraire et picturale, dont tous les éléments reçoivent une fonction dans la composition de l'ensemble : tous les détails concourent à la construction emblématique de tableaux surréels, montrant une réalité absurde et apocalyptique, dans une tonalité expressionniste. » Extrait de la communication donnée à Paris, à l'Institut Italien de Culture, le 30 septembre 1993. Voir aussi :Malaparte, Scrittore d'Europa, Prato & Milan, Marzorati,1991.
↑« Aucun mot mieux que cette dure et quasi mystérieuse expression allemande :Kaputt, qui signifie littéralement : brisé, fini, réduit en miettes, perdu, ne saurait mieux indiquer ce que nous sommes, ce qu'est l'Europe, dorénavant : un amoncellement de débris. Qu'il soit bien entendu que je préfère cette Europe kaputt à l'Europe d'hier et à celle d'il y a vingt ans, trente ans. J'aime mieux que tout soit à refaire, que d'être obligé de tout accepter comme un héritage immuable. » Curzio Malaparte, préface àKaputt, Éditions Folio Gallimard,p. 9.
↑Comme l'écrit le critique littéraire Poirot-Delpech : « Mieux vaut ces décombres, aux yeux de Malaparte, que les marbres de mort du fascisme. Il existe un bon usage de la conscience de fragilité. » Bertrand Poirot-Delpech, « Il y a trente ans mourait Malaparte l'européen exemplaire », dansLe Monde, 24 juillet 1987.
↑Gianni Grana, « Malaparte, écrivain d'Europe », communication que l'auteur a donnée à Paris, à l'Institut culturel italien de Paris, le 30 septembre 1993.
↑« La Peau : Un archi-roman », titre donné parMilan Kundera au chapitre qu'il consacre à Malaparte dans son livreUne rencontre, Gallimard, coll. « blanche », Paris, 2009(ISBN9782070122844),p. 179.
↑Se sentir européen était une nouvelle manière de voir le monde. Milan Kundera écrit : « DansLa Peau, cette nouvelle façon d'être surgit de la galerie de portraits, courts, succincts, souvent drôles, des Américains alors présents en Italie. » Citation tirée deUne rencontre, Gallimard, coll. « blanche », Paris, 2009(ISBN9782070122844),p. 200.
↑« C'est une honte de gagner la guerre ! » Exclamation qui clôt son romanLa Peau.
↑« On ne se bat plus pour l'honneur, pour la liberté, pour la justice, on se bat pour sa peau, pour sa sale peau. » Phrase de Malaparte extraite deLa Peau, citée dans leDictionnaire des Œuvres, Laffont-Bompiani, tome V, Éditions Robert Laffont, Paris,1994(ISBN9782221077139),p. 5417.
↑Bertrand Poirot-Delpech, « Il y a trente ans mourait Malaparte l'européen exemplaire », dansLe Monde, 24 juillet 1987 : « Malaparte n'est pas cynique. Il veut sa foi épurée de toute chanson. C'est un homme exténué qui écrit les dernières pages deLa Peau ; exténué d'avoir trop vu de cadavres. Il n'a pas tué, personnellement (en quoi il peut estimer qu'il est resté chrétien) ; mais il a vu faire. »
↑Bertrand Poirot-Delpech, « Il y a trente ans mourait Malaparte l'européen exemplaire », dansLe Monde, : « Il y avait duBosch dans les fresques deKaputt ; il y a dansLa Peau, unGoya de la misère napolitaine, enfin débarrassée du stéréotype des draps aux fenêtres, des chants joyeux, des espiègleries, des arlequinades. »
↑Remarque de Maurizio Serra dans sa biographieMalaparte,p. 326.
↑Dans sa biographie très détaillée,Malaparte,Giordano Bruno Guerri écritp. 207 : « Revenons pourtant aux raisons qui, en1947, le poussèrent à émigrer en France. Au-delà de la peur, il y eut un malaise culturel, et même plus qu'un malaise. Celui d'un intellectuel, polémiste par nature et par choix, qui se voyait alors exclu du débat et du renouveau dont il avait espéré devenir le protagoniste. »
↑Maurizio Serra écrit : « Nous y retrouvons le goût de Malaparte pour les grands tragiques grecs. De là vient, sans doute, le côté statique de la prise de vues, avec ses plans ralentis de visages, de mains et de torses qui doivent communiquer le sens de la fatalité qui pèse sur les hommes : une approche qu'on retrouvera souvent dans le cinéma dePasolini, d'Accattone àMedea. D'ailleurs les affinités entre ces deux bousculeurs des conventions établies, ennemis du politiquement correct, ne se limitent pas à une simple donnée technique.» (Cf.Malaparte, vies et légendes,Grasset,p. 476.)
↑Muriel Gallot, Jean-Luc Nardone et Margherita Orsino,op. cit.,p. 260.
↑« C'est d'eux aussi que je tiens cette particulière façon que j'ai de regarder un paysage, un arbre, une maison, une bête, une pierre. » Traduction française : Éditions Denoël,1960, cité parLe Nouveau Dictionnaire des Œuvres, tome III, collection Bouquins, Éditions Robert Laffont, Paris,1994(ISBN9782221077115),p. 3557.
↑Fabio Gambaro, « L'énigme Malaparte », journalLe Monde, édition du. Il est à signaler cependant que d’autres auteurs se sont montrés plus sceptiques quant à la réalité de cette conversion.Maria Antonietta Macciocchi p. ex., après avoir rappelé que Malaparte avait toujours été unathée convaincu et qu’en outre il était de confessionluthérienne à l’origine (par son père saxon), évoque le témoignage d’un ami de l’écrivain (sans le citer nommément), témoignage ainsi libellé : « Les jésuites s’étaient emparés de la clinique Sanatrix. Le Père Virgilio Rotondi était même arrivé à louer une chambre dans la clinique, [...] au même étage que Curzio. De cette chambre, il contrôlait complètement la situation. Cette présence envahissante, quotidienne, possessive du Père Rotondi était pour les communistes, les amis authentiques de Malaparte, une énorme source d’ennuis. En ce qui me concerne, Malaparte me disait quand j’allais lui rendre visite ou quand il m’appelait à la maison : “Je vous en prie, envoyez-moi des camarades du service d’ordre de la section locale pour me protéger, je suis encerclé par ces prêtres. J’ai eu peur cette nuit, ils se sont introduits dans ma chambre pour me dire que je suis en train de mourir. Ils me terrorisent. Vous ne devez pas me laisser seul”. Il avait demandé avec insistance la carte du parti, la carte d’adhésion. Selon le récit que le Père Rotondi fit à la radio le lendemain de la mort de Malaparte, celui-ci aurait déchiré la carte pendant son agonie. Mais je ne le crois pas, car c’était encore, à cette époque-là, la guerre froide entre les communistes et l’Église [...] ». Cf.Maria Antonietta Macciocchi,Éléments pour une analyse du fascisme(ouvrage collectif sous la direction de M. A. Macciocchi),vol. II, Paris, Union générale d’éditions,coll. « 10/18 »,, 442 p.(ISBN2-264-00013-9), « Lettres de Malaparte à Maria Antonietta Macciocchi »,p. 226-227.
↑« Il y a quelques années encore, lesannées 1960, quand quelqu'un revenait du Spazzavento, il semblait comme revenir de l'enfer ! Les anciens Toscans l'interrogeaient : « Vous étiez là-haut, avec les serpents ?Da Malaparte ! »… »Raymond Guérin,Du côté de chez Malaparte (La boîte à clous, 1950), suivi deFragment testamentaire, ÉditeurFinitude, réédition2003(ISBN2-912667-13-5),p. 64.
↑« […] le fleuve au bord duquel je suis né, « l'heureux Bisenzio » deMarsile Ficin », autre Toscan (deFigline Valdarno). Curzio Malaparte,Ces chers Italiens, Éditions Stock,p. 154.
↑Colline venteuse dominant la ville de Prato, balayée par le vent, d'où son nom. Malaparte parlait du « genou nu du Spazzavento » (Maudits Toscans, Édition Le livre de poche,p. 67).
↑Curzio Malaparte,Ces sacrés Toscans, Éditions Le livre de poche, édité en 1970, n° 2843,p. 77.
↑p. 115 de la version française du Livre de poche, traductionGeorges Piroué.
↑« […] s'il faut conclure, je dirais qu'un portrait véridique et complet de Malaparte est impossible : on peut bien raconter quantité d'épisodes, plus ou moins bienveillants, certains même très méchants. Et après ? Le vrai tient dans sonCaméléon et ce caméléon, c'est lui-même… Comment voulez-vous faire le portrait d'un caméléon ? » Orfeo Tamburini,Malaparte à contre-jour, préface deNino Frank,Denoël, Paris,1979,p. 82.
↑« 20 domande a Curzio Malaparte », Il Tempo, Milan, 19 mai1946.
↑« Au réveil, dans mon lit, le matin, je ne me souvenais plus de rien, mais il me semble bien que la nuit, j'errais avec les morts, pâles larves nocturnes. [...] Assurément, c'était avec eux que j'errais et c'est d'eux que je dois tenir ces choses merveilleuses dont mes livres regorgent. Des choses que seuls les morts peuvent connaître. » (extrait deIl y a quelque chose de pourri cité dansLe Nouveau Dictionnaire des Œuvres, Laffont-Bompiani, tome III)(ISBN9782221077115),p. 3557.
↑« D'ailleurs les affinités entre ces deux bousculeurs des conventions établies, ennemis du politiquement correct, ne se limitent pas à une simple donnée technique. » (Remarque de Maurizio Serra dans sonMalaparte, éd. Grasset, février 2011,p. 476.
↑Titre d'un livre de Malaparte,Benedetti Italiani, Éditions Stock, Paris, 1962.
↑Interview de Sandro Varesi par Maurizio Serra, dansMalaparte Grasset, février2011, Annexes,p. 620.
↑Curzio Malaparte,Diario di uno straniero a Parigi, Florence, Valecchi,1961,pp. 24.
↑Cité par Maurizio Serra, dansMalaparte, vies et légendes,p. 452.
↑« Malaparte reste curieusement sous-estimé en Italie, dont il est vrai qu'il a à la fois illustré et stigmatisé les défauts »,Dictionnaire Le Robert 2,1996,p. 1290.
↑Giordano Bruno Guerri,L'arcitaliano. Vita di Curzio Malaparte, Milan, Bompiani,1980 (traduction française : Denoël, Paris,1983).
↑Pour le critique duMonde, Bertrand Poirot-Delpech (op. cit.) « Il aura été - il s'en flattait - l'écrivain le plus haï par les fascistes et le plus interdit dans les pays sans liberté, les communistes compris, car, contrairement à tant d'autres écrivains d'alors, Malaparte n'a pas payé son engagement antitotalitaire de la moindre illusion sur les paradis de l'Est... »
↑Malaparte n'est même pas cité dansAntologia della letteratura italiana de Mario Pazzaglia, édité par Nicola Zanichelli, Volume III, Bologne,1989(ISBN9788808002440).
↑David Lajolo, préface à Bianca Fabbri :Schiava, cit.,p. 9.
↑« E'un cameleonte capace di ogni scelleraggine » Citation dans Maria-Antonietta Macciocchi, « Malaparte e' l'anti-Celine. », dansCorriere della Sera, 21 mars1998,p. 31.
↑Malaparte se disait anarchiste : « Emilio Cecchi a écrit récemment que je suis un anarchiste. Oh ! Ils commencent à s'en apercevoir, quoique avec un peu de retard. », 16 avril1946, « Lettre à Anne », cité dans le livre deGiordano Bruno Guerri,Malaparte, éd. Denoël,1981, p. 228.
↑Bruno Tessarech,Pour Malaparte, portrait, Éd. Buchet-Chastel, Paris 2007(ISBN9782283021095), p. 127.
↑SelonMaria-Antonietta Macciocchi, « Malaparte est entré auParnasse desMeridiani deMondadori. Mais tard, très tard. À cent ans, date de la naissance (Prato, 9 juin1898), et à quarante ans, date de la mort (Roma, 19 juillet1957). Trop tard, si l'on considère que Malaparte est l'écrivain italien le plus célèbre d'Europe. » Citation tirée de l'article « Malaparte L'Europa scopre l'arcitaliano », dansCorriere della Sera, 21 mars1998,p. 31.
↑En1939 quand Malaparte est allé enÉthiopie, pour leCorriere,Benito Mussolini déclara : « Il est capable de se mettre à la tête de quelque bande rebelle et de vouloir conquérir l'Italie » cité parMaria-Antonietta Macciocchi, « Malaparte L'Europa scopre l'arcitaliano », dansCorriere delle Sera, 21 mars1998,p. 31.
↑« Un parlatore squisito e un grande ascoltatore pieno di tatto ed educazione ».
↑Claude Nabokoff Joxe, petite fille des fidèles amisHalévy a cette judicieuse remarque : « On aurait dit qu'il portait un masque et qu'il avait toujours peur que le masque pût tomber. » Cité par Maurizio Serra dans sa biographieMalaparte,p. 442-443.
↑« Je ne l'ai jamais dit, je ne le dis qu'à contrecœur : mais je me sens plus près deChateaubriand que de n'importe quel autre écrivain moderne.»Journal d'un étranger à Paris, traduit de l'italien par Gabrielle Cabrini, Éditions Denoël, Paris,1967,p. 271.
↑Entre les œuvres de Malaparte et de Céline, que d'analogies. On pourrait affirmer de même, à propos de Malaparte, l'idée selon laquelle comme le remarquaitAndré Gide en une formule toute pénétrante de sagacité à propos de Céline, "ouvrier dans les ondes" (Céline, Lettres à M. Hindus,Cahiers de L'Herne, n°3) : « Ce n'est pas la réalité que dépeint Céline, c'est les hallucinations que la réalité provoque. » (Cité parFrédéric Vitoux dans sa thèseLouis-Ferdinand Céline, Misère et parole,Gallimard,1973,p. 188.
↑Malaparte avait eu l'intuition qu'il fallait que les Européens résistent à la superpuissance desÉtats-Unis.Milan Kundera l'affirme à son tour dansUne rencontre : « Ce qui l'a fasciné, c'est la nouvellefaçon d'être européen, la nouvellefaçon de se sentir européen, qui dorénavant sera déterminée par la présence de plus en plus intense de l'Amérique. »Milan Kundera,Une rencontre, Gallimard, collection blanche, Paris,2009(ISBN2070122840),p. 200.
↑Selon Guerri, Malaparte assuma dans les années 50, pour les lecteurs deTempo, la fonction que devait prendre vingt ans plus tardPasolini auprès des lecteurs duCorriere della Sera : secouer la grisaille et le conformisme naissants. D'ailleurs Pasolini prendra la place de Malaparte àTempo, aprèsAnsaldo etQuasimodo. Et Pasolini est un des rares écrivains italiens qui aient su, comme Malaparte, être aussi un « personnage » qui partagea avec notre auteur l'esprit de provocation, l'activisme effréné dans toute sorte de domaines, le goût de la désacralisation. Giordano Bruno Guerri,op. cit., p. 233.
↑« L'europeo esemplare emerge sopra un orizzonte grigio che voleva condannarlo al silenzio. Verso il Tremila... », cité dans Maria-Antonietta Macciocchi, « Malaparte L'Europa scopre l'arcitaliano », dansCorriere delle Sera, 21 mars 1998,p. 31.
↑Malaparte,Ces sacrés Toscans, éd. Le Livre de poche, Paris, traduit de l'italien parGeorges Piroué,p. 170.
↑Bertrand Poirot-Delpech notait le courage de Malaparte, courage dans une période historique, leXXe siècle, où pour le dire avecRené Char, l'Homme était au plus bas. « Dans le grand suicide desannées 1940, bien peu d'artistes européens ont su ne pas insulter l'avenir de ce qui leur était commun. Il fallait, pour cela, dépasser les discours politiques du fait accompli, de la légalité immédiate, du drapeau. Il fallait se sentir dépositaire de valeurs supérieures à celles au nom desquelles les armées étaient jetées les unes contre les autres. Il fallait braver l'accusation de trahison, risquer l'apparent déshonneur de la prison. Les grandes espérances sont souvent à ce prix. » Bertrand Poirot-Delpech, « Il y a trente ans mourait Malaparte l'européen exemplaire », dansLe Monde, 24 juillet1987.
↑Pour une bibliographie complète : voir la recherche de Vittoria Baroncelli et Caterina Santi dansMalaparte, scrittore d'Europa, Milano et Prato, Marzorati, 1991,p. 267-333.
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