Le curium se présente comme unmétal radioactif, d'un blanc argenté et d'une grandedureté. Il se forme dans lesréacteurs nucléaires : une tonne de combustible usé en contient en moyenne 20 g.
Le curium est formé pour la première fois à l'été 1944 à partir d'un élément plus léger, leplutonium. Cette découverte n'est tout d'abord pas rendue publique. Ce n'est que le 11 novembre 1945, au cours d'une émission américaine pour les enfants, que l'invité,Glenn T. Seaborg, auteur de la découverte, annonce au public son existence, en répondant à un jeune auditeur qui demandait si on avait découvert de nouveaux éléments[5].
Le premier,242Cm, a été obtenu en juillet/août 1944 par irradiation deplutonium 239 avec desparticules α4 2He, ce qui donne l'isotope cherché à la suite d'une réaction (α, n) :
Le deuxième isotope,240Cm, de plus courte vie, qui est produit de la même manière par irradiation de239Pu par des particules α, n'a été découvert par la même équipe qu'en :
La demi-vie de la désintégration α subséquente a tout d'abord été mesurée comme 27,6 j (valeur actuelle 27 j[8]).
En raison de la continuation de laSeconde Guerre mondiale, la découverte du nouvel élément n'a d'abord pas été publiée. Le public ne l'apprit que d'une manière très curieuse : dans l'émission radio américaineQuiz Kids du, un des jeunes auditeurs a demandé à Glenn Seaborg, invité de l'émission, si l'on avait découvert de nouveaux éléments, au cours de la recherche sur lesarmes atomiques. Seaborg répondit positivement et dévoila ainsi l'existence de cet élément, ainsi que celui immédiatement inférieur en numéro atomique, l'américium[9]. Ceci arriva encore avant la présentation officielle à un symposium de l'American Chemical Society, le 16 novembre 1945.
La découverte desisotopes 242 et 240 du curium, leur production et leurs composés ont été brevetés plus tard sous le nom de « ELEMENT 96 AND COMPOSITIONS THEREOF », sous le seul nom d'inventeur de Glenn T. Seaborg[10].
Le nom de curium a été choisi par analogie avec « gadolinium », le métal desterres rares qui se trouve dans la classification périodique juste au-dessus du curium. Le nom du gadolinium avait été donné d'après le célèbre chercheur sur les terres rares,Johan Gadolin. Le choix de celui du curium fut fait en l'honneur dePierre etMarie Curie[11], dont le travail scientifique avait ouvert la voie à la recherche sur la radioactivité :
« Comme nom pour l'élément de numéroatomique 96, nous aimerions proposer « curium », avec le symbole Cm. Il y a des preuves que l'élément 96 contient 7 électrons 5f, et est donc analogue à l'élément gadolinium avec ses 7 électrons 4f dans lafamille desterres rares. Sur cette base, l'élément 96 serait nommé d'après les Curie, de manière analogue à la désignation du gadolinium, en l'honneur du chimiste Gadolin[6]. »
Il a été établi en 2016 que lors de ses débuts, lesystème solaire contenait du curium. Ce résultat a pu être obtenu en repérant dans une météorite un excès d'uranium 235, très probablement obtenu par désintégration du247Cm[16].
247Cm est l'isotope de plus longue vie du curium, mais sa demi-vie n'est que de 15,6 × 106a. Pour cette raison, tout le curium initial contenu par laTerre à sa formation s'est désintégré. On fabrique artificiellement du curium en petites quantités pour la recherche. En outre, il s'en trouve de petites quantités dans les combustibles usagés des réacteurs nucléaires.
Le curium présent dans l'environnement provient pour la plus grande part des tests debombes atomiques atmosphériques, jusqu'en 1980. Il peut y avoir des concentrations locales supérieures, dues à des déchets nucléaires et autres tests d'armes atomiques. En tous cas, le curium ne contribue que de façon négligeable à laradioactivité naturelle[17].
Dans les déchets de la première bombe H américaineIvy Mike le sur l'atoll d'Eniwetok, outre la première découverte d'einsteinium et defermium, on a trouvé, à côté duplutonium et de l'américium, des isotopes du curium, du berkélium et du californium : en ce qui concerne le curium, surtout les isotopes245Cm et246Cm,247Cm et248Cm en plus petites quantités, ainsi que des traces de249Cm. Ces résultats, couverts par le secret militaire, n'ont été publiés qu'en 1956[18].
Le curium se forme en petites quantités dans lesréacteurs nucléaires. On n'en dispose actuellement dans le monde que de quelques kilogrammes, d'où son prix très élevé d'environ 160 US$ par milligramme pour244Cm[19]. Dans les réacteurs nucléaires, il se forme à partir de l'uranium238U tout un ensemble de réactions nucléaires. Une étape importante dans ces processus est lacapture neutronique ou réaction (n,γ), où lenucléide produit, qui est dans un état excité, perd son énergie en excès parrayonnement γ et se retrouve ainsi dans sonétat fondamental. Les neutrons libres nécessaires sont créés par lesfissions des autres noyaux du réacteur. Dans ce processus nucléaire, la réaction (n,γ) est suivie de deuxdésintégrations β−, ce qui aboutit à la formation deplutonium239Pu. Dans lesréacteurs surrégénérateurs, cette réaction entraîne la formation de nouveau matériau fissile.
Ensuite, deux réactions (n,γ) suivies d'une désintégration β− conduisent à l'américium241Am. Celui-ci conduit, après une nouvelle capture (n,γ) et une nouvelle désintégration β− au242Cm :
Cette réaction a lieu aussi dans les réacteurs nucléaires, si bien que l'on retrouve un peu de244Cm dans les produits deretraitement du combustible nucléaire.
À partir du244Cm, de nouvelles captures neutroniques ont lieu dans le réacteur et donnent en quantités toujours décroissantes des isotopes plus lourds. Pour la recherche, les isotopes247Cm et248Cm sont particulièrement appréciés en raison de leur longue vie.
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Captures neutroniques (n,γ) pour les poids atomiquesA=244 à 248, mais rarement pourA=249 ou250.
Mais la production de250Cm par ce processus est particulièrement défavorisée par la courte vie du249Cm[n 1], ce qui rend improbables les captures neutroniques pendant cette courte vie. On peut produire250Cm par désintégration α du californium254Cf. Le problème est néanmoins que ce dernier se désintègre principalement parfission spontanée, et peu par désintégration α.
En raison des cascades de captures neutroniques et de désintégrations β−, le curium produit est toujours un mélange de divers isotopes. Leur séparation est particulièrement difficile.
Pour la recherche, on utilise de préférence248Cm, en raison de sa longue vie. La méthode la plus efficace pour l'obtenir est la désintégration α ducalifornium252Cf, que l'on peut obtenir en grandes quantités en raison de sa longue vie.248Cm obtenu de cette manière possède une pureté isotopique de 97 %. Actuellement, on en fabrique ainsi de 35 à 50 mg par an.
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L'isotope245Cm pur, intéressant pour la recherche seulement, peut être obtenu par désintégration α du californium249Cf, que l'on obtient en très petite quantité de la désintégration β− du berkélium249Bk.
Empilement doublement hexagonal compact de sphères, avec la structure ABAC dans la structure cristalline α-Cm (A: vert ; B: bleu ; C: rouge).Fluorescence orange induite par laser dans les ions Cm3+[n 2].
Au-dessus d'unepression de23GPa, le Cm-α se transforme en Cm-β. Cette structure Cm-β a une structurecubique degroupe , avec le paramètre de réseaua = 493 pm[25], c'est-à-dire un réseau cubique à faces centrées(fcc) compact, avec une suite de couches ABC.
Lafluorescence des ions Cm(III) excités est suffisamment longue pour pouvoir l'exploiter enspectroscopie de fluorescence laser résolue en temps[26]. La longueur de la fluorescence peut être expliquée par le grand écart en énergie entre le fondamental8S7/2 et le premier état excité6D7/2. Ceci permet une détection sélective de composés du curium parmi un lot bien plus important de processus de fluorescence plus brève d'autres ions métalliques ou substances organiques[27].
Ledegré d'oxydation du curium le plus stable est +3 (Cm2O3,Cm(OH)3). À l'occasion, on le rencontre aussi au degré d'oxydation +4 (CmO2)[28],[29]. Son comportement chimique ressemble beaucoup à celui de l'américium et de nombreuxlanthanides. En solution aqueuse, l'ion Cm3+ est incolore, alors que Cm4+ est jaune pâle[30].
Les ions curium font partie desacides de Lewis forts et forment donc lescomplexes les plus stables avec les bases fortes[31]. Dans ce cas, la formation de complexes n'a qu'une composantecovalente très faible et se fonde plutôt sur les interactions ioniques. Le curium diffère dans son comportement de complexation des actinides précédemment connus comme lethorium et l'uranium, et ressemble par là aussi beaucoup aux lanthanides[32]. Dans les complexes, il préfère unecoordination à 9 éléments, avec la géométrie de troisprismes triangulaires se chevauchant.
Le curium ne possède, en dehors de son caractère radioactif (voirinfra), aucune influence biologique spécifique[33]. L'absorption de Cm3+ par desbactéries et desarchées a été étudiée[34],[35].
Les isotopes impairs du curium, en particulier243Cm,245Cm et247Cm, en raison de leur hautesection efficace, pourraient en principe servir de combustibles pour un réacteur thermique. En général, tous les isotopes, entre242Cm et248Cm, ainsi que250Cm, peuvent soutenir une réaction en chaîne, même pour certains seulement avec des neutrons rapides. Dans unsurrégénérateur rapide, n'importe quelle combinaison des isotopes indiqués ci-dessus pourrait être utilisée comme combustible[36]. L'avantage en serait que pour leretraitement du combustible usagé, il n'y aurait pas besoin de recourir à laséparation isotopique, mais simplement une séparation chimique du curium des autres éléments.
La table suivante donne lesmasses critiques pour une géométrie sphérique sans modérateur ni réflecteur, puis avec réflecteur, et enfin avec réflecteur et modérateur :
Les isotopes impairs du curium, ici encore en particulier245Cm et247Cm, pourraient également, comme pour la construction de réacteurs, être utilisés pour la construction d'armes nucléaires. Des bombes au243Cm devraient, en raison de la faible demi-vie de cet isotope, faire l'objet d'une maintenance importante. En outre,243Cm, sous l'action de sa désintégration α dont il transforme l'énergie en chaleur, deviendrait excessivement chaud, ce qui compliquerait considérablement la construction d'une bombe. Mais le fait que les masses critiques sont pour certaines très petites pourrait permettre de construire des bombes miniaturisées. Cependant jusqu'à présent aucune activité de recherche dans ce sens n'a été publiquement évoquée, ce qui s'explique aussi par la faible disponibilité du curium.[Interprétation personnelle ?]
On ne connaît que des radionucléides et aucunisotope stable. En tout, on connaît 20 isotopes et 7 états isomériques, de233Cm à252Cm[8]. Les plus grandes demi-vies sont celles du247Cm (15,6 × 106 ans) et du248Cm (348 000 ans). Ensuite viennent245Cm (8 500 ans),250Cm (8 300 ans) et246Cm (4 760 ans). L'isotope250Cm est une curiosité, car une grande majorité (environ 86 %) de ses désintégrations sont desfissions spontanées.
Les isotopes du curium les plus utilisés techniquement sont242Cm, avec une demi-vie de 162,8 j, et244Cm avec 18,1 ans.
Ceci correspond à la règle selon laquelle la plupart des nucléides transuraniens de nombre de neutrons impair sont « facilement fissiles thermiquement ».
Le curium fait partie des substances les plus radioactives. Comme les deux isotopes préférentiellement engendrés dans les réacteurs,242Cm et244Cm, n'ont que de courtes demi-vies (respectivement 162,8 j et 18,1 ans), avec des énergies α de6MeV environ, ils présentent une bien plus grande activité que par exemple leradium226Ra, engendré dans la chaîne de désintégration naturelleuranium-radium et qui a une demi-vie de 1 600 ans[40]. Cette radioactivité engendre une grande quantité de chaleur :244Cm émet 3 W/g, et242Cm monte jusqu'à 120 W/g[41]. Ces isotopes du curium peuvent, en raison de leur très grande émission de chaleur, être utilisés dans desgénérateurs thermoélectriques à radioisotope, sous la forme d'oxyde de curium(III) (Cm2O3), pour l'alimentation enénergie électrique, par exemple dans lessondes spatiales. Dans ce but, on a de préférence étudié l'utilisation du244Cm. En tant qu'émetteur α, il lui faut un blindage notablement plus mince que pour un émetteur β. Cependant, son taux de fission spontanée, et de neutrons et γ associés, sont plus élevés que pour238Pu. La combinaison d'un blindage plus lourd contre les γ, d'un taux d'irradiation neutronique supérieur et d'une demi-vie plus courte donnent finalement l'avantage au238Pu avec sa demi-vie de 87,7 ans[42].
On a aussi essayé242Cm pour remplacer238Pu dans lesgénérateurs thermoélectriques à radioisotope pourpacemakers. En effet,238Pu engendré dans les réacteurs est toujours contaminé par du236Pu venant de la réaction (n,2n) du237Np. Or celui-ci contient dans sa chaîne de désintégration duthallium208Tl, qui est un puissant émetteur gamma. Un défaut semblable arrive au238Pu fabriqué par irradiation pardeutons de l'uranium. Les autres isotopes du curium produits tout simplement en quantités significatives dans les réacteurs conduisent vite dans leur chaîne de désintégration à des isotopes de longue vie, dont le rayonnement pour la construction depacemakers n'a plus d'importance[43].
Lessondes lunairesSurveyor 5 à 7 avaient également des spectromètres alpha à bord. Mais ceux-ci travaillaient avec du242Cm et mesuraient lesprotons éjectés par les particules α, ainsi que les particules αrétrodiffusées (renvoyées en arrière)[45],[46].
Le curium sert aussi de matière première pour la production detransuraniens ettransactinides plus élevés. C'est ainsi que par exemple, l'irradiation de248Cm par des noyaux d'oxygène18O ou de magnésium26Mg conduit respectivement aux élémentsseaborgium (265Sg) ethassium (269Hs et270Hs)[47].
Les degrés de danger indiqués dans la liste allemandeRèglement sur les substances dangereuses(de) n'existent pas pour le curium et ses composés, car ils ne concernent que la dangerosité sur le plan chimique, qui joue un rôle totalement négligeable par rapport à ceux relatifs à laradioactivité. Cette dernière n'est de toute façon importante que quand il s'agit de quantités appréciables de matière.
Comme il n'existe que des isotopes radioactifs du curium, cet élément ne doit faire l'objet, comme ses composés, de manipulations que dans des laboratoires spécialisés, qui ont leurs propres règles de sécurité. La plupart des isotopes courants sont desémetteurs α, dont l'incorporation doit être évitée par tous moyens. Une grande partie des isotopes se désintègre partiellement au moins parfission spontanée. Le large spectre desproduits de fission qui en résultent, et qui sont à leur tour souvent eux-mêmes radioactifs, éventuellementémetteurs γ de haute énergie, présente un risque supplémentaire, que l'on doit prendre en compte dans l'élaboration des consignes de sécurité[17].
Si le curium est absorbé avec la nourriture, il est excrété pour la plus grande partie en quelques jours, et seulement 0,05 % parviennent à la circulation générale. Cette quantité se dépose à 45 % dans lefoie, à 45 % dans lesos et les 10 % restants sont éliminés. Dans les os, le curium se dépose en particulier à la limite entre le corps osseux et la moelle, inhibant ainsi la production de globules sanguins (hématopoïèse). Une diffusion ultérieure vers lacorticale ne se produit ensuite que lentement[17].
Parinhalation, le curium entre nettement plus fort dans le corps, ce qui rend cette forme d'incorporation le plus haut risque pour le travail avec le curium. La charge totale admissible pour le corps humain par le244Cm (sous forme soluble) est de 0,3 µCi[19].
Dans des expériences sur les rats, on a observé après injection intraveineuse de242Cm et de244Cm une augmentation du taux decancer des os, dont la survenue est considérée comme le principal danger de l'incorporation de curium chez l'homme. L'inhalation des isotopes a conduit aucancer du poumon et aucancer du foie[17].
Problèmes liés au retraitement des déchets nucléaires
Dans les réacteurs nucléaires exploités dans des conditions raisonnablement économiques (c'est-à-dire avec une grande durée d'utilisation du combustible), il se forme de façon physiquement inévitable des isotopes du curium par réactions (n,γ) suivies de désintégrations β− (voirsupra). Une tonne de combustible usagé contient en moyenne environ 20 g d'isotopes divers du curium[48]. Parmi eux se trouvent des émetteurs α avec des nombres de masse de245 à 248, qui en raison de leur relativement longue demi-vie sont indésirables dans lesstockages définitifs, et doivent donc être comptés parmi les déchetstransuraniens. Une diminution de leur radiotoxicité à longue période dans les stockages définitifs serait possible en séparant les isotopes à longue vie des combustibles irradiés.
Pour l'élimination du curium, on explore actuellement la stratégie deséparation & transmutation[49]. Le processus envisagé comporte 3 étapes : séparation chimique du combustible usé, groupement des éléments, et suite spécifique à chaque groupe pour obtenir un reste susceptible de stockage définitif. Dans le cadre de ce processus, les isotopes du curium seraient exposés à une irradiation par neutrons dans des réacteurs spécialisés, jusqu'à être transformés en nucléides à courte vie. La mise au point d'un tel processus faitactuellement[Quand ?] l'objet d'études[26], dont le but n'est pas encore atteintactuellement[Quand ?].
Le curium est facilement attaqué par l'oxygène. Il existe desoxydes de curium avec lesdegrés d'oxydation +3 (Cm2O3) et +4 (CmO2). On connaît aussi l'oxyde bivalent CmO[50].
Les sels depnictogènes du type CmX sont connus pour les éléments X =azote,phosphore,arsenic etantimoine[7]. Leur production peut avoir lieu par action de ces éléments à haute température sur de l'hydrure de curium(III) (CmH3) ou sur du curium métallique.
De façon semblable à l'uranocène, un composé organo-métallique dans lequel l'uranium est complexé par deux ligands decyclooctatétraène, les complexes correspondants ont été présentés pour lethorium, leprotactinium, le neptunium et l'américium. La théorie desorbitales moléculaires laisse supposer qu'un composé analogue, (η8-C8H8)2Cm, un « curocène » pourrait être synthétisé, mais on n'y est pas encore arrivé[55].