La civilisationtibétaine, imprégnée par lebouddhisme tibétain, une forme distincte deVajrayana, est dotée d'uneculture riche et variée.

Selon l’universitaire américain Tianlong Yu, la culture tibétaine est souvent perçue comme étant figée et révolue, bien distincte des autres cultures, surtout celle de la Chine ; véritablement originale, existant dans une sorte de vide échappant à toute influence matérielle ; et parfaitement vertueuse, méritant le maintien strict dustatu quo qui est le sien[1].
Pourtant, affirmePeter Bishop, le Tibet, durant son histoire, n'a jamais été véritablement isolé, comme figé dans le temps et protégé des influences extérieures. Les cultures indienne et chinoise, qui avaient totalement révolutionné le pays dans le passé, ont continué à l'influencer en profondeur aux Temps modernes[2].
SirCharles Alfred Bell, dans son livreTibet Past and Present, paru en 1924, est d'avis que l'« on peut dire que la civilisation actuelle du Tibet est issue principalement de la Chine, et seulement dans une moindre mesure de l'Inde »[3].
Toutefois, selon le14e dalaï-lama la culture tibétaine a pour fondement le bouddhisme, dont l'origine au Tibet est principalement indienne. Pendant plus de mille ans, le Tibet a conservé cet héritage culturel, qu'il a partagé avec d'autres pays voisins, dont la Chine[4].
Premer Addy rappelle qu'en 1959Pedro Carrasco Pizana écrivait :« le Tibet a emprunté massivement à la fois à l'Inde et à la Chine. Le bouddhisme, qui imprègne toute la vie au Tibet, est venu de l'Inde tandis que l'influence chinoise a été très forte dans les institutions politiques », ajoutant que« l'église lamaiste est une création unique tibétaine dont l'influence s'est étendue jusqu'à Pékin et à la Volga »[5].
Pour l'historienPierre Chapoutot, c'est lors de ladynastie des T'ang (618-902) que le Tibet barbare noue des liens culturels avec la Chine et bénéficie de son influence civilisatrice grâce à l'introduction de l'écriture, du papier et de l'encre, de la soie, de la porcelaine, de la médecine, de l'irrigation, et également dutaoïsme et duconfucianisme[6]. Sous son règne, le roi duTibet,Trisong Detsen (740-797), envahit la capitale de la ChineChang'an et mit en place un nouvel empereur.



La religion est extrêmement importante pour les Tibétains. Le Tibet est l’écrin traditionnel dubouddhisme tibétain, une forme distinctive deVajrayana (bouddhisme tantrique), qui est aussi relié auShingon, la tradition bouddhiste au Japon. Lebouddhisme tibétain est non seulement pratiqué au Tibet, mais aussi enMongolie, dans la République deBouriatie, la République deTouva et la République deKalmoukie. Le Tibet est aussi le lieu d’une tradition spirituelle originale appeléeBön.
L'un desrites funéraires les plus pratiqués par les tibétains présente des caractéristiques uniques : c'est celui de lasépulture de l'Air, par lequel le corps du défunt est offert aux vautours.
Dans les villes tibétaines, il y a aussi de petites communautés musulmanes, comme lesKachee (ouKache), dont les origines remontent aux immigrants de trois régions principales : leCachemire (Kachee Yul entibétain ancien), leLadakh et les pays turcophones d’Asie Centrale. L'influence islamique au Tibet est aussi venue dePerse. Après 1959, un groupe deMusulmans tibétains a demandé la nationalité indienne du fait de leurs racines historiques au Cachemire et le gouvernement indien a déclaré tous les Musulmans tibétains citoyens indiens cette année-là[7]. Il existe aussi une communauté musulmane chinoise bien établie (gya kachee), dont les origines remontent au peupleHui, un groupe ethnique de Chine.
En 1914, sous le13e dalaï-lama, le monastère deTengyeling fut démoli pour collusion avec les Chinois et le généralZhao Erfeng[8],[9]. Les traîtres furent bannis et les moines restants répartis entre différents monastères. Lui succéda uneécole de médecine et d'astrologie tibétaine[Laquelle ?][10].
En 1947, lors de la répression gouvernementale contre les partisans de l'ancien régentReting Rinpoché, le monastère deSéra fut bombardé par les mortiers de l'armée tibétaine et pris d'assaut, ce qui coûta la vie à environ200 moines, tandis que15 soldats périrent. Les bâtiments furent entièrement pillés par les soldats, si bien que pendant des semaines des objets précieux réapparurent dans les boutiques de Lhassa[11],[12].
À l'époque du soulèvement de Lhassa, en 1959, il y avait, à ce qu'indique l'anthropologue américainMelvyn C. Goldstein, dans les 2 500 monastères et 115 000 moines (soit 10 à 15 pour cent de la population masculine) dans« le Tibet proprement dit »[13]. Selon legouvernement tibétain en exil, plus de 6000 monastères ont été détruits dans l'ensemble destrois anciennes provinces[14].
Dans leur livreOn the margins of Tibet, Åshild Kolås, Monika P. Thowsen indiquent qu'il y avait, d'après des archives tibétaines, 5 542 monastères sur le plateau tibétain avant 1958, dont 3 897 situés en dehors des frontières actuelles de la région autonome (soit 1645 pour celle-ci). Ils ajoutent, sur la foi d'archives chinoises, que dans les zones tibétaines faisant partie des provinces du Sichuan, Gansu, Yunnan, et Qinghai, de nombreux bâtiments monastiques furent démolis, d'autres furent simplement abandonnés et laissés sans entretien, d'autres encore furent reconvertis en écoles, entrepôts, voire en habitations[15].
SelonMary Craig, la destruction de la plupart des 6 000 monastères du Tibet s’est produite entre 1959 et 1961[16].
Selon le gouvernement tibétain en exil, après lesoulèvement tibétain de 1959, leNorbulingka fut frappé par environ 800 obus, tuant un nombre inconnu de Tibétains à l'intérieur et autour du palais[17]. Visitant le palais en 1962,Stuart et Roma Gelder le trouvèrent toutefois intact avec tout son contenu soigneusement conservé[18]. Selon le gouvernement tibétain en exil, les trois monastères majeurs de Lhassa — Séra,Ganden, etDrepung — furent gravement endommagés par les bombardements, les dégâts à Séra et à Drepung étant quasiment irréparables[17].
Des Tibétains fuyant ungénocide culturel au Tibet suivirent ledalaï-lama lors de son exil en Inde. Selon le rapport de laCommission internationale des juristes (CIJ) de 1959, des milliers de moines et de nonnes bouddhistes furent tués, torturés ou emprisonné[19]. Toutefois, la CIJ à l'époque faisait partie des organisations financées en sous main par la CIA dans le cadre de la guerre froide pour préparer des rapports de propagande contre la Chine[20],[21]
Dans son rapport de 1960, la CIJ accuse même la Chine de perpétrer ungénocide au Tibet, affirmant que des dizaines de milliers de personnes ont été tuées avec l'intention de détruire un groupe religieux, les bouddhistes[22]. Pour le professeurColin P. Mackerras, les « allégations » selon lesquelles les Chinois submergeaient le Tibet et étaient responsables de la mort d'1,2 million de Tibétains « sont à considérer avec le plus grand scepticisme ». Les chiffres de la population tibétaine obtenus par les recensements de laRPC de 1953 à 2000 attestent que depuis le début des années 1960, la population tibétaine s'accroit, probablement pour la première fois depuis des siècles. L'allégation par leGTE d'une réduction de la population, vaudrait donc pour les années 1950 mais serait très exagérée. Cependant, depuis les années 1960, la gestion du pays par la Chine a eu pour effet d'accroître et non pas de diminuer la population tibétaine, principalement en raison d'une modernisation qui a amélioré le niveau de vie et fait baisser le taux de mortalité dont celui des mères à l'accouchement et celui des enfants en bas âge[23].
Pendant larévolution culturelle, lesgardes rouges[24] ont infligé une campagne de vandalisme organisée contre les sites culturels dans l’ensemble de la RPC, y compris contre le patrimoine bouddhiste[25] Au début des années 1980, le journaliste américainFox Butterfield rapporte que des fonctionnaires chinois l’informèrent qu’avant 1959, il y avait 2 464 monastères au Tibet, et qu’après larévolution culturelle, il n’en subsistait plus que dix. Ils mentionnèrent notamment que l’un d’entre eux,Ganden, le troisième en importance et qui contenait 10 000 moines, avait tout simplement disparu[26].
SelonDavid Signer (de), depuis ces événements, environ la moitié des monastères détruits ont été restaurés et fonctionnent à nouveau[27]. Depuis les années 1990, l'ONGTibet Heritage Fund, créée parAndré Alexander, a pu restaurer24 bâtiments à Lhassa[28]. Sur les160 monastères affiliés aumonastère de Shéchèn, environ 30 ont été reconstruits[29]. LaSuisse a contribué financièrement pour une part importante à la restauration d'une partie du temple deRamoche à Lhassa au début des années 2000[30].
La littérature tibétaine, une des plus importantes d'Asie, a des origines millénaire. En vers ou en prose, orale ou écrite la littérature tibétaine aborde « tous les domaines du savoir : religion, médecine, histoire, philosophie »[31].
La littérature tibétaine a réellement débuté auVIIIe siècle avec la création de l'université monastique deSamye, qui visait à permettre la traduction en langue vernaculaire des nombreux textes sacrés bouddhiques écrits ensanskrit. Dans leur forme finale, établie entre lesXIVe et XVIIe siècles, ces textes forment respectivement les 108 volumes duKangyur, et son commentaire (Tengyur) en 224 volumes. Vers 950 fut créée une bibliothèque secrète dans lesGrottes de Mogao pour protéger les écrits bouddhistes. Ainsi lesAnnales et Chronique tibétaines découvertes au début duXXe siècle dans ces grottes de Mogao sont les plus anciens documents historiquestibétains connus, rédigés entibétain ancien.
Après 1980, la littérature tibétaine a connu une période d'essor. L'influence de la poésie chinoise (et de la poésie occidentale en traduction chinoise) a commencé à se faire sentir. En dépit de ces influences, critiques et éditeurs ont donné la priorité à des histoires et des poèmes conçus sur des fondements traditionnels. La plupart des œuvres récentes prennent la forme de poésie - il existe encore aujourd'hui moins de 25 romans modernes écrits en langue tibétaine.

L'architecture tibétaine a subi des influences orientales et indiennes, et reflète une vision profondément bouddhiste des choses. La roue bouddhiste, ainsi que les deux dragons, se voient sur presque chaque monastère du Tibet. Le plan deschörtens tibétains peut varier, allant des murs arrondis duKham aux constructions carrées, à quatre murs duLadakh.
L'architecture tibétaine est caractérisée par l'implantation fréquente des maisons et des monastères sur des sites élevés et ensoleillés face au sud, et par l'emploi combiné de la pierre, du bois, du ciment et de la terre comme matériaux. Les techniques de construction permettent de pallier la rareté des combustibles de chauffage : toits plats pour préserver la chaleur, et nombreuses fenêtres pour laisser entrer la lumière du soleil. Les murs ont habituellement un fruit de dix degrés à titre de précaution contre les tremblements de terre, fréquents dans cette région montagneuse.
Avec ses 117 mètres de hauteur et 360 mètres de largeur, lePalais du Potala est considéré comme l'exemple le plus important de l'architecture tibétaine. Ancienne résidence d'hiver dudalaï-lama, il contient plus d’un millier de pièces réparties sur treize étages, et abrite des portraits des dalaï-lamas passés et des statues du Bouddha. Il est divisé en un Palais Blanc extérieur, qui abritait les quartiers administratifs, et les Quartiers Rouges intérieurs, qui abritaient la salle de réunion des lamas, les chapelles, 10 000 sanctuaires et une vaste bibliothèque d'écrits bouddhistes.
Endommagé lors de la révolte de 1959, le Potala bénéficie depuis 1961 d'une protection forte du patrimoine national d’État chinois grâce à laquelle il a échappé au vandalisme lors de larévolution culturelle[32],[33],[34],[35]. Le Palais du Potala a été inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO en 1994, le Temple de Jokhang et le Norbulingka, l'ancienne résidence d'été des dalaï-lamas, ont été admis sur la liste en extension de ses sites.

La musique du Tibet reflète l'héritage culturel de la région himalayenne, centrée sur le Tibet mais aussi sur les régions où l’on trouve des groupes ethniquesTibétains : enInde, auBhoutan, auNépal ainsi qu’à l'étranger. La musique tibétaine est avant tout religieuse, reflétant l'influence profonde dubouddhisme tibétain sur la culture.
La musique tibétaine implique souvent des chants en languetibétaine ou ensanscrit, comme partie intégrante de la religion. Ces chants complexes, souvent des récitations de textes sacrés, sont également pratiqués lors de la célébration de divers festivals. Le chant yang, exécuté sans moment de mesure, est accompagné de résonance de tambours et à un niveau bas, de syllabes soutenues. Il existe également des styles spécifiques à diverses écoles de bouddhisme tibétain, comme la musique classique populaire desGelugpa, et la musique romantique desNyingmapa,Sakyapa etKagyupa.
Une autre forme de musique populaire est le style classiqueGar, qui est exécuté pour les rites et les cérémonies. La musiqueLu est un type de chansons qui présentent des vibrations glottales et aigües. Il y a aussi les chants épiques de héros du Tibet, comme l’épopée de Gesar de Ling.

Les représentations artistiques tibétaines sont intrinsèquement liées aubouddhisme tibétain et représentent ordinairement des divinités ou desBouddhas de diverses formes allant des statues de bronze et des sanctuaires, à desthangkas très colorées et desmandalas de sables colorés.
Lesarts Regong, nés dans lapréfecture autonome tibétaine de Huangnan, ont été inscrits en 2009 sur la liste représentative dupatrimoine culturel immatériel de l’humanité[36].

Unthangka (littéralement chose que l'on déroule) est une peinture sur toile caractéristique de la culture tibétaine. On en trouve de toutes les tailles, depuis les thangka portatifs jusqu'aux thangka monumentaux.
Lesthangka représentent généralement des diagrammes mystiques symboliques (mandala), des divinités dubouddhisme ou de la religionbön, ou encore des portraits dudalaï-lama. Ils sont destinés le plus souvent à servir de support à la méditation.
Amdo Jampa un étudiant deGendün Chöphel, connu pour son style photo-réaliste. Il a fait des portraits célèbres du dalaï-lama et du panchen-lama[37].
Lemandala est un diagramme symbolique pouvant servir de support à laméditation. Certains mandalas, très élaborés et codifiés, en deviennent semi-figuratifs, semi-abstraits.
Au Tibet, cet art est connu sous le nom dedul-tson-kyll-khor, expression qui signifie « mandala de poudres colorées »[38]. Les moines créent des mandalas de sable, qu'ils disposent sur une table plate surélevée après avoir tout d'abord dessiné le tracé de base. Le sable coloré est déposé soigneusement sur la table à l'aide du bout d'un entonnoir de métal connu sous le nom dechang-bu.
La construction du mandala est en elle-même une pratique spirituelle. Dans la salle d'autres moines méditent et prient afin de renforcer labodhicitta et ainsi bénir le mandala, qui sera offert aux Bouddhas et à l'Univers.
| Jour | Tibetain (Wylie) | Transcription phonétique | Objet |
|---|---|---|---|
| Dimanche | གཟའ་ཉི་མ་ (gza' nyi ma) | Sa nyi-ma | Soleil |
| Lundi | གཟའ་ཟླ་བ་ (gza' zla ba) | Sa da-wa | Lune |
| Mardi | གཟའ་མིག་དམར་ (gza' mig dmar) | Sa Mik-mar | Mars |
| Mercredi | གཟའ་ལྷག་པ་ (gza' lhak pa) | Sa Lhak-ba | Mercure |
| Jeudi | གཟའ་ཕུར་པུ་ (gza' phur bu) | Sa Phur-bu | Jupiter |
| Vendredi | གཟའ་པ་སངས་ (gza' pa sangs) | Sa Ba-sang | Vénus |
| Samedi | གཟའ་སྤེན་པ་ (gza' spen pa) | Sa ben-ba | Saturne |
Nyima « Soleil », Dawa « Lune » et Lhagpa « Mercure » sont des prénoms fréquemment donnés aux enfants nés respectivement un dimanche, un lundi ou un mercredi.
Le Tibet a divers festivals qui sont célébrés ordinairement en l'honneur du Bouddha.Losar est le Festival de Nouvel An tibétain. Il est suivi, dans le premier mois du calendrier tibétain, par le Festival de prière deMonlam au cours duquel beaucoup de Tibétains dansent et participent à des événements sportifs et des pique-niques.

C'est au Tibet qu'on parle le plus ces langues :

La cuisine tibétaine est assez différente de lacuisine que l'on retrouve dans les pays frontaliers. Ainsi peu de plantes poussent à de telles altitudes. On retrouve principalement de l'orge commune, avec laquelle on fait latsampa, la farine d'orge grillé, qui est l'aliment de base duTibet. On l'utilise pour en faire des nouilles ou desmomos.
Les plats de viande sont à base deyak,chèvre, oumouton, souvent sechés ou cuisinés dans un bouillon épicé avec despommes de terre[39].
Lesyaourts, lelait et lefromage de yack sont souvent au menu, un yaourt bien réalisé est considéré comme un mets de choix[40].
En 1993, dans la préface de l'ouvrage collectifTibet, l'envers du décor,Bernard Kouchner évoquait la disparition des Tibétains : « C’est clair : Pékin veut un Tibet non seulement chinois, mais un Tibet sans Tibétains »[41]. De même, en 1994,Samdhong Rinpoché, à l'époque président duparlement tibétain en exil, déclarait : « On ne parlera plus du Tibet comme appartenant aux Tibétains dans dix ans, car il n'y aura plus de Tibet »[42],[43].
Selon le14e dalaï-lama, la culture tibétaine risque de disparaître du fait d'une implantation massive de Han auTibet[44] Il a affirmé en 2007 que la culture tibétaine pourrait s'éteindre d'ici à 15 ans si lesnégociations sino-tibétaine n'aboutissaient pas[45] Lors d'une visite au Japon en, il a déclaré : « Les Tibétains sont condamnés à mort. Cette ancienne nation et son héritage culturel sont en train de mourir. Aujourd'hui, la situation est presque similaire à une occupation militaire de tout le territoire tibétain. C'est comme si nous étions sous la loi martiale. La peur, la terreur et les campagnes de rééducation politique causent beaucoup de souffrances »[46]. Lors destroubles au Tibet en mars 2008, il accuse laChine de pratiquer ungénocide culturel au Tibet[47].
Selon le journaliste chinoisWen Mu, l'idée selon laquelle « la culture et la tradition tibétaines sont en voie d'extermination et de disparition » ne cadre pas avec la réalité. Le Tibet compte plus de 46 000 moines, soit un moine par dizaine d'habitants, pourcentage rarement vu. On voit partout desjingfan (bannières canoniques), desmanidui (tas de pierres érigés au sommet d'une montagne, au croisement de routes, etc., et utilisés comme autels). La plupart des familles tibétaines croyantes ont une chapelle ou une niche abritant la statue du Bouddha. La vie religieuse est riche et variée : prosternation à terre en signe d'hommage et d'adoration au Bouddha, brûlage d'encens très tôt le matin, pèlerinage dans les temples, circumambulation des lieux de culte en tenant à la main un moulin de prière et en récitant le canon bouddhique, etc.[48].
Serge Koenig, vice-consul de France àChengdu (Sichuan), partant d'une comparaison avec la situation française, s'affirme« beaucoup moins beaucoup moins pessimiste sur le maintien de l’énorme héritage culturel tibétain, qui tient à cœur à beaucoup de monde »[49].
En 2008, le professeurRobert Barnett, directeur du « programme des études tibétaines modernes » à l'université Columbia aux États-Unis, déclare « qu'il faut en finir avec l'idée que les Chinois sont mal intentionnés ou qu'ils essaient d'anéantir le Tibet »[50].
Il explique ses doutes dans la revueNew York Review of Books, à l'occasion du compte rendu d'un livre dePico Iyer :Why, if Tibetan culture within Tibet is being "fast erased from existence", (do) so many Tibetans within Tibet still appear to have a more vigorous cultural life, with over a hundred literary magazines in Tibetan, than their exile counterparts? (« si la culture tibétaine à l'intérieur du Tibet est en train d'être prestement annihilée, comment se fait-il que tant de Tibétains de l'intérieur paraissent malgré tout avoir une vie culturelle plus dynamique – à preuve la centaine de revues littéraires en tibétain – que celle de leurs homologues exilés ? »)[51].
Selon les tibétologuesAmy Heller etAnne-Marie Blondeau, il faut distinguer entre la politique culturelle officielle, son application et la façon dont elle est perçue au quotidien sur le terrain. Lors de la Révolution culturelle, partout en Chine les valeurs culturelles ont été détruites, mais au Tibet ces destructions ont été particulièrement importantes. Or la culture au Tibet était essentiellement liée à la religion, principalement bouddhique, et aux structures sociales. Ainsi de nombreuses manifestations culturelles ont disparu ou ont été dénaturées. Par ailleurs le gouvernement chinois a comme objectif la « laïcisation des Tibétains, ce qui est complètement antinomique avec la culture tibétaine traditionnelle ». C'est pourquoi si les fêtes populaires sont autorisées, c'est « pour en faire de simples manifestations folkloriques[52] ».
Selon l'ethnomusicologue Nathalie Gauthard, legouvernement tibétain en exil s'efforce de construire une culture qui se veut homogène et traditionnelle, regroupant langage, religion, arts du spectacles (danses) et artisanat en une seule entité. Ce« désir de créer "une tradition tibétaine pure", va de pair avec une projection fantasmée des pays occidentaux qui tend à croire encore au "Paradis perdu" que seul, le Tibet aurait su préserver, pour ne pas avoir été colonisé par l'Occident. ». Prenant l'exemple des « Danses sacrées du Tibet » exécutées devant un public français au Théâtre du Soleil en par des moines dumonastère de Shechen et présentées comme« issues d'une "tradition" immuable et "authentique" », l'auteur fait remarquer que l'emploi des termes de « théâtre » et de « danse traditionnelle »« figent dans le temps une expression artistique qui, par nature, est en mouvement », surtout lorsqu'elle estadaptée au regard des spectateurs français[53].
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