La plupart des chercheurs associent l'horizon d'Andronovo aux populations indo-européennes et en particulier aux locuteurs des premièreslangues indo-iraniennes, bien que celui-ci ait peut-être chevauché dans ses franges septentrionales la région duproto-ouralien[1].
L'ensemble des sites d'Andronovo est lié au groupe culturel du sud de la Russie dit « aux tombes de bois » (Sroubna) et ces deux ensembles sont les branches du bloc culturel indo-iranien. Les populations d'Andronovo étaient aussi les ancêtres des nomades Karassouk qui habitèrent plus tard l'Asie centrale et les steppes de Sibérie méridionale[2].
Les fouilles archéologiques dans l'Oural et enAsie centrale n'étaient pas ouvertes aux chercheurs occidentaux pendant laguerre froide (jusqu'en 1991), en raison des nombreuses zones militaires parsemant la région[3].
Le site éponyme de cette culture, Andronovo, situé entrePerm etOufa, près du versant occidental de l'Oural, a été découvert en 1914 (55° 53′ N, 55° 42′ E)[4]. On y a découvert dans des cimetières dekourganes des squelettes en position accroupie. Bien que les tombes centrales aient été pillées, on peut se faire une idée des dépôts funéraires qui sont en grande partie des céramiques avec quelques ornements, amulettes en canines d’animaux, bracelets en forme de gouttière…
La culture d’Alakul, découverte dans les années 1940 et 1950, à l'est près du village de Fiodorovo et à l'ouest près du lac d'Alakul au Sud de l'Oural, possède des rituels et des céramiques qui lui sont propres mais qui correspondent aussi aux aspects spécifiques des cultures d'Andronovo de l'est et de l'ouest. On y pratique majoritairement l’inhumation ; lacrémation y est très rare et en dehors de l’aire habitée[5]. Le défunt est en position repliée, couché sur le côté gauche et les mains sur le visage. Des sacrifices d’animaux sont possibles, mais comparés aux périodes précédentes les ossements sont disposés différemment et de nature différente. Ils possédaient des outils et des armes de bronze de qualité, et de formes typiques[6].
Un cimetière et des traces de peuplement de l’une des tribus Andronovo ont été découverts en 1984 àLissakovsk, auKazakhstan.
La culture d'Andronovo désigne en fait un ensemble de cultures, un horizon archéologique de l'Âge du bronze, pour l'essentiel entre 1800 et[7]. Ces cultures font suite à laculture d'Afanasievo (vers 3250 -). Laculture de Sintachta (2100 - 1800) (qui possédait déjà des outils et des armes de bonne facture[8]), autrefois incluse dans la culture Andronovo, en est maintenant séparée, mais fait partie de son horizon culturel. Laculture du Karassouk (1500 - 800) l'a remplacée, dans la partie la plus à l'est de son espace d'expansion, jusqu'à l'Altaï, en Mongolie de l'Ouest, et sur les frontières du Xinjiang, dans lesTian Shan[9].
Les sous-ensembles culturels désignent aujourd'hui :
Alakul (2000 –), contemporaine et voisine (à l'est) de la famille descultures de Sroubna (situées plus sur la face Ouest de l'Oural). La culture d'Alakul est considérée comme la composante principale de la famille Andronovo[10]
Fiodorovo[11] (1700 – ?) (découvert en 1940). Les indices de sa présence se retrouvent jusqu'auXinjiang[9]
Cette culture de la Sibérie méridionale, pour une part située entre leDon et leIenisseï, a été relativement uniforme dans cette vaste zone.
La mobilité liée aupastoralisme trouve son origine dans l'aridité croissante de la région à partir de, qui entraine une réduction des forêts au profit des steppes, et les sites habités se retrouvent dans des zones de steppes[13]. Le pastoralisme en découle comme adaptation à un nouveau contexte, qui n'excluait pas la perpétuation de la culture du blé et de l'orge, lesquels se sont ainsi transmis vers l'Est. L'usage du cheval, du char et des accessoires métalliques découlent de cette mobilité, avec la découverte de nouvelles ressources de métaux dans l'est de l'Oural. Cette période d'expansion est surtout le fait de la vaste culture d'Andronovo et de celle deSeima-Turbino (2100 - 2000) qui l'a précédée de peu. Elle correspond surtout à la période 2000 - 1800. Les nouvelles mines de l'est de l'Oural étant auKazakhstan, le déplacement s'est effectué vers l'Est et des contacts ont alors eu lieu avec les habitants des oasis d'Asie centrale, du type deTianshanbeilu (vers 2000 -).
La culture Andronovo se composait à la fois de communautés installées dans de petits villages et de communautés plus mobiles. Ce sont de petits villages fortifiés pouvant pratiquer l'irrigation[14] Les fortifications sont constituées de fossés, avec des berges en terre et des palissades en bois, dont une vingtaine a été découverte. Les villages d'Andronovo contiennent généralement environ deux à vingt maisons, mais des colonies contenant jusqu'à cent maisons ont été découvertes.
L'habitat était composé de grandes maisons de bois, à demi enterrées. Les maisons d'Andronovo étaient généralement construites en pin ou enbouleau et étaient généralement alignées sur les berges des rivières. Les maisons plus grandes mesurent entre 80 et 300m2 et appartenaient probablement à des familles élargies, une caractéristique typique des premiersIndo-Iraniens[15].
Dans les phases anciennes, l’habitat est constitué de petits villages fortifiés. Avec le temps, ces fortifications disparaissent, l’habitat s’organise, et les villages deviennent circulaires. Les pasteurs de cette culture seraient les premiers à avoir employé une forme primitive deyourte[16].
Les porteurs de cette culture pratiquaient l’agriculturecéréalière (blé etorge) et un élevage sédentaire, qui devint transhumant dans les phases récentes. Le bétail d'Andronovo comprenait des bovins, des chevaux, des moutons, des chèvres et deschameaux. Leporc domestique est notamment absent, ce qui est typique d'une économie mobile. Le pourcentage de bétail parmi les vestiges d'Andronovo est nettement plus élevé que chez leurs voisins de l'ouest de laculture Sroubna[15].
Lamétallurgie était très développée et la culture Andronovo est remarquable pour les progrès régionaux de la métallurgie. Les populations ont exploité des gisements de minerai de cuivre dans les montagnes de l'Altaï vers leXIVe siècle av. J.-C. Les objets en bronze sont nombreux et des ateliers de travail du cuivre existent[17]. Les Andronoviens habitaient un territoire riche en minerais divers, qu’ils exportaient, notamment chez les populations proto-urbaines deTurkménie (culture de Namazga) et deBactriane (Complexe archéologique bactro-margien). Ils pratiquaient activement la métallurgie dubronze.
L'usage du bronze diffère par rapport aux cultures du bronze voisines, comme laculture de Sroubna : celle-ci, comme les précédentes, n'employait le bronze que pour des outils et des ornements. Les armes en bronze apparaissent dans la famille Andronovo, à côté d'ornements féminins qui sont semblables à ceux des femmes kazakhes actuelles.
Le mobilier archéologique des tombes est caractérisé par des poteries à fond plat. Lapoterie est assez élaborée auxXVe – XIIIe siècles, autour de deux styles différents, émanant de deux centres artisanaux, Alakul et Fedorovo. La céramique comportait des bols et des pots larges (en forme de pot de fleurs) à fond plat, lissée, et décorée de motifs géométriques : triangles, losanges et méandres.
Lecheval était très répandu, et les tribus d’Andronovo étaient des spécialistes dans son élevage. Ils l’utilisaient notamment pour tracter des chars à deux roues dont on a retrouvé des exemples dans des nécropoles (ils constituent les plus anciens exemplaires de chars retrouvés[18]). L'usage de chariots semble néanmoins décroitre avec le nombre de sacrifices de chevaux[19].
La culture d’Alakul pratique surtout l’inhumation alors que celle de Fedorovo privilégie la crémation. La société semble être divisée en plusieurs classes, et était dominée par des guerriers-conducteurs de chars. Les enterrements étaient accompagnés de bétail, de véhicules à roues, de plaques de joue pour chevaux, d'armes, de céramiques et d'ornements. Parmi les vestiges les plus remarquables figurent les sépultures de chars, datant d'environ et peut-être plus tôt. Les chars sont trouvés avec des équipes de chevaux jumelés, et l'enterrement rituel du cheval dans un culte « tête et sabots » a également été trouvé[15]. Certains morts d'Andronovo ont été enterrés par paires, adultes ou adultes et enfants[20].
Les pratiques religieuses sont connues par l’archéologie. On pratiquait beaucoup de sacrifices, au cours de rituels dont l’archéologie a retrouvé la trace. Le feu et l’eau semblent aussi avoir été l’objet d’un culte important. Des sanctuaires des tribus d’Andronovo ont été retrouvés, notamment à Saimaly-Tach etTamgaly. Ils sont situés dans des régions montagneuses. De nombreuxpétroglyphes ont été gravés sur la roche. Ils représentent des scènes de guerre, de chasse, mais aussi des rituels. On y a retrouvé les traces d’un culte dusoleil, représenté paranthropomorphisme. Il a été identifié àMithra, le dieu-soleil desIndo-Iraniens, particulièrement important pour lespeuples des steppes.
Plusieurs échantillons d'ADN autosomal provenant des tombes de laculture d'Afanasievo ont pu être étudiés et publiés en 2015. Ils révèlent que les génomes de cette population sont remarquablement identiques à ceux de laculture Yamna, contemporaine dans lasteppe européenne à plusieurs milliers de kilomètres de là. Ces échantillons ont aussi permis de déterminer que la culture d'Andronovo, plus tardive en Asie centrale et avec également de fortes caractéristiques culturelles et anthropologiques indo-européennes, a certes une population génétiquement très proche de celle de la culture d'Afanasievo, mais qu'elle n'en est pas issue.
La culture d'Andronovo est en fait issue de laculture de Sintachta, elle-même directement issue d'une migration provenant de laculture de la céramique cordée enEurope du centre-nord, qui est une autre culture indo-européenne également issue de laculture Yamna[a]. La culture d'Andronovo est donc le fruit d'une seconde vague de migration de l'Europe vers l'Asie centrale, indépendante de celle qui avait engendré la culture d'Afanasievo. Les haplotypes Y trouvés dans la culture d'Andronovo le confirment également puisqu'ils sont majoritairementR1a, comme ceux de laculture de la céramique cordée enEurope centrale[21],[22].
Du Néolithique à l'Âge du bronze en Chine et dans la steppe eurasienne[23]
Selon des recherches publiées en 2012[24], la culture d'Andronovo, ainsi que les précédentes comme Seima-Turbino (2100 - 2000) et la culture d'Afanasievo (3250 - 2500)[b],[c], devenues des cultures de pasteurs nomades[d], sont entrées en contact permanent[e] avec les populations de l'Est du Xinjiang (Tianshanbeilu (2000 - 1550), et d'autres régions proches duLob Nor ainsi que les zones du Nord-Ouest de ce qui constitue aujourd'hui laChine,cultures de Qijia (2200 - 1600) etSiba (1900 - 1500)[f], et dans celles deZhukaigou (2000 - 1400) et duXiajiadian inférieur (2000 - 1400), enMongolie-Intérieure.
Elles y ont apporté des objets de bronze reconnaissables (des couteaux à boucle sur le manche, des parures) et certains aspects de leur technologie du bronze dans des régions qui en possédaient les minerais. Des artisans locaux ont ainsi appris à fabriquer les premiers objets de bronze trouvés en Chine, en particulier dans laculture de Qijia. Assez rapidement les sites d'Erlitou et ceux de laculture d'Erligang montrent que d'autres artisans se sont spécialisés, qu'ils ont appris à réaliser des armes dans des moules en deux parties, puis, dans des réalisations de bronze d'une technologie plus complexe, des objets de prestige liés aux rites que pratique l'élite de l'âge du bronze chinois, en particulier ladynastie Shang et qui n'ont plus de liens apparents avec la culture d'Andronovo.
L'origine de cette culture semblait en 2014 provenir d'un assemblage dans lequel laculture de Sintachta domine. Elle est aussi peu distincte de laculture Sroubna[g]. La culture de Sintachta (2100 - 1800), qui possédait déjà des outils et des armes de bronze de bonne facture, autrefois incluse dans la culture Andronovo, en est maintenant séparée, mais fait partie de son horizon culturel. Le problème principal concernant cette région tient au fait que les groupes humains qui l'ont habitée alors, ont été en relation avec ceux des territoires voisins, tant vers l'ouest de l'Oural que vers l'Est, jusqu'auXinjiang.
Pour ce qui est de l'ouest de la steppe forestière, de l'ouest de la Sibérie, lescultures de Seima-Turbino ont légèrement précédé les cultures d'Andronovo et sont entrées en contact avec elles. Les cultures d'Andronovo (2100 - 1500) sont donc aussi associées, aux cultures de Seima-Turbino » (2100 - 1800)[25] et appartiennent à l'ensemble de la métallurgie eurasienne dont l'origine est située dans l'ensemble métallurgiquecircumpontique, dont les sites Yamnaya (3300 - 1900)[26] : bassin qui se déverse sur lamer Noire et lamer Caspienne[27]. Les métaux d'Andronovo contenaient en général des alliages d'étain dont la production s'est appuyée sur les oxydes de cuivre du centre du Kazakhstan et les dépôts decassitérite de l'Est duKazakhstan et de l'Altaï[28]. Ceci a conduit les archéologues à se référer à l'Ouest ou à l'Est de l'Oural. Par ailleurs il n'y a pas de chronologie unifiée entre les deux systèmes qui se sont construits pour l'âge du bronze, l'un à l'Ouest, européen (plus précisément balkanique et mycénien) et l'autre à l'Est (Chinois), le premier donne des dates plus anciennes que le second. Malgré tout, la trame chronologique de la province circumpontique est bien définie (3300-1900av. J.-C.), et la limite entre le premier âge du bronze et le bronze moyen est aujourd'hui (en 2007) situable entre 2700-2600[29]. Les problèmes de chronologie se rencontrent aussi pour ces périodes de transition entre le dernier âge du bronze et le premierâge du fer, de nombreuses cultures de ce type ayant été des producteurs et utilisateurs de bronze alors qu'elles correspondent à l'âge du fer.
↑La population de laculture de la céramique cordée est aussi en grande partie issue génétiquement de celle de laculture Yamna, mais elle a un faible mélange avec d'autres populations européennes qui lui confèrent unesignature génétique qui permet de la différencier des échantillons de la culture Yamna, et cette signature se retrouve dans les échantillons des cultures de Sintashta et d'Andronovo mais pas dans ceux de la culture d'Afanasievo
↑Cette culture présente une distribution des sites de ses anciens cimetières qui ressemble à celle des cultures des steppes eurasiennes. Celles-ci sont devenues de plus en plus mobiles et pratiquant le pastoralisme, comme lesYamnaya à l'Ouest de la mer Caspienne au cours de cette époque : Anthony, David,The Bronze Age and Early Iron Age Peoples of Eastern Central Asia, the University of Pennsylvania Museum, Philadelphie, 1998: 102-3, cité par :Li Liu and Xingcan Chen 2012,p. 333