



Lacuisinenapolitaine possède des racines qui remontent à l'Antiquité grecque etromaine. Elle a été enrichie, au cours des siècles, par l'apport des différentes cultures qui ont, tour à tour, dominé la ville et son arrière-pays. La créativité des Napolitains eux-mêmes a été cruciale dans le développement d'une variété de plats et de recettes qui composent aujourd'hui le patrimoine culinaire parthénopéen.
Du fait du rôle de capitale duroyaume de Naples joué par la ville, la cuisine napolitaine a également intégré une grande partie des traditions culinaires de laCampanie, produisant ainsi un juste équilibre entre les ingrédients d'origine terrestre (comme lespâtes alimentaires, leslégumes, lesproduits laitiers) et ceux venus de la mer (poissons,crustacés oumollusques).
À la suite des dominations espagnole et française s'est créée une démarcation entre cuisine aristocratique et cuisine populaire[1]. La première, caractérisée par des plats élaborés d'inspiration étrangère, copieux et préparés avec des ingrédients coûteux (timballi,sartù di riso), la seconde liée aux ingrédients terrestres :céréales,fèves,légumes, comme la très populaire recette despasta e fagioli.
À la suite des réinterprétations et appropriations intervenues au cours des siècles, intégrant progressivement des éléments de la culture culinaire plus noble, la cuisine napolitaine possède aujourd'hui une très large gamme de plats dont certains, bien que préparés avec les ingrédients les plus simples, apparaissent extrêmement raffinés.
Nonobstant les apports allogènes intervenus au cours des siècles, y compris lesiècle passé, la cuisine napolitaine conserve encore aujourd'hui un répertoire de plats, d'ingrédients et de recettes qui constitue une entité culturellement unique.

Les trouvailles archéologiques apportent parfois des informations sur les traditions culinaires de la périodegréco-romaine. Parmi les indices concernant les goûts de la période classique, on peut citer plusieurs plats d'origine grecque représentant des poissons et des mollusques, indiquant que ces produits de la pêche étaient consommés à l'époque. Plusieurs fresques dePompéi représentent des corbeilles de fruits,figues,grenades. À l'intérieur de lavilla Poppaea se trouve une peinture représentant un dessert dont il n'est pas possible de deviner la composition.
On peut probablement faire remonter augarum de l'époque romaine lacolature d'anchois, typique deCetara, une réminiscence des préparations aigres-douces caractéristiques de la cuisine d'Apicius et desantiques Romains, tout comme l'usage d'ajouter desraisins secs à des recettes salées, comme lapizza di scarola ou lesbraciole al ragù. Le termescapece, définissant une préparation typique de courgettes auvinaigre et à lamenthe, pourrait provenir dulatinex Apicio[2].
L'emploi dublé dans la préparation de lapastiera, un dessert typique préparé pour la fête dePâques, pourrait avoir une signification symbolique liée au culte deCérès et aux rites païens célébrés durant la période de l'équinoxe de printemps[3]. Lesstruffoli de Noël prennent leur nom du motgrec στρόγγυλος,stróngylos, qui signifie « de forme ronde[4] ». Le motpizza, enfin, dérive probablement depinsa, participe passé du verbelatinpinsere[5], qui signifie « aplatir ». Lapinsa désigne d'ailleurs encore aujourd'hui une pâte aplatie analogue à la pizza et consommée dans la région de Rome.
Lucullus possédait à Naples, entre le Monte Echia (aujourd'hui Pizzofalcone) et l'îlot de Megaride, un splendide palais où se dresse aujourd'hui lecastel dell'Ovo. La villa était entourée par la mer et Lucullus avait fait construire, dans les environs, des viviers destinés à l'élevage des poissons, et en particulier desmurènes, qui figuraient au menu des somptueux banquets organisés par le maître de maison.
C'est àNaples, au début duXIVe siècle, qu'a été composé, en latin, à l'initiative d'un courtisan du roiCharles II d'Anjou, l'un des plus anciens livre de recettes connus à ce jour[6], leLiber de coquina. Le livre contient des recettes provenant de différentes cours princières et royales, principalement françaises et napolitaines, mais intègre également des influences arabes et espagnoles, ainsi que des autres régions d'Italie. Une partie du recueil est consacré aux légumes :
« Mettre lespois chiches à tremper pendant une nuit dans une lessive de soude bien salée[7].
Le lendemain matin, rincer abondamment avec de l'eau tiède.
Mettre à cuire dans de l'eau tiède et, à la fin de la cuisson,
assaisonner avec du sel, de l'huile ou un autre genre de matière grasse. »
— Anonyme duXIVe siècle, Liber de coquina.

Parmi les premiers auteurs à retranscrire des recettes napolitaines, on trouveCristoforo da Messisbugo, familier de laMaison d'Este et promu comte palatin parCharles Quint, en 1533. Il rapporte une recette de macaronis à la napolitaine :
« Pour faire dix assiettes de macaroni à la napolitaine
Prends huit livres de fleur de farine et lamollena[8] d'un gros pain mouillé dans de l'eau rougie, quatre œufs frais et quatre onces de sucre.
Mélange bien tout cela pour obtenir une pâte que tu malaxeras un bon moment.
Puis, tu en feras des boules, plutôt grosses que fines,
que tu tailleras en lanières étroites et longues. Et tu les laisseras reposer et durcir.
Puis tu les plongeras dans un bouillon gras bouillant et tu les serviras dans des assiettes,
ou sur des chapons, canards ou autres, avec du sucre et de la cannelle, dedans ou dessus.
Pour les jours maigres[9], tu les cuiras à l'eau, sans gras, ou avec du beurre frais si tu le souhaites. »
— Cristoforo da Messisbugo, Banchetti composizioni di vivande e apparecchio generale.
Plus tard, mais toujours auXVIe siècle,Bartolomeo Scappi, cuisinier du pape, fera également référence à la cuisine napolitaine. Il évoque, entre autres, la recette, « pour faire la tourte royale au pigeon, appelée par les Napolitainspizza di bocca di dama (de bouche de dame) » ou bien « pour faire des gâteaux de diverses sortes, appelées pizzas par les Napolitains ».
À cette époque, le terme « pizza » ne se référait pas forcément à la préparation que nous connaissons aujourd'hui[10].
La cuisine napolitaine de la fin duXVIe siècle est documentée dans lePortrait de Naples (Ritratto di Napoli) de Giovan Battista del Tufo (1588)[11]. Les ingrédients les plus représentés sont les fruits et les légumes, particulièrement lesbrocolis, agrémentés desardines, d'ail sauté et de jus decitron. Lepoisson est également très présent et laviande, préparée avec des ingrédients aigres-doux comme lesprunes, l'ail, lesraisins secs et lespignons de pin[12],amandes etcannelle. Très usités également, lesproduits laitiers, lespâtes de toutes sortes et de nombreux types devins encore produits de nos jours, comme l'Aglianico, leFiano di Avellino et l'Asprinio.

AuXVIIe siècle, le peuple de Naples souffre de la faim, et lemât de Cocagne, avec ses prix en nature (pain, fromages, charcuteries, viandes) devient l'élément central des festivités que la noblesse concède aux plus pauvres : « festa farina e forca » (« Fête, farine et potence ») sont les trois fondements du gouvernement de l'époque. Entre leXVIe siècle et leXVIIe siècle, les goûts alimentaires évoluent avec la diffusion des produits importés d'Amérique :tomates,pommes de terre,poivrons,cacao,dinde[13], tandis que, progressivement, le goût des préparations aigres-douces s'estompe.
Avec l'expansion démographique de la ville, les Napolitains, autrefois surnommésmangiafoglie (« mange-feuilles »), deviennent lesmangiamaccheroni (« mangeurs de macaronis »), privilégiant peu à peu les ingrédients qui peuvent se conserver longtemps à ceux plus périssables. Lespâtes alimentaires sont travaillées dans des formes variées, à l'origine des formats les plus populaires :vermicelles,perciatelli (bucatini),pàccari (paccheri) etziti.
À la fin du siècle, l'auteur Antonio Latini présente des exemples de cuisine napolitaine, comme laminestra di foglia alla napoletana :
« On prend une poule et on la met à cuire avec la viande de vache, quand celle-ci est plus qu'à moitié cuite, pour que la poule ne se défasse pas. On y ajoute des langues de porc salées, mais bouillies, de la viande salée qu'on a auparavant mise à tremper, un salami, un morceau de filet, un morceau de ventrèche de porc, os à moelle, un morceau de lard et son sel, à proportion et quand les choses susdites seront cuites, tu mettras le bouillon que tu auras recueilli dans une poêle, en taillant les choses susdites en tranches et la poule encore, ou un chapon. Réservant tout, tu mettras dans le bouillon un tiers de tout ce que tu as détaillé en tranches et tu y ajouterastorzi farcis, des courges et des oignons tout pareillement farcis de veau haché battu avec des jaunes d'œufs et un peu de mie de pain mouillée de bouillon, des raisins secs, des pignons de pin, au bon moment, raisins verts et la farce que tu auras faite servira à remplir toutes les choses susdites avec les épices habituelles et les herbes aromatiques. Tu pourras aussi y ajouter de la laitue ou de la scarole farcie ; tu pourras accommoder la viande qui sera restée de côté dans une poêle ou un autre récipient, entrelardée de tranches fines defianchetto ripieno, avec lazizza[14] bouillie auparavant, une saucisse coupée dans sa longueur (enlève la peau), des tranches très fines de fromage parmesan, des champignons deGênes, d'abord dessalés et bouillis avec des os à moelle (ossa mastre), en surveillant le bouillon qui, s'il est bon, fera une bonne soupe… »
— Antonio Latini, Lo scalco alla moderna[11].
AuXVIIIe siècle, l'influence de la culturefrançaise se répand dans toute l'Europe, ainsi que ses habitudes culinaires. À la cour desBourbons de Sicile, on voit arriver des cuisiniers français, lesmonzù (napolétanisation de « monsieurs ») et des plats typiques de la cuisine napolitaine prennent des noms français :ragù (« ragoût »),gattò (« gâteau »),crocchè (« croquettes »). Un des plus grands cuisiniers à se distinguer dans les cours napolitaines, entre leXVIIIe siècle et leXIXe siècle, a étéVincenzo Corrado, auquel on doit le développement des recettes detimballi et d'autres préparations élaborées, notamment de viandes et de gibier, ainsi que des descriptions de somptueux banquets.
En 1773,Vincenzo Corrado écritIl cuoco galante[11] dans lequel on retrouve nettement l'influence française dans la cuisine napolitaine. Outre les goûts alimentaires, l'esthétique du dressage prend une certaine importance et Corrado insiste sur la décoration et la manière de dresser la table pour les banquets. L'œuvre de Corrado présente également différentes recettes desorbets, ainsi que le café qui, à la différence de l'expresso, était bouilli dans des cafetières spéciales.

AuXIXe siècle, la bourgeoisie prend de l'importance. C'est dans ses cuisines que vont se conjuguer la tradition culinaire d'origine populaire et le raffinement de la cuisine nobiliaire. C'est le moment où les personnages typiques de l'iconographie napolitaine deviennent célèbres[17], comme lemaccaronaro, lesorbettaro, lefranfelliccaro (vendeur de bonbons, de barbe à papa et autres confiseries artisanales), l’acquaiolo, lemellonaro, l‘ostricaro. La première usine de pâtes alimentaires est inaugurée parFerdinand II des Deux-Siciles, en 1833[18], et la production devient significative àPortici,Torre del Greco,Torre Annunziata etGragnano, dans les zones où le climat favorise ladessiccation naturelle des pâtes.
Les meilleures recettes de cuisine napolitaine duXIXe siècle sont couchées sur le papier par Ippolito Cavalcanti, duc deBuonvicino, qui publie, en 1837, la première édition de saCucina teorico-pratica, à laquelle il ajoute, dans la seconde édition (1839), un appendice intituléCusina casarinola co la lengua napolitana[19].
Dans laCucina apparaît la recette duragù[20] traditionnel.
Matilde Serao nous fournit les premières informations sur les recettes des classes les plus pauvres de la population de Naples. Dans son ouvrage, intituléVentre di Napoli, elle décrit des recettes populaires, comme lazuppa dimeruzze et lazuppa di freselle, faite avec un bouillon de poulpe.
Avec ses deux guerres mondiales, leXXe siècle introduit des changements profonds dans la vie des Napolitains, ainsi que les inévitables répercussions sur les traditions culinaires. Les restrictions qui accompagnent les périodes de conflit imposent aux plus démunis l'usage d'ingrédients d'ordinaire mis au rebut, comme les gousses de fève et de pois[21].
Avec lemiracle économique italien et le développement des communications s'ouvre une période d'échanges avec les autres traditions culinaires italiennes et avec la cuisine internationale. Alors queMcDonald's installe ses boutiques à Naples et que les plats préparés envahissent les rayons des supermarchés, les nutritionnistes commencent à réévaluer lesrégimes méditerranéens, dont la cuisine napolitaine traditionnelle, avec sa richesse en glucides, en légumes, poissons et huile d'olive, peut être considérée comme un des meilleurs exemples[22].
LeXXe siècle est aussi le siècle pendant lequel les plats les plus célèbres de la cuisine napolitaine vont se diffuser à l'ensemble de la planète :spaghettis,pizza, avec des adaptations et des variantes qui, à leur tour, reviennent vers Naples, où quelques pizzerias, par exemple, ont commencé à servir de la pizza à l'ananas.
L'identité de la cuisine napolitaine reste cependant solide et la créativité culinaire des Napolitains continue à alimenter les livres de cuisine, avec, par exemple, la création, en 1978, de ladelizia al limone.
Le début du nouveau millénaire est marqué par l'internationalisation des échanges dont on continue à observer les répercussions sur la cuisine napolitaine, comme l'usage du poisson cru, dans une interprétation napolitaine dusushi japonais. Plusieurs chaînes de restauration proposent maintenant des cartes exclusives de cuisine napolitaine dans toute l'Italie, et également à l'international.
Il existe une grande variété depâtes alimentaires utilisées dans la cuisine napolitaine, qui préfère les pâtes de semoule de blé dur, de production industrielle, à celles faites à la maison, plus communes dans l'arrière-pays et dans les autres régions d'Italie[23]. La production de masse des pâtes napolitaines remonte au moins auXVIe siècle, quand se trouvèrent réunies les conditions idéales pour les faire sécher et les conserver[24]. À Naples, le temps de cuisson des pâtes est très important et elles doivent être cuitesal dente, surtout si elles doivent ensuite être cuisinées à la poêle.
Parmi les variétés les plus répandues, on trouve, outre les plus classiques (spaghettis,linguine etbucatini), des formes locales typiques, comme lespaccheri et lesziti, qui sont traditionnellement brisées à la main avant d'être cuites et accommodées avec leragù.
Pour la préparation des pâtes avec desféculents, on utilise aussi lapasta mista (pasta ammescata), qui était autrefois vendue à un prix plus bas, car constituée des chutes provenant de la fabrication d'autres formats de pâtes (elle est aujourd'hui fabriquée et proposée comme un produit à part). On se doit de mentionner également lesgnocchi, préparés avec un mélange defarines deblé et depommes de terre. Il existe également des formes de pâtes moins traditionnelles, mais très répandues de nos jours, comme lesscialatielli[25].

La tomate (pomodoro), originaire duNouveau Monde, a été importée enEurope par lesEspagnols auXVIe siècle, mais elle a été ignorée, du point de vue alimentaire, pendant près de deux siècles[26]. Ce n'est qu'entre la fin duXVIIIe siècle et le début duXIXe siècle que lasauce tomate s'est imposée dans de nombreuses recettes et que la culture de la tomate s'est répandue, jusqu'à devenir une des plus importantes productions agricoles de Campanie. Parmi les variétés les plus célèbres à Naples, on peut citer la tomateSan Marzano dell'Agro Sarnese-Nocerino, quasiment disparue à la fin duXXe siècle et récemment remise en culture, ainsi que lepomodorino del Piennolo del Vesuvio, qui se conserve longtemps quand il est cueilli en grappes que l'on pend au balcon ('o piennolo).
C'est à Naples que se sont développées les conserveries qui exportent dans le monde entier les tomates pelées (les célèbrespelati), ainsi que le concentré de tomates. Les techniques ménagères pour en faire des conserves sont variées : conserves de tomates en bouteilles, en morceaux ou moulinées, pour être toujours prêtes aux usages les plus variés, en passant par le concentré (la conserva,) pour lequel les tomates sont réduites jusqu'à obtenir une pâte sombre et veloutée.

Les plats basés sur les produits maraîchers de laCampanie, comme laparmigiana ou lespeperoni ripieni (« poivrons farcis »), peuvent occuper une place centrale sur les tables napolitaines. Parmi les produits maraîchers les plus typiques, on peut citer lebrocoli-rave, lachicorée endive, normale ou frisée, diverses variétés debrocolis, laverza, ou chou de Milan, leslégumes à potage et lespuntarelle (chicorée-asperge). Tous les types deféculents sont très répandus.
Lescourgettes sont très utilisées en cuisine ; les plus grosses sont préparéesa scapece, frites et assaisonnées au vinaigre et à la menthe. Les fleurs mâles des courgettes peuvent être préparées frites dans une pâte à beignet. Ce sont des alternatives très appréciées auxsciurilli, qui sont des fleurs de potiron ; lescourgettes ont des fleurs mâles et femelles séparées. Les fleurs femelles se trouvent sur les jeunes pousses de courgettes, mais ce sont les fleurs mâles qui sont les meilleures à frire ensciurilli. Les germes de courgettes cueillis à la fin de l'été, après la phase de production, sont nomméstalli et peuvent être utilisés pour faire d'excellentes soupes ou être sautés à la poêle. Dans la famille descucurbitaceae, on trouve localement lalagenaria longissima, ouzucchetta del prete (« courgette de curé »), au goût délicat, excellente pour accompagner les pâtes, ou en soupe avec des tomates.
Outre les classiquespoivrons rouges ou jaunes, de grande taille, on trouve à Naples despeperoncini verts et doux, qui se préparent frits. Lesartichauts les plus appréciés sont lesmammarelle, gros, ronds, et dont l'extrémité des feuilles est violette. Ils se dégustent ébouillantés, avec unpinzimonio (assaisonnement minimaliste fait d'huile, de sel et de poivre).
Lasalade accompagne de nombreux plats, tout particulièrement ceux à base de poisson. On utilise l'incappucciata (identique à celle que l'on nomme aujourd'hui « iceberg »), plus croquante que lalaitue, que l'on mélange auxcarottes, aufenouil, à laroquette (plante spontanée qui était autrefois ramassée dans les campagnes et vendue par les marchands ambulants avec la plus humblepucchiacchella), lesradis (ravanelli), traditionnellement la variété longue et piquante, devenue aujourd'hui de plus en plus rare, au profit de la variété ronde, plus douce. La salade de tomates domine la période estivale. On l'assaisonne avecoignon,basilic,origan et huile d'olive. On y ajoute une cuillère d'eau qui stimule la macération et provoque la formation d'une sauce dans laquelle on peut tremper son pain.
Lesolives noires utilisées dans la cuisine napolitaine proviennent deGaète, une ville située au nord de Naples, qui faisait autrefois partie duroyaume des Deux-Siciles.

« Fais-toi donner une livre de mozzarella di Aversa, toute fraîche !
Assure-toi qu'elle soit bonne : prends-la entre deux doigts, presse-la.
Si le lait coule, achète, sinon, renonce ! »
— Enzo Turco, dans une scène du filmMisère et noblesse (1954), avecTotò.
Les produits laitiers tiennent, depuis toujours, une place très importante dans la cuisine de Campanie et dans la cuisine napolitaine, et en particulier les produits à pâte filée (fior di latte,scamorza,mozzarella) tiennent une place importante. Lamozzarella de bufala, est citée pour la première fois sous cette dénomination en 1570 parBartolomeo Scappi[27] mais ses origines sont beaucoup plus anciennes. En 1481, elle apparaît sous le nom demozza[27], du verbemozzare (« couper en deux ») en référence au geste par lequel, avec une main, on divise la pâte filée pour obtenir lesmozzarelle. De même, le nom du fromageprovola vient de laprova, geste identique utilisé dans la production.
Ci-dessous sont listés, par ordre croissant de maturation, les produits laitiers et fromages utilisés dans la cuisine napolitaine et, plus largement, en Campanie :

« O purpo se coce dint'a ll'acqua soja (napolitain).
Lepoulpe cuit dans son eau »
— Proverbe napolitain[32].
Tous les poissons de lamer Tyrrhénienne sont présents en abondance sur les tables napolitaines. Les poissons les plus humbles,anchois et poissons bleus (pesce azzurro) en général, ne sont pas les moins appréciés.
Le poisson est également utilisé pour préparer des soupes :rascasses,vives,cuocci (rougets grondins), ainsi que des poissons de grande taille et de taille moyenne, parmi lesquels lesspigole (loups) et lesorate (dorades), provenant désormais en majorité d'élevages piscicoles. Souvent présents sur les éventaires :denti (dentici),sars (saraghi) etpageots (pezzogne).
Même les poissons de très petite taille sont utilisés en cuisine :
« Tu prendras de la poutine, mais tu feras bien attention, car il y a là une question : on trouve de vraiscecinelli qui constituent la “vraie poutine”, et ceux-là sont de couleur blonde et ne grandissent jamais (car c'est la taille de cette espèce) ; on en trouve aussi d'autres, qu'on appellebianchetto (blanchaille), et ceux-là sont de tout petits anchois, que la loi interdit de pêcher certains mois de l'année, qui s'attrapent au filet et ont un petit goût amer : on vend parfois ceux-là sous le nom dececinelli. Tu feras donc attention au moment d'acheter. »
— Ippolito Cavalcanti.
Labaccalà (morue), importée des eaux du nord de l'Europe, fait également partie des poissons utilisés traditionnellement dans la cuisine napolitaine, frite ou préparée avec des pommes de terre et des tomates.
De nombreuxcéphalopodes sont utilisés en cuisine :poulpes (polpi),seiches (seppie),calmars (tcalamari), ainsi que descrustacés[35]. Les fruits de mer sont également très populaires :moules (cozze),couteaux (cannolicchi),praires (taratufi),vernis (fasolari),tellines,murex (sconcigli) etbigorneaux (maruzzielli)[36]. Une mention particulière pour lacoque (vongola verace), à ne pas confondre avec lavongola filippina, souvent appeléeverace sur les marchés du nord de l'Italie, ou avec le genreDosinia exoleta, commercialisé sous le nom delupino.
À déconseiller, la consommation desdattes de mer (datteri di mare), interdites par la loi depuis 1998, en raison des dégâts que leur récolte a occasionnés sur les côtes calcaires et, en particulier, sur le littoral de lapéninsule de Sorrente.
Laviande n'est pas très utilisée dans la cuisine napolitaine, car c'est un ingrédient qui manque souvent dans legarde-manger des pauvres. On ne trouve donc pas, dans la tradition, filets, côtes ou pièces de viande. De même, la manière de détailler la viande peut être trompeuse par rapport aux standards des autres régions d'Italie. Pour leporc, les morceaux de prédilection des Napolitains sont lestracchie, c'est-à-dire les plats de côtes, préférés très gras, qu'on trouve surtout dans leragù. Les saucisses, à Naples, sont préparées avec de la viande coupée grossièrement au couteau (a ponta 'e curtiello). Une variante intéressante : lescervellatine, plus minces que les saucisses classiques.
Les abats sont assez fréquemment utilisés : foies de porc entourés decrépine et agrémentés d'une feuille delaurier,tripes,'o pere e 'o musso,zuppa di soffritto épicée, utilisée pour accompagner les pâtes ou comme sauce avec lesfreselle. Parmi les produits dérivés du porc, il convient de mentionner lesgrattons, produits résiduels obtenus après le pressage des tissus gras, pour en extraire le saindoux, ingrédient autrefois très utilisé à la place de la coûteuse huile d'olive[37].
La cuisine napolitaine présente une variété limitée de charcuteries. Outre le fameuxsalame napoletano, saucisson dans lequel le gras et la viande sont coupés au couteau, on trouve aussi lecapocollo (essentiellement à Pâques), lescicoli (« grattons »), dans leur version sèche ou dans la version crémeuse consommée sur du pain, pour créer un sandwich (panino) associantcicoli,ricotta etpoivre noir.
Depuis que lepainmarsigliese (« marseillais ») (pain de forme particulière, fait de deux pâtons accolés, employant, pour la levée de la pâte, de la levure de bière) a disparu desboulangeries napolitaines , le pain le plus utilisé est lepane cafone (littéralement « rustique ; par extension, mal dégrossi, grossier, mal élevé :cafone est enItalie une insulte très courante »), cuit au four dans des formes variées. On trouve aussi dessfilatini, qui rappellent la baguette française, quoique plus courts et un peu plus épais, lesmichette, petits pains ronds et, enfin, lafresella, qui est en fait un biscuit de pain rond et fin que l'on déguste, enbruschetta, avec de l'huile d'olive, desolives, destomates, des anchois ou d'autres ingrédients.
L'exigence de précision dans la préparation duragù est mise en évidence par les vers d'Eduardo De Filippo, qui utilise la formule dérogatoire « carne c' 'a pummarola » (« viande à la tomate ») pour décrire la recette d'une épouse peu amène.
'O rraù ca me piace a me
m' 'o ffaceva sulo mammà.
A che m'aggio spusato a te,
ne parlammo pè ne parlà.
Io nun songo difficultuso;
ma luvàmmel' 'a miezo st'uso
Sì, va buono: comme vuò tu.
Mò ce avéssem' appiccecà ?
Tu che dice? Chest'è rraù?
E io m' 'o mmagno pè m' 'o mangià…
M' 'a faje dicere 'na parola?…
Chesta è carne c' 'a pummarola »
La cuisine napolitaine offre une grande variété deprimi piatti, allant des plus simples, comme les pâtes à la tomate et au basilic ou les pâtesaglio e uoglio (« à l'ail et à l'huile d'olive »), jusqu'aux plus élaborés, comme leragù qui peut exiger, dans sa version traditionnelle, cinq à six heures de préparation[20].
Lesprimi sont liés à des traditions différentes et complémentaires qui se mélangent et s'influencent tour à tour : tradition de cuisine très pauvre, fondée essentiellement sur les ingrédients maraîchers ; cuisine populaire, riche en fruits de mer et en poissons (aliments bon marché, étant donné la richesse des fonds marins dans la baie de Naples) ; cuisine bourgeoise, enfin, liée aux couches sociales les plus aisées, incluant des viandes en tous genres, des produits laitiers, des œufs, dans des préparations parfois élaborées.

Lesfreselle font partie des aliments les plus humbles de la cuisine napolitaine. Ce sont des pains en forme de beignets coupés en deux horizontalement, rassis et cuits deux fois au four. Ils se conservent donc facilement et, une fois assaisonnés, ils sont un support idéal pour lacaponata[39], faite detomates fraîches,ail,huile d'olive,origan et basilic. Lesspaghettisaglio e uoglio (ail et huile), parfois accompagnés de piment (peperoncino) sont un autre plat typique de cette cuisine populaire.
Les recettes les plus humbles associent souvent les pâtes et les féculents. Les plus populaires sont :pasta e fagioli (pasta e fasule), agrémentés de tranches de lard (cotiche),pasta e ceci (aux pois chiches),pasta e lenticchie (avec des lentilles), etpasta e piselli (petits pois). L'usage de la gesse (Lathyrus sativus), est devenu extrêmement rare.
Sur le même mode, on prépare, avec les pommes de terre, des plats depasta e patate (pasta e patane),pasta e cavolfiore (avec chou-fleur),pasta e zucca (avec potiron). La méthode la plus commune consiste à faire cuire d'abord l'accompagnement (par exemple, sauter l'ail dans un peu d'huile d'olive, puis ajouter les haricots blancs cuits ; ou bien faire revenir l'oignon et le céleri, puis ajouter les pommes de terre coupées en petits cubes). On rajoute alors de l'eau que l'on porte à ébullition. On sale et on ajoute les pâtes. Celles-ci, en cuisant avec leur accompagnement conserveront leur amidon, qui est perdu dans le cas où les pâtes sont cuites à part et égouttées. Ce procédé donne une sauce plus onctueuse (azzeccato), et se distingue de l'approche bourgeoise, qui préfère une préparation tirant plus sur le bouillon et qui n'ajoute les pâtes, cuites à part, qu'à la dernière minute.
Lapasta caso e ova, qui consiste en un plat de pâtes enrichi par un œufalla stracciatella (bouillon auquel on ajoute un mélange de parmesan et d'œuf battu) et du fromage râpé, constitue unprimo économique et nourrissant.
Lesspaghetti alla puttanesca sont accompagnés de sauce tomate, d'olives deGaète et decâpres.
La fantaisie et l'auto-dérision des Napolitains les plus pauvres se donnent libre cours avec la recette desspaghetti alle vongole fujute (littéralement : « spaghettis aux coques enfuies ») : en l'absence de fruits de mer, relativement onéreux, les spaghettis sont préparés avec une sauce de tomates-grappes, huile, ail et persil. Les coques (qui se sont enfuies) n'existent que dans l'imagination des convives. Servis sans sauce tomate, ces spaghettis deviennentspaghetti aglio e olio.
Lescarpariello est une sauce à base de tomates et de fromage, avec laquelle on assaisonne les macaronis.
On peut préparer l'omelette de macaronis (frittata di maccheroni) avec des restes de pâtes, préparées ou non avec de la sauce tomate. On mélange les pâtes cuitesal dente avec un œuf battu et du fromage râpé. On peut également ajouter d'autres ingrédients. Les recettes les plus récentes proposent d'y ajouter du jambon cuit, de la mozzarella ou de laprovola fraîche. Traditionnellement, on la cuit à la poêle, mais on peut aussi la faire au four pour qu'elle soit moins grasse. Quand elle est réussie, elle se présente sous une forme compacte. Elle peut ainsi être détaillée en tranches pour être transportée et accompagner un pique-nique à la campagne ou à la plage.
Il en existe une version plus petite, baptiséefrittatina, que l'on prépare avec une sauce béchamel, de la viande hachée, des petits pois, de la mozzarella, et que l'on fait frire dans une pâte à beignets.

La cuisine aristocratique utilise les pâtes dans des recettes élaborées, comme lestimballi, peu présents désormais dans la cuisine de tous les jours. Lesartù di riso est untimballo à base deriz, farci de foies devolaille, desaucisses,de boulettes de viande (polpettine), defior di latte ou deprovola affumicata, de pois, de champignons, accompagnés deragù, ou, dans la versionin bianco, avec unesauce béchamel.
Parmi les plats plus riches, mais fréquemment proposés, on retrouve les pâtes, accompagnées de sauces variées :
Lesziti, macaronis longs et creux qui sont brisés à la main avant la cuisson, sont souvent accompagnés deragù. Cette sauce est également utilisée, avec lefior di latte, pour accompagner lesgnocchi alla sorrentina, qui sont traditionnellement passés au four dans un petit plat en céramique typique, baptisépignatiello et correspondant à une portion.

Spaghettis,linguine etpaccheri s'accordent très bien avec les fruits de mer et le poisson. Ils sont souvent au menu des repas importants (fêtes, mariages, etc.). Les plus typiques sont :
Il existe d'innombrables variantes, comme les spaghettisin bianco (sans sauce tomate) aromatisés au jus de cuisson de la morue. La cuisine pauvre à base de féculents peut se combiner avec les fruits de mer pour obtenir, par exemple, la recette despasta e fagioli con lecozze (pâtes aux haricots blancs et aux moules), ou des variantes plus modernes, comme les courgettes et coques, courgettes et moules, qui finissent par s'éloigner complètement de la cuisine napolitaine traditionnelle.
Outre lesartù di riso, la cuisine du quotidien fait aussi appel auriso con laverza (riz au chou), amélioré par l'adjonction de petits copeaux deparmesan qui fondent pendant la cuisson. Lerisotto alla pescatora est lui à base de poisson. On le prépare avec des mollusques variés (coques, vénus,poulpe,seiche,calmar) et descrevettes, dans un bouillon obtenu avec des carapaces de crevettes.
On trouve également à Naples lesarancini, appelées ennapolitainpalle 'e riso, plus typiques de la Sicile que de la Campanie.

« Lapizza napoletana doit être consommée tout de suite après sa sortie du four, à l'endroit même où elle a été cuite. L'éventuel transport du produit vers un lieu d'habitation ou vers un local différent de la pizzeria d'origine déclenche la perte de cette appellation »
— Art. 6, Cahier des charges pour la définition des standards internationaux pour l'obtention de la marque Pizza Napoletana STG.
Lapizza est sans doute le produit de la gastronomie italienne le plus connu dans le monde. Ses racines remontent au moins à l'époque romaine, où l'on consommait diversesfoccace, ou galettes de farine de blé, et sont citées dans plusieurs ouvrages deVirgile[40]. Le nom dérive probablement du latinpinsa[5], participe passé du verbepinsere, qui signifie « aplatir ».
L'art du pizzaïolo napolitain, qui fait valser la pâte dans les airs, a été inscrit le au patrimoine immatériel de l'Humanité. La véritable pizza, couverte d'une sauce tomate, remonte à un peu plus de deux siècles. Son succès a été immédiat tant auprès des Napolitains les plus pauvres qu'auprès des classes plus aisées, y compris les nobles et jusqu'à la famille royale desBourbons. Le succès de lapizza s'étendit également aux souverains piémontais, à tel point que c'est à la reineMarguerite de Savoie qu'en 1889, le pizzaiolo Raffaele Esposito dédia lapizza Margherita qui portait les trois couleurs du nouveau drapeau national : blanc de la mozzarella, rouge de la tomate, vert du basilic.
Cette préparation existait cependant avant d'être dédiée à lareine. Francesco De Bourcard, dès 1866, donne[41] la description des principaux types de pizza, c'est-à-dire celles qui aujourd'hui prennent le nom demarinara,margherita etcalzone :
« Les pizzas les plus ordinaires, ditescoll'aglio e l'oglio, ont pour condiment l'huile et on les parsème, outre le sel, d'origan et de pions d'ail soigneusement effilés. D'autres sont couvertes de fromage râpé et de saindoux. On dispose alors par-dessus quelques feuilles debasilic. Aux premières on ajoute des petits poissons, aux secondes des tranches très fines demuzzarella. On utilise parfois du jambon, des tomates, des coquillages, etc. Parfois, on replie la pâte sur elle-même en forme decalzone. »
— Francesco de Bourcard, Usi e costumi di Napoli,vol. II,p. 124.
La cuisson de la véritable pizza exige un four à bois capable d'atteindre la température de 450-485°C[42]. De ce fait, les pizzas faites à la maison et celles qui sont cuites dans un four électrique ne peuvent égaler le goût de la véritable pizza napolitaine.
Une façon traditionnelle de consommer la pizza et de l'acheter et de lamanger en marchant. Dans lecentre historique de Naples, certaines pizzerias vendent encore, à un prix très modeste, lapizza a libretto (« en livret »), oua portafoglio (« en portefeuille »), plus petite que la pizza servie à table et pliée en quatre dans une feuille de papier alimentaire. Cette présentation a été rendue célèbre parBill Clinton qui, présent à Naples pour la réunion duG7 en 1994, dégusta une pizza ainsi préparée dans une pizzeria de lavia dei Tribunali[43].
Avec une pâte similaire à celle de la pizza, on peut aussi confectionnerpastacresciute etscugnizzielli, préparés comme des beignets et proposés avec divers accompagnements comme apéritifs par lesfriteries. Lespizzerie-friggitorie vendent aussi souvent despizze fritte, c'est-à-dire des pizzas typecalzone, farcies et frites dans l'huile au lieu d'être cuites au four.
Parmi les plats napolitains issus de la mer se distinguent lespolpi alla lucìana, qui tirent leur nom du populaire quartier deborgo di Santa Lucia, dans lequel est née cette recette de poulpes cuits avec du piment fort et des tomates. Lepoulpe se prépare aussi simplement bouilli. Pour l'attendrir, les cuisinières mettent à bouillir dans l'eau, en même temps que le poulpe, un bouchon de liège. Le poulpeal pignatiello est une recette typique du quartier deMergellina, souvent agrémentée d'olives de Gaëte. Il est assaisonné en salade d'un mélange d'huile, decitron et depersil, avec des olives vertes. Plus riche, on prépare l'insalata di mare dans laquelleseiches,calmar etcrevettes accompagnent le poulpe. Les poissons de taille moyenne sont cuisinésall'acqua pazza, c'est-à-dire avec des petites tomates en grappe et du persil. Les plus gros peuvent être simplement grillés, accompagnés, en certaines occasions, decrevettes roses.
Lesmoules sont préparées de façons variées. Le plus simple est de les faireall'impepata (« en poivrade »), rapidement cuites et poivrées, simplement assaisonnées de quelques gouttes d'huile et de citron que chaque convive presse sur le contenu de son assiette. Les coques et les autres fruits de mer peuvent aussi être sautés à la poêle et assaisonnés avec un mélange d'huile, d'ail et de persil haché ; ils sont souvent servis sur descrostini, ou bien gratinés au four avec de la chapelure.
Même les poissons les plus modestes, comme les anchois, peuvent faire partie de recettes excellentes :
Lescicenielli (« blanchaille ») sont cuits à l'eau ou frits dans une pâte légère, tout comme certaines algues. Lafrittura di paranza est habituellement composée de petits cabillauds,rougets,fricassuari (petitessoles), mais elle peut également contenir d'autres petits poissons, comme les anchois ou même desgobies. Les Napolitains expliquent quefrijenno magnanno (« la friture doit être mangée très chaude »). Les petites crevettes, qui sont vendues toutes vives et encore frétillantes, sont sautées rapidement, sans être d'abord farinées, contrairement à laparanza.
Les plats de résistance à base de viande ne sont pas très nombreux dans la cuisine napolitaine. Lechevreau et l'agneau se dégustent avec despommes de terre et despetits pois, particulièrement autour dePâques. Le lapin est préparéall'ischitana et le poulet est roussialla cacciatora avec des tomates. Lessaucisses et lescervellatine sont traditionnellement sautées à la poêle et accompagnées de légumes, particulièrement lebrocoli-rave et les pommes de terre frites. Lestracchie (plats de côte) de porc sont des plats de résistance typiques présentés dans le mêmeragù qui a servi à préparer les pâtes du premier service. Elles peuvent être servies avec lesbraciole, paupiettes napolitaines faites d'une farce (ail, persil, raisins secs, pignon de pin et aromates), entourée par une fine escalope de veau tenue par une ficelle de cuisine, ou, désormais, fermée par un cure-dent.
Le veau se cuisine typiquementalla pizzaiola, avec des tomates, de l'ail et de l'origan. D'autres recettes de viande ont déjà été citées plus haut dans la section concernant les ingrédients.

La cuisine napolitaine propose de nombreuses recettes de potages à base de légumes-feuilles, de tubercules ou de féculents. Ainsi laminestra di scarola e fagioli, à base de chicorée scarole et de haricotscannellini ouspollichini[44], lesfagioli alla maruzzara, avec tomates, ail, céleri, origan et poivrons, ou bien laminestra maritata de Noël.
Il arrive que les plats à base de légumes transforment des ingrédients simples en préparations très élaborées :
Le roiFerdinand, avait, selon Alexandre Dumas, un« […] côtélazzarone (bas peuple) ».
« Ainsi, par exemple, chaque fois que le roi allait entendre l'opéra à San Carlo, il se faisait apporter dans sa loge un souper. Ce souper, plus substantiel que délicat, eût été incomplet sans le plat de macaroni national ; mais c'était moins le macaroni en lui-même qu'appréciait le roi, que le triomphe populaire qu'il tirait de sa manière de manger. Leslazzaroni ont, dans l'inglutition de ce plat, une adresse manuelle toute particulière, qu'ils doivent au mépris qu'ils ont de la fourchette ; or Ferdinand, qui, en toutes choses, ambitionnait d'être le roi deslazzaroni, ne manquait jamais de prendre son plat sur la table, de s'avancer sur le devant de la loge et, au milieu des applaudissements du parterre, de manger son macaroni à la manière de Polichinelle, le patron des mangeurs de macaronis. »
De nombreuses espèces delégumes se consommentdorate e fritte (artichaut,courgettes,choux-fleurs). Dans lesfritures plus riches, on peut ajouter des foies de volailles, de la ricotta et, autrefois, de la cervelle. La mozzarella peut être préparée de la même manière (avec farine et œufs) ouin carrozza, entre deux tranches de pain mouillées de lait (et parfois d'œuf battu). Parmi les fritures napolitaines figurent aussi lescrocchè di patate et lessciurilli, que l'on peut acheter dans la rue, dans lesfriteries typiques, avecscagliozzi (tranches de polenta frites),pastacresciute (ouzeppole, beignets salés de pâte à pizza) et aubergines frites.
Lesomelettes, et pas seulement l'omelette de macaronis, font partie de la tradition napolitaine. La plus célèbre est lafrittata di cipolle (« omelette aux oignons[46] »), cuisinée sur une base d'oignons bien dorés.

Lesaccompagnements, qui ne sont pas des plats secondaires dans la cuisine napolitaine, sont pour la plupart à base delégumes :

Un des plats rustiques les plus répandus est lapizza di scarola, préparée avec des feuilles de scarole sautées et assaisonnées avec de l'huile, pignons, raisins secs, olives noires de Gaëte et câpres, puis recouvertes d'une pâte simple faite de farine, d'eau et de levure.
Lecasatiello, outòrtano] est un plat robuste caractéristique de la périodepascale et consommé même lelundi de Pâques, pendant les excursions hors les murs. Les deux dénominations sont aujourd'hui considérées comme des synonymes et désignent un pain farci de fromage et de charcuteries. À l'origine,tòrtano etcasatiello se présentaient sous des formes plus simples. Le second se distinguait du premier par la présence d'œufs dans la pâte, tandis que le premier contenait desgrattons.
« Dans son originelle simplicité populaire, lecasatiello n'est rien d'autre qu'un pain de forme circulaire, comme un gros beignet, dans lequel on dépose des œufs, ne serait-ce qu'un, selon la dimension du pain, et ces œufs, avec leur coquille, sont fixés par deux bandes de pâte disposées en croix. La pâte utilisée est celle du pain, mélangée de lard et de saindoux. Pendant la cuisson au four, les œufs cuisent durs. »
— Francesco de Bourcard, Usi e costumi di Napoli, vol. II,p. 274.
Même lebaba au rhum a une version rustique. La pâte qui sert à préparer le baba est neutre et c'est dans sa version pâtissière qu'elle prend son goût en baignant dans un mélange d'eau, de sucre et de rhum. Dans la version rustique, au contraire, on ajoute du fromage et des charcuteries à la pâte.
Dans les rôtisseries sont aujourd'hui vendus lespanini napoletani. Très appréciés, ceux-ci ne sont pas réellement des paninis, mais des pains fourrés au fromage et à la charcuterie.

La cuisine napolitaine propose une très grande variété dedesserts. Parmi les principaux, on peut citer :
Les glaces napolitaines (gelati) sont également célèbres, avec quelques spécialités, comme lescoviglie et lesspumoni, dont la préparation est restée traditionnelle.
La spécificité et la variété des plats consommés à Naples en période de fête nécessitent un paragraphe particulier.
Le menu du dîner de réveillon comporte traditionnellement desspaghetti alle vongole, suivi par lecapitone (anguille frite) et lebaccalà (morue frite), accompagnées d'uneinsalata di rinforzo, préparée avec duchou-fleur bouilli, des cornichons, poivrons ronds, doux ou piquants, conservés dans le vinaigre (pupaccelle), olives et anchois salés.
On peut citer :
Le réveillon se conclut avec lesciociole (noix, noisettes, amandes), des figues sèches et lescastagne del prete (« châtaignes du curé ») cuites au four.
Lespastiera etcasatiello remontent au moins auXVIIe siècle, comme en témoigne cette citation tirée de la fableLa Gatta Cenerentola (La Chatte Cendrillon) deGiambattista Basile (1566-1632).
« E' venuto lo juorno destenato, oh bene mio:
che mazzecatorio e che bazzara che se facette!
Da dove vennero tantepastiere ecasatielle ?
Dove li sottestate e le porpette ?
Dove li maccarune e graviuole?
Tanto chence[Quoi ?] poteva magnare n'asserceto formato. »
— Giambattista Basile,La Gatta Cenerentola.
Leplat principal consommé durant les fêtes de Pâques est lecasatiello, qu'on emporte également avec soi le lundi de Pâques, pour les excursions hors les murs, accompagné de charcuteries tranchées (principalementsalami etcoppa), ricotta salée et œufs durs, ou de viande d'agneau ou de chevreau cuite au four avec des pommes de terre et des petits pois. Le dessert typique de Pâques est lapastiera, réalisée exclusivement à la maison dans des versions variées[50], selon les traditions de chaque famille.
Une description d'un repas de Pâques auXIXe siècle nous montre un menu proche des usages actuels.
« Je ne décrirai pas le repas de Pâques : ouvrez donc laCucina du duc de Buonvicino, et vous y trouverez plus que je ne pourrais vous en dire. Mais les plats habituels sont laminestra de Pâques, lespezzatello (aujourd'hu appeléspezzatino) avec des œufs et des petits pois, l'agneau au four, la saladeincappucciata, lasoppressata avec des œufs durs, letortano, lecasatiello, et pour couronner le repas, lapastiera. »
— Francesco de Bourcard, Usi e costumi di Napoli,vol. II,p. 274.
Pour lecarnaval, les Napolitains préparent une version de laLasagne sanssauce béchamel. Parmi les desserts de carnaval figurent leschiacchiere, une forme de beignets connue dans toute l'Italie, parfois sous d'autres noms, lesanguinaccio (une crème à base de chocolat noir qui faisait appel, dans la version originelle, à un mélange de sang de porc et de chocolat) souvent accompagné deboudoirs (savoiardi). Autre dessert typique du temps de carnaval : lemigliaccio, originaire deBénévent, dans sa version sucrée à base defarine, assez proche, quant au contenu, de lasfogliatella.
Le, on mange letorrone dei morti qui, à la différence dunougat (ou dutouron) classique, n'est pas à base de miel, mais de cacao. Il est préparé dans plusieurs versions, avec des noisettes ou des fruits secs, des fruits confits ou candis, du café ou d'autres arômes.
Lesfruits sont souvent présentés à la fin du repas, surtout en été. La production locale est abondante et variée en toutes saisons, avec quelques produits-phares, comme lamela annurca, une variété de pomme typique de la Campanie. Elle bénéficie d'ailleurs d'uneIGP[52].
Lescrisommole, une variété d'abricots connue depuis leXVIe siècle[53] sont produites sur les pentes du Vésuve, tout comme la variété de cerises ditecerase d' 'o monte. Parmi les autres fruits que l'on trouve sur les tables napolitaines, on peut citer lesnèfles, lesbaies de sorbier (sorbe)[51], qui se cueillent en grappes, encore vertes, plusieurs variétés defigues et les fruits duMûrier, blancs (e cevese annevate) et rouges, devenus rares de nos jours. Lapêche jaunecol pizzo, dont la chair adhère au noyau (aussi appeléepercuoco, oupercoca ennapolitain) est utilisée coupée en morceaux et macérée dans le vin duMonte di Procida, le tout consommé froid, selon la tradition espagnole que l'on retrouve dans lasangria.
Jusqu'à la fin duXXe siècle, on pouvait acheter des tranches depastèque ('o mellone) gardées au frais sur les éventaires desmellunari, qui s'installaient pendant l'été et qui ont depuis disparu. Si l'on pensait acheter une pastèque entière, on prenait la précaution de faire laprova, c'est-à-dire de tailler, avec un long couteau, un échantillon de forme pyramidale qui permettait à l'acheteur potentiel de goûter la pulpe avant de confirmer son achat. Cette pratique a été abandonnée progressivement en raison, principalement, de motifs d'hygiène.
Lesfruits secs sont consommés traditionnellement pendant les fêtes de Noël, sous le nom deciociole (voir plus haut). Leschâtaignes entrent dans la composition de plusieurs recettes, parmi lesquelles lescauzuncielli, sortes de chaussons feuilletés en forme de demi-lunes, fourrés avec un mélange de purée de châtaignes et de chocolat, café, sucre, anis ou rhum. On les consomme égalementallesse, c'est-à-dire épluchées et bouillies avec des feuilles delaurier. Les Napolitains les préfèrent alors au petit déjeuner.
Le répertoire desvinsitaliens contient de nombreuses productions de qualité en provenance de Campanie, très adaptées à la cuisine locale. Parmi les vins blancs : leGreco di Tufo, la Campi Flegrei Falanghina, le Fiano di Avellino, et l'Asprinio di Aversa. Pour ce qui concerne les vins rouges : leTaurasi, l'Aglianico, le Piedirosso (pere 'e palummo), leSolopaca, leLacryma Christi duVésuve, ce dernier disponible en rouge ou en blanc.
Trois vins de Campanie bénéficient d'une appellationDenominazione di origine controllata e garantita, tous produits dans laprovince d'Avellino :
Aucun repas ne se termine sans[réf. nécessaire] unetazzulella 'e cafè, une petite tasse de café qui, si l'on est au restaurant, peut se déguster à table, mais que l'on prend le plus souvent au bar. Parmi les établissements les plus célèbres de Naples, on peut citer leCaffè Gambrinus, café historique situé sur lapiazza Trieste e Trento.
Les Napolitains font grand cas de leur café, qu'ils estiment unique de par son arôme et sa densité. Il existe des légendes urbaines qui tendent à confirmer cette conviction, sur la base de différentes raisons liées par exemple à la qualité de l'eau duSerino[54],[55], au type de mélange, au réglage de la machine ou, plus simplement, au coup de main des cafetiers napolitains. Aucune de ces hypothèses n'a jamais été confirmée.
Dans les foyers napolitains, lacafetière napolitaine que l'on trouve toujours dans le commerce, a été largement supplantée par lacafetièremoka.

Lorsque ledéjeuner ou ledîner ont été copieux, ils peuvent se conclure par uncafé et desliqueurs. On connait aujourd'hui lelimoncello, mais on lui préférait autrefois laliquore ai quattro frutti, (liqueur aux quatre fruits), à savoircitron,orange,mandarine etlimo (variété de citron proche de la bergamote et devenue aujourd'hui extrêmement rare). Lelimo napolitain ne doit pas être confondu avec lalime oulimetto (Citrus aurantiifolia) dont l'arôme est totalement différent. Lenocino, liqueur à base de noix fraîches, présente dans d'autres régions d'Italie, fait partie des digestifs les plus appréciés.
De tous temps, il a existé à Naples une tradition decuisine de rue et il est fréquent de consommer en marchant. Cette tradition remonte auxthermopolia de l'époque romaine, comme ceux que l'on a retrouvés àPompéi etHerculanum, ainsi que dans de très nombreux sites archéologiques de la zone. Les produits defriterie sont toujours typiques du commerce ducentre historique de Naples :pastacresciute,scagliozzi,sciurilli,frittatine di maccheroni alla besciamella,panini fritti (nommésviennesi ou viennois),mozzarella in carrozza, aubergines et courgettes frites,crocchè de pommes de terre fourrés à lamozzarella, dont il existe un modèle réduit, sansmozzarella, appelépanzarotti.
On peut encore trouver lapizza a libretto et lapizza fritta dans les commerces de la via dei Tribunali, à port'Alba et sur la piazza Cavour. Dans le quartier de Pignasecca, on trouve encore quelques boutiques decarnacuttari qui préparent différentes sortes detripes ('o pere e 'o musso) ou la soupe traditionnellezuppa 'e carnacotta. EntreMergellina et via Caracciolo se trouvent encore de nombreux marchands detaralli nzogna e pepe (toasts ausaindoux et aupoivre), alors que le bouillon depoulpe (’o broro 'e purpo), autrefois proposé par les marchands ambulants, est devenu pratiquement introuvable.
Il existait encore, au début desannées 2000, des éventaires qui proposaient’o spassatiempo (lepassatempo, composé denoisettes, graines decitrouille etpois chiches torréfiés,graines de lupin ensaumure. Le nom (« passe-temps ») évoque le temps nécessaire pour éplucher ce mélange de graines,fruits secs et légumineuses. Jusqu'aux dernières décennies dusiècle dernier, un vendeur de paninis à laricotta offrait unpanier-repas aux excursionnistes qui s'embarquaient pour les îles depuis le port dePouzzoles.
En été, les marchands ambulants offrent encore la possibilité de se rafraîchir avec une simplegranita, baptiséea rattata (« grattée »), c'est-à-dire de fins copeaux extraits d'un bloc de glace à l'aide d'un petit instrument semblable à une raclette et arrosés d'unsirop de glucose. Les arômes classiques sont aulait d'amande, à lacerise ou à lamenthe.
Le premierfast food des temps modernes qui se soit donné cette qualification est né àNaples, et se nommeVaco 'e press (« Je suis pressé[56] »). Né aux débuts duXXe siècle, il s'agissait d'une friterie-rôtisserie qui se trouve toujours dans le centre de Naples,piazza Dante.
La cuisine napolitaine la plus ancienne est décrite dans les ouvrages deCorrado et d'Ippolito Cavalcanti. De nombreuses recettes napolitaines, classiques ou revisitées sur un mode plus contemporain, sont présentées dans des livres plus récents. Il arrive que des ouvrages de cuisine napolitaine contiennent, outre des recettes typiquement parthénopéennes, des interprétations napolitaines de recettes allochtones. Il n'est pas rare d'y trouver, par exemple, des recettes decôtelette à la milanaise, de sauce bolognaise, etc.