
Lacuisine bouddhique est unecuisine d'Asie de l'Est et duSud-Est, qui est consommée par lesmoines et de nombreux croyants dans des régions historiquement influencées par lebouddhisme chinois. Elle est presque complètement végétarienne ouvégétalienne et est basée sur le conceptdharmique de non-violence (ahimsa). Levégétarisme est courant dans d'autresreligions dharmiques telles que l'hindouisme, lejaïnisme et lesikhisme, ainsi que dans des religions d'Asie de l'Est telles que letaoïsme. Alors que de nombreux moines sont végétariens tout au long de l'année, beaucoup de croyants ne suivent que temporairement le régime végétarien bouddhique, à la manière ducarême chrétien.
La cuisine végétarienne est connue en Asie, notamment sous le nomsùshí (素食 ; « nourriture végétarienne »),chúnsù (纯素 ; « végétarien »),zhāicài (斋菜 ; « alimentation de jeûne ») enChine, enMalaisie, àSingapour et àTaïwan ;đồ chay auVietnam ;shōjin ryōri (精進料理 ; « cuisine de dévotion ») auJapon ;sachal eumsik (사찰음식 ; « nourriture du temple ») enCorée ;jay (เจ) enThaïlande. Les plats constituant la cuisine bouddhique d'une région sont influencés par le style culinaire local.

Le développement de l'alimentation des bouddhistes en tant que style particulier de cuisine est lié auxmonastères, où un membre de la communauté est désigné à la tête des cuisines et doit fournir des repas qui respectent les consignes des préceptes bouddhiques. Les temples qui sont ouverts aux visiteurs peuvent aussi proposer des repas à ces derniers ; quelques temples ont effectivement maintenu une activité de restauration dans leurs bâtiments. AuJapon, cette pratique est généralement connue sous le nomshōjin ryōri (精進料理, « cuisine de dévotion »), et des repas sont servis dans beaucoup de temples, en particulier àKyoto. Une version plus récente, dans un style plus chinois, imaginée par l'école zenŌbaku, est connue sous le nomfucha ryōri (普茶料理). Cette pratique a lieu au temple majeur deManpuku-ji, ainsi que dans divers autres temples. De nos jours, des restaurants commerciaux ont aussi adopté ce style, satisfaisant les besoins des pratiquants comme des non pratiquants laïques.

La plupart des plats considérés comme strictement bouddhiques sont végétariens, mais l'avis sur le végétarisme et les restrictions sur la consommation de viande varient parmi les courants bouddhiques.
Le termepali/sanskrit désignant les moines et les nonnes signifie « celui qui cherche l'aumône ». Les moines et les nonnes qui suivent la voietheravada en s'alimentant par l'aumône doivent consommer les restes alimentaires qui leur sont offerts, y compris la viande[1]. Une exception à cette règle existe : lorsque les moines et les nonnes ont vu, entendu, ou savent que l'animal a été abattu spécialement pour l'aumône, la consommation de sa viande serait négative pour lekarma[1],[2]. La même limitation est aussi suivie pour les bouddhisteslaïques et est connue sous le nom de consommation de « viande trois fois pure » (三净肉 ;sānjìngròu). De plus, lessutras palis qui établissent cette règle indiquent que leBouddha a refusé une suggestion de son discipleDevadatta d'inclure le végétarisme aux préceptes monastiques.
Dans la traditionmahayana, en revanche, l'adhésion aux sutras palis est contestée et certains sutras inclus dans lecanon mahayana (en) contiennent plusieurs interdictions explicites de consommer de la viande :« La consommation de viande éteint le germe de la suprême compassion. »
Lescourants bouddhistes japonais estiment généralement que le Bouddha a consommé de la viande[3]. Toutes lesécoles du bouddhisme japonais de l'époque de Kamakura (zen,Nichiren,Jodo) ont assoupli levinaya (corpus de textes dictant la « discipline ») mahayana, et par conséquent, le végétarisme y est optionnel[4].Lebouddhisme tibétain considère que lestechniques tantriques (en) rendent le végétarisme superflu[5][citation nécessaire]. La communauté monastiquechinoise etvietnamienne, et la majorité dubouddhisme coréen, adhèrent de façon stricte au végétarisme[4].
Toutefois, les deux courants du bouddhismemahayana ettheravada considèrent que toute personne est libre de pratiquer le végétarisme en vue de cultiver la vertu (paramita) desbodhisattvas.

La cuisine bouddhique de l'Asie de l'Est diffère de lacuisine végétarienne occidentale par le fait d'éviter de mettre un terme à la vie végétale. Levinaya bouddhique appliqué par les moines et les nonnes interdit de blesser les plantes. Par conséquent, en toute rigueur, leslégumes-racines (comme lespommes de terre, lescarottes, lesoignons et l'ail) ne sont pas utilisés puisque cela conduirait à la mort de la plante[citation nécessaire]. Levinaya interdit aussi la consommation demangues et d'ail aux moines et aux nonnes pour une autre raison : par le passé, des moines auraient récolté plus que ce qu'ils pouvaient consommer en un jour. On trouve cette interdiction aussi bien dans levinayatheravada que levinayamahayana. Cette règle doit être appliquée en toute occasion, elle n'est pas limitée aux jours saints.
En plus de cette interdiction de l'ail, pratiquement tous les ordres monastiquesmahayana enChine, auJapon et auVietnam évitent spécifiquement de consommer des plantes fortement odorantes comme l'asafoetida, l'échalote, l'allium senescens, et ils les appellentwǔ hūn (五荤 ; « les cinq légumes âcres et à forte odeur ») ouwǔ xīn (五辛 ; « lescinq épices ») parce qu'ils ont tendance à stimuler les sens. Cette pratique est basée sur les enseignements trouvés dans lesutra Brahamajala (en), lesutra Surangama et lesutra Lankavatara (chapitre 8). De nos jours, cette règle est souvent interprétée pour inclure d'autres légumes dugenreAllium, ainsi que lacoriandre. Ce régime alimentaire est en accord avec le style de vie ascétique destaoïstes[6]. Le mode de pensée des bouddhistes d'Asie de l'Est est proche de celui des taoïstes. Cette habitude est aussi en phase avec beaucoup de croyantshindouistes etjaïnistes qui ne consomment pas d'aliments au goût âcre et piquant également.
La nourriture consommée par un bouddhiste rigoureux non végétarien est aussi soumise à des restrictions. Pour beaucoup de bouddhistes chinois, la consommation debœuf, de grands animaux ou d'espèces exotiques est évitée. Ils appliquent aussi la règle de la « viande trois fois pure » mentionnée plus haut. Beaucoup ne respectent pas l'interdiction de manger desabats et organes d'animaux, connu sous le nom dexiàshui (下水), terme à ne pas confondre avec le mot « eaux usées ».
L'alcool et les autresdrogues sont aussi évitées par beaucoup de bouddhistes en raison de leurs effets sur l'esprit et « l'attention ». Cela fait partie desCinq Préceptes qui commandent de ne pas consommer des « substances addictives ». La définition de l'addiction dépend de chaque individu mais la plupart des bouddhistes considèrent l'alcool, letabac et lesdrogues autres que les médicaments comme pouvant créer une addiction. Bien que les effets de dépendance à lacaféine soient désormais notoires, les boissons caféinées et en particulier lethé ne sont pas incluses dans cette restriction ; le thé en particulier est considéré comme bon pour la santé et bénéfique, son effet de douxstimulant pour l'esprit recherché. Il y a de nombreuses légendes concernant le thé. Parmi les personnes qui pratiquent laméditation, on le considère comme capable de préserver la vigilance d'une personne et l'éveil sans surexcitation.

En théorie et en pratique, beaucoup de styles culinaires régionaux peuvent être adoptés par les bouddhistes, tant que le cuisinier garde à l'esprit les restrictions mentionnées ci-dessus et prépare la nourriture, généralement des préparations simples, avec une attention particulière prêtée à la qualité, à la saveur et au fait que l'alimentation soit saine. Ne disposant souvent que d'un budget limité, les cuisiniers des monastères doivent tirer parti des ingrédients à leur disposition du mieux qu'ils peuvent.
Dans leTenzo Kyōkun (« Instructions pour la cuisine zen »),Eihei Dogen, fondateur duzen Soto, a écrit ce qui suit à propos de l'attitude zen à adopter concernant la nourriture :
«
Pendant la préparation de la nourriture, il est essentiel d'être honnête et de respecter chaque ingrédient, qu'ils soient bruts ou raffinés. […] Une soupe riche et onctueuse n'est pas supérieure à un bouillon d'herbes sauvages. Lors de la préparation et de l'utilisation des herbes sauvages, procédez comme vous le feriez pour des ingrédients destinés à des festins opulents, sans réserve, sincèrement, sans détour. Lorsque vous servez l'assemblée monastique, vous et eux devriez seulement goûter la saveur de l'Océan de Réalité, l'Océan de la Conscience Éveillée non obscurcie, que la soupe soit crémeuse ou faite seulement d'herbes sauvages. Pour nourrir les graines de vie dans la Voie, une nourriture riche ou des herbes sauvages ne sont pas distincts[7].
»

En raison du statut prépondérant duriz dans la plupart des régions d'Asie de l'Est où lebouddhisme est la religion la plus pratiquée, il figure au centre de la table en tant que denrée de base dans le repas bouddhique, en particulier sous forme debouillie de riz oucongee, consommé comme fréquemment plat du matin. Desnouilles ou d'autrescéréales peuvent aussi souvent être servies. Des légumes de toutes sortes sont généralement soitsautés, soitbouillis avec des assaisonnements et peuvent être mangés avec diverses sauces. Lesœufs et lesproduits laitiers sont parfois permis et peuvent se montrer sur les tables à l'occasion, en quantités limitées ; les produits laitiers ne sont pas communs dans les préparations purement japonaises ou chinoises mais peuvent apparaître dans des plats provenant de monastères américains et européens qui suivent ces pratiques. Les œufs sont souvent perçus comme étant presque de la viande et beaucoup de bouddhistes les évitent.
L'assaisonnement est façonné par tout ce qui est ordinaire dans la cuisine locale ; par exemple, lasauce de soja et le bouillondashi vegan sont très présents dans la cuisine des monastères japonais, alors que les plats decurry peuvent prédominer en Asie du Sud-Est. Les douceurs et les desserts ne sont pas souvent consommés mais sont permis avec modération ; ils peuvent être servis en des occasions spéciales comme dans le cadre d'unecérémonie du thé dans la traditionzen.

Les chefs bouddhistes végétariens sont devenus extrêmement créatifs pour ce qui est d'imiter la viande, en utilisant des préparations degluten de blé, aussi connu sous le nom deseitan, des préparations dekaofu (烤麸) ou viande deblé, dusoja (sous forme detofu ou detempeh), d'agar-agar, dekonjac et d'autres produits végétaux. Certaines de leurs recettes sont parmi les plus anciens et les plus raffinéssubstituts de viande dans le monde. Le soja et le gluten de blé sont des ingrédients très polyvalents car on peut leur donner diverses formes et textures et ils absorbent les arômes (pour leur donner un goût de viande ou tout autre saveur), tout en ayant peu de saveur en eux-mêmes. Avec un assaisonnement adéquat, ils peuvent reproduire divers types de viandes de façon assez proche.
Quelques-uns de ces chefs bouddhistes végétariens résident dans les nombreuxmonastères ettemples qui servent des plats sansail et avec desimitations de viande aux moines et aux visiteurs. Ils servent notamment des non-bouddhistes, restant quelques heures ou quelques jours dans le monastère, et des bouddhistes qui ne font pas partie de l'ordre mais qui peuvent rester d'une nuit à plusieurs semaines voire quelques mois. Beaucoup de restaurants bouddhiques hors des temples servent aussi des plats végétariens, vegan, sans alcool et sans ail.
Certains bouddhistes n'adoptent un régime végétarien que du premier au quinzième jour du calendrier lunaire (jours dejeûne), pendant le réveillon duNouvel An chinois et pendant les fêtes sacrées ancestrales. Pour satisfaire ce type de client aussi bien que les végétariens à plein temps, le menu d'un restaurant bouddhiste végétarien ne présente généralement aucune différence avec celui d'un restaurant typique d'Asie de l'Est, à ceci près que les recettes contenant habituellement de la viande sont servies avec une imitation de poulet à base de soja à la place.
D'après des livres de cuisine publiés en anglais, les repas formalisés des monastères dans la traditionzen suivent généralement un schéma en « trois bols » de taille décroissante. Le premier, le plus grand, est un plat à base de céréales comme duriz, desnouilles ou ducongee ; le deuxième contient un plat deprotéines qui est souvent une sorte de platmijoté ou unesoupe ; enfin, le troisième et le plus petit bol est un plat delégumes ou unesalade[8].