Lorsque cette puissance s'affaiblit, l'île se révolte à partir de 1729, ce qui ouvre une période de trente ans de batailles et provoque laguerre d'indépendance corse, au terme desquels leroyaume de France finit par en prendre le contrôle. Intervenue d'abord à la demande de Gênes, la France finit par s'y substituer (acquisition formelle des droits génois le, alors que l'île est largement aux mains desindépendantistes) et achève sa conquête avec labataille de Ponte-Novo le. Entre-temps, l'île aura connu une brèveindépendance, par leroyaume de Corse d'avril 1736 à et, surtout, commeRépublique corse de 1755 à 1769, avec notamment lapremière constitution démocratique de l'histoire moderne, reconnaissant aux femmes le droit d'être chef de famille et devoter.
La Corse abrite une nature préservée, marquée par des parcs naturels protégés et une faune unique, comme le mouflon corse ou le balbuzard pêcheur. Leparc naturel régional de Corse, qui couvre près de deux tiers de l'île, inclut lacélèbre chaîne de montagnes avec le Monte Cinto, le sommet le plus haut de Corse. La randonnée y est une activité phare, notamment sur le GR20, un des sentiers de randonnée les plus exigeants d'Europe. Les plages de la Corse, comme celles de Palombaggia et de Saleccia, sont aussi très prisées pour leurs eaux cristallines et leurs paysages de sable blanc.
Le patrimoine culturel corse est un mélange unique d'influences italiennes, françaises et locales. Les villes comme Ajaccio, la capitale régionale et lieu de naissance de Napoléon Bonaparte, et Bastia, qui conserve des influences génoises, témoignent de cette riche histoire. La langue corse, bien que minoritaire aujourd'hui, reste un élément clé de l'identité locale et est enseignée dans certaines écoles pour préserver cette culture. On retrouve également un patrimoine musical traditionnel, notamment à travers les chants polyphoniques corses, souvent chantés a cappella et évoquant les luttes et la fierté de l’île. Lepeuple corse qui habite l'île est d'origine mixte autochtone insulaire (nuragiques) et de laPéninsule italienne.
L'origine du nom de Corse est difficile à déterminer. Il viendrait du grecKurnos (à prononcerKyrnos), avec la racinephénicienneKur ouKyr, qui signifierait pointe, cap ou promontoire. Les phéniciens appelaient également l'îleKorsai, qui signifie« lieu recouvert de forêts ». Le motKorsai en phénicien serait devenuCorsica enlatin à l'époque romaine. Beaucoup d'auteurs de l'Antiquité, notammentDiodore de Sicile,Salluste ouVirgile, expliquent l'origine du motCorsica par des légendes. Virgile écrit par exemple :« Cette île s'appelle Cyrne du nom deCyrnus, fils d'Hercule ».Hérodote le premier avait émis cette hypothèse[1],[2].
Parmi les légendes, l'une évoque le personnage d'une femmeligure nommée Corsa, qui aurait découvert l'île la première. Une autre prétend que le motCorsica viendrait des racines latinescor qui signifierait poitrine etsica qui signifierait poignard. L'une suggère que le mot viendrait de Corsus, neveu d'Énée, et de Sica, nièce deDidon, à qui la Corse aurait été donnée. Cette légende-ci n'est attestée dans aucun texte connu[1].
La Corse est située dans le bassin occidental de lamer Méditerranée, distante de quelques centaines de kilomètres maximum de certaines grandes îles ou villes méditerranéennes[2],[3] :
« La Corse occupe une position paradoxale dans l’espace géographique français. Il ne s’agit ni d’un territoire situé véritablement outre-mer, ni d’un espace inclus dans la continuité territoriale. Les cartes de France ont longtemps représenté la Corse en la rapprochant de la bordure méridionale du pays, l’arrachant à son ancrage territorial dans legolfe de Gênes et niant la proximité géographique et culturelle qu’elle entretenait avec l’Italie. La carte de France présentée au générique du filmTout va bien, deJean-Luc Godard etJean-Pierre Gorin, mettait la Corse au nord-ouest deDunkerque, indiquant, mieux que de longs discours, la situation flottante de l’île dans l’espace national. »
Le territoire insulaire offre une grande variété d'ensemblestopographiques et de paysages naturels. C'est au cours de l'Oligo-Miocène — au milieu duCénozoïque entre environ 22 à 25 millions d'années — que le bloc corso-sarde et la lanière continentale s'écartent progressivement du bloc ibérique, ouvrant derrière eux lebassin provençal, lamer d'Alboran, lebassin algérien et lamer Tyrrhénienne. La topographie insulaire est néanmoins très accidentée[7].
Leréseau hydrographique de la Corse est principalement organisé autour de deux fleuves, leGolo au nord et leLiamone au sud. Les cours d'eau sont de longueur réduite et généralement en pente rapide[9],[16]. Seuls le Golo et leTavignano dépassent les 80 km de longueur[16]. Depuis les années 1980, les débits des grands cours d'eau ont diminué de 20 à 30 %[17]. Les communications sont assez difficiles étant donné le caractère montagneux de l'île. Les liaisons se font essentiellement entreAjaccio etBastia. Les littoraux sont essentiellement rocheux (71 % des 1 000 km decôtes)[10].
Les vents sont assez violents, notamment dans lecap Corse[18]. La Corse connaît également unclimat montagnard qui se caractérise par une diminution régulière des températures, une variation thermique et unepluviométrie importante. Le vent est conditionné par le relief[18]. Sur la côte occidentale, leMistral domine[9]. Sur la côte orientale, c'est leLibeccio qui est le vent dominant[9]. Quant à l'extrême sud de l'île, dans lesbouches de Bonifacio, c'est leSirocco qui est le vent dominant[9].
Sur le plan de l'ensoleillement, Ajaccio est la troisième ville où la durée est la plus importante en France, avec une moyenne de 2 756 heures d'ensoleillement chaque année entre 1991 et 2010, Bastia se classant sixième avec 2 579 heures d'ensoleillement par an[19].
Dans les années 1950, des élus du centre de l'île ainsi que des sociétés de chasse et de pêche s'inquiètent de la baisse des ressources cynégétiques et halieutiques[20]. Sous l'impulsion deFrançois Giacobbi, président duconseil général, une Association pour la protection de la nature corse est créée en 1963[21]. À partir de 1968, le conseil général cherche à organiser et à étendre les zones de protection. Une mission confiée à desbiologistes à laquelle participeFrançois Bourlière, président de l'Union internationale pour la conservation de la nature. Le rapport issu de la mission confirme alors que la Corse disposait d'unefaune et d'uneflore variées. Il conseille de créer unparc naturel régional qui comprendrait principalement les zones montagneuses et d'instituer des« zones d'aménagement protégées » pour réglementer l'urbanisme et les activités économiques. En 1970, un décret interministériel instituait les Parcs naturels régionaux[22]. La même année, un rapport de laDATAR souligne la« beauté écrasante » de l'île[23]. En 1972, leparc naturel régional de Corse est créé. Dans un premier temps, la zone du parc inclut principalement le nord de la Corse, signe d'arrières pensées politiques[23]. Les objectifs lors de la création du parc sont alors la protection de la nature et des sites et la promotion économique et sociale à travers le tourisme et la« rénovation de la vie rurale »[24]. Il s'étend actuellement sur371 500ha[25] répartis sur 154 communes[15], ce qui représente 8 % de la population insulaire et 42 % du territoire[25]. Les forêts occupent 35 % du territoire insulaire[26]. En 1995, la Direction générale des politiques régionales de laCommission européenne met en avant les atouts de l'île : variété et beauté des paysages, richesse desécosystèmes, environnement préservé de lapollution, richesse en eau, identité culturelle forte, fort potentiel touristique, côte peu urbanisée et préservée de lalittoralisation[23].
La prise de conscience environnementale se fait très tôt en Corse, dès la fin des années 1950. En 1960, legouvernement de Michel Debré décide sans concertation avec les élus de créer un centre d'expérimentation nucléaire dans les mines désaffectées de l'Argentella au sud deCalvi[29],[30]. La mobilisation contre le projet du gouvernement aboutira au transfert enPolynésie. En 1963, c'est un projet de ligne électrique reliant laSardaigne à laToscane qui mobilise les élus corses. Il aboutira aux premiers plastiquages à la fin des années 1960[30].
En 1973, un évènement majeur sur le plan environnemental frappe l'île. C'est l'affaire des boues rouges, impliquant le groupe italienMontedison, spécialiste enchimie fine, qui déversa dudioxyde de titane au large ducap Corse et qui provoqua une importante pollution marine deboues rouges[31]. Des manifestations sont organisées àAjaccio et àBastia. Le gouvernement n'interviendra même pas auprès de l'Italie pour que les déversements cessent[32]. Les responsables de la société sont condamnés à l'issue d'un procès àLivourne l'année suivante et l'un des navires de la société est détruit[23],[33].
Lenationalisme corse fait de l'environnement l'une de ses causes principales. La construction de la centrale thermique du Vazzio suscite dans les années 1980 une forte opposition[31]. À partir de cette période, de nombreux sites naturels sont classés :réserve naturelle de Scandola,désert des Agriates,bouches de Bonifacio[34]. Dans les années 1990, des mouvements tentent d'empêcher le passage despétroliers dans le bouches de Bonifacio[32]. En 1991, le« statut Joxe » délègue à l'Assemblée de Corse des compétences en matière de préservation de l'environnement[27]. Cependant, les élus ont beaucoup de mal à se décider sur l'adoption d'un schéma d'aménagement régional, compétence également dévolue par le« statut Joxe »[35]. L'application de laLoi Littoral est très difficile à mettre en place[36].
La Corse est une région très enclavée et fragmentée. Elle est plus proche géographiquement de l'Italie que de laFrance métropolitaine[13]. Elle est également affectée par l'éloignement à l'égard deParis[39]. L'île étant très touristique, la politique des transports a été orientée dans cette optique, tout en répondant aux attentes des habitants[40]. Elle bénéficie d'ailleurs du principe decontinuité territoriale depuis 1976 pour le transport maritime et depuis 1979 pour le transport aérien[41]. Néanmoins, l'île est très dépendante du tourisme y compris en matière de transports, notamment pour le transport maritime[42].
Actuellement, 62 % des communes sont situées à plus d'une heure de route d'Ajaccio ou deBastia[25]. Le temps de trajet entre Ajaccio et Bastia est quant à lui de 2 heures 30. La plupart des voies routières ont été construites au départ d'Ajaccio à partir duXIXe siècle. Pendant longtemps, chaquepiève et chaque canton était isolé des autres, tant la circulation était difficile[43]. Les conditions de circulation peuvent être très difficiles, en particulier l'hiver. Certains cols, notammentcelui de Vizzavona près deBocognano,celui de Sorba près deGhisoni etcelui de Bavella près deZonza peuvent être fermés, ce qui bloque les principaux axes de circulation. D'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le réseau routier insulaire est de 8 372 km en 2019[44].
Le réseau ferré corse actuel est composé de deux lignes àvoie métrique d'une longueur totale de 232 km[46],[47]. Propriété de la SNCF depuis 1984[48], il a été cédé à la Collectivité de Corse en 2002.
La ligne principale relieAjaccio àBastia en passant parCorte et lecol de Vizzavona, et l'autre se détache de celle-ci àPonte-Leccia en direction deCalvi vial'Île Rousse.Au service d'été 2023, 4 liaisons sont assurées dans chaque sens entre Ajaccio et Bastia pour une durée du trajet voisine de 3h45. Entre Bastia et Calvi (via Ponte-Leccia), 4 liaisons directes dans chaque sens en 3 heures, et 3 autres avec changement à Ponte-Leccia.
Une troisième ligne reliant Bastia (par embranchement à Casamozza) àPorto-Vecchio[49] a été abandonnée en 1945 à la suite de la seconde guerre mondiale[50]. Une remise en service de la section de Casamozza à Folelli est envisagée.
Une ligne entre Ajaccio etSartène a été envisagée mais pas réalisée[51]
La suppression du chemin de fer sur l'île a été envisagée dans les années 1960, mais face à la mobilisation populaire, le gouvernement est revenu sur sa décision[46].
Jusqu'au milieu duXIXe siècle, la Corse n'est pratiquement pas desservie par voie maritime. Jusqu'en 1830, la navigation se fait exclusivement parvoiliers. La traversée pouvait encore prendre huit jours entre Marseille etL'Île-Rousse. Les premiersbateaux à vapeur accostent à Ajaccio et Bastia en juin 1830[53]. LaBalagne commence à être desservie par les bateaux à vapeur à partir de 1850. En 1877, laChambre des députés vote l'instauration d'unmonopole sur les lignes maritimes de la Corse[41]. Lacompagnie Fraissinet détient le monopole de 1905 à 1948 avant que le Parlement ne décide de l'octroyer à laCompagnie générale transatlantique, renommée Compagnie générale maritime en 1969[54]. La compagnie fait faillite en 1976, ce qui aboutit à la création de laSNCM. À partir de la fin des années 1980, la compagnie pâtit de la concurrence de la compagnie privéeCorsica Ferries et connaît une crise importante à partir de 2001[55],[56]. Régulièrement dans les années 2000, les salariés de la SNCM se mettent en grève, en particulier àBastia qui est le premier port de l'île en ce qui concerne la desserte. La compagnie cesse ses activités le. La compagnieCorsica Linea lui succède et lesiège social est déplacé deMarseille àAjaccio. Depuis 2022, l'île est également accessible par une ligne régulière à la voile, opérée par la coopérativeSailcoop[57].
Actuellement, la Corse compte six ports depuis la fermeture du port de Calvi le 11 août 2016 (Ajaccio,Bastia,Bonifacio,L'Île-Rousse,Porto-Vecchio,Propriano)[note 2]. Le monopole maritime sur les lignes intérieur est supprimé en 1999[42]. Actuellement, la Corse est desservie par cinq compagnies maritimes pour le transport de passagers :
Pendant longtemps, les armateurs privés n'ont pas vu l'intérêt d'investir sur les liaisons méditerranéennes, jugées insuffisamment rentables en dehors de la saison estivale[42]. Néanmoins, encore aujourd'hui, la majorité du trafic maritime se fait pendant la saison estivale. Le port de Bastia est le premier port de Méditerranée pour le transport de passagers et le deuxième en France derrièrecelui de Calais.
Trafic maritime estival en Corse de 2018 à 2021 (en nombre de passagers, hors croisiéristes)[52]
« Depuis les Romains, la Corse a connu dix-neuf changements de domination, trente-sept changements de dénomination, trente-sept révoltes générales, sept périodes d'anarchie. C'est l'histoire la plus tragique de la Méditerranée. »
Ainsi, l'île a connu peu de périodes paisibles, d'autant que la violence est rapidement devenue endémique à partir duIXe siècle. Depuis 1769, la Corse est un territoire français, d'abord annexé militairement par l'armée royale et érigé enprovince royale, puisincorporé en 1789 au début de laRévolution française.
Les premières traces d'occupation humaine de l'île remontent auVIIe millénaire av. J.-C.[60],[61]. Une présence humaine à l'époque dupaléolithique est établie, mais sa datation n'a pas pu l'être avec certitude par les fouilles archéologiques et les études anthropologiques[62]. La découverte d'un squelette surnommé " laDame de Bonifacio" sur lesite archéologique d'Araguina-Sennola versBonifacio et authentifié grâce à sa datation aucarbone 14 vers -6570 av. J.-C., est la trace la plus ancienne d'occupation humaine[63]. D'autres squelettes ou traces archéologiques existent et certaines peuvent être plus anciennes, mais leur datation n'a pas été établie avec certitude[64].
Dès l'Antiquité, la Corse devient objet de convoitises de la part des peuples ou États qui dominent leBassin méditerranéen[67]. Tous poseront le pied sur l'île et s'y installeront à plus ou moins long terme[68]. Elle devient assez vite unecolonie de peuplement, mais aussi constituait une réserve importante de main d'œuvre pour les puissances méditerranéennes, en particulier pour lesCarthaginois ou lesRomains[69]. La présence desGrecs avant leVIe siècle av. J.-C. est hypothétique, en particulier pour les Phéniciens[66].
Le premier peuple à dominer lamer Méditerranée est celui desPhéniciens. Leur présence est attestée enSardaigne, contrairement à la Corse. Néanmoins, la proximité entre les deux îles laisse les archéologues et les historiens penser que les Phéniciens soient venus sur l'île[70]. Certains écrits antiques laissent penser que desLibyens, desIbères ou desLigures se soient installés sur l'île à cette époque[71].
D'aprèsHérodote, c'est vers565 av. J.-C. que desPhocéens — qui ont fondéMassilia à la même période — s'installent sur l'île et fondent la cité d'Alalia, site de l'actuelleAléria sur laPlaine orientale. Ils auraient été chassés dePhocée (Ionie) par unsiège mené parHarpage pour fonder la cité là où l'oracle de Delphes leur aurait indiqué[72].Alalia devient alors une cité prospère et participe à la diffusion de l'hellénisme en Méditerranée. Sa position est d'ailleurs idéale, la cité se situant en face de l'Étrurie et se trouvant sur la route de l'Ibérie qui passait parBonifacio ouMarseille. L'agriculture se développe, tout comme l'exploitation forestière etminière qui favorisent la construction de navires. Dans le même temps, certaines formes d'artisanat se développent tout comme les arts[73]. Ainsi, la Corse passe les différents stades de l'âge de fer sans retard sur d'autres régions d'Europe[74]. Cependant, hormis pourAlalia, les signes de présence des Grecs sur l'île sont quasi inexistants[75]. Cela s'explique sans doute par le fait que la Corse était la seule île de Méditerranée où ses habitants vivaient à l'intérieur des terres contrairement aux autres îles plutôt tournées vers l'extérieur et dont les habitants vivaient plutôt sur lelittoral. Vers540 av. J.-C., les Phocéens sont défaits par lesÉtrusques et lesCarthaginois — qui voyaient tous deux d'un mauvais œil les actes de piraterie des Phocéens — lors de labataille navale d'Alalia. Après la bataille, la Corse et les territoires de lamer Tyrrhénienne reviennent auxÉtrusques. Les seules traces de leur présence sont sur le littoral[76]. Les Étrusques sont vaincus parSyracuse, qui devient la puissance dominante dans le bassin méditerranéen auVe siècle av. J.-C.. La présence de Syracuse en Corse semble s'être limitée à la création d'unport vers453 av. J.-C. qu'ils baptisentPortus Syracusanus et qui serait situé dans legolfe de Porto-Vecchio[77]. Les Étrusques reviennent sur l'île par la suite. Progressivement, Syracuse et les Étrusques sont vaincus par laRépublique romaine qui devient la puissance dominante et constitue unvaste empire.
À partir duIIIe siècle av. J.-C., la Corse devient un territoire d'émigration[76]. Progressivement,Carthage prend possession de l'île et chasse les Étrusques[78]. Or, cela contrevenait auxtraités conclus avec Rome plusieurs siècles auparavant[79]. En271 av. J.-C., Carthage renforce sa présence àAlalia. En259 av. J.-C., leconsulLucius Cornelius Scipio prend possession d'Alalia et rebaptise la citéAléria[80],[81]. Les Romains conquièrent toute l'île mais ne dominent réellement que le littoral[81]. Jusqu'en160 av. J.-C., Rome lance dix expéditions pour conquérir la Corse[81]. En238 et237 av. J.-C., Rome conquiert la Sardaigne — à la suite d'une révolte de mercenaires où Carthage est contrainte de céder l'île à Rome — puis la Corse[80]. Les deux îles deviennent uneprovince romaine en227 av. J.-C. après que Rome ait réprimé plusieurs révoltes, notamment en Corse. Pour étouffer les révoltes sur l'île, Rome réprime les soulèvements et réduit une partie des indigènes à l'esclavage qu'elle vend[82]. La conquête définitive de la Corse à lieu en225 av. J.-C.[83]. L'île pacifiée devient unecolonie de peuplement. Les insulaires sont intégrés dans l'organisation sociale romaine et aux responsabilités.Caton l'Ancien y a exercé la questure et était parvenu à faire accepter la présence romaine aux insulaires[84]. Cependant, Rome poursuit ses conquêtes et la Corse ne reste plus une priorité, d'autant qu'elle n'est pas aussi riche que la Sardaigne, la Sicile ou l'Hispanie romaine[85]. Néanmoins, une autre cité,Mariana, est fondée par leconsulMarius en100 av. J.-C.[86],[87],[88].
La présence romaine permet à la Corse de connaître plusieurs siècles de calme et de prospérité[89]. Les diverses fouilles d'Aléria ont permis de démontrer que les Romains ont tout fait pour s'implanter de manière durable sur l'île. La cité — la plus grande de l'île — comptait près de 20 000 habitants à son apogée et qu'elle fut aménagée comme la plupart des cités romaines. Elle fut reconstruite sur décision deSylla en81 av. J.-C.[86],[88].Jules César aurait même visité la cité en46 av. J.-C.[89],[90]. En plus de l'agriculture, l'île connaît un essor important ducommerce maritime grâce à son ouverture sur la Méditerranée. Des historiens antiques commeAppien ouDion Cassius expliquent l'importance stratégique de l'île dans l'approvisionnement de l'empire[91]. Les infrastructures se développent, à l'image de lavoie romaine, ainsi qu'une administration efficace — même si lacorruption existait — et une armée stationnée sur l'île.Auguste en fait même uneprovince impériale détachée de la Sardaigne en6 ap. J.-C.[92],[93],[94].Diodore de Sicile estimait que la Corse comptait environ 30 000 habitants au tout début duIer siècle[95]. Cependant, jusqu'à la chute de l'Empire romain d'Occident, une incompréhension subsista entre les Corses et les Romains[96]. L'île est aussi un lieu où sont envoyés les exilés de la cour impériale, à l'image deSénèque qui fut exilé de41 à49 ap. J.-C. sur ordre deMessaline, qui l'accusait d'être l'amant deJulia Livilla, la sœur de l'empereur déchuCaligula[97]. Néanmoins, seuls quatre personnes ont été identifiées comme ayant été exilés par Rome jusqu'à la chute de l'Empire[98]. L'île connaît lachristianisation comme tout l'Empire, mais aucun évènement important ne s'y produit jusqu'à la chute finale de l'Empire. L'empereurDioclétien rattache la Corse auvicariat de Rome[86]. AuIIIe siècle, la Corse était peuplée d'environ 100 000 habitants[99].
À partir du déclin final de l'Empire romain vers 457, la Corse traverse une période d'instabilité. La dislocation de l'Empire ne permet plus à l'île d'être défendue contre lesinvasions barbares[100]. LesVandales sont les premiers à débarquer sur l'île au milieu duVe siècle vers 455 peu de temps après ledeuxième sac de Rome mené par les Barbares[101]. Ils détruisent la plupart des cités, notamment Aléria, et rasent de nombreux bâtiments chrétiens[102]. Il semble qu'ils ne se livrent pas à des persécutions envers les insulaires[103]. De même, lesLombards réalisent de nombreuses incursions à partir duVIe siècle[102]. La Corse devient alors partie intégrante duRoyaume vandale[104]. Paradoxalement, les Vandales contribuent à ancrer lechristianisme en Corse alors qu'ils cherchaient à l'éradiquer partout où ils avaient remplacé les Romains. L'occupation de l'île prend fin grâce à la reconquête parJustinien tandis que les Vandales sont déportés enAsie mineure[105]. Au milieu duVIe siècle, la Corse intègre avec la Sardaigne et l'Afrique la province dite de l'exarchat de Carthage[106]. Néanmoins, les expéditions menées par Byzance pour reconquérir l'Italie sont si brutales que les Corses finissent par faire appel auxGoths pour se délivrer de l'emprise des troupes byzantines[107]. Cependant, l'occupation gothique ne dure pas, les Barbares étant vaincus par Byzance. Ainsi, jusqu'auVIIe siècle, la Corse est sous domination byzantine hormis l'intermède de l'occupation par les Goths entre 546 et 549[108]. Concernant les affaires religieuses, la Corse dépend directement dudiocèse de Rome, c'est-à-dire dupape en personne[109]. C'estGrégoireIer, dit« le Grand » (-), qui affirme la souveraineté spirituelle sur l'île contre les exactions menées par Byzance. Il cherche à mettre fin à ladéchristianisation qui frappait l'île[110],[111]. Le pape laisse un si bon souvenir sur l'île que les Corses choisissent de se placer sous sa protection après sa mort[110]. Paoli choisit de placer l'université de Corte sous son patronage[112].
La rivalité entre les différentes familles oblige les féodaux toscans à demander au papeGrégoireVII son aide et sa protection. Le pape accepte leur requête mais en profite pour réaffirmer les droits de la papauté sur l'île. Il revendique les terres que les féodaux auraient usurpées à la papauté en vertu de ladonation de Pépin. Pour cela, le pape fait appel à la république de Pise qui était son allié depuis peu[124]. Les premières prétentions de Pise sur la Corse remontent auIXe siècle[125]. À partir de 1077, Pise s'implante progressivement sur l'île, d'abord en menant une mission pour réorganiser le clergé puis en s'y implantant militairement[126]. À la fin duXIe siècle, la Corse est inféodée à Pise[127]. En 1091, le papeUrbainII reconnaît à l'archevêque de Pise l'autorité de conférer l'investiture aux évêques dans l'île. Cependant, cette décision est remise en cause par le partage des évêchés en 1133 parInnocentII sous la pression desLigures[128],[129]. Déjà en 1119, Pise et Gênes sont toutes deux promues au rang d'archevêché. Déjà en 1095,UrbainII avait fait appel à Gênes et non à Pise pour participer à laPremière croisade[126]. Les deux puissances se disputent alors la domination sur l'île, comme en témoignent les diverses occupations deBonifacio jusqu'en 1195 où Pise cède définitivement la place à Gênes[130]. Une garnison s'installe dans la cité en 1175[131]. La cité portuaire s'y installe et en fait unecolonie de peuplement avec une vocation à la foisagricole,militaire etcommerciale. Elle fonde deux autres villes fortifiées, l'un près de la ville cité d'Ajaccio et l'autre àCalvi. Son implantation dans leDelà des Monts inquiéta Pise qui ne pouvait rivaliser face aux expéditions génoises[132]. La cité toscane doit faire appel àFlorence puis lutter contre ses ennemis, y compris Gênes[129], mais aussi à l'empereur germaniqueHenriVI[130].« La Sérénissime » l'emporte définitivement sur Pise lors de labataille navale de la Meloria où la flotte pisane est entièrement détruite[133],[134]. La Corse passe alors sous domination génoise[135]. La présence pisane est visible notamment sur le plan architectural, en particulier pour lacathédrale de Saint-Florent[133].
Dans un premier temps, l'implantation génoise est limitée. En effet, la cité portuaire est confrontée à des difficultés intérieures et à son affrontement avecVenise — que Gênes avait combattu en tant qu'allié de l'Empire byzantin pour reconquérir les territoires perdus en 1204 lors de laQuatrième croisade[136] — mais aussi de son allié, leroyaume d'Aragon[137].
En 1297, le papeBonifaceVIII inféode la Corse et la Sardaigne auroyaume d'Aragon par une donation au roiJacquesII, espérant notamment mettre fin aux prétentions de lamaison d'Anjou sur la Sicile après l'épisode desVêpres siciliennes de 1282[140],[141]. Néanmoins, l'influence aragonaise reste très limitée, se limitant à des subsides et à l'accueil des féodaux chassés par Gênes, notammentArrigo della Rocca[142].JacquesII renonce en 1325 à ses prétentions sur la Corse et s'installe en Sardaigne[143]. Gênes commence à s'inquiéter de l'expansion de lamaison de Barcelone, alors même qu'ils étaient alliés contre lamaison d'Anjou[144]. En 1346, les troupes aragonaises débarquent àBonifacio[141],[145]. L'année suivante, ledoge de GênesGiovanni da Murta organise une expédition menée par son fils Tommaso qui aboutit à la conquête de la totalité de l'île. Cependant, la Corse est frappée à partir de 1348 par lapeste noire venue de Chine[144],[145],[146]. Les Corses choisissent définitivement Gênes lors de la grande révolte fiscale de 1358[145]. Le premier gouverneur dans l'île est nommé deux ans plus tard[147].
Malgré la victoire des Génois dans le conflit contre l'Aragon, l'île n'est pas entièrement contrôlée par Gênes. De plus, Gênes perd définitivement la suprématie en Méditerranée ainsi qu'enmer Noire au profit de Venise après sa défaite lors de laguerre de Chioggia[148]. Gênes doit même subir une présence militaire française de 1396 à 1409 pendant laGuerre de Cent Ans[123]. À ce moment-là, hormis ses comptoirs, la Corse reste la seule possession de Gênes qui continue de s'en désintéresser car l'île contribue faiblement à la richesse génoise,« la Sérénissime » ne faisant quasiment rien pour mettre l'île en valeur[149]. Ainsi, le royaume d'Aragon parvient à se maintenir dans leDelà des Monts, notamment grâce àArrigo della Rocca qui domine cette partie de l'île jusqu'à sa mort en 1401[150],[151].
En 1404,Vincentello d'Istria et ses hommes débarquent en Corse avec le soutien du roiMartinIer. Il dirige la Corse pendant trois ans, jusqu'à ce que les Génois parviennent à reconquérir l'île grâce à Francesco della Rocca[152]. L'île connaît alors une forte instabilité jusqu'en 1419, lorsque Vincentello parvient à reprendre le pouvoir[153]. Il ordonna la construction de lacitadelle de Corte pour assurer la défense de la ville en cas d'attaque. En 1421, le roiAlphonseV le nomme vice-roi de Corse et se rend personnellement sur l'île pour lui prêter main-forte[154] avec 400 navires[142]. HormisBonifacio etCalvi, toute la Corse était sous le contrôle de l'Aragon[155]. Cependant, Alphonse V quitte l'île après l'échec du siège de Bonifacio. Vincentello parvient à gouverner la Corse grâce à l'appui du papeMartinV jusqu'en 1434, quand il doit quitter l'île à la suite de multiples trahisons[156]. Il est capturé par Gênes, condamné à mort et décapité le[157].
En 1453, la Corse passe sous le contrôle de l'Office de Saint Georges, une banque privée génoise[158]. Gênes lui confie deux objectifs : parvenir à pacifier et mettre sur pied un statut spécifique pour île ainsi que neutraliser les seigneurs duDelà des Monts qui faisaient fi de la présence génoise[159]. C'est à partir de cette période que Gênes, par le biais de l'Office de Saint-Georges ou de sa propre initiative, se livra à de nombreuses exactions, persécutions et exécutions sommaires pour tenter d'imposer sa domination sur l'île[160]. C'est ainsi que la féodalité est écrasée en Corse, seuls cinq fiefs subsistant au début duXVIe siècle. Pendant quarante ans, l'île connaît une paix relative. L'Office de Saint-Georges favorise son développement, faisant deBastia et deCalvi des ports importants ouverts sur la péninsule italienne. Néanmoins, entre 1467 et 1476, l'île passe sous la domination duduché de Milan[161]. L'Office de Saint-Georges n'exerce réellement son autorité sur l'île que de 1482 à 1562[162].
En 1539, Gênes refondePorto-Vecchio avec pour objectif de mettre en valeur les terres de laPlaine orientale. Dans un premier temps, les Corses sont écartés du projet[165]. La ville est même l'objet d'une colonisation forcée pour mater les populations locales[166]. L'île profite faiblement de la prospérité génoise et de l'Office de Saint-Georges, au point que le phénomène devendetta se renforce tandis que l'émigration s'intensifie[167]. AuXVIe siècle, l'île suscite les convoitises duroyaume de France et de lamaison des Habsbourg. L'île connaît une relative tranquillité et connaît un important épisode depeste entre 1526 et 1530[168]. En 1553, la France conquiert l'île avec l'aide d'un officier d'origine insulaire,Sampiero Corso[168],[169]. Néanmoins, dès 1554, les Français perdent du terrain, en particulier dans leDeçà des Monts. Latrêve de Vaucelle marque un tournant dans le conflit entre Valois et Habsbourg, menaçant le maintien des troupes françaises de Corse[170]. Lestraités de Cateau-Cambrésis mettent fin auxguerres d'Italie et restituent la Corse à Gênes. La nouvelle du traité et de la rétrocession de l'île à Gênes arrivent sur l'île en juillet 1559[171], alors même queHenriII venait de mourir des suites de ses blessures lors d'untournoi[172]. Les Corses envoient une ambassade auprès du nouveau roiFrançoisII mais le roi n'accède pas à leurs demandes. Le, les dernières troupes françaises quittent l'île. Gênes elle, renoue avec les pratiques d'avant guerre et fait même venir sur l'île un bourreau et ses aides. De nombreuses exécutions sont organisées contre des partisans français[172]. Sampiero décide alors de libérer l'île. Un mouvement deguérilla se met en place contre Gênes, mais Sampiero est victime de trahisons et est assassiné lors d'un guet-à-pent fomenté par Gênes près deCauro[173]. Son fils reprend la tête de la lutte, avant de partir pour la France en 1569.
À partir de 1582, Gênes reprend en main l'administration de la Corse. Cependant, comme à chaque révolte ou problème interne au sein de l'île, elle renoue avec ses mauvaises pratiques de répression et n'a eu de cesse d'augmenter lesimpôts directs ou d'inventer de nouveaux impôts, comme celui sur le port d'arme. De plus, l'émigration, qui est un phénomène déjà ancien — depuis au moins leIIIe siècle av. J.-C. — s'intensifie depuis leXVIe siècle. Gênes ne fait rien pour résoudre les problèmes sur l'île, qui connait la misère et la pauvreté. La seule mesure prise est la création d'une police pour lutter contre l'émigration massive[174]. C'est l'une des principales raisons qui expliquent le déclenchement de la révolte de1729[175]. Pendant des années, les Corses ne peuvent plus accéder à certaines professions civiles ou militaires. Même la garde des tours génoises leur est interdite en 1636. À partir de 1671, ils ne peuvent plus accéder à la moindre responsabilité dans les villes. Gênes n'arrange rien en ne choisissant pas des éléments modérés pour gouverner l'île. Le soulèvement de la Corse devenait alors presque inévitable[176].
À partir de 1729, la Corse entre en rébellion contre l'autorité de Gênes. Deux tentatives d'indépendance ont lieu jusqu'à l'annexion de l'île au royaume de France, la plus connue étant celle de 1755. Gênes, en déclin depuis la fin duXVIIe siècle, ne parvient pas à restaurer son autorité malgré plusieurs interventions étrangères, en particulier duroyaume de France. Laguerre de succession de Pologne puis laguerre de succession d'Autriche empêchent Gênes de maintenir ses positions. À partir de 1748, elle ne contrôle presque plus rien, au point qu'elle finira par faire appel au royaume de France, qui reconsidéra sa position concernant le statut de l'île à l'issue de laguerre de Sept Ans. Le soulèvement commence par une jacquerie en décembre 1729, après qu'un collecteur d'impôt ait été chassé d'un village pour collecter un impôt, lesdue seini que Gênes avait instauré en 1715 et renouvelé malgré son caractère temporaire[181]. Les insurgés parviennent à deux reprises à s'emparer deBastia et menacent d'autres places fortes. Gênes envoie alors un nouveau gouvernement avec des pouvoirs exceptionnels. Cependant, la rébellion ne faiblit pas. En 1730, une consulte réunissant des délégués despièves élit trois représentants :Luiggi Giafferi qui incarne les notables d'origine populaire, Andrea Ceccaldi pour lesnobles et Marc Aurèle Raffaelli pour leclergé[182],[183]. Ils sont rejoints l'année suivante parHyacinthe Paoli — le père dePascal — qui jusqu'alors entretenait de bons rapports avec Gênes. La consulte rédige des cahiers de doléances qu'elle adresse au nouveau gouverneur[183]. Les doléances sont confuses car elles intègrent à la fois des revendications populaires mais aussi des revendications propres à la noblesse et aux notables corses. De plus, elles rendent compte de façon imparfaite de la situation réelle de l'île à l'époque[182],[183]. L'insurrection s'étend dans toute l'île en 1731, les insurgés allant même jusqu'à chasser les Grecs de Cargèse. Les Génois tentent d'intervenir en faisant appel à l'Autriche mais les Autrichiens sont vaincus à labataille de Calenzana en 1732. Les vaincus doivent convaincre Gênes de modérer sa politique à l'égard de l'île et d'accorder des concessions aux insurgés. Dès le départ des Autrichiens, Gênes s'empresse de ne pas respecter sa parole. C'est ainsi que les insurgés reprennent les armes.
En 1735, une consulte se réunit àCorte. Elle décide de la rupture définitive avec Gênes. Les insurgés se dotent d'un gouvernement provisoire, où Giafferi, Paoli et Ceccaldi dominent. C'est à cette occasion que le chantDio vi salvi Regina devient l'hymne de la Corse indépendante[184],[185]. Gênes répondit à cela en intensifiant la répression et en orchestrant unblocus de l'île. Voyant qu'aucune puissance ne venait à leur secours, les insurgés furent proches d'abdiquer. Cependant, un évènement inattendu changea le cours des évènements[186].
Le, des navires accostent àAléria. La flotte est menée parThéodore de Neuhoff, unmilitaire etaventurier originaire deWestphalie sensibilisé aux problèmes que connaît l'île. Il rencontre en Italie les chefs des insurgés et réussit à les convaincre qu'il dispose d'appuis pour aider la Corse dans sa quête d'indépendance. Un mois plus tard, le, il est élu roi de Corse au couvent d'Alesani par les partisans corses. C'est le début de l'éphémèreroyaume de Corse. Une Constitution est adoptée, un gouvernement de trois membres institué avec Luigi Giafferi, Hyacinthe Paoli et Sébastien Costa. Théodore décide de créer une monnaie nationale et même une décoration qu'il intitule l'Ordre de la Délivrance[187]. Théodore cherche à prendre toutes les places fortes côtières, mais il n'y parvient pas. Les appuis qu'il avait promis sont inexistants et les insurgés manquent toujours de troupes. Pire, ils n'ont aucuneartillerie pour appuyer leurs offensives. Sept mois plus tard, Théodore quitte l'île depuisSolenzara avec Costa pourLivourne en quête d'appuis. À deux reprises, Théodore tente de revenir sur l'île, en 1738 puis en 1743, à chaque fois sans succès[188],[189]. Gênes tente alors de reprendre la main, mais elle ne contrôle plus que les villes côtières.
À partir de 1738, elle fait appel auroyaume de France pour tenter de reprendre l'île en main. Quatre expéditions sont organisées, de 1738 à 1741 ; en 1748 ; de 1756 à 1759 et de 1764 à 1768. Les deux dernières interventions sont les plus significatives, car elles aboutissent à l'installation temporaire dans les cités côtières. Entre temps,Pascal Paoli proclame l'indépendance de la Corse le. LaRépublique corse tente de se structurer et de conquérir les villes côtières restées fidèles à Gênes ainsi que leDelà des Monts où le parti paoliste est très mal perçu. Paoli exerce son autorité sur la quasi totalité de l'île à partir de 1762, mais les places côtières lui échappent. Elles sont tenues par les Français en vertu des deux traités signés à Compiègne avec Gênes en1756 et1764[190]. En 1763, Gênes tente unsiège pour reprendre pied sur l'île, mais l'opération est un échec.
À partir de 1765, Paoli entretient une correspondance avecduc de Choiseul, principal ministre deLouisXV. Cependant, Choiseul et Paoli ne se comprennent pas. Choiseul reprend les propositions faites précédemment et juge excessives les demandes de Paoli tandis que le général corse refuse toute suzeraineté, qu'elle soit française ou génoise[191]. Choiseul lui cherchait à préparer la revanche française vis-à-vis de laGrande-Bretagne après la défaite de laguerre de Sept Ans. Finalement, la correspondance est interrompue et Gênes, craignant un départ des Français dont la présence en Corse était censée prendre fin le, négocie un nouveau traité : c'est letraité de Versailles signé le, qui marque la fin de la domination génoise sur l'île[192]. Dans sonPrécis du siècle de Louis XV, Voltaire commente la cession de la Corse par Gênes à la France en ces termes[193] :
« En cédant la vaine et fatale souveraineté d'un pays qui lui était à sa charge, Gênes faisait en effet un bon marché ; et le roi de France [Louis XV] faisait un malheur... Il restait à savoir si les hommes ont le droit de vendre d'autres hommes ; mais c'est une question qu'on examinera jamais dans aucun traité. »
En juillet 1768, à la suite dutraité de Versailles, laFrance rachète àGênes ses droits sur l'île. En fait, au départ, il s'agit seulement d'une délégation : la France est chargée d'administrer la Corse durant dix ans et de la pacifier[194]. Gênes étant dans l'incapacité de rembourser à la France ses frais, l'île devient propriété de la France au bout de dix ans. Le, Louis XV proclame officiellement la réunion de la Corse à la France et, mésestimant la résistance corse, s'imagine qu'en envoyant un corps expéditionnaire mené par lemarquis de Chauvelin, il pourra conquérir son acquisition et avoir raison de Paoli. Le corps expéditionnaire débarque àBastia où il est bien accueilli. Des opérations sont lancées dans deux pièves, leNebbio et laCasinca[195]. Les troupes françaises sont vaincues lors de labataille de Borgo en octobre 1768 par celles du généralJacques Pierre Abbatucci[195],[196]. À partir de là, Choiseul décide l'annexion de la Corse au royaume et met en œuvre tous les moyens pour y parvenir. Au printemps 1769, lecomte de Vaux débarque sur l'île à la tête d'un corps expéditionnaire bien plus important. Le, les troupes corses sont vaincues lors de labataille de Ponte-Novo par les troupes françaises[195],[197]. La déroute est telle que les mercenaires allemands qui combattaient aux côtés des Corses ont tiré sur les leurs. Pascal Paoli parvient à fuir avec plusieurs centaines de partisans[195]. Paradoxalement, aucune opération miliaire n'eut lieu dans leDelà des Monts. Les pièves finissent par se rallier au royaume de France les unes derrière les autres. Le, Paoli embarque àPorto-Vecchio pourLivourne avec 300 partisans et part enexil pourLondres[198].
La Corse est annexée par le royaume de France à la fin du règne deLouisXV. Le comte de Vaux devient gouverneur de l'île. Il constate que le phénomène devendetta, que l'île connaissait depuis des siècles, ne cesse guère. Il suggère, dans une lettre envoyée à Choiseul, de prendre des mesures punitives pour y mettre fin. Cependant, le ministre refuse[199]. Le comte de Vaux démissionne face à ce refus et est remplacé en mai 1770 par le comte de Marbeuf, présent sur l'île depuis 1764. Cependant, contrairement à ce qu'espérait Choiseul, le comte mène une politique semblable à celle que le comte de Vaux suggérait dans sa lettre. L'épisode le plus connu est sans doute la révolte durement réprimée dans la piève duNiolo en 1774[200],[201].
Les gouverneurs successifs de l'île et Choiseul cherchent avant tout à mettre sur pied une administration pour gouverner l'île et d'assimiler ses habitants au royaume. Choiseul est conscient que des partisans de Paoli sont toujours présents sur l'île, mais peu de changements sont réalisés dans l'organisation territoriale de l'île[202].
Sur le plan judiciaire, rien ne subsiste de l'organisation génoise ou paolienne. Des juridictions royales sont créées ainsi qu'uneCour souveraine pour juger les affaires en appel. Un code judiciaire est publié tous les ans à partir de 1778 et remplace progressivement les coutumes anciennes[202]. Marbeuf reprend la politique répressive de Paoli pour lutter contre le phénomène devendetta. Ce qui pose le plus de difficultés est l'adhésion des différents évêchés à laDéclaration des Quatre articles adoptée en 1682 et qui provoqua des remous àRome. De plus, le clergé, suspecté de sympathie pour les partisans de Paoli, est étroitement surveillé[202]. Des collèges sont ouverts àAjaccio,Bastia,Calvi etCervione. Le projet d'université n'ira pas jusqu'à son terme[203]. Enfin, une réforme fiscale d'envergure permet enfin d'adapter les besoins fiscaux à la situation spécifique de l'île, tandis que des mesures sont adoptées pour stimuler la production agricole[203]. Jusqu'à la fin duXVIIIe siècle, la Corse regagne de la population, en partie grâce à l'introduction de nouveaux principes et de nouvelles pratiques sur le plan médical[204]. Néanmoins, si la Corse commence à sortir de la misère en cette fin de siècle, elle connaît toujours d'importants problèmes à la veille de laRévolution française.
La réorganisation territoriale se poursuit. Le, la Corse devient undépartement unique avecBastia commechef-lieu. Paoli débarque en France le et effectue une tournée triomphale jusqu'à son arrivée en Corse le, jour de lafête de la Fédération. Il arrive à Bastia trois jours plus tard. Il adhère aux idéaux révolutionnaires, jure obéissance et fidélité au peuple et est nommé parLouisXVI commandant de l'île avec le grade delieutenant-général[207]. La situation sur l'île se tend à partir de l'adoption de laGarde nationale, qui s'accompagne de violences àAjaccio et àBastia. Ces tensions resurgissent avec l'application de laConstitution civile du clergé. Face à cela, Paoli transfère le chef-lieu de Bastia àCorte, qui fut la capitale de la Corse indépendante. Cette décision fut très mal perçue par les partisans desJacobins et les partisans de la révolution[208]. Progressivement, Paoli prend ses distances avec les Jacobins[209]. Entre-temps, lafuite de Varennes fait que les révolutionnaires ont de moins en moins confiance enLouisXVI. LesGirondins, qui viennent d'entrer au gouvernement cherchent à faire diversion et parviennent à faire adopter ladéclaration de guerre de la France au roi de Bohême et de Hongrie le. Autrement dit, la France est désormais enétat de guerre contre l'empire d'Autriche.
Dans les premiers mois desguerres révolutionnaires, les troupes françaises perdent toutes les batailles. Lajournée du 10 août 1792 aboutit à la chute de la monarchie. Trois jours plus tard,LouisXVI,Marie-Antoinette et toute la famille royale est emprisonnée à laprison du Temple. Les évènements font qu'une partie de la noblesse corse et les prêtres réfractaires choisissent de prendre le chemin de l'exil[208]. Le, les troupes françaises remportent leur premier succès lors de labataille de Valmy. Le lendemain, laPremière République est instaurée, marquant définitivement la fin de l'expérience demonarchie constitutionnelle amorcée par laConstitution de 1791. LaConvention nationale élue lors desélections législatives de septembre commence à siéger. Pendant la campagne, Paoli est malade et ne peut empêcher l'élection de députés favorables aux Jacobins, notamment Saliceti. Le, la Convention décide l'organisation d'uneexpédition contre la Sardaigne. Un contingent de 6 000 hommes est demandé, mais Paoli n'est pas favorable à l'expédition. Seuls 2 000 hommes du2e bataillon de volontaires participent à l'expédition sous le commandement dePierre-Paul Colonna de Cesari Rocca. Parmi ces hommes figure le jeuneNapoléon Bonaparte. L'expédition est un fiasco. Paoli est accusé de l'avoir volontairement fait échouer. LaConvention nationale décide alors l'envoi de délégués sur l'île pour surveiller les agissements de Paoli et de ses partisans, délégation dominée par Saliceti[210]. ÀToulon, le jeune frère de NapoléonLucien dénonce Paoli etCharles André Pozzo di Borgo. Le, la Convention décide de les convoquer et vote un décret d'arrestation que les délégués hésitent à appliquer. Cette décision, conjuguée à leur misehors-la-loi le, aboutit à la rupture de la Corse avec la Convention. Paoli convoque d'ailleurs une consulte à Corte dès le[211]. La Convention tenta de reprendre le contrôle en votant labidépartementalisation de l'île pour mieux la contrôler. C'est ainsi que se forment leLiamone, qui correspond auDelà des Monts (plus la piève duNiolo) et dontAjaccio devient lechef-lieu, ainsi que leGolo qui correspond auDeçà des Monts dontBastia devient lechef-lieu[211]. La bidépartementalisation ne devient effective qu'en 1796. Pendant trois ans, la Corse est autonome dans les faits, notamment pendant la courte période duRoyaume anglo-corse où l'île devient unemonarchie parlementaire avec un statut dedominion avecunion personnelle avec la Grande-Bretagne. Cependant, Paoli ne parvient pas à imposer ses vues et est même envoyé en exil en octobre 1795[212]. Les britanniques ne parviennent pas à s'imposer et l'île se soulève à partir de mars 1796. En octobre, les troupes françaises débarquent àBastia et mettent un terme à l'occupation britannique. La Corse devient alors définitivement un territoire français.
La reconquête de la Corse achevée, Napoléon confie la responsabilité de l'île à Saliceti et à son frèreJoseph, ainsi qu'àAndré-François Miot de Mélito[213]. Celui-ci reste de décembre 1796 à mars 1802. En avril 1797, Napoléon rédige un rapport détaillé dans lequel il préconise plusieurs mesures pour que la Corse devienne définitivement française[214]. Néanmoins, le Directoire commet plusieurs maladresses, notamment lors des élections pour leConseil des Cinq-Cents et leConseil des Anciens[215]. La répression ducoup d'État du 18 fructidor an V par Napoléon est mal perçue. En 1798, la révolte dite« de la Crocetta » — petite croix en palme fixée sur le vêtement, notamment à Pâques — commence dans leGolo. Le clergé y prend part, mais la révolte est violemment réprimée par le généralClaude-Henri Belgrand de Vaubois[216]. Une tentative de débarquement d'émigrés en octobre 1800 à Solenzara est également réprimée, tandis que Napoléon décidait de suspendre laConstitution de l'an VIII en Corse[217],[218]. Jusqu'à l'abdication de Napoléon, les préfets de l'île n'auront que peu de pouvoirs. En 1801, l'île compte environ 160 000 habitants[219].
Miot de Melito devient administrateur général et se voit attribuer des pouvoirs dignes d'un proconsul. Il met en œuvre une politique libérale, cherchant à encourager la production agricole ou à favoriser l'aménagement des villes. Surtout, il allège la fiscalité par les arrêtés Miot qui sont adoptés le[218]. En juillet 1801, le généralJoseph Morand est nommé comme second administrateur avec pour mission de rétablir l'ordre dans l'île. À partir de 1803, il dispose de pouvoirs presque illimités et dirige l'île avec une fermeté extrême. Morand finit par indisposer Napoléon qui le fait remplacer par le frère du futurmaréchal Berthier, César, en 1811[220]. Après avoirrétabli l'esclavage en 1802, Napoléon faitdéporter des Antillais en Corse. En 1811, l'empereur décide la fin de la bidépartementalisation[217]. La Corse redevient undépartement unique, maisAjaccio est préférée àBastia commechef-lieu[220]. Malgré sa proximité avecGênes,Livourne ouNice, Bastia payait en partie son passé paoliste. La ville se manifeste à nouveau lors de lapremière abdication de Napoléon en tentant de négocier une nouvelle union personnelle avec la Grande-Bretagne. Untraité est même signé. Cependant, le reste de l'île ne suit pas. Par letraité de Paris, les puissances étrangères reconnaissent officiellement la réunion de la Corse à la France[220].
Tout au long duXIXe siècle et au début duXXe siècle, la Corse subit les conséquences duclientélisme. L'île connaît un développement relatif sous le Second Empire, mais celui-ci s'enraye à partir de 1875. L'activité industrielle dans la région d'Ajaccio, en particulier lesfilatures, font faillite. En 1885, les hauts fourneaux de Solenzara et Bastia cessent leurs activités[231],[224]. Les quelquesgisements miniers ne sont pas jugés suffisamment rentables et l'artisanat insulaire est victime de la concurrence de la métropole. Pire, la production agricole dégringole par rapport au début duXIXe siècle[224]. Lamalaria joue un rôle important dans cette baisse massive de la production agricole, notamment dans laPlaine orientale et enBalagne, tout comme l'adoption de laloi Méline. De plus, les produits venus des colonies et de la Provence concurrencent les produits locaux[232]. Néanmoins, les autorités ne prennent pas la mesure du problème. Une commission d'enquête est mise sur pied et une loi adoptée en 1911, mais elle n'est pas appliquée. Ce n'est qu'à la fin de laSeconde Guerre mondiale, grâce aux Américains, que la malaria est éradiquée sur l'île[233]. À partir de la fin duXIXe siècle, les villes deviennent le foyer nourricier des campagnes. Letourisme est encore embryonnaire, limité à la région d'Ajaccio et aux régions montagneuses. Seul point positif, la ligne dechemins de fer finit par relierAjaccio àBastia. Néanmoins, l'extension vers laPlaine orientale n'a lieu que dans les années 1930 et celle versSartène est abandonnée[51]. En 1908,Georges Clemenceau, alorsprésident du Conseil, dresse un constat sans appel de la situation de l'île[234],[51].
À partir de 1880, le phénomène d'émigration se renforce. Beaucoup de Corses entrent dans l'administration coloniale, notamment dans lesdépartements d'Algérie et enIndochine française[197]. D'autres, en particulier dans lecap Corse, quittent l'île pour l'Amérique, en particulier àPorto Rico et auVenezuela[235]. En 1901, l'île compte environ 295 000 habitants. À partir de là, ce chiffre connaît une baisse constante jusqu'aux années 1950[219]. Entre 1900 et 1956, la Corse perd environ 40 % de sa population. C'est d'ailleurs la seule île de Méditerranée à connaître un déclin démographique[236]. LaPremière Guerre mondiale a des conséquences dramatiques sur ce plan[234]. Pour faire face, l'État fait appel à une immigration de travail. C'est ainsi que beaucoup d'Italiens arrivent sur l'île, en particulier après 1922. Chaque année, entre 15 000 et 20 000 Italiens arrivent sur l'île[235], mais tous ne restent pas.
Dans les années 1920, la Corse connaît une poussée patriotique sans précédent. Dans le même temps, les autonomistes et les nationalistes, menés parPetru Rocca, épousent la cause de l'irrédentisme italien. La propagande deBenito Mussolini est très efficace en Italie, diverses revues voyant le jour, mais elle a peu d'échos sur l'île. Les autonomistes perdent toute crédibilité dans les années 1930. Pourtant, le maire d'Ajaccio Dominique Paoli croit bon de féliciter Mussolini après sa victoire lors de laseconde guerre italo-éthiopienne[237]. Le, l'Italie fasciste manifeste sa volonté d'annexer les ancienscomté de Nice et deSavoie ainsi que la Corse[237]. Immédiatement, un Comité d'action et de défense de la Corse française se met en place. Le, devant 20 000 personnes brandissant drapeaux corse et français, est prononcé parJean-Baptiste Ferracci le« serment de Bastia »[238],[239] :« Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir Français ». Le président du ConseilÉdouard Daladier effectue une tournée triomphale sur l'île[238]. Pendant laSeconde Guerre mondiale, la Corse est occupée par les troupes italiennes et allemandes. En 1943, elle est le premierterritoire libéré de la métropole.
Les gouvernements successifs de laQuatrième République cherchent à réduire l'écart de niveau de vie entreParis et laProvince. En 1949, un rapport indiquait prendre en compte de« légitimes inquiétudes » sur la situation de l'île[240]. La situation démographique et économique de l'île est enfin prise en compte, une longue enquête sur plusieurs années permettant de mesurer l'ampleur du phénomène[241]. En 1954, la population de l'île est encore à 68 % rurale[242]. La Corse, toujours rattachée administrativement à laProvence, bénéficie d'un Plan d'action régional particulier en 1957. Les objectifs du plan sont très ambitieux. Letourisme et la production agricole sont les deux principaux axes de développement du plan. Deuxsociétés d'économie mixte sont créés : laSociété d'aménagement pour la mise en valeur de la Corse (SOMIVAC) et la Société pour l'équipement touristique de la Corse (SETCO)[243], dont les sièges sont à Bastia[244]. Cependant, les Corses se montrent sceptiques face aux chances de réussite du Plan[245]. La SOMIVAC a investi 250 millions defrancs jusqu'en 1975[246].
La Corse est particulièrement affectée par ladécolonisation, beaucoup de Corses ayant bénéficié d'un emploi dans l'administration coloniale ou dans l'armée depuis près d'un siècle, y compris grâce au clientélisme électoral[247]. Du 24 au 28 mai 1958, le1er bataillon parachutiste de choc basé àCalvi enclenche la première phase de l'opération Résurrection, une des étapes ducoup d'État du 13 mai 1958, qui consiste à s'emparer du pouvoir civil et militaire dans toute l'île. La Corse approuve largement le retour au pouvoir du général de Gaulle et vote largement pour le oui lors duréférendum du 28 septembre 1958, malgré une abstention supérieure à 35 %.
À partir de la fin des années 1950, la Corse connaît enfin son décollage économique. À partir de 1956, la démographie est de nouveau en hausse. En 1960, l'île compte près de 270 000 habitants[248]. Entre 1957 et 1965, elle accueille environ 17 000 rapatriés d'Afrique du Nord et d'Algérie[247].Ajaccio accueille 6 000 rapatriés alors qu'elle ne comptait à l'époque que 40 000 habitants, soit le tiers des rapatriés. Au total, Ajaccio et Bastia accueillent 53 % des rapatriés[249]. Dans le même temps, les premiers effets du Plan d'action régional particulier se font sentir. Entre 1955 et 1960, leréseau téléphonique commuté augmente de 82 % sur l'île, contre 40 % pour le reste de laFrance métropolitaine[248]. LaPlaine orientale et laBalagne, débarrassés de la malaria, redeviennent des foyers agricoles. La production de vin se développe de façon très importante, et beaucoup de rapatriés — notamment despieds-noirs — se verront attribuer des terres agricoles par le gouvernement, notamment autour d'Aléria. Les exploitations viticoles ne tarderont pas à poser des problèmes, étant donné que les exploitations avaient été au départ attribuées uniquement à des Corses avant l'indépendance algérienne[250].
Entre 1960 et 1990, le nombre de touristes passe de 100 000 visiteurs à 1,5 million[242]. Progressivement, la Corse rattrape son retard et n'est plus considérée comme le territoire le plus pauvre de France métropolitaine[242]. Néanmoins, une partie de l'économie de l'île reste ancrée sur des pratiques archaïques. Labalance commerciale de la Corse demeure déficitaire avec la métropole[251]. En 1959, lemouvement du 29 novembre est créé pour mettre en avant ces problèmes et attirer l'attention du gouvernement pour les résoudre. À partir des années 1960, un mouvement autonomiste se structure dans l'île tandis que lenationalisme corse reprend vie après une quarantaine d'années d'isolement[252]. Cela donnera naissance à l'expression« question corse »[253]. Les premières protestations ont lieu, notamment contre le transfert du site d'essais nucléaires deReggane dans leSahara algérien au sud deCalvi. Finalement, le site est déplacé enPolynésie française[254]. L'année suivante, la dernière mine d'amiante fermait définitivement[223].
Dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Napoléon,Georges Pompidou pose une première pierre en étant le premier à parler d'autonomie pour la Corse depuisAlexandre Millerand en 1922[255]. En 1970, la Corse devient unerégion. L'île, en particulier le nord, est touchée par une importante pollution marine. À l'origine, les rejets dans la mer Méditerranée de déchets toxiques par une entreprise italienne de chimie,Montedison. C'est le début de l'affaire des boues rouges. Les Corses ne comprennent pas l'inaction des gouvernements français et italiens. Les mouvements autonomistes se renforcent. Face à l'engouement pour ces mouvements,Valéry Giscard d'Estaing etJacques Chirac décident une secondebidépartementalisation[255]. Les départements deCorse-du-Sud et deHaute-Corse (avec le territoire de l'ancienne piève duNiolo) sont créés par la loi du[256]. Cependant, le plan initial proposé par la mission interministérielle sur l'aménagement et l'équipement de la Corse est drastiquement revu à la baisse[257]. C'est en partie à cause de cela que se produisent lesévénements d'Aléria en août 1975. Tout part d'unmeeting de l'Action régionaliste corse à Corte oùEdmond Simeoni tient des propos qui inquiètent le ministre de l'IntérieurMichel Poniatowski[258]. Des militants autonomistes et nationalistes décident également d'occuper une propriété viticole dans la région d'Aléria[259]. Cependant, la surréaction du ministre face à ces évènements aboutit à un affrontement armé, au cours duquel deuxCRS sont tués. Simeoni et certains de ses hommes se rendent[257], tandis que d'autres parviennent à prendre la fuite[258]. L'ARC et les autres mouvements autonomistes sont dissous par le gouvernement[257],[258]. Paradoxalement, ce sont les événements d'Aléria qui font prendre conscience aux autorités de la nécessité d'un statut d'autonomie pour l'île.
Peu de temps après les événements d'Aléria, des indépendantistes — parmi lesquels des militants présents à Aléria — annoncent la création duFront de libération nationale corse (FLNC)[258]. À partir de 1976, les attentats se multiplient. C'est le début de ce que les militants du FLNC appellent« laNuit bleue ». Les premiers attentats ont lieu sur l'île, mais aussiMarseille etNice[258]. Le, pendant l'élection présidentielle, le FLNC organise un attentat à l'aéroport d'Ajaccio qui doit accueillirValéry Giscard d'Estaing. Au total, l'attentat fait 1 mort et 8 blessés. L'élection deFrançois Mitterrand modifie quelque peu les choses. Les nationalistes obtiennent satisfaction sur certaines revendications. LaCour de sûreté de l'État est supprimée, une université ouvre àCorte et prend le nom deuniversité de Corse-Pascal-Paoli[260]. Une loi d'amnistie permet la libération d'Edmond Simeoni[261].
Le premier statut de la Corse est adopté le, donnant à la corse un statut avancé avec une assemblée régional[262], La Corse cessa d’être une région en 1991, lorsque la loi a créé la collectivité territoriale de Corse (CTC), dotée d'un statut particulier en lieu et place de la région[263], accentuant ladécentralisation sur l'île. LeConseil exécutif de Corse est créé par le statut Joxe en 1992[264]. Néanmoins, le FLNC n'accepte pas cette ouverture. L'élection de la premièreassemblée de Corse s'accompagne de 100 attentats[260]. Le FLNC finit d'ailleurs par se diviser entre modérés et radicaux. Plusieurs mouvements parallèles sont créés en suivant. Les années 1990 sont marquées par les violences, qui culminent le par l'assassinat de Claude Érignac, alorspréfet de l'île[264]. En réponse, 20 000 personnes manifestent contre la violence àAjaccio etBastia[265]. Les nationalistes perdent du terrain et cessent d'avoir recours au terrorisme. L'année suivante, le préfetBernard Bonnet est arrêté pour avoir ordonné la destruction d'une paillote construite illégalement sur une plage dugolfe d'Ajaccio[264].
Le, le gouvernement français adopte la loi sur le statut, rendant la faculté pour l’Assemblée de Corse de présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des collectivités territoriales de Corse, ainsi que toutes dispositions réglementaires concernant le développement économique, social et culturel de la Corse[263].
En 2003, une première tentative de modification du statut territorial de la Corse est organisée mais elle échoue. Les Corses rejettent la proposition lors d'unréférendum local. Le maire de Bastia et ancien ministreÉmile Zuccarelli joua un grand rôle dans le rejet de la proposition. La même année, l'île est fortement affectée par unépisode caniculaire. Finalement, un projet decollectivité territoriale unique est présenté et adopté en2015. Lors desélections territoriales de décembre 2015, les autonomistes et les nationalistes s'allient et remportent les élections[266]. Ils remportent également lesélections territoriales de 2017 qui sont les premières pour la collectivité territoriale unique. La Corse est placée sous ce statut le[267].
En, l'Assemblée créée une mission d'information sur l’avenir institutionnel de la Corse[268]. La mission d'information, pourra laisser place, à un vrai pouvoir législatif, si au terme de 5 ans, le statut d'adaptation s'avère insuffisant[269].
En, lacommission des lois de l’Assemblée nationale française valide, un rapport parlementaire qui recommande l’inscription de la Corse, comme « collectivité à statut particulier » dans la Constitution. Les 16 députés recommande de procéder au statut d’autonomie de la Corse, sans le pouvoir législatif corse[270].
Le, le conseil des ministres adopte, le projet de loi constitutionnelle portant sur le statut d’autonomie de la Corse au sein de la République française. Pour être adoptée, cette réforme constitutionnelle doit être votée, par l’Assemblée nationale, et puis le Sénat, puis, lors de leur réunion en Congrès[271].
Le drapeau de la Corse est constitué d'une tête de Maure (ou More) sur un fond blanc. C'est l'une des héraldiques les plus anciennes, puisqu'elle existe depuis l'époque descroisades. Elle figurait notamment sur les étendards et les sceaux duroyaume d'Aragon dès leXIIIe siècle[1].
L'origine de cette tête de Maure pour le drapeau corse fait l'objet d'un débat entre historien avec plusieurs hypothèses : aragonaise ou germanique.
Le drapeau corse actuel fut adopté une première fois lors d'une consulta réunie à Corte le, et le dessin fut achevé deux ans plus tard[272].
D'après les projections de l'INSEE, la Corse devrait compter 385 000 habitants d'ici 2050[280]. La Corse est la deuxième région en matière desolde migratoire après laNouvelle-Aquitaine[280].
En outre, lapyramide des âges évolue depuis le début duXXIe siècle. La part de la population âgée continue d'augmenter, en raison à la fois de la hausse de l'espérance de vie et de l'installation de retraités venus deFrance métropolitaine[278],[280].
Dans les années 1970, la Corse est la région qui accueille plus d'étrangers avant l'Île-de-France[281]. En 2012, un habitant sur dix est un immigré, dans les proportions suivantes[282] :
Dans la très grande majorité, l'immigration en Corse est uneimmigration de travail. La plupart est vouée à des emplois agricoles, ouvriers ou employés. Ils sont principalement concentrés dans leSartenais, enBalagne ou sur laPlaine orientale. Plus de 50 % des immigrés installés en Corse déclarent n'avoir aucun diplôme[282].
La Corse est marquée par les déséquilibres spatiaux. Elle possède peu d'aires d'attraction et reste essentiellement agricole et rurale. L'essentiel des villages de l'île est situé entre 450 et 900 m d'altitude[7],[22]. Cette localisation s'explique pour des raisons historiques — la Corse subit de nombreuses invasions jusqu'auXVIIIe siècle puis le débarquement de l'armée royale italienne en novembre 1942 pendant laSeconde Guerre mondiale — et sanitaires, lamalaria étant présente sur le littoral jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale[7],[284].
Plus du quart de l'île est en déclin démographique, tandis que 70 % de lacroissance démographique se concentre sur 15 % du territoire. Les zones de faible densité couvrent la moitié de l'île dans les zones les plus montagneuses et n'accueillent que 6 % de la population insulaire[25]. À l'inverse, 50 % de la population et 66 % des emplois se concentrent dans les rares zones urbaines, principalement autour d'Ajaccio,Bastia,L'Île-Rousse ouPorto-Vecchio[25]. DuIIIe siècle av. J.-C. auXIXe siècle, la Corse est marquée par l'émigration. La démographie insulaire ne connaît une augmentation importante qu'à partir de 1801, même si laPremière Guerre mondiale a cassé la dynamique démographique. En 2000, 80 % de la population insulaire vivait enzone inondable, y compris àAjaccio etBastia[285].
Malgré la faible présence deplaines, l'agriculture a toujours été l'activité prépondérante en Corse[288]. Elle ne représente que 1,5 % duProduit intérieur brut régional et 3,5 % des emplois en prenant en compte l'agro-alimentaire[26]. 10 % des exploitations génèrent 40 % des revenus agricoles globaux[26]. Lasurface agricole utilisée n'est que de 37 %, ce qui explique la faible part de l'agriculture dans le PIB régional[26]. L'agriculture corse repose sur deux piliers : laviticulture et l'arboriculture — en particulier la production d'agrumes — alors que les productions animales reculent[26]. LesAppellations d'origine contrôlée (AOC) ont permis à certains de ces produits, tels que leBrocciu ou encore lesvins de Patrimonio, de gagner en notoriété au-delà des frontières de l'île.
La baisse de la production agricole s'explique pour plusieurs raisons, notamment par la démographie, les problèmes de modernisation et les structures foncières spécifiques de l'île[289]. Néanmoins, depuis 2010, le nombre d'exploitations repart à la hausse, la Corse étant la seule région dans ce cas. L'île compterait 2 943 exploitations d'après le dernier recensement agricole. Les deux tiers des exploitations se trouvent enHaute-Corse. Pour répondre à ces enjeux, l'île a mis en place des politiques visant à favoriser les circuits courts, l'agriculture biologique, et la préservation des savoir-faire traditionnels.
La pêche, quant à elle, reste une activité économique significative, bien que marginale par rapport à d'autres secteurs. Les eaux environnantes riches en ressources offrent des produits de qualité, mais la surexploitation des stocks et les régulations strictes de l'Union européenne constituent des freins à son développement.
Depuis 2016, la Corse dispose d'uneProgrammation pluriannuelle de l'énergie propre et indépendante de celle adoptée au niveau national. La collectivité est l'une des plus avancées en matière d'énergies renouvelables. Elle reste très dépendante concernant la consommation d'énergie, dont 87 % est importée (en comptant les carburants)[38].
L'île dispose de deux centralesthermiques, l'une dans la zone industrielle du Vazzio près d'Ajaccio — opérationnelle depuis 1983 — et l'autre près deLucciana[17]. La puissance totale des deux centrales thermiques est de 191 MW[290]. Une nouvelle centrale est censée remplacer celle du Vazzio, jugée vétuste[17]. Les deux centrales ne répondent plus aux normes environnementales européennes[38]. Les deux centrales fonctionnent grâce aufioul, ce qui joue beaucoup dans l'empreinte carbone de la Corse, d'environ 481 grammes de CO₂/kWh[17]. En plus des centrales thermiques, l'île est équipée de sept centraleshydrauliques, alimentées par quatre barrages[17]. Avec lechangement climatique, la production d'électricité de ces centrales ne cesse de diminuer[17]. L'île est également équipée de quatreturbines à gaz[290]. L'île dispose de deux parcs éoliens, l'un dans lecap Corse sur les communes d'Ersa etRogliano et l'autre près deCalenzana.
L'artisanat est un élément central du patrimoine culturel corse. Les artisans de l'île perpétuent des techniques transmises de génération en génération. La fabrication du couteau corse, lecurnicciolu, est une tradition vivante, chaque pièce étant unique et réalisée à la main. Lapoterie, lavannerie, et le travail du cuir sont d'autres exemples d'un savoir-faire artisanal qui continue d'enrichir la culture locale. Les artisans sont souvent les gardiens de techniques anciennes, qu'ils s'efforcent de préserver tout en innovant pour répondre aux exigences contemporaines.
L'industrialisation sur l'île a toujours été faible. Le secteur industriel en Corse est relativement modeste, principalement orienté vers l'agroalimentaire, les matériaux de construction, et l'artisanat. Les entreprises agroalimentaires, en particulier celles liées à la transformation des produits locaux (fromages, charcuteries, confitures, etc.), sont le moteur de cette industrie. Les principaux sites industriels se situent àBastia et ses environs. Néanmoins, la plus grosse entreprise de l'île est située près d'Ajaccio[287]. L'industrie ne représente que 7 % de l'emploi régional[26], ce qui est semblable à la situation existante dans les années 1960[291]. Les dépôts debrevets sont de l'ordre de 4 pour 100 000 habitants, contre 144 pour 100 000 habitants pour le reste de laFrance métropolitaine[287]. De plus, la petite taille des entreprises et le manque d'infrastructures modernes limitent la capacité de l'île à développer un secteur industriel plus compétitif.
Pendant longtemps, l'île n'est pas réputée pour être une destination touristique[292]. Ce n'est qu'au milieu duXIXe siècle, notamment grâce à l'archéologueProsper Mérimée, qui décrit la Corse comme étant« la citation de l'Homme », tout en expliquant que« les Corses n'ont jamais pu cultiver les arts », ce qui démontre que les préjugés étaient encore nombreux à l'époque[293]. Pendant longtemps, le tourisme se concentre en quelques points : Ajaccio, qui devient la premièrestation balnéaire de l'île ;Porto etPiana dans legolfe de Porto ;Vizzavona où les touristes anglais s'adonnent à la randonnée et où se trouve la« cascade des Anglais », aujourd'hui sur le parcours du GR20. Les premiers touristes anglais arrivent en Corse en 1860[294].
Dès 1949, letourisme est vu comme un moyen de dynamiser et de vitaliser l'économie insulaire[295]. En 1957, leClub Méditerranée ouvre un centre àPorto-Vecchio[296]. C'est aujourd'hui la région la plus spécialisée dans ce secteur d'activité, qui représente 11 % de l'emploi régional[287],[297],[298]. Néanmoins, c'est également celle qui est la plus dépendante[297]. L'île réalise 9,5 millions de nuitées par an en moyenne, dont 60 % pendant l'été. Les dépenses touristiques sont estimées à 2,5 milliards d'euros en 2011[297],[298]. Les transports représentent par ailleurs 24 % du total[298]. Le port d'Ajaccio accueille près de 800 000 croisiéristes par an[286]. Les trois principaux pôles touristiques sont legolfe d'Ajaccio, legolfe de Porto-Vecchio et laBalagne[286].
L'écotourisme s'est fortement développé dans l'île dans les années 1970 lorsque le GR20 est homologué et leparc naturel régional de Corse créé. Les principaux sites naturels visités sont lesaiguilles de Bavella, lesîles Sanguinaires, lescalanches de Piana — et par extension legolfe de Porto — ou encoregolfe de Sagone[299]. Lecap Corse est également très prisé. Les zones côtières accueillent plus de 90 % des hôtels, des campings et des villages de vacances[300]. Actuellement, laBalagne est le territoire le plus dépendant du tourisme, qui représente 40 % des emplois locaux pendant la période estivale[297]. Beaucoup d'infrastructures touristiques ont été visées par des plastiquages ou des attentats depuis 1976[301].
La Corse accueille depuis 1981 l'université de Corse-Pascal-Paoli àCorte[304]. Le site accueille près de 5 000 étudiants de toutes nationalités, et dispose d'antennes dans d'autres communes de l'île[305], même si les syndicats étudiants et les nationalistes cherchent à empêcher toute délocalisation[306]. Néanmoins, elle n'apparaît pas dans les classements internationaux et, hormis quelques rares chaires de recherche, l'université est surtout un moyen pour les nationalistes de diffuser leurs idées[304],[307]. La très grande majorité des étudiants sont originaires de l'île, et la ville hôte est encore mal reliée aux deux grandes villes insulaires[308]. Jusqu'au début des années 1980, les étudiants corses allaient en majorité à l'université Nice-Sophia-Antipolis fondée en 1965 ou àAix-en-Provence[309].
Ajaccio a été désignée comme chef-lieu de l'île dès 1811 à la suite d'un décret impérial deNapoleonIer. Elle a conservé ce statut lorsque la Corse fut détachée de la régionProvence-Alpes-Côte d'Azur en 1970, tout en étant le chef-lieu de laCorse-du-Sud depuis 1976.
Jusqu'à la fin de laSeconde Guerre mondiale, leParti radical est le parti dominant, étant dirigé par le député deCalviAdolphe Landry, qui fut d'ailleurs plusieurs fois ministre tout commeFrançois Pietri, celui-ci appartenant à l'Alliance démocratique. Concurrencé par le mouvement gaulliste et par leParti communiste français, le Parti radical parvient à préserver son hégémonie dans le nord de l'île bien que le maire de BastiaJacques Faggianelli ait rallié les gaullistes. Dans le sud, les gaullistes deviennent la force politique principale, notamment en s'emparant de la mairie d'Ajaccio et de Porto-Vecchio.
La langue corse, oucorsu, appartient à la famille desLangues italo-romanes et classifiée à l'intérieur du groupetoscan. Elle fait partie du patrimoine culturel et linguistique de l'île et est à la fois un symbole d'identité régionale et un sujet d'intérêt pour les linguistes en raison de ses particularités et de son histoire.
D'un point de vuelinguistique, le Corse est une variété de l'italo-toscan et ne présente pas de différences typologiques permettant de l'isoler comme une langue à part entière différente du toscan. Le corse est donc considéré comme unelangue par élaboration dont la langueabstand serait l'italien.
Le corse trouve ses racines dans lelatin vulgaire, tout comme les autreslangues romanes[313]. Au fil des siècles, la Corse a été sous l'influence de différentes puissances, dont les Pisans, les Génois, et plus récemment, la France.
L'italien était la seule langue officielle de l'île jusqu'au rattachement à la France. Bien qu'à partir de cette date la seule langue officielle devait devenir le français en vertu de l'ordonnance de Villers-Cotterêts, seul l'italien demeura utilisé de facto.En 1805, un décret impérial officialisera un bilinguisme français-italien dans les actes officiels[314]. Il faudra attendre 1852 pour que l'italien soit interdit dans les actes d'état civil et le début duXXe siècle pour sa disparition des écrits officiels[315].
La primauté de l'italien dans l'usage écrit se retrouve notamment dans latoponymie et l'anthroponymie locale, sur le même modèle dediglossie en usage dans les diverses régions appartenant à l'aire italo-romane (coexistence de deux variété d'une même langue, l'une "haute" utilisée dans les écrits et dans les situations de prestige, l'autre "basse" uniquement orale et réservé aux usages quotidiens)[316].
Carte indiquant la pratique des différents dialectes en Corse.
La langue corse se divise en plusieurs dialectes qui varient selon les régions de l'île. Les deux principales branches sont le corse du Nord, oucismuntincu, et le corse du Sud, oupumuntincu. Lecismuntincu est influencé par letoscan et présente des similarités avec les dialectes de laToscane, tandis que lepumuntincu, plus conservateur, se rapproche des dusassarais et dugallurais parlés au nord de laSardaigne[319].
Ces variations dialectales sont suffisamment importantes pour qu'un locuteur d'une région puisse avoir des difficultés à comprendre un dialecte d'une autre région. Cependant, tous ces dialectes partagent un socle commun qui les unit sous l'appellation« corse ».
Le corse a longtemps été marginalisé face au français, langue officielle de l'administration et de l'enseignement depuis l'annexion de l'île par la France en 1769, même si le français n'est imposé comme langue officielle qu'en 1859 parNapoléonIII. Aujourd'hui, bien que le français demeure la langue dominante, le corse bénéficie d'un statut particulier et est enseigné dans les écoles depuis 1974 en option[320]. Laloi Deixonne sur les langues régionales met ainsi plus de vingt ans à s'appliquer en Corse, car lors de sa promulgation en 1951, le corse n'était pas considéré comme une langue à part entière mais comme une simple variété de l'italien lequel bénéficiait déjà d'un enseignement possible[321].De nombreuses initiatives locales cherchent à promouvoir son usage quotidien, que ce soit dans les médias, les arts ou les institutions[322]. Cela n'empêche pas certains instituts, comme l'Institut universitaire de formation des maîtres de Corse, ont été visés par des attentats nationalistes[323].
Cependant, le corse fait face à des défis. L'assimilation linguistique, notamment parmi les jeunes générations, et la migration vers le français comme langue de prestige, posent des risques pour la transmission intergénérationnelle. Néanmoins, des efforts de revitalisation se poursuivent, avec des campagnes de sensibilisation, des émissions de radio et de télévision en corse, et un soutien institutionnel croissant de la part de l'Assemblée de Corse.
La culture corse est riche en traditions orales, avec des chants polyphoniques, oupaghjelle, qui sont souvent interprétés en corse. La littérature corse, bien que plus récente, s'est développée avec des auteurs qui écrivent en corse ou intègrent des éléments de la langue dans leurs œuvres en français. Ces œuvres sont souvent le reflet des préoccupations identitaires, des luttes sociales et de l'amour pour l'île.
Le corse est aussi présent dans la toponymie de l'île, dans les noms de lieux, les noms de famille, et même dans le langage quotidien de ceux qui parlent français mais qui incorporent des expressions corses.
Le relief varié de la Corse, entre montagnes escarpées, collines verdoyantes et plages de sable fin, offre un terrain de jeu naturel pour de nombreuses activités sportives. Que ce soit sur terre, en mer ou dans les airs, l'île permet la pratique de sports très diversifiés :
Lefootball : Le sport roi en Corse, avec des clubs emblématiques comme l’AC Ajaccio ou leSC Bastia, qui ont porté haut les couleurs de l'île sur la scène nationale, notamment Bastia qui est l'un des rares clubs français à s'être hissé en finale de coupe d'Europe lors de laCoupe UEFA en 1978[324]. Le club compte également une victoire enCoupe de France, remportant le trophée en1981 contre l'AS Saint-Étienne deMichel Platini ouJohnny Rep. D'autres clubs insulaires ont marqué, comme leGazélec Ajaccio. LeFootball Club Borgo est créé plus récemment, dans le cadre d'une fusion avec leCA Bastia. Le Féminine Esprit Club Bastiais est le seul club exclusivement féminin (évolue aujourd'hui dans la quatrième division)[325], tandis que les autres clubs commencent à développer des sections féminines. Le football est plus qu’un sport ici, c’est une véritable passion qui fédère les communautés locales autour de leurs équipes.
Lessports nautiques : Entourée par la mer, la Corse est un paradis pour les amateurs de sports nautiques. Lavoile,planche à voile, lekitesurf, laplongée sous-marine ou encore lekayak de mer attirent non seulement les habitants mais aussi les touristes venus profiter des conditions idéales qu’offre l’île.
Larandonnée : Avec son fameuxGR20, considéré comme l'un des sentiers de grande randonnée les plus difficiles d'Europe, la Corse est une destination prisée des randonneurs. La montagne est une composante essentielle de l'identité corse, et la randonnée y est pratiquée avec une grande ferveur.
Lessports extrêmes : L’île est aussi un terrain propice pour les sports extrêmes comme leparapente, l'escalade ou lecanyoning. Ces disciplines, qui allient adrénaline et communion avec la nature, trouvent en Corse un cadre d’expression unique.
Lesport automobile : Depuis 1956, l'île accueille tous les ans leTour de Corse où s'affrontent les meilleurs pilotes de rallye.
Lecyclisme : Depuis 1920, l'île accueille tous les ans leTour de Corse cycliste, étant ouvert depuis 1971 aux professionnels. En 2013, la Corse accueille également les trois premières étapes duTour de France[327].
Letir sportif : C'est le sport le plus pratiqué sur l'île en dehors du football, ce qui fait d'ailleurs de la Corse la région où cette discipline est la plus pratiquée[328].
En Corse, les médias jouent un rôle politique non négligeable. Ils sont souvent au cœur des débats sur l'autonomie, la préservation de la langue corse, et d'autres enjeux sociétaux importants pour l'île. Les médias peuvent servir de tribune aux divers courants politiques, allant des nationalistes corses aux partis politiques traditionnels, influençant ainsi l’opinion publique et les élections locales.
L’indépendance éditoriale des médias corses est parfois remise en question, notamment en raison de la petite taille du marché médiatique insulaire et des pressions économiques et politiques qui en résultent. Néanmoins, les médias corses restent un espace crucial pour l’expression de la diversité des opinions et la défense des intérêts locaux.
Lapresse écrite est représentée par plusieurs titres. Certains titres couvrent la région dans son intégralité. Les principaux titres de lapresse quotidienne régionale sont :
La télévision en Corse est marquée par la présence de chaînes locales commeFrance 3 Corse ViaStella. Cette chaîne publique joue un rôle clé dans la représentation de la réalité corse, avec des programmes qui explorent la culture, l'histoire, et les enjeux contemporains de l'île. France 3 Corse ViaStella diffuse aussi du contenu en langue corse, soutenant ainsi les efforts de revitalisation linguistique[265].
Les stations de radio en Corse, telles queRadio Corse Frequenza Mora (RCFM), sont également des vecteurs importants de diffusion culturelle et linguistique. Elles abordent des sujets locaux tout en diffusant des émissions en langue corse, contribuant ainsi à la vitalité de la culture insulaire[265].
L'histoire du cinéma en Corse remonte aux débuts du septième art. Dès les années 1920, des réalisateurs français commencent à s'intéresser à l'île, fascinés par ses paysages sauvages et ses traditions ancestrales. Ces premières productions, souvent tournées par des équipes extérieures, utilisent la Corse comme un simple décor exotique.
Cependant, dans les années 1950 et 1960, le cinéma en Corse prend une nouvelle dimension avec l'émergence de réalisateurs locaux qui cherchent à capturer la véritable essence de l'île. Des films commeL'Enquête Corse (2004) illustrent cette transition, en mélangeant l'humour et une critique subtile de la société insulaire.
Le cinéma en Corse est un reflet de la société insulaire, de ses joies comme de ses tensions. Les thématiques de l'attachement à la terre, de la famille, et des conflits identitaires y sont récurrentes. Les réalisateurs corses n'hésitent pas à aborder des sujets sensibles tels que la violence ou le nationalisme, tout en célébrant la beauté et la diversité de leur culture.
Le documentaire joue également un rôle central dans la cinématographie corse, offrant une vision authentique et souvent poignante de la vie sur l'île. Des réalisateurs comme Jean-Charles Marchiani ont su capter avec justesse la complexité de l'âme corse à travers leurs films documentaires.
L'île a servi de cadre à un certain nombre de films et de séries télévisées :
La région compte de nombreuses manifestations culturelles, certaines ayant un rayonnement national ou international, d’autres un caractère plus local. Parmi les principaux événements figurent notamment :
le festival de la chanson corse àAjaccio (Corse-du-Sud).
le festival Sorru in Musica, à laquelle est associé une académie de musique, organise depuis 2004 àVico des concerts dans divers styles musicaux.
le festivalCorsica Cantabile organise des concerts de musique classique et traditionnelle depuis 2022 dans l'ouest-corse (Piana, Cargèse, vico, etc).
le festival decinémaArte Mare, organisé àBastia depuis 1982, à la particularité de ne promouvoir que des films et des documentaires ayant pour thème lebassin Méditerranéen.
A Festa di a Nazione (« fête de la Nation »), organisée tous les 8 décembre en l'honneur dePascal Paoli, principale figure de l'île qui reçut le titre de« Père de la Nation »
La Corse a été habitée depuis la préhistoire, comme en témoignent les sites mégalithiques tels que les alignements de menhirs deFilitosa. Ces monuments mystérieux, vieux de plus de 4 200 ans, sont l'une des traces les plus anciennes de la présence humaine sur l'île[331]. D'autres sites archéologiques préhistoriques majeurs sont présents sur l'île, notamment ceux de Cucuruzzu et Capula près deLevie. Au fil des siècles, l'île a vu se succéder de nombreuses civilisations, chacune laissant son empreinte, des Étrusques aux Romains, en passant par les Génois et les Pisans.Aléria est un site archéologique majeur, de nombreux vestiges de l'ancienne cité romaine ayant été découverts et préservés, notamment le forum, les thermes et des temples. Ces influences se reflètent dans les architectures romanes et baroques, que l'on retrouve dans de nombreuses églises et chapelles disséminées à travers l'île, comme l'Église Saint-Michel de Murato, un chef-d'œuvre de l'art roman pisan. La Corse possède un grand nombre de petites chapelles romanes, surtout dans le sud de l'île, chacune avec des fresques, des sculptures et une architecture unique, souvent nichées dans des paysages naturels époustouflants. Pendant longtemps, il fut impossible d'établir un inventaire du patrimoine insulaire, comme l'explique l'archéologue Prosper Mérimée :« Pauvres, nullement enthousiastes de dévotion, exploités par des gouverneurs avides, les Corses n’ont jamais pu cultiver les arts »[292].
L'architecture corse est un autre aspect du patrimoine qui mérite une attention particulière. Les villages perchés, comme ceux dePigna ou deCorte, sont emblématiques de la résistance des Corses à l'invasion et à la domination étrangère. Les maisons en pierre sèche, aux toits en lauze, témoignent d'un savoir-faire ancestral adapté aux conditions climatiques de l'île. Lestours génoises, disséminées le long des côtes, sont les gardiennes silencieuses de cette histoire tumultueuse, rappelant l'époque où l'île devait se protéger des pirates. Certaines villes ont un patrimoine unique, notammentBonifacio perchée sur des falaises calcaires où se trouve pourtant unecitadelle mais aussi l'escalier du roi d'Aragon creusé dans la falaise et qui permettait d'accéder à la ville depuis la mer. Le village deSant'Antonino enHaute-Corse est un village médiévalclassé parmi les plus beaux villages de France[332]. Situé sur une colline, il offre une vue panoramique sur laBalagne et est connu pour ses ruelles en pierre et son charme authentique.
[Poli 1907]Xavier Poli,La Corse dans l'Antiquité et dans le Haut Moyen Âge : Des origines à l'expulsion des Sarrasins, Paris, Librairie Albert Fontemoing,, 207 p.(BNF34105766,lire en ligne).