LaConstitution française du est laconstitution de laCinquième République, régime actuellement en vigueur enFrance. Norme juridique suprême du pays, elle est, malgrévingt-cinq révisions, l'une des constitutions les plus stables que la France ait connues.
la pratique institutionnelle insufflée par le premier président de laVe République,Charles de Gaulle, dont l'aura politique et le poids historique sont considérables à la différence de ceux de ses prédécesseurs ;
l'élection du président de la République ausuffrage universel direct à partir de, laquelle a très fortement élargi le poids politique du chef de l'État (jusque-là élu ausuffrage indirect), donnant naissance à la notion de « majorité présidentielle », inconcevable en.
C'est en fait dans les rapports au sein du pouvoir exécutif que la Constitution de instaure un système politique à géométrie variable, selon que l'on est en période de concordance des majorités présidentielle et législative ou, au contraire, decohabitation. En période de concordance, l'Assemblée nationale, le Premier ministre, le Gouvernement et le président de la République, sont du même bord politique : le président exerce alors une autorité importante qui limite l'exercice des attributions constitutionnelles du Premier ministre. À l'inverse, ce sont paradoxalement les périodes de cohabitation qui se rapprochent le plus de la lettre et de l'esprit originels de la Constitution de : le Premier ministre y joue seul le rôle de chef de majorité (parlementaire), puisqu'il n'existe pas de majorité présidentielle. À cet égard, le président de la RépubliqueFrançois Mitterrand, confronté par deux fois à ce cas de figure (- et-), disait que« la cohabitation c'est la Constitution, rien que la Constitution mais toute la Constitution »[3].
Leputsch d'Alger mené par l'armée et lacrise du ont entraîné le retour au pouvoir dugénéral de Gaulle. Celui-ci, en retrait de la vie politique depuis plus de dix ans, annonce se tenir prêt à assumer les pouvoirs de la République le et tient une fameuse conférence de presse quatre jours plus tard aupalais d'Orsay à Paris, dans laquelle il se justifie :« pourquoi voulez-vous qu'à67 ans, je commence une carrière de dictateur ? ». Le, le Président Coty invite le général de Gaulle,« le plus illustre des Français », à revenir aux affaires[5]. Le, celui-ci est investi par le Parlement commeprésident du Conseil : il accepte de reprendre le pouvoir à condition de gouverner parordonnance pour une durée de six mois et de pouvoir modifier laConstitution. Le Parlement accepte ses conditions et adopte laloi constitutionnelle du 3 juin 1958, qui autorise legouvernement de Gaulle à proposer une modification de la Constitution, tout en soumettant cette révision à des conditions de fond et de forme.
Les conditions de fond sont au nombre de cinq : « le suffrage universel est la seule source du pouvoir » ; « le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés » ; « le gouvernement doit être responsable devant le Parlement » ; « l'autorité judiciaire doit demeurer indépendante » ; « la Constitution doit permettre d'organiser les rapports de la France avec les peuples qui lui sont associés »[6]. La volonté du Parlement est donc de voir créée une Constitution démocratique, instaurant un régime parlementaire et permettant de régler les problèmes qu'a la France avec ses colonies, surtout en Algérie. La révision devra ainsi être soumise àréférendum. Cette procédure reste discutée et n'est pas exempte de certains reproches, attendu qu'elle permet au gouvernement de Charles de Gaulle de déroger à la procédure de révision contraignante de laConstitution de laIVe République[7].
À partir du, le général de Gaulle demande àMichel Debré d'élaborer les grandes lignes du projet de constitution en concertation avec les ministres d’État, des personnalités qualifiées en droit constitutionnel etRené Cassin, vice-président du Conseil d’État[8]. Les réunions ont lieu, en général le soir, dans le bureau du général à Matignon.Georges Pompidou, directeur du cabinet, etRoger Belin, secrétaire général du Gouvernement, y assistent également[9]. Sur le plan formel, la première phase de la rédaction a lieu jusqu'au, lorsque l'avant-projet est présenté en conseil des ministres. Elle est assurée par deux comités, sous l'influence du Conseil d’État[10] : le Comité d’experts et le Comité interministériel présidé par de Gaulle ; le premier« est principalement composé de conseillers d’État » et trois conseillers d’État sont présents dans le second, dont Michel Debré[11]. Le intervient la seconde phase de la rédaction : leComité consultatif constitutionnel est créé et reprend les travaux préparatoires[12] avec le gaulliste Michel Debré et d'autres hommes politiques d'autres bords. On distingue trois grandes étapes :
la première est l'élaboration d'un avant-projet, qui débute le 12 juin. Deux organes participent à sa préparation : un comité d'experts, présidé par Michel Debré[13], constitué de hauts fonctionnaires (Jérôme Solal-Céligny[Note 1],Jean Mamert[Note 2]…), et un comité interministériel, formé notamment du général de Gaulle et du garde des Sceaux, Michel Debré[Note 3]. Ces deux comités s'appuient sur différentes propositions faites par la gauche comme par la droite depuis 1930 (travaux de Léon Blum et André Tardieu notamment, ainsi qu'une grande partie de la doctrine constitutionnaliste)[17] et fondées sur le renforcement dupouvoir exécutif par rapport aupouvoir législatif. Au début du mois de juillet, De Gaulle charge Debré et trois autres membres du comité d'experts (Raymond Janot, Jean Mamert et Jérôme Solal-Céligny) de s'isoler auchâteau de La Celle pour finaliser en quelques jours seulement la rédaction de l'ensemble de l'avant-projet, ce qui sera chose faite le 14 juillet[18]. Celui qui contribue le plus au premier jet du futur texte constitutionnel, que l'on appelle alors le « cahier rouge »[19], est Solal-Céligny, qui avait déjà été amené, début 1956, à la demande de Guy Mollet, à proposer, dans une note de 16 pages, « un catalogue sommaire des mesures destinées à renforcer l’exécutif»[14] ;
la deuxième étape est l'intervention du comité consultatif formé par le Parlement : il propose quelques changements, qui ne modifient pas l'économie générale du texte et dont certains seront retenus[20] ;
enfin, dernière étape, l'avant-projet modifié est, dès le, examiné par leConseil d'État. Le 27 août, Michel Debré, garde des Sceaux, prononce un discours devant l'Assemblée générale du Conseil d'État présentant les mérites du nouveau texte[21].
Le texte issu de ces interventions est adopté le par les électeurs français, consultés parréférendum, à une majorité de 82,60 % des voix[22], avec une abstention faible (15,6 %). La Constitution est promulguée parRené Coty le.
Il existe plusieurs exemplaires originaux de la Constitution[23]. LesArchives nationales en conservent trois, en réserve dans l'Armoire de fer[24]. Le, un des dix exemplaires originaux a été déchiré, dans une intention symbolique, lors d'une occupation du Conseil constitutionnel par une centaine de chômeurs[25].
L'article 16 comprend depuis l'origine une faute de grammaire puisqu'il est ainsi libellé :« Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate[26][…] » Le terme « menacés » devrait en fait s'écrire « menacées » car il se rapporte exclusivement à des substantifs féminins. Selon les publications, le mot est soit correctement orthographié[27], soit annoté[28], soit orthographié avec la faute[29]. Un amendement adopté le par l'Assemblée nationale, sur un projet de loi constitutionnelle avorté, proposait de corriger cette erreur[30].
La Constitution de contient essentiellement des articles organisant les institutions françaises. On se référera donc aux articles correspondants pour leurs missions, leurs attributions et les rapports entre elles.
La Constitution, dans sa rédaction actuelle, comporte un préambule et un premier article hors titre, suivis de 16 titres (dont un, le Titre XI, possède un titrebis), réunissant en tout 108 articles[27]. La Constitution se compose comme suit :
Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004.En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.
Article premier. La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.
Titre IV (articles 24 à 33) - Le Parlement : sur la composition et les fonctions de l'Assemblée nationale et duSénat.
Titre V (articles 34 à 51-2) - Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement : responsabilité du Gouvernement envers le Parlement et du Parlement envers le Gouvernement :
articles34 et37 : délimitation du domaine de la loi par rapport au champ du règlement ;
article 74 : collectivités d'outre-mer et leurs compétences législatives locales.
Titre XIII (articles 76 et 77) - Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie : législation spéciale sur le statut de laNouvelle-Calédonie :
articles76 et77 : statutsui generis de laNouvelle-Calédonie, approuvé par le référendum de 1998 portant sur le maintien du territoire dans la République ou sur son accession future à l'indépendance, et organisation issue de ce référendum d’un second système législatif local de droit civil coutumier et d’une assemblée locale commune et transitoire, avant que sa population ne se prononce sur l'accession à la pleine souveraineté.
Titre XIV (articles 87 et 88) - De la francophonie et des accords d'association : coopération entre États francophones :
articles87 et88 :Francophonie et accords d'association avec d’autres pays.
Titre XV (articles 88-1 à 88-7) - De l'Union européenne : sur la valeur juridique dans le droit français des normes de l'Union européenne :
articles88-1 à 88-7 : relations entre la France et l'Union européenne. Ces articles ont été introduits à l'occasion de la ratification dutraité de Maastricht en 1992, et modifiés en février 2008 pour letraité de Lisbonne entré en vigueur le ;
article88-5 : obligation, remplacée par une simple faculté, d'organiser un référendum d'approbation de toute nouvelle adhésion à l'Union européenne.
Titre XVI (article 89) - De la révision : modalités de révision de la Constitution :
article 89 : modalités de révision de la Constitution.
Par ailleurs :
les articles 78 à 86 ont été abrogés (ils portaient sur les relations et les domaines communs ou partagés de compétence entre la France et les autres États membres dans la Communauté) ;
les articles 90 et suivants ont été modifiés en 1993 puis abrogés en 1995 (ils portaient sur des dispositions transitoires permettant la mise en application de la Constitution entre 1958 et 1959 en suspendant ou transférant certaines attributions des anciennes institutions avant la formation des nouvelles, puis l’entrée de la France en 1993 dans laCommunauté européenne).
Le terme de « citoyen » est utilisé à plusieurs reprises dans la Constitution de 1958, tantôt dans un sens large comme équivalent de « national » ou de personne résidant sur le territoire français (art. 1er, 34, 47-2, article 75), tantôt dans un sens strict, comme dans le cas de la citoyenneté calédonienne (article 77) ou de la citoyenneté européenne (article 88-3)[31].
La révision de la Constitution se fait selon l'article 89 et s'effectue en quatre phases spécifiques :
initiative : la révision constitutionnelle peut être proposée soit par le président de la République sur proposition du Premier ministre, soit par le président de l'Assemblée nationale, soit par le président du Sénat soit par 60 membres d'une des deux assemblées. Le président de la République doit donc avoir l'accord du Premier ministre pour lancer la procédure ;
discussion et adoption : la révision doit être examinée puis adoptée en termes identiques par les deux assemblées parlementaires ;
ratification : soit par référendum (de plein droit), soit par leCongrès du Parlement (réunion des deux assemblées) à la majorité des trois cinquièmes. La ratification par le Congrès ne peut être réalisée que si l'initiative de la révision émane du pouvoir exécutif ;
promulgation par le Président de la République dans les quinze jours au plus tard qui suivent son adoption.
Deux révisions ont également été entreprises sur le fondement de l'article 11 : celle du relative à l'élection du président de la République au suffrage universel direct (adoptée) et celle du sur la régionalisation et la réorganisation du Sénat (rejetée par référendum). L'utilisation de la procédure de référendum prévue par l'article 11, permettant de se passer de l'accord des deux assemblées, a suscité unepolémique juridique et politique[32]. Cette procédure est parfois envisagée pour des évolutions constitutionnelles[33]. Certains candidats à l'élection présidentielle[34], s'appuyant notamment sur les précédents de 1962 et 1969 (interprétation confirmée plus tard par François Mitterrand[35]) ainsi que l'argument de la souveraineté du peuple et les équivoques de l'article 11 lui-même[36], ont émis le souhait d'y recourir.
Néanmoins l'usage de cette procédure pour réviser la Constitution pourrait aujourd'hui être empêchée par le Conseil constitutionnel[37], par son contrôle des actes préparatoires au référendum[38].
Jusqu'à la révision constitutionnelle du, certaines dispositions du titre XIII (qui portait le numéro XII jusqu'en 1993) relatives à laCommunauté pouvaient être modifiées par une procédure spécifique prévue à l'ancienarticle 85, procédure qui a été utilisée une seule fois, pour la révision constitutionnelle du.
Lacérémonie de scellement est un évènement solennel ayant au cours duquel est apposé le sceau de laRépublique française sur un texte législatif ou constitutionnel considéré comme particulièrement important. De nos jours, seule la promulgation (et la publication auJournal officiel) entraîne l’entrée en vigueur des textes. Le scellement n’est donc pas nécessaire pour donner aux textes leur validité, il a uniquement une forte portée symbolique[39],[40]. Voici quelques scellements :
la loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie a été scellée le 21 septembre 1998. Elle arbore un sceau de cire jaune sur lacs tricolores ;
la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes a été scellée le 8 mars 2002. Elle arbore un sceau de cire verte sur lacs tricolores.
la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République a été scellée le 27 octobre 2004. Elle arbore un sceau de cire verte sur lacs tricolores.
la loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 relative à l'interdiction de la peine de mort a été scellée le 28 mars 2007. Elle arbore un sceau de cire verte sur lacs tricolores.
la loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a été scellée le 1ᵉʳ octobre 2008. Elle arbore un sceau de cire verte sur lacs tricolores.
la loi constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse a été scellée le 8 mars 2024. Elle arbore un sceau de cire verte sur lacs tricolores[41].
↑ArmelLe Divellec, « Le prince inapprivoisé. de l’indétermination structurelle de la présidence de la ve république (simultanément une esquisse sur l’étude des rapports entre droit de la constitution et système de gouvernement) »,Droits,vol. 44,no 2,,p. 101–138(ISSN0766-3838,DOI10.3917/droit.044.0101,lire en ligne, consulté le).
↑AntoineFaye,Les bases administratives du droit constitutionnel français : Recherche sur la culture administrative du droit constitutionnel français, Institut universitaire Varenne,, 596 p.(ISBN978-2-37032-139-8,lire en ligne),p. 132-133.
↑Interview de Yves Guéna le 17 février 2008,Les enfants d'Europe1, Europe1.
↑Les exemplaires sont côtés AE/I/30/1/1, AE/I/30/1/2 et AE/I/29/19 (cette dernière fut versée en 1996 par leministère de la justice, elle était conservée à l'hôtel de Bourvallais). Elles sont également référencées sur la base de données Archim.
↑VoirLa constitution déchirée, par Stéphane Beaumont,(ISBN2849181080) (Aperçu sur Google Books d'une section consacrée à ce fait divers par le même auteur dans un autre ouvrage,Un président pour uneVIe République ?).
↑Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, « La nationalité sans la citoyenneté : la question des nationaux non-votants » inNationalité et citoyenneté, À la croisée des droits, Bruylant, 2012, pp. 291-306.Lire en ligne.
De Gaulle et la Constitution de laVe République, dossier thématique sur la genèse de la Constitution sur le site de la Fondation Charles de Gaulle : témoignages et analyses d'historiens, de spécialistes du droit ainsi que d'anciens ministres, notammentMichel Debré