Constantine (prononcé/kɔ̃.stɑ̃.tin/ ; enarabe :قسنطينة, prononcéQsentina enarabe algérien ; enberbère :ⵇⵙⵏⵟⵉⵏⴰ) est unecommune du nord-est de l'Algérie, chef-lieu de lawilaya de Constantine. Elle est la capitale de l'Est de l'Algérie, ses 475 510 habitants[3] classent cette métropole au rang de la troisième ville du pays aprèsAlger etOran. Le Grand Constantine s'étale sur un rayon d'une quinzaine de kilomètres sous forme d'uneagglomération comprenant une ville mère et une série de satellites. L'agglomération de Constantine comptait 943 112 habitants en 2015[4], dont seulement 54 % habitant dans la commune même de Constantine.
Constantine est une ville importante dans l'histoireméditerranéenne. AnciennementCirta, capitale de laNumidie de à, elle passe ensuite sous domination romaine. C'est à l'empereurConstantinIer qu'elle doit son nom actuel, depuis313.
Constantine est diversement surnommée : « ville des ponts suspendus » ; « ville du vieux rocher » ; « ville desoulémas » ; « ville des aigles » ; « ville dumalouf », le malouf étant la variante constantinoise de lamusique arabo-andalouse. Elle est considérée comme la capitale de l'Est du pays[5].
Constantine est la ville la plus importante de l’Est algérien. Elle occupe une position géographique centrale dans cette région, étant une ville charnière entre leTell et lesHautes Plaines, au croisement des grands axes nord-sud (Skikda-Biskra) et ouest-est (Sétif-Annaba)[6]. Elle est également la principale métropole de l’Est du pays et la plus grande métropole intérieure du pays, elle assure des fonctions supérieures notamment culturelles et industrielles[7].
La ville s'étale sur un terrain caractérisé par une topographie très accidentée, marquée par une juxtaposition de plateaux, de collines, de dépressions et de ruptures brutales de pentes donnant ainsi un site hétérogène[8].
Elle s'étend sur un plateau rocheux à649 mètres d'altitude, coupé des régions qui l'entourent par des gorges profondes où coule l'ouedRhummel[9] qui l'isole, à l'est et au nord, des djebels Ouahch et Sidi Mcid, dominant de300 mètres, à l'ouest, le bassin d'El-Hamma[10]. Le choix de cet emplacement est avant tout une stratégie de défense[9]. Aux alentours, la région est dotée de terres fertiles.
L'autoroute Est-Ouest algérienne traverse l'agglomération de Constantine au sud de la ville, à proximité de l’aéroport situé sur le plateau deAin el Bey et de l'universitéMentouri.
Il existe deux types de transport en commun par bus dans l'agglomération : le transport public, géré par L'Entreprise de Transport de Constantine (ETC), disposant de bus modernes et assurant un service plus ponctuel, et un réseau dense de bus privés géré par des particuliers dans le genre EURL et PME.
Un premier tronçon de 8,9 kilomètres comprenant dix stations entre le stade Benabdelmalek Ramdane (centre-ville) et la cité Zouaghi (sud-est de l'agglomération) a été mis en service le 4 juillet 2013.
À raison d'une fréquentation estimée à 70 000 usagers quotidiens, ce nouveau mode de transport fonctionne tous les jours de5 h à23 h avec une fréquence de trois minutes en heures de pointe et de cinq minutes en heures creuses.
Le nom algérien officiel de la ville estQacentina, enarabe algérienKsentina[2]. Le toponymeQusantina et sa variante,Qusantina al-Hawa, sont fréquemment mentionnés dans les textes arabes médiévaux. Néanmoins, certains auteurs arabes ont tendance à les confondre avecAl-Qustantinia (Constantinople)[16].
Le nom antique de Cirta / Qirta vient possiblement de la racine sémitiqueQRTN[17], prononcéQirta (قرة) et signifiant « ville » ou « village » enphénicien (قرية en arabe), dont la prononciation a depuis dérivé versSirta sous les Romains (le caractère latin C pouvant en effet être prononcé Q ou S, et passer de l'un à l'autre). Cette première hypothèse rapproche le nom de Cirta du nom deCarthage (Qirta Hadcha قرة حدشة) qui signifie « ville nouvelle » en phénicien (قرية حديثة en arabe).
Selon une deuxième hypothèse, le nom de Cirta provient du nom[18] berbère « tissirt » (meule) vu l'abondance de la culture du blé dans la région.
Arthur Pellegrin propose une étymologie alternative, le mot pourrait dériver deKarath, un terme qui signifie« couper »,« séparer » ou« inciser ». Cette interprétation pourrait être logique en lien avec la situation géographique de la ville. Dans un autre contexte, Pellegrin développe une hypothèse selon laquelle la ville a pu être nommée d'après son oued ; lerhummel étant appeléKéritha, constituait un obstacle quasiment infranchissable pour les habitants des régions avoisinantes[16].
Pendant le long règne de Massinissa et celui de ses successeurs, notammentMicipsa, la ville s'agrandit : selonAppien, elle peut ainsi contenir jusqu'à 10 000 cavaliers et 20 000 fantassins[21]. L'historienStéphane Gsell estime le nombre de ses habitants entre 150 000 et 180 000. Elle commence également à produire et à exporter des céréales. À la fin duIIe siècle av. J.-C., elle aurait même eu une autonomie monétaire[15]. À la fin duIIIe siècle av. J.-C. et au début duIIe siècle av. J.-C., la ville commence à s'étendre au sud/ouest sur la rive gauche duRhummel, de nombreux vestiges ont été retrouvés en dehors du rocher (inscriptions, tombes, fondations d'édifices, îlots d'habitation et objet domestiques)[15].
La capitale numide était une ville cosmopolite ouverte sur les autres civilisations méditerranéennes, notammentpunique etgrecque, et cohabitant avec le mode de vie nomade desGétules[22]. Les souverains numides ont été les propagateurs de la langue punique dans leur royaume, au point que la société de Cirta a été profondément punicisée[15]. La population a adopté le culte deBaal Hamon et deTanit, déesse carthaginoise de la fécondité. Le sanctuaire d'El Hofra témoigne de l'importance de la culture punique dans la société[23].
Carte de la Numidie romaine (rose).
Après la mort de Massinissa, Cirta devient un enjeu dans la lutte entreJugurtha et son frère adoptifAdherbal. Refusant le partage du pouvoir imposé par lesRomains enNumidie, Jugurtha parvient à s'emparer de la ville après la mort d'Adherbal, lors du siège de Cirta, où s'était réfugié son adversaire soutenu par Rome. Toutefois, le massacre des Italiens marque le début d'une guerre entre Numides et Romains. Cirta change de main plusieurs fois durant le conflit[15].
À la suite de la défaite du roi numideJubaIer, allié aux partisans dePompée, le royaume numide est annexé etCésar attribue sa partie orientale àSittius et à ses compagnons. Les Sittiani mettent en place autour de Cirta une principauté qui bénéficie pendant quelque temps d'une certaine autonomie. Cirta prend alors le nom deColonia Cirta Sittianorum[24].
Elle devient ensuite le centre de la confédération cirtéenne, qui regroupe trois autres colonies :Rusicade,Chullu etMileu avec un vaste territoire et un statut particulier[24]. Puis la ville devient la capitale provinciale de laNumidie cirtéenne qui remplace l'ancienne confédération[25].
L'intégration de la ville à lacivilisation arabo-musulmane fut clairement établie avec l'avènement desAghlabides[16]. Au début duXe siècle, une révolte menée par lesKetamas, une grande tribu berbère du Nord-Constantinois convertie auchiisme, entraîna la chute du pouvoir aghlabide et instaura le chiisme sous l'égide de la dynastie desFatimides. Les chiites cherchaient une base de départ, et Constantine, avec ses atouts défensifs, était l'une des localités les plus importantes qu'ils devaient conquérir[16].
Par la suite, le pouvoir passa des Fatimides auxZirides, et Constantine joua un rôle crucial. De même, dans le royaume desHammadides, elle prit une importance significative. Après la migration desBanu Hilal, la capitale des Hammādides fut transférée versBéjaïa, mais cela n'a pas freiné l'activité de Constantine. Grâce à sa position géographique stratégique, la ville était un carrefour vital dans les échanges commerciaux et les routes, et ses habitants entretenaient des transactions commerciales avec lesArabes[16]
Après la prise de Béjaïa par lesAlmohades, le dernier roi,Yahya ibn Abd al-Aziz, chercha refuge à Constantine avant de se rendre volontairement àAbd al-Mumin[26]. Constantine connut des moments de vulnérabilité, comme lors de l'attaque potentielle desBeni Ghania en 1185, toutefois la ville fut préservée de ce danger[26].
En 1282, pendant le règne d'Abū Ishac, le gouverneur Ibn al-Wazīr se révolta contre le souverain de Tunis, forçant celui-ci à envoyer son fils, Abū Fāris, pour reprendre la ville par la force[26]. En 1284, les Constantinois ouvrirent leurs portes au prétendant Abū Zakariya deBéjaïa. Puis, en 1305, poussés par le gouverneur Ibn al-Amīr, ils se soumirent au souverain hafside de Tunis, mais abandonnèrent rapidement cette allégeance pour reconnaître à nouveau l'autorité du roi de Bougie, Abū l-Bakāʾ. Cependant, Abū l-Bakāʾ réussit à restaurer l'unité du royaume hafside en 1309 et maintint temporairement la stabilité dans le Maghreb oriental. Mais de nouveaux troubles surgirent rapidement[26].
Entre 1312 et 1319, Constantine resta pratiquement indépendante, placée sous l'autorité du vizir Ibn Ghamr, qui réussit à installer sur le trône de Tunis un prince de son choix, Abū Yahyā[26]. En 1325, la révolte d'un autre vizir, Ibn al-Kālūn, exposa les habitants de Constantine à une attaque desZianides. Les guerres qui éclatèrent alors dans le Maghreb occidental entre lesMérinides et les Zianides, ainsi que la bonne administration des gouverneurs Abū ʿAbd Allāh et Abū Zayd, fils et petit-fils du roi de Tunis Abū Yaḥyā, offrirent quelques années de répit aux Constantinois[26].
Cependant, l'ordre, rétabli avec peine, fut de nouveau perturbé au milieu duXIVe siècle par les expéditions mérinides.Abu al-Hasan s'empara de Constantine et remplaça l'autorité des Hafsides[26]. L'un d'eux, al-Faḍl, saisit cette occasion pour s'emparer de la ville, mais son règne fut de courte durée. L'ancien gouverneur hafside Abū Zayd, libéré parAbu Inan Faris, reprit le contrôle de Constantine et, lâchant son protecteur, proclama sultan un fils d'al-Ḥasan, nommé Tāshfîn. Peu après, le propre frère d'Abū Zayd,Abû al-`Abbâs, le renversa et détrôna Tāshfîn, prenant lui-même le titre de sultan. Il repoussa les Dhouaouda et les Sadwîkīsh qui, sous la conduite d'un officier mérinide, assiégèrent Constantine en 1355, mais ne put empêcher la ville d'être reprise par Abū Inan[26]. Toutefois, Abu al-Abbâs, devenu sultan de Tunis en 1370, maintint la tranquillité dans la province de Constantine jusqu'à sa mort. Son successeur, Abū Fāris, eut au contraire à reconquérir la ville à deux reprises différentes sur son frère Abū Bakr, qui l'avait prise avec le soutien des tribus arabes[26].
Selon les descriptions des textes arabes médiévaux, Constantine était le centre d'une région fertile et bien irriguée. Sa campagne abondante fournissait une variété de produits essentiels à la vie quotidienne, tels que le froment, l'orge, le miel, le beurre et les fruits. De plus, la présence de silos à l'intérieur de la cité témoigne de l'importance accordée à la conservation des aliments pour assurer leur disponibilité en toutes saisons[16]. La ville abritait de nombreux marchés bien approvisionnés. Son emplacement stratégique le long d'un important axe routier lui conférait un rôle commercial significatif, comme le confirment les références d'Al Idrissi aux transactions commerciales avec les Arabes[16].
À partir duXVIe siècle, Constantine passe sous dominationottomane en 1535[27] et devient le siège duBeylik de l'Est, le plus important des troisbeylik de la régence d'Alger[28]. Il s'agit du plus peuplée, du plus vaste et du plus riche d'Algérie[29]. Elle est alors une ville moyenne dumonde arabe à cette époque[30]. C'est la seule ville intérieure de larégence, qui continue de jouir d'une certaine prospérité[31]. Constantine disposait d'autorités véritablement urbaines[27]. Il y avait un préposé appelécaïd ed-dar, doté d'attributions « municipales », chargé de l'administration et de la police de la ville[28].
Les notables citadins participaient activement à la gestion des affaires de la ville[32]. Certes, lebey est désigné par ledey d'Alger. Mais comme àAlger, les élites lettrées des grandes familles trouvaient place dans les fonctions d'encadrement de l'enseignement, de la justice, du culte et deshabous, et plusieurs beys étaient deskouloughlis[32]. L'élément ethniqueturc ne joua qu'un rôle négligeable, le nombre des Turcs qui y étaient installés resta toujours très réduit : la garnison permanente de la province ne comprenait que300 hommes et aucune inscription turque n'ait été découverte dans la ville[30].
La ville était divisée en quatre quartiers principaux situés aux angles : Tâbiya, au sud- ouest, Qasba, au nord-ouest, Qantara, au nord-est et Bâb al-Jâbiya, au sud-est[30]. Les portes principales se trouvaient du côté du sud :Bâb al-Jadid (porte Neuve),Bâb al-Wâd (porte de la Rivière),Bâb al-Jâbiya (porte de la Citerne) desservent la partie basse de la ville. La ville comptait de nombreuses mosquées etzaouïas[28]. Elle disposait de 41 corporations de métiers, dirigées par desamîn contre 57 à Alger[31]. Le faubourg situé au sud était habité par une population d'artisans, d'ouvriers, avec beaucoup deKabyles. Les notables citadins étaient les grands propriétaires terriens de la couronne céréalière autour de la ville[32].
À partir du gouvernement du bey Farḥat en 1637, Constantine connut une période de stabilité qui perdura pendant près d'un demi-siècle[26]. Cependant, l'ingérence des Algériens dans les affaires internes tunisiennes finit par exposer les Constantinois aux représailles de leurs voisins. En 1700, lebey de Tunis,Mourad, remporta deux victoires décisives contre le bey de Constantine Ali Khodja, ce qui le poussa à assiéger la ville pendant trois mois[26]. Face à cette situation, ledey d'Alger dépêcha une armée pour secourir les habitants de Constantine et permit ainsi de lever le siège[26].
AuXVIIIe siècle, Constantine connaît une période de grande stabilité politique, un essor urbain important, grâce à la succession de quelques beys, gouverneurs énergiques et administrateurs compétents notammentSalah Bey, qui est considéré comme le plus remarquable des gouverneurs[30]. C'est durant cette période, que les monuments les plus considérables de Constantine à l'époque ottomane ont été édifiés[30].
Après cette période faste, une ère d'anarchie et de désordre s'ensuivit. Même Salah Bey, fut destitué par le dey d'Alger. Entre 1792 et 1826, pas moins de 17 beys se succédèrent à la tête du gouvernement de Constantine[26]. En 1807, les habitants de Constantine s'associent à la résistance de la ville, assiégée par lesTunisiens ; en 1808, ils refusent de soutenir la révolte d'Ahmad Chaouch et restent fidèles aux autorités d'Alger[30].
Le dernier bey de Constantine estAhmed Bey[26]. Après laprise d'Alger par les Français en 1830, les Constantinois l'investissent du pouvoir, ils réaffirment leur loyalisme vis-à-vis du Bey dans plusieurs pétitions et le maintiennent jusqu'aux expéditions de1836 et1837, au cours desquelles ils participent activement à la résistance, sous la conduite des notables de la ville[30]. Ahmed se voit octroyer le titre de pacha par son récentmejlès dans le but d'asseoir sa légitimité et de prendre ses nouvelles responsabilités. Il recevra soncaftan d’investiture du sultan. Il ordonne la frappe de sa propre monnaie et commande la fabrication d'un drapeau, ce qui reflète son souci de renforcer sa légitimité et de symboliser son autorité[33].
Constantine, avec à sa têteHadj Ahmed Bey, résista avec acharnement à la conquête française[34]. En 1836, le maréchalClauzel, alors gouverneur général de l’Algérie, entreprend une expédition contre Constantine. Ahmed Bey livra et remporta sa première bataille à Constantine contre les troupes françaises[26]. Un corps de 7 000 hommes arrive le 21 novembre 1836 devant la ville[34]. L'armée française entreprend deux assauts par le pont, qui échouent devant la porte d'EI-Kantara. Battant en retraite, poursuivis par les Algériens, les soldats français abandonnent sur le terrain armes, bagages et blessés.
En 1837, l'état-major français décide de mener une seconde expédition, qui fut confiée au général comte deDamrémont[26]. Celui-ci disposait d'une armée forte de 16 000 hommes dont 5 000 cavaliers, de60 pièces d’artillerie et d’un important matériel de siège[35]. Legénéral Damrémont et leduc de Nemours dirigent les opérations. Mais Damrémont meurt et il est remplacé par legénéral Valée. Le 5 octobre, l'armée française arrive à Constantine. Au terme de deux jours de combats, les Français, sous le commandement du lieutenant-colonelLamoricière, pénètrent dans la ville par un endroit dénommé par la suite « place de la Brèche » (en référence à la brèche dans la défense de la ville). Le 13 octobre, après une forte résistance, la ville finit par tomber entre les mains des français qui subissent toutefois de lourdes pertes. Le Bey Ahmed se réfugia dans lesAurès et tint tête pendant onze ans encore aux troupes françaises, avant de se soumettre en juin 1848[34] et beaucoup de Constantinois périrent dans le ravin en tentant de fuir les assaillants, de longues cordes se rompant sous leur poids[36].
Après l'occupation française, Constantine connut des changements majeurs dans son administration. Initialement placée sous unḥākim sous la surveillance d'une autorité militaire, la ville devint le centre d'un commandement supérieur et la base d'opérations des Français dans la province de l'Est[26]. Dans un premier temps, le régime militaire prédominait, et ce n'est qu'en 1848 que fut instaurée une municipalité. Ce n'est qu'en 1849 qu'elle accéda au statut de chef-lieu dedépartement[26].
En 1837, lecheikh el blad Mohammed de lafamille Lefgoun céda sa position à son fils, évitant ainsi l'humiliation de servir les nouveaux occupants qui étaient entrés par la force armée[33]. Douze ans après la prise de la ville, les postes de commandement, n'étaient plus entre les mains des autochtones, marquant une transition vers un gouvernement plus direct en accord avec l'assimilation telle qu'elle était conçue par les colons[33].
Une transformation de la dénomination de la charge s'opéra, accompagnée d'un changement de son contenu. En 1848, l'administration de la ville fut soustraite aux Constantinois, et à sa tête fut nommé unCaïd el Blad ou« maire des Indigènes »[33]. La charge, autrefois spirituelle et politique, se transforma en une fonction de gestion municipale, où leCaïd al blad assumait partiellement les rôles de l'ancienCaïd ad-dar et ducheikh al blad. LeCaïd el blad, agissant en tant que "maire des indigènes", dirigeait un petit conseil municipal nommé. Cependant, cette nouvelle fonction se différenciait des anciennes autorités, car elle perdait de son autorité morale et spirituelle, qui avait été autrefois reconnue en tant qu'arbitre et médiateur[33]. En 1854, un décret créa lesmejlès, où l'on retrouvait descadis (tels que Benbadis et Ben Azzuz) issus desanciennes familles[33].
Ainsi, Constantine se retrouva avec un statut hybride et un destin partagé, ce qui donna naissance à ce que l'on pourrait appeler une« ville duale ». Ces changements furent marqués par des réappropriations de l'espace, comme l'affectation dupalais Ahmed Bey au commandement militaire, la transformation de la mosquée Souq al Ghzal en lieu de culte chrétien avec des modifications, ainsi que l'amputation de laGrande Mosquée pour ouvrir l'avenue impériale. Ces réaménagements reflètent les méthodes de réappropriation de l'espace par les nouvelles autorités[33].
En 1887, un groupe important de notables de Constantine a opté pour la forme de la pétition afin de formuler leur désapprobation à l'égard d'un projet de naturalisation en cours[37]. Constantine est la ville par laquelle le mouvementIslah se diffusait enAlgérie[38].
Les émeutes anti-juives du 5 août 1934 font28 morts (25 juifs et 3 musulmans)[39].
Le 29 mars 1956, à la suite du meurtre d'un commissaire de police, la ville basse fait l'objet d'un nombre important d'arrestations : quinze mille hommes ont été embarqués dans des camions vers le plateau de Koudiat, pendant que la police avait ordre de fouiller, détruire magasins et étals, et interner les "indésirables".
Parmi les grandes villes de l'Algérie coloniale, Constantine se distingue par la prépondérance de l'influence des Algériens musulmans[34]. En 1876, on enregistre une population de 34 700 Algériens musulmans, tandis que la populationeuropéenne se chiffre à 17 000 individus. En 1906, la proportion évolue à 28 000 Algériens musulmans contre 26 000 Européens. En 1936, la ville compte 56 000 musulmans et 50 000 Européens, dont 14 000 Juifs[34]. À la veille de l'insurrection de 1954, la population de Constantine s'élève à 118 000 habitants[34]. En 1948, la ville comptait 77 000 Algériens musulmans et 40 000 Européens[40].
De fait, Constantine est la ville d'Algérie où la communauté juive est relativement plus nombreuse, représentant probablement 18 % de la population totale en 1936[34]. Le premier recensement du 31 décembre 1843 dénombre 3 105 juifs. Ensuite en 1881, 1901, 1921, 1931 il y a respectivement 5 213, 7 196, 9 889, 13 110 Israélites. Dans le pays, l’augmentation de la population juive de 1881 à 1931 est de 210 %, celle de la population chrétienne n’est que de 96 % et celle de la population musulmane de 97 %[41]. À partir de 1934, les recensements ne font plus état de la confession des ressortissants.
Constantine est restée, pour les tribus de l’Est, un marché et un centre d’approvisionnement; l’industrie indigène y a subsisté, et fournit les populations avoisinantes, de tissus de laine, et d’objets de cuir[26].
Le site originel de la ville est situé sur une barre calcaire truffée de cavités karstiques, appelée « le Rocher »[10]. À partir de la fin duXVIIIe siècle, la ville commence à s'étendre hors du Rocher, quelques petits faubourgs ont été projetés au-delà du canon[40].
Mais c'est lacolonisation qui organise cette extension de la cité, sous forme de trois faubourgs : Bellevue, Sidi Mabrouk et Faubourg Lamy ainsi que le remblaiement de la dépression fermant le Rocher sur la quatrième face « la Brèche »[40]. Les extensions duXXe siècle se sont poursuivies sur les différentes collines qui entourent le Rocher. Dans lesannées 1970, Constantine a rempli son site. Celui-ci est limité alors par une ceinture de versants gréseux (Djebel Ouasch) ou d'escarpements calcaires (Djebel Chettabah, Hadj Baba), sur lesquels l'urbanisation peut difficilement s'étendre[40].
Elle s'est poursuivie alors sur quatre bourgades, anciens villages de colonisation, choisies comme noyaux de la nouvelle urbanisation. Ainsi, le Grand Constantine se développe sous forme d'une agglomération comprenant une ville mère et une série de satellites dans un rayon d'une quinzaine de kilomètres. Le plus gros de ces satellites est celui d'El Khroub[40].
Vue sur la ville.Gorges de l'oued Rhummel, à gauche la médina de Constantine et à droite les quartiers plus récents.
La ville se caractérise par la discontinuité de son tissu urbain du fait des coupures naturelles liées à la topographie du site et d'autres artificielles[40].
Chaque portion d'espace correspond à un type d'habitat : l'habitat contigu d'origine coloniale à proximité du Rocher ; les ensembles d'immeubles construits par l'État sur les sites d'extension récente ; les lotissements de villas de la nouvelle bourgeoisie sur les hauteurs. Sur les deux versants de Boumerzoug et sur les périphéries, s'étendent les quartiers spontanés des catégories populaires, ou des bidonvilles de catégories les plus déshéritées[40].
La ceinture du Grand Constantine a joué le rôle de déversoir des équipements les plus encombrants :aérodrome, casse automobile, unité de redistribution des hydrocarbures ; avant de devenir le lieu de planification des extensions de la ville[40].
la ville satellite d’El Khroub, implantée sur un site ouvert, située près d’un important carrefour d’axes. Elle a bénéficié de l’installation d’un grand marché et de deux zones industrielles, que sont Oued Hammimine et Tarf ;
la ville satellite d'Aïn Smara, ancien village, elle possède une zone industrielle ;
la ville satellite deDidouche Mourad, dotée d’unecimenterie et de plusieurs briqueteries, sa position est en rupture topographique avec Constantine ;
la ville satellite deHamma Bouziane, ancien village colonial ;
la ville satellite deZighoud Youcef, le plus ancien village colonial ;
la ville nouvelle d'Ali Mendjeli, dispose d'une position centrale entre les agglomérations de Constantine, d'El Khroub et d'Aïn Smara ;
la ville nouvelle de Massinissa.
Selon les catégories définies par l'État algérien en 2001 et 2006, Constantine est l'une des quatre métropoles du pays avecAlger,Oran etAnnaba. Une métropole est définie comme« une Agglomération urbaine dont la population totalise au moins 300 000 habitants et qui a vocation, outre ses fonctions régionales et nationales, à développer des fonctions internationales »[43]. Lawilaya de Constantine compte en outre neuf agglomérations suburbaines[44]. Une agglomération suburbaine est une zone d'habitat voisine, représentant l'extension en termes d'habitat et parfois d'activités de la ville de Constantine[45].
Population des agglomérations du Grand Constantine
Selon le recensement général de la population et de l'habitat de2008, la population de la commune de Constantine est évaluée à 448 374 habitants contre 481 947 en 1998, soit un taux d’accroissement annuel moyen de -0,7 %. C'est la seule commune de lawilaya de Constantine qui enregistre un taux négatif[47].
La ville de Constantine a connu une évolution démographique irrégulière[6]. La ville pré-coloniale comptait de 30 000 à 40 000 habitants, elle garde, même à demi-détruite par la guerre et ramenée à 20 000 habitants, une vie urbaine active[10]. Longtemps, la ville n’a grandi que lentement : le croît démographique de la population musulmane était faible et la communauté européenne est toujours restée plus limitée en nombre que dans les autres grandes villes du pays. La croissance rapide a été liée à l’exode rural, consécutif à la destructuration des campagnes dès les années 1930 et qui reçut un coup d’accélérateur puissant du fait de laguerre de Libération[40].
La fin de laguerre d'Algérie voit le départ des Européens et des Juifs[48]. La ville enregistre une forte croissance et un accroissement rapide du solde migratoire pendant la première décennie de l’indépendance. Elle a connu un taux de croissance annuel moyen de 4,06 % en 1966-1977. Ce taux a progressivement diminué durant les décennies suivantes : 2,8 % en 1987, 0,41 % en 1998 et -0,7 % en 2008[6].
Cette régression est due en grande partie au report des populations du centre vers la périphérie, conséquence de la transformation des logements en bureaux ou en bazars, de la dégradation et du vieillissement du bâti, particulièrement dans la vieille ville et les anciens centres coloniaux, de la présence de bidonvilles et de glissements de terrain, en plus du manque de terrains constructibles[49]. Une part importante de la population des banlieues est originaire de la ville de Constantine, ce taux atteint 80 % dans la commune d’El Khroub, 50,54 % àHamma Bouziane et 48,23 % àAïn Smara en 2006[49].
À l’instar des autres grandes villes algériennes, Constantine a connu unexode rural important venu essentiellement de sa propre aire administrative (dont dépendaient certaines wilaya actuelles comme lawilaya de Mila), dupays des Kotama et desHautes Plaines constantinoises[50]. Depuis les années 1980, l'exode rural a fortement diminué, mais l'agglomération continue à croître, en raison de la croissance démographique des citadins eux-mêmes qui a pris le relais de l'exode rural[40].
À l'instar de la population algérienne, la population de la commune est jeune, près d'un tiers a moins de20 ans. La tranche d'âge comprise entre 20 et59 ans représente plus de la moitié de la population de la commune. Corollairement, la population de60 ans et plus est très faible, soit seulement 10,13 % de la population totale de la commune. Mais on observe une baisse de natalités depuis la fin des années 1980.
Vue de la passerelle Sidi M'Cid depuis le centre-ville.
Constantine était traditionnellement une ville où les secteurs tertiaires et commerçants dominaient. À présent, le commerce des céréales et celui de l’habillement prédominent[53]. Elle demeure le grand nœud d’échanges et de communications dans l’est algérien[54]. Les activités tertiaires, englobent le commerce de gros, et de détail ; l’artisanat :dinanderie etbroderie sur velours, et des services multiples[40].
Toutefois, l’industrie s’est tardivement introduite dans la ville à la suite de la réalisation d’une série de zones industrielles[53] notamment par les complexesSonacome qui fabriquent des tracteurs et des grues[54]. C’est lors la seconde phase d’industrialisation planifiée par l’État algérien, à partir de 1975 environ, que Constantine est devenue une cité industrielle. Cependant, l’industrialisation s’est localisée à distance de la cité, dans la couronne d’urbanisation satellite. Trois complexes y ont été implantés[40]. Constantine abrite également leCentre de recherche en biotechnologie.
La ville abrite également des activités agricoles englobant des exploitations périurbaines fournissant du lait à certains quartiers, et des propriétaires terriens héritiers de la vieille propriété citadine[40].
La ville de Constantine reste une ville très courtisée économiquement et c'est une des raisons pour lesquelles la ville accueille chaque année et en grand nombre des travailleurs qui viennent de toute l'Algérie pour s'y installer.
Passerelle Sidi M'Cid, l'un des sites touristiques de la ville.
Selon le quotidien national américainUSA Today, Constantine est l’une des onze villes à visiter dans le monde en2018. Le journal s’est appuyé sur les explorations d'un jeune américain dénommé Sal Lavallo, qui a visité tous les193 États membres de l'Organisation des Nations unies[55].
Lamédina de Constantine est appelée le « Rocher » parce que construite sur un bloc calcaire. Elle est bâtie en dégradé depuis la Casbah jusqu’aux quartiers bas de la Souika[53]. La vieille ville est ceinte de deux côtés par le canyon duRhummel et du troisième par un escarpement. Des ponts et passerelles relient la médina au reste de l’agglomération. Elle était défigurée pendant lapériode coloniale puis dégradée par la surpopulation et le manque d’entretien[53].
La médina conserve une physionomie originale, très différente de celle des autres agglomérations algériennes. Elle ressemble à un grand village kabyle bien plutôt qu’à une cité orientale. C’est un amas de maisons aux toits de tuiles, sillonné de ruelles tortueuses, étroites, accidentées, dévalant parfois en escaliers jusqu’au bord du ravin, dont les habitants couronnent la crête[26].
La médina est aussi un riche patrimoine historique et architectural, à travers les toitures de tuiles rondes et rouges, ses vieilles mosquées, des demeures remarquables à patio desXVIe et XVIIe siècles, et le palais du Bey[56]. Elle a été classée en 1990 patrimoine national[53].
Dans la plupart des villes maghrébines, la colonisation a créé une ville européenne juxtaposée à la médina. À Constantine, le projet de ville nouvelle n’a pas abouti, les autorités coloniales ayant surimposé une trame moderne à la vieille ville. Le centre des affaires est resté alors solidement attaché à la médina : activités traditionnelles, artisanat dans les rues anciennes et activités modernes dans les rues coloniales. De ce fait le Rocher est une des rares médinas maghrébines à avoir conservé sa fonction de centre-ville[40].
De nombreusescivilisations se sont succédé à Constantine mais elles ont laissé peu de vestiges parce qu'en raison de la nature du site, les constructions se sont faites sur place, effaçant les précédentes. Mais on atteste des traces non négligeables de vestiges depuis l'Antiquité[53].
Le site a été occupé dès la périodepréhistorique. De nombreux vestiges retrouvés tels que des sphéroïdes à facettes, découverts en 1945 sur le plateau de Mansourah, remontent auPaléolithique inférieur. Des instruments de la périodenéolithique ont été découverts dans les grottes du Mouflon et de l'Ours. Constantine a également conservé de nombreuses peintures rupestres ainsi que des inscriptionslibyques[9].
Parmi les vestiges antiques, le sitepunique d'El Hofra, où l'on a trouvé près de mille stèles puniques déposées au musée de Cirta et auLouvre ; l'aqueduc romain sur leRhummel et d'autresvestiges romains épars dans la ville[53].
Les établissements thermaux de Sidi M'cid, situés avant le pont des chutes sont construits sur d'anciensthermes romains, les bains antiques de César existent toujours. Le rocher abrite de nombreusessources thermales qui jaillissent de ce secteur[57].
Lepalais Ahmed Bey est l'un des plus importants monuments historiques. Il a été construit de 1826 à 1835 par leHadj Ahmed Bey, héros de larésistance anti-coloniale dans l'est algérien. La taille de l'édifice est de 5 600 m2[58]. Le palais se distingue par son style mauresque baroque où apparaissent différentes influences de style européen et oriental[59]. Lors de sonpèlerinage à La Mecque, le Bey était séduit par l'architecture des villes qu'il traversa. Des céramiquespolychromes qui ornent les murs du palais représentant plusieurs villes ainsi que des batailles de larégence d'Alger[60]. Les bâtiments du palais s'organisent autour de trois jardins et de trois cours tandis que les appartements sont ouverts sur des galeries. Le Bey a également construit une aile réservée pour les femmes, unharem[59].
Parmi les autres vestiges islamiques, citons les mosquées dans la médina ainsi que des fortifications construites dans certains endroits avec des pierres romaines. On atteste notamment dans un mur de la Casbah une dédicace faite à l'empereurConstantin[61].
Constantine compte une centaine de mosquées : la mosquée et médersa de Sidi El kettani, construite parSalah Bey auXVIIIe siècle, est située près de la Casbah ; lamosquée Sidi Lakhdar doit également sa construction à Salah Bey[58].
La Grande Mosquée, construite sur les fondations d'une église par lesHammadides, est le plus ancien édifice religieux islamique connu à Constantine. Elle représente l’évolution religieuse durant trois périodes différentes. Époquehafside : l’édifice était la mosquée populaire de la cité, tenue parcheikh al-islam. Époqueottomane : elle conserve le ritemalékite et reste sous la tutelle d’une famille autochtone pro-ottomane. Époquecoloniale : le pouvoir colonial a transformé sa façade[62].
La mosquée Souk-El-Ghozel, dont la construction a commencé en 1703 et s’est achevée en 1730, fut transférée au cultecatholique en 1839[58]. Simple église paroissiale dédiée àNotre-Dame des Sept Douleurs, elle devientcathédrale dudiocèse en 1876[63] jusqu'à sa désaffection en 1962 et sa restitution au culte musulman[64]. Parmi les autres mosquées historiques : Hassan-Bey, Sidi Ghofrane etSidi Lakhdar, construites par les différentes confréries religieuses et dynasties que leMaghreb a connues[58]. Lamosquée Émir Abdelkader date des années 1980 et fait partie de l’université islamique des sciences[58].
La grande mosquée dans la médina.
La Mosquée de Souk El Ghezel.
Mosquée de l'Émir Abdelkader.
Ancienne synagogue de Sidi Mabrouk, actuellement une mosquée.
La géographie urbaine de la ville est unique, elle a nécessité la construction de nombreux ponts sur leRhummel[65]. À la fin duXIXe siècle,Guy de Maupassant décrit« Huit ponts jadis traversaient ce précipice. Six de ces ponts sont en ruines aujourd'hui. »
Lepont d'El-Kantara est l'un des plus anciens, construit à l'époque romaine et restauré parSalah Bey auXVIIIe siècle et en 1863. En outre, les ponts deSidi M'Cid et deSidi Rached, qui doivent leur nom aux mausolées voisins des marabouts de même nom, ont été inaugurés en 1912[57]. À l'entrée des gorges, se situe lepont du Diable qui doit son nom au bruit « diabolique » que font les eaux dans cet endroit[65] et à leur extrémité, le pont des Chutes, situé au début de la plaine de Hamma[57].
Parmi les autres ponts, lapasserelle Mellah-Slimane, anciennement Perrégaux, est réservée uniquement aux piétons. Sa particularité est d'être accessible, côté « Rocher » par un ascenseur et un escalier qui ramène les piétons au niveau de la rue trik ejdida (« rue neuve »). Il y a également le pont d'Arcole, un pont de fer, aujourd'hui fermé[65].
Un nouveaupont à haubans, leviaduc Salah Bey est ouvert à la circulation le 26 juillet 2014, inauguré par le Premier ministre Abdelmalek Sellal, baptisé au nom du gouverneur de Constantine Salah Bey de 1771 à 1792. D'une longueur de 1 119 m et conçu selon le design deDissing+Weitling, il permet de faire la jonction, au-dessus du Rhummel, entre la place de l'ONU, au centre-ville et les hauteurs de la ville[66],[67].
Lemusée national Cirta, est créé en 1931 en plein centre-ville. Il portait le nom de Gustave-Mercier, jusqu'en 1975[68]. Considéré comme l'un des plus anciens édifices du genre enAlgérie, l'établissement est divisé en trois ailes principales consacrées à l'archéologie, l'ethnographie et lesbeaux-arts[68].
Les vestiges archéologiques appartiennent à diverses civilisations qui se sont succédé dans la région :numide, carthaginoise, gréco-égyptienne,romaine, chrétienne et musulmane (notammenthammadides etottomane). La collection de l'ethnographie est constituée d'échantillons d'habits traditionnels, de bijoux, d'ustensiles en cuivre, de tapis, d'armes blanches, d'anciennes armes à feu et de manuscrits[68].
Tiddis, située à une trentaine de km au nord-ouest de la ville, est une cité numide puis romaine, appelée aussiQsentina El Qdima (vieux Constantine)[69]. Cette cité antique fortifiée est bien conservée[70].
À l'instar d'autres anciennesmédinas d'Algérie telle queTlemcen,Mostaganem etMiliana, Constantine est entourée par les jardins denses duHamma dont la propriété reste partiellement citadine et qui contribue au ravitaillement de la ville[70]. La forêt de Chettaba composée depins d'Alep et dechênes verts est presque située aux portes de la ville[71].
Constantine a été désignéeCapitale arabe de la culture 2015 par l'Alesco[73] (Organisation arabe pour l'éducation, la science et la culture)[74].
Constantine est le berceau d'une des trois écoles algériennes demusique arabo-andalouse[71]. La version constantinoise est appelée lemalouf[57] dont le rythme et les instruments diffèrent desnoubas d'Alger et deTlemcen. Les autres styles musicaux de la ville sont lezadjal, une musique sacrée, lesfkirettes chantées par les femmes ainsi que lehawzi et lemahjouz de style littéraire[72]. Un festival international du malouf est organisé dans la ville[75], qui attire chaque année des artistes de musique arabo-andalouse d'Afrique du Nord, d'Europe, deTurquie et duMoyen-Orient.
L'activité artisanale demeure importante, on y pratique labroderie, ladinanderie dont la fabrication de plateaux de cuivres aux motifs d’inspirationottomane, lachaudronnerie, la sculpture sur bois et lapoterie[72]. La broderie constantinoise comporte desarabesques d’influencesturques avec des couleurs sombres et des fils dorés[57]. Les femmes constantinoises portent unhaïk noir appeléM'laya en signe du deuil deSalah Bey[57]. Ce dernier demeure de nos jours très rare étant donne que les femmes constantinoises portant le voile moderne qu'on trouve un peu partout dans les pays arabo-musulmans.
Plusieurs événements contribuent à l'animation culturelle de la ville :
Layali Cirta, une série de concerts et d’événements artistiques organisés durant une quarantaine de nuits en été. Des artistes locaux mais également des vedettes nationales et internationales y participent ;
Constantine dispose également d’une cuisine riche avec un héritage à la fois juif[78] et musulman. Parmi les spécialités culinaires qui se consomment notamment au mois duRamadan, letadjine el Ain, un mets à base depruneaux auxquels on ajoute des amandes et de la viande saupoudrée de sucre raffiné, le djari à la vermicelle en sauce blanche, le djari frik,chorba à base de blé séché, grillé et concassé[79] ;chbah essafra,kefta,hmiss etBoureks[80]. La ville dispose d’une grande variété de couscous comme le Mzayet, couscous à base blé noir, le Mhawer, couscous blanc sans légumes, accompagné de viande et de boulettes... On peut également citer les nombreux plats à base de pâtes originaires de Constantine, tels que laTrida, leTlitli, laChakhchoukha dfer, laGritliya, le mkartfa...
La pâtisserie locale est également variée. Citons lesjawzia,baklava,ghribiya, bourek el Renna, leBradj,makroud el Maqla[80]. Le dessert se compose de fruits de saison et du M'halbi, à base de lait, de la crème de riz, du sucre et de l'eau de rose[80].
Constantine est une ville culturelle majeure, elle est souvent affublée du qualificatif arabe:m'dinaat al 3ilm wa oulamaa qui veut dire « la ville du savoir et des savants ». Elle possède quatre universités et compte près de 100 000 étudiants algériens et étrangers, ce qui en fait l'une des plus importantes villes universitaires algériennes et africaines. Elle est aussi une des meilleures universités en Algérie[81].
L'université Constantine 1 (ex-université Mentouri-Constantine), dessinée par l'architecte brésilienOscar Niemeyer, est l'une des plus grandes d'Algérie[réf. nécessaire]. Elle accueille depuis 1971 plus de 50 000 étudiants algériens et étrangers répartis sur les treize campus et entre les huit facultés et trente-cinq départements offrant environ 95 spécialités ;
université Constantine 2 à Ain El Bey Ali Mendjeli ;
université Constantine 3 (ville universitaire) inaugurée en 2013 ;
l'université des sciences islamiques de Constantine est la plus importante université des sciences islamiques d'Algérie[réf. nécessaire]. Elle a été inaugurée en1994, en même temps que la grande mosquée Émir Abdelkader qui la jouxte. Elle accueille environ 3 000 étudiants répartis en deux facultés (faculté de la Charia et de la civilisation islamique etfaculté de littérature et des sciences humaines).
À Constantine on parle une variante citadine de l'arabe algérien, le parler constantinois est unekoinè urbaine classique, ayant à la fois des origines pré-hilaliennes ethilaliennes, avec quelques ajouts récents issus du français. L'accent constantinois est plutôt prononcé mais facile à comprendre, il est reconnaissable étant un accent populaire en Algérie avec l'accentalgérois,oranais et annabi. Les Constantinois utilisent beaucoup le « T » (ت) et certaines expressions typiquement de Constantine.
Une minorité d'habitants issue du Sud de Constantine (Aurès) parle lechaoui, et une autre minorité issue du Nord de Constantine (pays des Kotama) parle l'arabe pré-hilalien.
Le français y est très répandu, la majorité des Constantinois étant bilingues. La pratique de l'anglais s'est nettement développée depuis les années 2000 grâce au numérique, internet et les différents programmes scolaires dispensés notamment dans les écoles privées.
Joël Alessandra, né à Marseille en 1967 de parents originaires de Constantine, a publié en 2015 chez Casterman la BDPetit-fils d'Algérie préfacé par Benjamin Stora, né à Constantine;
Jean-Claude Héberlé, (1935, 2013), journaliste en Algérie de 1957 à 1961 (correspondant de la RTF à Constantine) et ancien directeur de télé française Antenne 2[86];
Théophile Gautier séjourna dans plusieurs villes algériennes, comme Constantine. Il évoque cela dans plusieurs de ses écrits :Loin de Paris etVoyage pittoresque en Algérie (1845).
↑abcdef etgS. Bertrandy, « Cirta », in Encyclopédie berbère, 13 | Chèvre – ColumnatienEn ligne, mis en ligne le 01 mars 2012, consulté le 22 décembre 2013.
↑a etbG. Camps, J. Gascou, A. Raymond and L. Golvin, « Cité », Encyclopédie berbère [Online], 13 | 1994, document C74, Online since 01 March 2012, connection on 31 March 2020. URL:http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/2293
↑Joshua Cole, « Antisémitisme et situation coloniale pendant l’entre-deux-guerres en Algérie - Les émeutes antijuives de Constantine (août 1934) »,Vingtième siècle,no 108,(lire en ligne)
↑ONS,Armature urbaine (RGPH 2008) : Les principaux résultats de l'exploitation exhaustive, Alger, Office National des Statistiques,, 213 p.(ISBN978-9961-792-74-2,lire en ligne),p. 109.