Enphonétique articulatoire, uneconsonne affriquée est uneconsonne composée d'une phaseocclusive où le flux d'air est bloqué, suivie par une étapefricative où l'air retenu est relâché pour passer par une ouverture plutôt étroite. Ce son est produit en l'espace de temps nécessaire à la production d’une consonne occlusive fricative simple.
Les affriquées sont également appeléesocclu-constrictives,(se)mi-constrictives ou(se)mi-occlusives[1].
Le terme « affriqué » signifiant « frotté » ou « exciter » par le frottement, est leparticipe passé du verbe affriquer, emprunté du latinaffricare, signifiant « frotter contre »[2].
L'étape initiale d'occlusion puis l'étape suivante de relâchement doivent se produire au mêmepoint d’articulation et sont donc homorganiques. Dans le cas de/t͡ʃ/ (anciennement noté/ʧ/), le premier élément n'est pas à proprement parler [t̪] (occlusive dentale) mais une occlusive post-alvéolaire comme [ʃ]. D’ailleurs, si on veut décrire cette articulation (/ʃ/) avec précision, il faut ajouter qu'elle est simultanément palatale dans la plupart des langues (prévélaire enfrançais) et qu’elle comporte le plus souvent un avancement labial (plus ou moins prononcé selon le phone qui suit), mais cela n'est pas le cas encastillan, par exemple. Toutes ces co-articulations sont également présentes dans l'élément occlusif, et il est donc exclu de symboliser les affriquées au moyen de deux symboles distincts (/tʃ/). Cela pourrait laisser penser qu'il y a occlusion au niveau dental ou alvéolaire, suivie d'une constrictive postalvéolaire.
En effet, on a bien/t͡ʃ/ dans un très grand nombre de langues comme l'anglais, le castillan, l'italien et enfrançais dans des emprunts étrangers récents. Dans cette dernière langue, on trouve parfois aussi la séquence/t.ʃ/ entre deux syllabes distinctement séparées, mais la prononciation usuelle reste affriquée, y compris entre deux mots successifs.
Jusqu'auXIIIe siècle environ, l'ancien français employait abondamment des consonnes affriquées telles que/d͡ʒ/,/t͡ʃ/ ou/d͡z/[3]. Leur usage, perdu depuis des siècles dans l'essentiel deslangues d'oïl a néanmoins partiellement perduré jusqu'à nos jours enwallon. Par exemple, on prononcevatche[vat͡ʃ] au lieu devache[vaʃ] ou encoredjambe[d͡ʒɑ̃ːb] au lieu dejambe[ʒɑ̃ːb].
L'affrication est un phénomène, courant chez les adolescents dans lesannées 2010 et2020, consistant à affriquer lest et lesd, en général devanti etu, ce qui peut donner, par exemple :« Du coup, genre, Amandjine, sans mentchir elle me djit, genre en mode : t’as pris tes protège-tibias pour vendredji ouuuu ? »[4],[5],[6]. À la suite d'un article deMarie-Ève Lacasse sur ce phénomène phonétique publié dans le journalLibération du 11 janvier 2024[4], le politicienÉric Zemmour fait un lien entre cette affrication et l'Afrique, croyant percevoir à travers l'affrication un mode d'expression venant d'Afrique et rappelant à cette occasion sa thèse complotiste dugrand remplacement. Mais d'après les linguistes, ce mode de prononciation n'a aucun rapport avec l'Afrique. En outre, les termes d'Afrique et d'affrication n'ont aucun lien étymologique, ce dernier venant du latinaffricare, pour« frotter contre », comme l'ont fait remarquer plusieurs médias francophones[6],[7],[8].RTS indique à cette occasion, qu'avant d'être pratiqué par les adolescents français, l'affrication est un effet phonétique courant dans plusieurs patois francophones, par exemple enSuisse romande ou auQuébec[6]. Un article du journalLe Figaro indique également que c'est un phénomène phonétique ancien« notamment dans les langues romanes, où il est particulièrement répandu »[8].
Les affriquées sont souvent représentées avec deux consonnes à la suite : ([kx]). Cependant, un symbole unique serait préférable pour montrer qu'elles ne forment qu'un uniquephonème. Ce choix d'un symbole unique pour les affriquées a été fait pour lepinyin, romanisation du chinoismandarin standard (z,c,j,q,zh,ch). Pertinent du point de vue linguistique, cela est toutefois une complexification pour le locuteur débutant, chinois ou étranger. La pertinence linguistique et la praticité peuvent donc s'opposer.Unicode dispose de ligatures propres pour six des affriquées les plus communes. Pour les autres, l’Association phonétique internationale recommande le recours à laligature tirant[o͡o].
Une autre méthode indique la partie fricative en exposant ([pᶠ]). On retrouve également les mêmes méthodes pour indiquer laprénasalisation, la barre de liaison pouvant être utilisée (certaines consonnes affriquées peuvent elles-mêmes être prénasalisées).
Liste des affriquées pulmoniques de l'Alphabet phonétique international
↑a etbMarie-Eve Lacasse, « Amandjine mange à la cantchine : l’affrication, nouveau tchic de langage des adolescents »,Libération,(lire en ligne)
↑Michel Launey, « Chocolatchines : avec l’affrication tout se passe dans le palais »,Libération,(lire en ligne)
↑ab etcAnne Fournier et Victorien Kissling, « L'affrication, ce tic de langage passé des armaillis aux jeunes des banlieues »,RTS,(lire en ligne)
↑Marie-Eve Lacasse, « Non Eric Zemmour, l’affrication n’a rien à voir avec le prétendugrand remplacement» »,Libération,(lire en ligne)
↑a etbAliénor Vinçotte, « L'affrication, nouveau tchic de langage des ados, assiste-t-on (vraiment) à un nouveau phénomène de langue ? »,Le Figaro,(lire en ligne)
Les parties grisées indiquent une articulation jugée impossible. Les cases blanches vides indiquent des articulations théoriques possibles mais non encore attestées. Les cases marquées d’un astérisque (*) indiquent des sons attestés non encore représentés officiellement dans l’API. Lorsque deux symboles apparaissent dans une case, celui de gauche représente uneconsonne sourde, celui de droite uneconsonne voisée (ne s’applique pas aux clics, présentés au centre des cases en bas du tableau). Les cases séparées par des pointillés emploient normalement les mêmes symboles API de base, et ne diffèrent éventuellement que par les diacritiques appliqués pour déplacer leur articulation, par exemple la nasalen represente une dentale ou une alvéolaire. Lesaffriquéest͡s,d͡z,t͡ʃ,d͡ʒ,t͡ɕ,d͡ʑ sont parfois notées à l’aide desligaturesʦ,ʣ,ʧ,ʤ,ʨ,ʥ ne faisant plus partie de l’API (il est recommandé de les remplacer par les deux articulations, liées avec uneligature tirant – suscrite ou souscrite). Lesocclusivesinjectivessourdes, sont parfois notées à l’aide des symbolesƥ,ƭ,ƈ,ƙ,ʠ (formés sur la base de la consonne pulmonique correspondante avec une crosse ajoutée), qui ne font plus partie de l’API (il est recommandé de les remplacer par le symbole de la consonne voisée avec l'anneau diacritique de dévoisement).