Leconfucianisme,Rújiā (儒家) « école des lettrés » puisRúxué (儒学) « enseignement des lettrés »Rúxuéⓘ, est l'une des plus grandes écolesphilosophiques,morales,politiques et dans une moindre mesurereligieuse deChine. Elle s'est développée pendant plus de deux millénaires à partir de l'œuvre attribuée au philosophe Kongfuzi, « Maître Kong » 孔夫子 (551-479 av. J.-C.), connu en Occident sous le nomlatinisé deConfucius. Après avoir été confrontée auxécoles de pensée concurrentes pendant lapériode des Royaumes combattants puis violemment combattue sous le règne deQin Shi Huang, fondateur dupremier empire, elle a été imposée par l'empereurHan Wudi (-156 ~ -87) en tant que doctrine d'État et l'est restée jusqu'à la fondation de larépublique de Chine (1911). Elle a aussi pénétré auViêt Nam, enCorée et auJapon où elle a été adaptée aux circonstances locales[1].
La Chine est depuis deux millénaires régie par un système de pensée complet formé du confucianisme, dutaoïsme et dubouddhisme, le confucianisme exerçant la plus grande influence.
L'influence de Confucius enAsie de l'Est est telle qu'on peut la comparer à celles dePlaton etJésus enOccident. Il n'est pas le fondateur d'une religion, mais a créé avec ses disciples, sur la base de la pensée de son époque, un système rituel achevé et une doctrine à la fois morale et sociale, capable de remédier selon lui à la décadence spirituelle de la Chine de l'époque[2].
Les principaux disciples du maître sont nommés lesDouze Philosophes et révérés dans lestemples confucéens. Quand le confucianisme devient doctrine officielle pour le recrutement des fonctionnaires sous lesHan antérieurs, on peut déjà y distinguer différents courants. Par la suite, deux mille ans d'interprétations, d’influences extérieures et de retours aux sources successifs ont continué à compliquer le tableau. Néanmoins, selon les philosophes duXXe siècleXu Fuguan (徐復觀) etMou Zongsan(en) (牟宗三), les différents courants ont toujours gardé comme constante l’importance de la dimension sociale et éthique de leur pensée. Ces deux spécialistes estiment qu’un confucianiste n’examine pas les choses avec une attitude détachée, mais toujours concernée.
On peut proposer de distinguer six périodes dans l’histoire du confucianisme[3] :
période classique de formation jusqu’à ladynastie Qin (-221) ;
dynastie Han (-206 — 220) : reconstitution des textes perdus et rédaction de commentaires qui deviendront eux-mêmes l’objet d’études philosophiques ; apparition d'un confucianisme d'État ;
dynastie Qing, à partir de la fin duXVIIe siècle : développement du courantHanxue(漢学), « études Han », qui reproche aux philosophes des siècles précédents de s’être trop écartés du confucianisme originel et préconise le retour aux textes de l’époque Han ;
à partir du début duXXe siècle : développement dunouveau confucianisme sous l’influence de la philosophie occidentale (trois générations importantes : 1921-1949, représentants sont Xiong Shili et Ma Yifu ; puis 1950-1979, Fang Dongmei et Tang Junyi ; enfin 1980-2013, Cheng Zhongying).
les enseignements de Confucius au VIe siècle avant notre ère
Cependant, il est possible d'esquisser les idées de Confucius à travers les fragments qui restent. Confucius était un homme de lettres, qui se préoccupait des temps troublés qu'il vivait et allait de place en place en essayant de répandre ses idées politiques et d'influencer les nombreux royaumes luttant pour la domination de la Chine. L'affaiblissement de ladynastie Zhou avait créé un vide, rempli par de petits États luttant pour le pouvoir. Intimement persuadé qu'il avait une mission, Confucius promouvait infatigablement les vertus des anciens rois et politiciens illustres, tels que leduc de Zhou (周公), et s’est efforcé de jouer un rôle politique, acceptant même à l’occasion l'invitation de souverains à la réputation douteuse comme le duc Ling deWei. Néanmoins, bien qu'il ait été qualifié de « roi sans couronne », il n'a jamais eu l'occasion d'appliquer ses idées, a été expulsé de nombreuses fois et est finalement retourné dans ses terres natales pour passer la dernière partie de sa vie à enseigner.
LesEntretiens de Confucius, l'œuvre la plus proche de la source de ses pensées, relatent des discussions avec ses disciples. Ce livre est une compilation de conversations, de questions et de réponses ou d’éléments biographiques, et non pas l’exposé d'un système de pensée cohérent. Une citation très célèbre de cette œuvre est« Si deux personnes marchent ensemble avec moi, il y en a au moins une qui peut me servir de maître[4]. » N'utilisant pas leraisonnement déductif et laloi de non-contradiction à la différence de nombreux philosophes occidentaux, il recourt à destautologies et desanalogies pour expliquer ses idées. De ce fait, les lecteurs occidentaux pourraient penser que sa philosophie est confuse, ou que Confucius n'a pas d'objectif clair. Cependant, il a aussi dit« je cherche une unité infiltrant tout[5] ».Tchouang Tseu, qui a écrit lui-même une grande partie desproverbes chinois connus en Occident, utilisera abondamment aussi lesmétaphores.
Les premières ébauches d'un vrai système ont été réalisées par des disciples ou des disciples de disciples. Le premier d'entre eux estZi Si(子思), petit-fils de Confucius, à qui l’on attribue leZhong Yong qui disserte sur la notion d’invariable milieu : pour une société et un État harmonieux, il faut que chacun soit fidèle à sa nature propre liée à la position sociale (zhicheng, 致誠, « être fidèle à sa nature »). Cette fidélité entraîne un état de sérénité, dont on ne doit s’écarter que par des sentiments conformes aux circonstances (zhonghe, 中和, « être en harmonie avec les circonstances »)[6]. Ce texte deviendra important surtout à partir duIXe siècle pour promouvoir le conformisme social et la modération.
Durant la période philosophiquement fertile desCent Écoles de Pensée, les figures les plus importantes du confucianisme sontMencius (孟子), peut-être disciple de Zi Si, etXun Zi(荀子)(ne pas confondre avecSun Zi 孫子), qui développèrent les aspects éthique et politique du confucianisme, luttant contre les idées concurrentes pour gagner la confiance des dirigeants à l'aide de l'argumentation et du raisonnement. Ils se penchèrent particulièrement sur le thème de la nature humaine (renxing 人性). Elle est un thème essentiel chez Mencius, qui la considère comme fondamentalement bonne. Il ne semble pas avoir obtenu un très grand succès dans l’immédiat, mais devint un millénaire plus tard l’auteur principal desnéoconfucianistes, la théorie de la bonne nature humaine constituant un élément essentiel de leur système métaphysique. La vision qu’a Xun Zi de la nature humaine est opposée à celle de Mencius ; il la considère comme fondamentalement mauvaise, mais s’accorde avec lui sur le rôle capital de l’éducation et des rites, qui peuvent la corriger.
Certains de ses disciples, commeHan Fei Zi (韩非子), connurent un grand succès politique, mais sous la bannièrelégiste, s’étant ralliés à l’idée qu’un système pénal très sévère, et non l’enseignement moral préconisé par le confucianisme, faisait fonctionner la société. Ils aidèrentQin Shi Huang à unifier la Chine sous un contrôle très strict des activités humaines. Ainsi, le rêve de Confucius d'une Chine unifiée et pacifiée fut-il réalisé sous une école de pensée diamétralement opposée à ses idées. Néanmoins, cette postérité légiste de Xun Zi peut aussi être vue comme une indication que l’opposition entre les différentes écoles de pensée n’est pas absolue[7].
Le confucianisme survécut aux épreuves de ladynastie Qin - autodafé des textes non techniques et interdiction d’enseigner leShijing et leShujing - grâce à des lettrés ayant mémorisé les textes et à des redécouvertes, dont la plus notoire est celle du trésor de Classiques dissimulé dans les murs de la maison ancestrale de Confucius. Bien que les premiers empereurs de laDynastie Han semblent plutôt avoir été partisans duhuanglao(黄老)taoïsto-légiste, les lettrés confucianistes n'étaient pas mal en cour. Peut-être pour rompre avec la clique huanglao dominée par sa grand-mère l'impératrice douairière Dou, peut-être influencé par des lettrés tels queDong Zhongshu(董仲舒),Han Wudi(漢武帝)(-156 ~ -87) fit du confucianisme la philosophie d'État officielle en établissant en -136 des chaires impériales pour les « docteurs » desCinq Classiques confucéens[8] à l’exclusion de tout autre corpus. Une école fut créée en -124 à Chang'an pour la formation des talents recrutés pour le service de l’État. Ces mesures ne furent toutefois pas suffisantes pour certains lettrés qui, déçus, soutinrent l'usurpation deWang Mang(王莽)(-45 ~ 23) qui promettait de revenir à l’âge d’or des premiers Zhou vanté par Confucius.
En tout état de cause, l'étude des Classiques confucéens devint la base d'examens de recrutement ou de certification des fonctionnaires, faisant du confucianisme le noyau du système d'éducation chinois - bien que le plein régime desconcours mandarinaux ne débute qu'auVIIe siècle sous lesSui. Inculqué profondément dans le système de pensée des Chinois et de leurs politiciens, cette philosophie devint un courant politique important et l'idéologie sociale dominante, particulièrement à partir duIXe siècle, mais non sans s’être constamment enrichie des apports d’autres courants.
Car le confucianisme qui séduisit le pouvoir Han, dont les écrits de Dong Zhongshu donnent un exemple, intégrait des éléments issus d’autres écoles (yin-yang,qi,cinq éléments), et s’accommodait des structures légistes conservées par les empereurs[9],[10]. Il ne se limitait pas aux propositions de perfection morale pour l’amélioration de la société, mais proposait une métaphysique dans laquelle le Ciel, la Terre et la société humaine étaient liés. Le Ciel, auquel un culte impérial était rendu, réagit positivement ou négativement aux actes de l’empereur et émet des signes lisibles par les sages. Confucius était dans ce système quasiment déifié comme le sage absolu qui avait su lire les signes et transmettre ce savoir dans les écrits qu’on lui attribuait, en particulier la versionGongyangzhuan duChunqiu. Les Cinq classiques rédigés et commentés par lui contenaient des messages cachés et des présages qui devaient être retrouvés par les lettrés, qui les explicitaient dans des textes oraculaires appeléschenwei (讖緯).Wang Mang en fit grand usage pour justifier son usurpation[11]. Ce confucianisme Han aux aspects ésotérico-magiques est appelé « École du nouveau texte » car, apparu au début de la dynastie, il se basait sur les textes récemment reconstitués.
École du Nouveau texte ou du Texte ancien, à la chute de la dynastie Han les deux partis sont également blâmés pour s’être perdus en débats scolastiques stériles et avoir laissé se corrompre le système confucéen de sélection des sages, favorisant le délitement de l’empire. Des lettrés commeWang Bi,He Yan,Guo Xiang etXiang Xiu s’appuient alors sur leYijing et des textes taoïstes (Daodejing,Zhuangzi) pour proposer une nouvelle métaphysique sur laquelle baser la formation des gouvernants et l’harmonie de la société. Leur courant de pensée est nommé « École du mystère » ou « École de la profondeur » (xuanxue) d’après une phrase duDaodejing[14]. Parfois surnommé en Occident « néo-taoïsme », il peut aussi être considéré comme un maillon du confucianisme[15],[16]. En effet, Confucius reste le modèle parfait pour la plupart de ses penseurs. Ainsi, Wang Bi considère qu’il incarne mieux l’idéal taoïste du non-agir (wuwei) queLaozi (Lao Tseu) lui-même car, contrairement à ce dernier, il n’a rien écrit. Guo Xiang également place Confucius au-dessus de Laozi et Zhuangzi car ces derniers manquent d’après lui de l’expérience du monde[17].
Les classiques restent primordiaux pour la formation des fonctionnaires, mais le grand empire reconstitué en 265 par lesJin est repoussé au sud duChang Jiang en 316 et disparaît définitivement en 420. De nombreux États, dont plusieurs sont fondés par des membres d’ethnies nonHan, le remplacent. Le destin du confucianisme d’État suit ces changements, soutenu par certains commeLiang Wudi ou négligé par d’autres. Des textes se perdent au cours des guerres. Parallèlement, le bouddhisme gagne du terrain, des moines devenant conseillers des souverains « barbares », et certains groupes taoïstes (Nouveaux Maîtres célestes,Shangqing, etc.) se structurent et obtiennent de l’influence auprès du pouvoir. Le grand empire est reconstitué en 581 par lesSui, rapidement suivis desTang qui restent au pouvoir jusqu'en 907. Le système des examens est réinstauré sous les Sui. Au début des Tang, de nouvelles écoles pour lettrés sont fondées, un corpus officiel des Classiques est reconstitué et les rites confucianistes sont réinstaurés. Néanmoins, le taoïsme et le bouddhisme ont aussi une grande influence en cour et au sein de l’aristocratie. La philosophie bouddhiste, en particulier, sous la forme de courants tels queTiantai ouHuayan, séduit les élites.
Une réaction contre l’emprise du bouddhisme se dessine chez certains confucianistes, commeHan Yu etLi Ao. Ils préconisent de se concentrer sur les Classiques confucéens qui montrent parfaitement la Voie sans qu’il faille recourir à des philosophies étrangères, et de prendre les sages qui y sont cités comme modèles. Ils écartent néanmoins Xunzi et les confucéens Han et désignent Mencius, qui considère la nature humaine comme fondamentalement bonne, comme le dernier confucéen orthodoxe. Han Yu est franchement hostile au bouddhisme, qu’il accuse d’être antisocial à cause de l’importance donnée aumonachisme ; il critique le culte des reliques comme superstitieux et rejette les notions qu’il considère étrangères à la pensée chinoise comme lekarma. Li Ao, tout en critiquant l’oisiveté des moines, fréquente des bouddhistes et a des idées proches du taoïsme et duChan. Leurs idées seront reprises par le courant néo-confucianiste.
Chez Zhu Xi, le cosmos est représenté comme l’ensemble Ciel-Terre présent dans les anciens classiques, mais aussi comme letaiji, source de toute création, notion adoptée très tôt par le taoïsme. L’activité dutaiji se déploie selon une forme fondamentalement correcte appelée[dao]li ([道]理) ou principe, notion inspirée dutianli (天理) desfrères Cheng, qui peut être appréhendée à travers ses reflets partiels que sont lesli individuels des objets, êtres et phénomènes. La compréhension dudaoli requiert donc l’étude minutieuse des classiques et l’investigation attentive de tous les phénomènes. Cette étude, proposée aussi par Cheng Yi, se nommeqiongli (窮理) ougewu (格物) et amena parfois Zhu Xi à entreprendre des observations quasi-scientifiques[19]. Mais un courant de penseurs comprenant l’aîné des Cheng etLu Jiuyuan pense que l’investigation est fastidieuse et inefficace et que, puisque la nature humaine reflète parfaitement leli suprême, le meilleur moyen d’y accéder est l’introspection de l’esprit débarrassé de l’égocentrisme et des désirs matériels. Les néo-confucianistes pensent en effet comme Mencius que la nature humaine est fondamentalement bonne, puisqu’elle est conforme auli ; suivant Zhu Xi, ils rejettent Xun Zi comme hérétique. Pour expliquer les imperfections observables en réalité, Zhu Xi fait appel à la déjà ancienne notion deqi, sorte de matière ou de force qui remplit l’univers, qui peut obscurcir leli.
Malgré le prestige de Zhu Xi, le courant d'introspection et de subjectivité radicale (École de l’esprit »ou 心学xinxue) prit progressivement le dessus avec Wang Yangming. Il donna parfois des versions contestataires du confucianisme comme chezLi Zhi (1527-1602) et séduisit les Japonais et les Coréens[19].
Début de la diffusion en Asie du premier millénaire auXVIe siècle
Nguyên Trai (1380-1442) - un poète, homme politique et érudit confucéen vietnamien qui a apporté d'importantes contributions au développement du confucianisme auDai Viêt pendant ladynastie Lê (XVe siècle)
L'influence du confucianisme au Vietnam est diffuse au début du premier millénaire. Sa présence est essentiellement sensible sous forme de rituels familiaux suivis par les Chinoisprésents dans la région dans la première moitié du 1er millénaire, puis progressivement par des familles vietnamiennes[20]. Lorsque ladynastie Tang domine le Vietnam à partir duVIIe siècle s'enclenche une phase de plus grande pénétration du confucianisme. Les rituels commencent à être suivis dans les sphères publiques, et la connaissance des textes confucianistes se diffuse. Au début de ladynastie Lý, le confucianisme continue d'influencer les hautes sphères du pouvoir[21], et leTemple de la Littérature est construit en1070. Cependant à partir de1096 ladynastie Lý bascule vers le bouddhisme comme doctrine principale. Ladynastie Trần qui prend le pouvoir à partir de1225 renoue avec certaines pratiques confucianistes comme l'entretien d'une académie confucianiste et le recrutement de hauts fonctionnaires à partir d'un concours portant sur les classiques confucianistes. Le lettréChu Văn An (1292-1370) s'impose comme une des grandes figures confucianistes lors de cette période[22]. L'éphémèredynastie Hồ qui dirige le pays de 1400 à 1407 favorise un confucianisme basé sur les écrits deHan Yu ; leretour du pouvoir chinois dans le nord du pays à partir de1407 va mettre fin à cette influence au profit de celle basée sur les écrits deZhu Xi, lenéoconfucianisme[23].
La péninsule coréenne, du fait de sa proximité géographique, voit très tôt se développer le confucianisme sur son sol. Dès372 l'État duKoguryŏ fonde laT'aehak(ko), académie confucianiste chargée de former les hauts fonctionnaires sur le modèle chinois. Ce système de pensée permet de diffuser dans la population l'idée de loyauté et d'obéissance envers les souverains, mais aussi parmi les lettrés des pratiques académiques comme la rédaction de recueils historiques. Son essor est favorisé par les différentes royaumes qui se succèdent dans la péninsule, et en682 laroyaume de Silla qui a alors largement unifié la Corée fonde son académie confucianiste, leKukhak. Dès 788 un système de recrutement des fonctionnaires est institué, les classiques confucianistes constituent alors l'essentiel du corpus étudié[24]. L'influence du confucianisme reste cependant limitée aux plus hautes sphères de la société, la population suivant alors largement lespréceptes bouddhistes etanimistes locaux. La pénétration du confucianisme progresse encore lors de l'la période du Koryŏ. Le nouvel État ouvre lui aussi son académie confucianiste en982, laKukchagam, et recrute les cadres de son admiration par unsystème de concours basés sur les écrits confucianistes. Pour la première fois en Corée, les hauts fonctionnaires recrutés par ce biais peuvent se hisser aux mêmes rangs que la haute aristocratie. Les lettrés confucianistes commeCh'oe Ch'ung (984-1068) puisKim Pusik (1075-1151) s'imposent comme personnages très influents au sein de l'État[25]. Dès leXIIIe siècle des lettrés commeAhn Hyang (1243–1306) etBaek Yi-jeong(ko) (1275–1325) commencent à diffuser en Corée lenéoconfucianisme[26].
Le confucianisme apparait dès604 au Japon. Plusieurs des articles de laconstitution adoptée cette année-là par le prince Shōtoku sont directement issus des classiques confucianistes. Il tend à ancrer la pratique politique du pays dans une pratique du consensus, en repoussant la médiation par la force et la violence[27]. Son influence est cependant limitée à quelques hauts cadres administratifs aux pouvoirs limités, alors que l'essentiel du pouvoir est capté par quelques clans puissants qui exercent un pouvoir héréditaire. Ce n'est qu'à partir duXIIe siècle et jusqu'auXVIe siècle que le confucianisme connait une dynamique culturelle plus large. Il bénéficie alors assez largement de ladiffusion du bouddhismezen, les moines rapportant de Chine de nombreux écrits confucianistes. Alors que le confucianisme ne touche jusqu'à cette période que quelques administrateurs via l'enseignement de la morale et de l'éthique, sa diffusion prend une orientation plus culturelle, et touche par ce biais une population plus large. Il reste cependant sous la coupe des moines bouddhistes, et s'adapte à leurs messages comme à leurs intérêts[28].
Révisionnismes puis chute d'influence lors de la dynastie Qing, du XVIIe au début du XXe
Le néoconfucianisme de lapériode précédente fait l'objet de nombreuses critiques lors de ladynastie Qing. Au sein de l'école des Preuves, des confucianistes commeDai Zhen (1724-1777) s'opposent à la dimension trop métaphysique et éloigné des applications concrètes qui caractérise les néoconfucianistesMing. L'approche spéculative les auraient éloigné du sens original desclassiques.Dai Zhen signe ainsi leMengzi ziyi shuzheng(zh) qui entend rectifier les analyses selon lui fautives duMencius(en) héritées de l'époque précédente[29]. Cetteapproche ne se limite pas aux classiques, et touche aussi d'autres domaines comme l'histoire avecZhang Xuecheng(1738-1801)[29]. Une opposition entre tenants desétudes Song(zh) (et du néoconfucianisme) et tenants desétudes Han(zh) (prônant un retour aux textes d'origine, et proche de la pensée deXun Zi) va marquer la période[30].
Kang Youwei joue un rôle important en positionnant le confucianisme au sein du courant réformiste en Chine.
Les confucianistes doivent faire face lors de cette période à une concurrence grandissante desmissionnaires chrétiens. Ces derniers utilisent les avancées scientifiques occidentales pour gagner en influence en Chine, et la place des confucianistes comme autorité intellectuelle dans ce domaine s'effrite pendant la période[31]. La défaite chinoise lors de lapremière guerre de l'opium en1842 va remettre en cause l'ordre intellectuel et moral établi, et pousser les confucianistes chinois à se réformer[30]. La question de la bonne gouvernance de l'état va occuper une partie des réformateurs commeWei Yuan (1794–1857),Bao Shichen(en) (1775–1855), ouGong Zizhen (1792–1841). Influencés par la lecture duGongyang Zhuan(en) ceux-ci formulent des propositions de réformes s'articulant dans la tradition confucianiste[32]. Lesrévolte des Taiping et l'influence grandissante des missionnaires va pousser à des réformes plus radicale, sortant des grilles de lecture confucianistes traditionnelles.Kang Youwei (1858-1927) publie en1897Étude critique de Confucius, réformateur des institutions(en) dans lequel l'auteur prône une réforme dynastique et vise l'instauration d'unemonarchie constitutionnelle enChine, marquant ainsi une rupture avec la logique impériale. En prenant appui sur le confucianisme, il présente cette solution comme l'aboutissement logique cette pensée[33]. Cette solution « confucianiste » aux problèmes de la Chine doit cependant faire face à des révolutionnaires plus radicaux commeSun Yat-sen ouZhang Binglin qui entendent sortir de ces cadres[33].
Les confucianiste perdent à la fin de la période la plupart des institutions au travers desquelles ils exercent traditionnellement leurs influences. Lesexamens impériaux sont abolis en1905, et en1911 c'est lerégime qui s'effondre, laissant place à une république. Dans la seconde moitié duXIXe siècle, ils ont aussi perdu au profit des missionnaires protestants une partie des vecteurs de diffusion culturel et scientifique (nombreuses création de journaux en langue chinoise par les missionnaires)[34].
Pic d'influence en Asie du XVIIe à la moitié du XIXe
LaDynastie Lê qui règne sur leVietnam à plusieurs reprises entre1428 et1788 utilise le confucianisme comme un des socles sur lequel appuyer son Etat, et plusieurs princes royaux sont éduqués selon ses principes. L'exécution de rituels confucianistes, la pratique de recrutement des hauts fonctionnaires par concours, et plus généralement l'organisation de l'administration est revue pour correspondre aux principes confucianistes auXVe siècle. Le penseurNguyên Trai (1380-1442) joue un rôle important au début de la période[23]. Le confucianisme connait cependant un reflux lors duXVIe siècle et pendant la première moitié duXVIIe siècle en raison des crises de régime qui voient plusieurs dynasties se succéder. Il est influant auprès desTrịnh qui dominent le nord du pays jusqu'en1786, alors que lesNguyễn au sud lui préfèrent lebouddhisme[35]. Le confucianisme vietnamien s'oriente auXVIIIe siècle vers une approche plus concrète, et participe à diffuser les progrès techniques venant deChine ou d'Europe.Lê Quý Đôn (1726-1784) a une grande influence à cette période[36]. Ladynastie Nguyễn qui dirige le pays à partir de1802 prend elle aussi appui sur le confucianisme pour administrer le pays jusqu'à l'arrivée des français au milieu duXIXe siècle[37].
dans laCorée de Joseon, un réseau deSŏwon, académies confucianistes privées, permet une pénétration importante du pays.
Avec le début de laPériode Joseon enCorée à partir de1392 s'instaure une période de grand dynamisme pour le confucianisme dans la péninsule. Si lenéoconfucianisme de l'école Cheng-Zhu bénéficie d'une place privilégiée au sein des plus hautes sphères du pouvoir[38], d'autres courants comme ceux issus des écrits deSu Shi bénéficient aussi d'une certaine influence, sans pour autant réussir à totalement marginaliser lebouddhisme dans la population[39]. Les deux premier siècles de la période voient la montée en puissance defactions de lettrés confucianistes antagonistes (lesHun'gu, puis lesSarim) qui mènent àune série de purges très violentes de 1498 à 1545. Des figures commeYi Hwang (1501–1570) etYi I (1536–1584) ont alors une grande influence[40], et un réseau deSŏwon (académiesnéoconfucianistes privées), se développe dans les campagnes du pays à partir de1545[41]. Les crises qui agitent le pays à partir duXVe siècle[n 1] fragilisent la position du néo-confucianisme, perçu comme laissant trop de place aux abstractions spéculatives. L'école des études pratiques, ouSilhak, émerge auXVIIIe siècle comme une école confucianiste concurrente importante, proposant une approche plus pragmatique aux problèmes les plus concrets de l'Etat. Des lettrés commeYi Ik (1681-1763) etDasan (1762-1836) émergent alors[42]. Un classe de lettrés, lesyangban, dominent alors le monde administratif et intellectuel coréen de cette époque et concourt à diffuser les idéaux confucianistes au reste de la population, notamment sur les questions d'éthique et de morale[43].
Représentation d'unsekiten(釈奠?), cérémonie japonaise dédiée àConfucius, dans un rouleau illustré de 1788.
Le Japon de l'époque d'Edo voit aussi le confucianisme gagner en influence.Hayashi Razan, proche serviteur dupremiershōgun Tokugawa, joue un rôle majeur dans l'adoption des idées néo-confucianistes par l'administration shogunale dès les premières années du régime[44]. Dès la seconde moitié duXVIIe siècle ce néoconfucianisme fait l'objet de critiques par des confucianistes commeYamaga Sokō,Itō Jinsai, etOgyū Sorai, qui forment alors un courant propre au Japon, l'écoleKo-gaku (« études anciennes »), qui prône un retour aux textes originaux deConfucius, et critiquent l'usage de concepts bouddhistes et taoïstes par le néoconfucianisme pour analyser ces textes[45]. Une forme de syncrétisme s'opère même avec leshintō, leSuika shintō, avecYamazaki Ansai (1619-1682)[46]. Des lettrés confucianistes vont parvenir à régulièrement influencer le pouvoir shogunal lors de la période, notammentArai Hakuseki (1657-1725), influant auprès du 8eshōgunTokugawa Yoshimune[47], puisMatsudaira Sadanobu (1759-1829), influant auprès du 11eshōgunTokugawa Ienari[48]. L'influence du confucianisme se fait aussi très largement au travers de plusieurs réseaux d'écoles qui se développent à l'époque comme lesécolesHan, lesGi-juku(義塾?), et lesterakoya dans lesquelles les enseignants sont très souvent issus du confucianisme[49]. Tout ceci concours à diffuser à la population des normes de morale et d'éthique, tout en constitution un réseau intellectuel dans lequel les savoirs étrangers comme lesrangaku (« études hollandaise »), leskokugaku (« études nativistes »), ou encore leskangaku (« études chinoises ») vont se développer à partir de la seconde moitié duXVIIIe siècle[50].
Le confucianisme est aussi présent de manière plus diffuse dans l'Asie du sud-est en raison de la présence d'unediaspora chinoise. Il estprésent à Taïwan par ce biais dès leXVIIe siècle[51]. ABatavia une première école suivant les principes confucianistes est ouverte en1690, et ce nombre augmente pour atteindre 217 en1899 àJava[52]. EnMalaisie britannique et àSingapour la présence d'une diaspora chinoise est aussi à l'origine d'une présence du confucianisme, bien que moins importante numériquement, et son expression est souvent réduite à une forme d'habitus et de règles d'éthique chez les employés chinois[52]. Il est aussiprésent dans le Royaume de Ryūkyū, où son adoption par le régime lui confère une place importante[53].
Les premières traductions d'œuvres confucianistes en Europe sont initiées par des missionnaires à leurs retours de Chine. LeConfucius Sinarum philosophus est publié enlatin en1687 et regroupes plusieurs textes majeurs du confucianisme, dont lesEntretiens de Confucius. Confucius est alors parfois utilisé dans les débats religieux et philosophique qui agitent l'Europe, et il peut être tour à tour présenté comme étantmatéraliste ou dumoraliste. L'interprétation qui prévôt initialement est orientée par la présentation qu'en font lesmissionnaires jésuites, et compatible avec lathéologie naturelle. Laquerelle des rites au sein de l'Eglise va battre en brèche cette première interprétation, tout comme les critiques qu'en font en dehors de l'EgliseJohn Locke[54] ouPierre Bayle[55].
Pendant lesLumières se développe aussi unesinophilie qui met à l'honneur la figure deConfucius, souvent pour l'opposer à la morale de l'Église.Christian Wolff le présente dansDiscours sur la Morale des Chinois publié en1721 comme unSocrate chinois, là où lesphysiocrates présentent le confucianisme comme l'incarnation concrète de leur doctrine dudespotisme légal.Voltaire l'utilise régulièrement dans ses publications, et dans une démarche trèshagiographique en fait l'incarnation de l'Homme de Lettresuniversaliste ethumaniste[56]. A contrario, des philosophe commeMontesquieu ouRousseau s'opposent à cette représentation, et voit dans le confucianisme une forme de despotisme et un terreau fertile à l'idolâtrie[57].
Le confucianisme apparait aussi sous la plume de plusieurs penseurs et politiques desÉtats-Unis à la même époque, alors qu'i ils se familiarisent lors de séjours enFrance avec la visionsinophile alors populaire en Europe.Benjamin Franklin y fait référence dans une de ses lettre dès1749[58].Thomas Paine etThomas Jefferson, influencés par leurs lectures deVoltaire, le voient eux comme une figure tutélaire semblable dans ses enseignements moraux à ceux deJésus[58].
Perte d'influence dans la première moitié duXXe siècle
La Chine sort amoindrit de sa défaite lors de laguerre sino-japonaise de 1895. LaRéforme des Cent Jours de1898 est l'un des point de départ d'une remise en cause profonde de la place du confucianisme comme modèle politique pour le pays. Bien que plusieurs familles politiques radicalement opposées s'affrontent alors, le confucianisme trouve encore des soutients dans la plupart d'entre elles. Des réformistes commeKang Youwei,Liang Qichao, ou encoreTan Sitong(en) vont chacun pour des motifs différents chercher à faire du confucianisme l'un des socle de la réforme du pays[59]. Cette approche est aussi partagée par un conservateur commeZhang Zhidong, et dans une certaine mesure le mouvementanarchiste chinois qui peut encore à cette époque articuler certaines de ses idées selon leur sens confucianistes (comme la sincérité (chinois traditionnel :心 ; pinyin :xīn))[60].
Liang Shuming signeCultures orientales et occidentales et leurs philosophies en1921, et prône par pragmatisme la modernisation du pays en prenant appui sur le confucianisme.
L'instauration de laRépublique de Chine en1912 fait rentrer le confucianisme dans une phase de relatif déclin politique. Si les réformateurs issus de laréforme des Cent Jours continuent de chercher à en faire un socle identitaire pour le nouveau régime, ceux qui sont proches du nouveau pouvoir au contraire le voit comme une des raison du déclin du pays, en particulier ceux issus duMouvement du 4 Mai et duMouvement pour la nouvelle culture[60].Hu Shi etChen Duxiu en particulier signent dans le journalNouvelle Jeunesse plusieurs articles appelant à éradiquer le confucianisme, en faisant un prérequis à toute modernisation du pays[60]. Le prestige de l'Europe et de ses idées est cependant amoindri par les effets de lapremière Guerre Mondiale. L'opportunité est saisie au sein des milieux conservateurs de replacer le confucianisme comme l'un des socle identitaire du nouveau régime.Liang Shuming signe ainsi en1921Cultures orientales et occidentales et leurs philosophies etZhang Junmai en1923Controverse sur la vision du monde qui prennent tous les deux appuis sur leyangmingisme et mettent en avant la nécessiter d'utiliser certains aspects de la tradition chinoise. Au sein de l'appareil d'Etat, la place du confucianisme est aussi très contrastée. Si le ministre de l'éducationCai Yuanpei supprime de l'ensemble du cursus scolaire les références à Confucius, le présidentYuan Shikai continue de le citer dans certains de ses discours[61].
Ladécennie de Nankin qui commence en1927 voit le pouvoir deTchang Kaï-chek prendre résolument appui sur le confucianisme. Lesclassiques confucianistes sont non seulement réintroduits dans le cursus scolaire, mais divers rituels rendant hommage àConfucius sont aussi institués dans les écoles dès leprimaire[62]. Le confucianisme est utilisé non seulement pour encourager la progression intellectuelle, mais aussi le renforcement physique de la population. Au sein dumouvement de la nouvelle vie et au travers du confucianisme, l'accent est mis sur la nécessité d'avoir un corps suffisamment fort pour endurer les nécessités de la vie moderne, et en particulier ce que l'Etat peut exiger des citoyens en cas de guerre[63]. Les femmes sont aussi soumise à cette double injonction confucianiste de valeur morale et intellectuelle, mais aussi physique[64]. Une dimensioneugéniste transparait aussi dans cette utilisation du confucianisme, notamment sous la plume dePan Guangdan(en)[65].
Inoue Tetsujirō joue un rôle central dans la transformation de la pensée confucianiste et son acceptation par les milieux conservateurs japonais dès lesannées 1890.
AuJapon le confucianisme est vu avec beaucoup de suspicion par les réformateurs du début de l'ère Meiji[66], et perd nombre de ses institutions et de son influence politique[67] comme pédagogique[68]. C'est sous forme dephilosophie au sens occidental du terme que le confucianisme retrouve une place dans le débat politique. Le travail d'Inoue Tetsujirō dans lesannées 1890 dans ce domaine[69] confère au confucianisme une certaine popularité dans les milieux conservateurs[70]. Le financierShibusawa Eiichi (premier créateur d'unesociété par action au Japon, et premier directeur de laBanque du Japon[71]) en propose une nouvelle lecture desannées 1910 auxannées 1930 de manière à faire face à ce qu'il juge comme des excès du capitalisme[72]. La militante du droit des femmes et éducatriceUtako Shimoda puise elle aussi dans le confucianisme, et publieLa femme japonaise(日本の女性,Nihon no josei?) en1913 pour développer ces idées. Elle pointe des apports qu'elle juge positifs aux femmes dans ce courant de pensée(une dizaine de vertus dont le force de caractère, la stature intellectuelle...)[73]. Une société savante confucianiste, laShibunkai, est créée parShibusawa Eiichi en 1918 et bénéficie d'un certain soutien politique[74]. Le confucianisme va suivre la dérive militariste du Japon dans les années 1930, en fournissant à l'Etat un cadre idéologique dans lequel articuler sonpanasiatique[75], le confucianisme de la voie impériale(皇道儒学,Kōdō jugaku?)[76].
Le confucianisme coréen sort très délégitimé de lapériode Joseon. Il est souvent rendu responsable de la perte d'indépendance du pays, mais aussi de l'incapacité du pays à se moderniser auXIXe siècle. Sur le plan intellectuel il doit faire face à l'attrait de nouveaux modèles de pensée comme lecapitalisme, lesocialisme, et lemarxiste. Des intellectuels commePark Eun-sik continuent cependant à s'en revendiquer pendantla période d'occupation[77]. L'Etat japonais exploite lui le confucianisme dans la politique d'occupation de la Corée. La grande cérémonie confucianiste coréenne, leSeokjeon Daeje(en) est maintenue, mais est déplacée dès 1911 dans leKeigakuin(ja), nouveau temple à Confucius érigé par le pouvoir japonais, et la cérémonie est réalisée selon les pratiques japonaises[78]. La relative influence du confucianisme dans le pays (329 temples en 1928 comptant quelques 227 000 fidèles) permet à ce confucianisme sous domination japonaise de bénéficier d'une certaine audience[78]. Le pouvoir japonais bénéficie d'un réseaux de collaborateurs au sein des réseaux confucianistes coréens. L'Association confucianiste coréenne(ko) fondée en1932 réunit des confucianistes de la péninsule, en particulier des figures commeAhn In-sik(ko) et Joo Byung-kŏn formés au Japon[79], et dispose d'un journal lancé en1935,Sun Moon Times (coréen :일월시보), pour diffuser ses idées[80]Ahn In-sik(ko) et Joo Byung-kŏn font la promotion jusqu'à la fin de la période des préceptes confucianistes qui s'inscrivent dans la logique panasiatique du pouvoir nippon[81].
Lacolonisation du Vietnam par la France qui se fait par étapes à partir de1858 remet en cause le modèle politique du pays, et avec lui le confucianisme. Si les classiques confucianistes sont encore suivis sous le règne deTự Đức[37], le besoin de moderniser la pensée confucianiste apparait comme une nécessité. En s'inspirant de ce qui se fait à la même époque en Chine ou au Japon, des auteurs comme Lê Văn Ngữ’ (1858–1930) repoussent l'orthodoxie classique au profit d'une approche jugée plus moderne, et intégrant des éléments de la science occidentale. Plus tard pendant la colonisation française une vision assez idéalisée de la tradition confucianiste émerge. Des penseurs commePham Quynh (1892–1946) etTrần Trọng Kim (1883–1953) produisent des œuvres inspirées du confucianisme, prônant une harmonie sociale basée sur une approche hiérarchique, et sur la discipline[82].
Dans les régions ayant unediaspora chinoise importante, la situation est assez contrastée. Si le confucianisme peut êtreutilisé à Taïwan pour formuler une opposition à l'occupant japonais[51], dans d'autres pays de l'Asie du sud-est il connait un déclin important du fait dumouvement pour la nouvelle culture, commeà Singapour[83] et en Malaisie[84]. In Indonésie, il bénéficie cependant lors de cette période d'un certain dynamisme au sein de la minorité chinoise, à la fois dans sa dimension éducative et religieuse. L'organismeTiong Hoa Hwee Koan(en) fondé en1900 joue un rôle important dans cette tendance[52].
Le confucianisme est très largement exploité politiquement par leKuomintang qui est au pouvoir àTaïwan dès l'aprèsguerre civile. Un véritable « confucianisme d’État » est alors instauré. Le cursus scolaire utilise lesclassiques. De nombreux parallèles sont fait dans les textes du régime entre des responsables politiques commeSun Yat-sen etTchang Kaï-chek et des confucianistes des origines, mais aussi entre desclassiques et l'idéologie du régime, lesTrois principes du peuple. La situation perdure jusqu'en1987, date à laquelle l'île s'engage dans un processus de plus grande démocratisation[85].
Sur le plan doctrinal, lenouveau confucianisme est développé dans l'île par des intellectuels et universitaires commeTang Chun-i(en),Xu Fuguan, etMou Zongsan(en), à partir des travaux deXiong Shili dans la première moitié duXXe siècle. Marqué par un certain conservatisme culturel, le mouvement essentiellement philosophique cherche à élever l'individu en insistant sur son autonomie et la nature intrinsèquement bonne de l'être humain[86].Xu Fuguan etMou Zongsan(en) en particulier vont développer l'idée de « démocratie confucianiste » en insistant sur l'intérêt qu'a le peuple à participer à la vie publique pour mieux orienter la gouvernance du souverain[87]. Si le confucianisme bénéficie d'un certain dynamisme dans le milieu académique de l'île, il est dans la seconde moitié duXXe siècle surtout centré sur les problématiques de l'État taïwanais. À partir de2000 s'engage à l'Université nationale de Taïwan une réflexion plus large sur les spécificité d'un confucianisme pensé dans le cadre supra-étatique de l'Asie de l'est[88].
À coté de cenouveau confucianisme destiné avant tout aux élites, un confucianisme plus populaire bénéficie d'un grand dynamisme dans l'île. L'éthique qu'il véhicule est souvent crédité dans la réussite économique et scolaire dans l'île dans la seconde moitié duXXe siècle. Sa popularité est telle que même des courants bouddhiques cherchent à prendre appuis sur lesclassiques et sur la figure deConfucius pour propager leur foi[89].
En Chine communiste, de la répression à la réhabilitation
Feng Youlan joue un rôle majeur dans la préservation puis la redynamisation des études sur le confucianisme en Chine continentale.
Après lavictoire des communistes en 1949, le confucianisme est combattu par le nouveau pouvoir chinois. Sa doctrine marxiste voit le confucianisme comme un obstacle au progrès, et pendant une trentaine d'années cette école de pensée est mise à l'index. Certains penseurs parviennent cependant à poursuivre leurs travaux, commeLiang Shuming (en raison de sa proximité avecMao),Feng Youlan (au prix d'une limitation de son travail à la grille de lecture marxiste officielle), ou encore quelques linguistes. Au moment de larévolution culturelle de1966 à1976, le confucianisme est même expressément lié aux forces contre-révolutionnaires lors de la campagne decritique de Lin Piao et de Confucius, et est combattu à ce titre[90].
Dans lesannées 1980 et1990, la Chine connait unrenouveau politique et intellectuel après la mort deMao. Les universités, qui avaient fermé pendant larévolution culturelle, rouvrent et certains universitaires commeZhang Dainian(zh) peuvent de nouveau publier leurs travaux sur laphilosophie chinoise en général, et Confucius en particulier. Ceci s'accompagne par un renouveau méthodologique qui permet de sortir de la grille de lecture exclusivement marxiste. Cette redécouverte du confucianisme en Chine se fait à un moment où le pays traverse un certain vide idéologique : lemaoïsme est battu en brèche, et le libéralisme occidental est combattu par le régime. À la même époque des sociétés comme celles deTaïwan et deCorée du sud qui ont conservé une certaine continuité avec les idées confucianistes enregistrent un développement économique important, ce qui tend à relégitimer ce courant de pensée[91]. La mode des « études de pays », ouGuoxue, dans les années 1990 est souvent accompagnée par le régime, et le confucianisme y trouve un espace de discussion privilégié. Lenouveau confucianisme qui s'est développé dans des secteurs non touchés par lemaoïsme commeHong Kong etTaïwan est aussi introduit en chine continentale[92].
Unnouveau confucianisme beaucoup plus politique se développe en Chine continentale à partir de l'an2000[93], là où lenouveau confucianisme deTaïwan est beaucoup plusphilosophique et influencé par l'idéalisme allemand. Ce nouveau confucianisme de Taïwan est aussi plus attaché à l'universalisme, à la démocratie, et à l'essor de la science[94], là où certaines écoles du nouveau confucianisme de la Chine continentale peuvent être ultranationalistes et conservatrices[94]. Si le nouveau confucianisme deJiang Qing(en) est plutôt libéral, le nouveau confucianisme inspiré parKang Youwei est lui plus nationaliste et anti-occidental[95]. Le nouveau confucianisme de Chine continentale est aussi plus politique, car il cherche à répondre à des problèmes sociaux et politiques concrets (politique de lutte contre l'Occident et son influence...), là où le nouveau confucianisme de Taïwan est plus abstrait en soutenant des notions comme le progrès ou la moralité[96].
À partir de la présidence deXi Jinping en2013, la figure deConfucius est de plus souvent mise en scène par le régime, et le président chinois fait régulièrement références aux classiques chinois. Cette utilisation du confucianisme est cependant souvent en contradiction avec les préceptes moraux de cette doctrine, et la figure deConfucius est souvent utilisée pour rappeler le passé glorieux du pays et lier cette image à celle du régime[97],[98],[99].
Le confucianisme au Japon sort du conflit avec une réputation très écornée par ses accointances avec le régime militariste. Le sujet devient un quasi-tabou au sein des élites japonaises. Sa place dans le système éducatif est presque totalement effacée, d'un point de vue institutionnel comme pédagogique. Il reste cependant toujours présent dans cercles académiques, et c'est depuis ces élites intellectuelles que son influence va perdurer, bien que de manière très limitée[100]. Dans les milieux politiques, en particulier chez les conservateurs duParti libéral-démocrate (PLD), toute référence explicite à cette école de pensée est exclue après-guerre, le confucianisme étant trop associé au régime militariste. L'intellectuelMasahiro Yasuoka va cependant réintroduire les références morales et éthiques du confucianisme, en particulier auprès des premiers ministres issus duPLD, deYoshida Shigeru dans lesannées 1950 jusqu'àNakasone Yasuhiro au début desannées 1980[101]. Une dynamique patrimoniale perdure, mais reste très marginale[102]. La pratique du confucianisme au Japon est au début duXXIe siècle surtout liée à des communautés étrangères (notamment chinoise) ou à des spécificités historiques locales (Okinawa)[103].
Au moment de la libération de la Corée, les confucianistes connaissent des sorts assez divers. Les éléments les plus engagés dans la collaboration avec les Japonais commeAhn In-sik(ko) sont arrêtés et jugés pour trahison[104]. D'autres au contraire retrouvent les sphères du pouvoir en se mettantau service des Américains au sud. Yu Ŏk-kyŏm malgré ses nombreux liens avec l'occupant japonais devient chef du service de l'éducation de1945 à1947[105]. Plusieurs dictateurs sud-coréens commeSyngman Rhee etPark Chung-hee vont avoir une relation ambigüe avec le confucianisme. Tout en le dénigrant et le rendant responsable du déclin du pays depuis plusieurs siècles, ils vont implicitement prendre appui sur certains de ses concepts (loyauté, piété filiale...) pour assoir leurs pouvoirs[106]. Son influence dans la société est régulièrement mise en avant pour expliquer à la fois lesréussites académiques et économiques du pays à partir desannées 1980, mais aussi pour expliquer les problèmes portant sur la condition féminine, la bureaucratie excessive ou les inégalités sociales dans le pays. Une pratique perdure, tant au niveau des cultes familiaux, que dans le maintien patrimonial de cérémonies traditionnellement liées à l'État[107].
La situation est assez contrastée auVietnam.Au sud l'influence du confucianisme perdure du temps de la République, en particulier l'œuvre deTrần Trọng Kim, alors qu'au nord il est perçu comme étant de nature féodale et réactionnaire, et donc initialement réprimé (bien queHô Chi Minh soit lui-même issu de milieux liés au confucianisme). Depuis la mise en œuvre de la politiqueĐổi mới à partir de1986, une forme de réhabilitation a lieu par l'État communiste. L'ordre social qu'il prône, ainsi que son rôle dans l'histoire du pays est mis en avant par le régime[82].
La situation enAsie du sud-est présente d'importantes variations. Le confucianisme est très soutenu par l'État singapourien dans lesannées 1980 et une dynamique culturelle importante s'enclenche par la suite[52],[108]. EnMalaisie quelques programmes politiques émergent à partir desannées 1990, mais sont souvent liés à des élus et périclitent rapidement dès leur éloignement du pouvoir[52]. EnIndonésie lapolitique anti-chinoise deSoeharto perdure jusqu'en1998, et étouffe toute velléité de pratique du confucianisme. Il est cependant officiellement reconnu comme religion en2006[52], et sous cette forme bénéficie de quelques marques d'intérêt au sein de la communauté chinoise locale[109].
La connaissance du confucianisme est améliorée dans la première moitié duXIXe siècle par la présence de missionnaires protestants enAsie de l'Est etdu Sud-Est, qui commeJoshua Marshman(en) traduisent et publient des textes confucianistes et les rendent disponibles au lectorat occidental. AuxÉtats-Unis, des auteurs commeThoreau etEmerson y font régulièrement référence au milieu duXIXe siècle[110]. Le confucianisme fait l'objet d'études plus critiques dès le début duXXe siècle. LeConfucianisme et taoïsme queMax Weber publie en1915 fait de cette école de pensée la cause de la stagnation supposée de laChine[111].
Plusieurs publications vont paraitre au début desannées 1950 qui vont rendre accessibles en Occident les travaux chinois les plus récents. La grille d'analyse est souvent plus scientifique, et entre dans le cadre de l'histoire de la pensée chinoise.Studies in Chinese Thought ' deArthur F. Wright, la traduction parDerk Bodde(en) duHistoire de la philosophie chinoise (chinois :中國哲學史) deFeng Youlan, et leÉtudes sociologiques sur la Chine deMarcel Granet sont tous les trois publiés en1953 et fournissent de nombreux éléments de compréhensions du confucianisme, dans le cadre de la pensée chinoise, mais aussi selon des approches historiques et ethnographiques. Dans lesannées 1960,John King Fairbank publie plusieurs livres notables sur le sujet. Les travaux deWm. Theodore de Bary(en) etWing-tsit Chan(en) à la même époque vont remettre en cause l'idée d'une stagnation de laChine causée par le confucianisme[112], mais vont se heurter à l'idéologiemaoïste alors très présente sur les campus occidentaux. Ces travaux sont suivis par ceux deTu Wei-ming à partir desannées 1980, qui accentue le travail sur lenéoconfucianisme[113]. L'influence de ces travaux qui articulent le confucianisme au sein dusphère culturelle chinoise sort du cadre strict des études chinoises pour toucher celui de lagéopolitique, etSamuel P. Huntington parle de « civilisation confucianiste » dans sonChoc des civilisations en1996[113].
Un confucianisme local se développe aussi au sein du groupe desBoston Confucians(en). Ladiaspora chinoise qui s'implante aux États-Unis facilite dans la seconde moitié duXXe siècle l'implantation des préceptes confucianistes. Certains descendants d'immigrés fréquentent les départements de philosophie des universités américaines, ce qui permet une acclimatation et une articulation des traditions philosophiques occidentales et chinoises. Ces premiers travaux vont permettre à des philosophes comme Stephen C. Angle, John H. Berthrong,Philip J. Ivanhoe(en) etBryan W. Van Norden(en) de proposer un confucianisme acclimaté à l'Occident[114].
L'influence du confucianisme sur les relations interpersonnelles en Chine
Le confucianisme est le courant de pensée philosophique principal qui a influencé la majeure partie du développement de la Chine jusqu’à nos jours (B. Yang, 2012). Malgré les différentes dynasties, régimes, révolutions et directions politiques jusqu’à notre époque actuelle, le confucianisme prédomine au sein de la société chinoise (Sun et al., 2016). Le confucianisme est une philosophie de pensée qui a débuté il y a plus de 2500 ans en Chine (Swain, 2017). Confucius, son créateur, a vécu entre 551 et 471 avant Jésus-Christ. Il a notamment travaillé sur des règles de pensées et de conduites visant à améliorer la vie sociale en Chine, sur le plan politique, sur le plan institutionnel et dans le but d’atteindre une harmonie à tous les niveaux (Swain, 2017). L’objectif étant de pacifier les relations entre les différentes classes sociales et les différents niveaux de pouvoirs (Swain, 2017). La dynastie des Han a imposé le confucianisme en tant que doctrine d’État (J. Li, 2019). L’idéologie de pensée de Confucius a marqué toute la civilisation chinoise jusqu’à aujourd’hui, mais aussi la vie politique en Chine. En observant la carte de la Chine de façon historique et géographique on se rend compte que les écoles confucianistes se comptent par centaines de milliers (W. Li et al., 2020). De plus elle s’est étendue sur des pays comme le Japon, la Corée du Sud ou le Vietnam (J. Li, 2019). Durant toute l’histoire de la Chine le Confucianisme a connu de nombreux moments tumultueux. Il a subi des moments de déclins sur les plans politique et social avec de nombreuses personnes se battant contre cette philosophie de pensée. Par la suite, elle a regagné un certain niveau de popularité dans les années 1980 (J. Li, 2019). Le confucianisme a été une idéologie alternative importante contre le marxisme ou le léninisme (J. Li, 2019). De nos jours, elle gagne de plus en plus en popularité car elle est vue comme le symbole de la culture chinoise. Il n’est pas rare de voir dans les écoles et les institutions un regain de popularité autour du confucianisme. Le confucianisme est devenu un sujet de recherches de plus en plus apprécié (J. Li, 2019). On y voit l’apparition du Néoconfucianisme qui tend la société à s’ouvrir au monde extérieur et à échanger avec le reste de l’humanité (J. Li, 2019). Le président Xi Jinping a notamment annoncé l’étude du confucianisme à l’école comme un point majeur de la culture chinoise (Tan, 2017).
Le premier but capital du confucianisme est de privilégier le bien et l’intérêt collectif, plutôt que l’intérêt personnel (W. Li et al., 2020). La philosophie créée par Confucius regroupe de nombreuses idées, mais principalement cinq vertus qui guident une personne sur le plan personnel, au niveau de ses relations et dans son rapport avec sa famille (Sun et al., 2016). Les cinq vertus sont :
la fidélité (xin),
la sagesse (zhi),
la bienséance (li),
la droiture (yi)
la bienveillance (ren) également (Chine Magazine, 2018).
Le second point fondamental dans le confucianisme régit les relations entre les personnes (Watson, 2007). Il est en effet très important que tout le monde joue son rôle selon sa position dans la société et respecte les limites de cette position afin qu’aucun problème ne survienne (Ma & Tsui, 2015). La piété filiale est un troisième élément clé du confucianisme. Il est important que le fils respecte son père et sa volonté. Il ne doit en aucun cas lui désobéir. Cette idée est d’autant plus importante pour le serviteur lorsqu’il sert son maître (Hu, 2007). Selon Confucius il y a toujours une autodiscipline à avoir et un respect mutuel à entretenir. De plus dans toutes les situations il faut agir avec modération et compromis (Hu, 2007).
Le confucianisme dans la société actuelle chinoise sur le plan professionnel
Le confucianisme joue un rôle capital dans la société, dans le développement des compagnies chinoises (Yu et al., 2021), dans la manière de manager les autres (Woods & Lamond, 2011), de gérer ses relations (Zhu et al., 2021), et notamment de développer une entreprise (Yan et al., 2020). De plus le confucianisme a créé le terme «guanxi» qui est de nos jours un terme désignant la gestion des relations, non seulement entre les personnes, mais aussi entre les objectifs, et les différentes forces existantes (M. Zhang et al., 2021). La loyauté, la réciprocité, les faveurs, et une relation éternelle sont les objectifs du guanxi (Luo, 2008). Le confucianisme dû à ses idéologies de respect et de piété filiale envers son père ou son seigneur a permis à la corruption de s’étendre très rapidement dans la vie politique et professionnelle (Hu, 2007).
Les clés du succès dans l’économie chinoise viennent des idéologies de pensées chinoises, dont le confucianisme (Rowley & Oh, 2020). De surcroît, le leadership très paternel amène à de nouveaux types de management productif (Rowley & Oh, 2020). Mais, il faut reconnaître que le confucianisme n’est pas adopté par tous en entreprise.
Confucius est convaincu que la réforme de la collectivité n'est possible qu'à travers celle de la famille et de l'individu. Les hommes de l'Antiquité, dit-il,« qui voulaient organiser l'État réglaient leur cercle familial ; ceux qui voulaient régler leur cercle familial visaient d'abord à développer leur propre personnalité ; ceux qui voulaient développer leur propre personnalité rendaient d'abord leur cœur noble ; ceux qui voulaient ennoblir leur cœur rendaient d'abord leur pensée digne de foi ; ceux qui voulaient rendre leur pensée digne de foi perfectionnaient d'abord leur savoir[2]. »
À la lumière de l'analyse de la littérature classique confucéenne (tel四字小学, sì zì xiǎo xué, littéralement "l'école des quatre caractères", tradition chinoise consistant à énoncer des maximes, appelées aussi 成语, chéng yǔ, en quatre mots)[Quoi ?] par exemple), qui doit être considérée comme le support des préceptes confucéens, il apparaît que le confucianisme a servi dans l'histoire de l'Asie de l'Est d'outil politique pour les gouvernants permettant la constitution de barrières hermétiques entre les divers groupes sociaux, mais a particulièrement institué un ordre hiérarchique très marqué au sein même du cercle familial, où l'épouse doit être soumise aux ordres de son mari, à qui elle doit témoigner quotidiennement son respect et sa gratitude[115]. Ainsi, selon la morale confucéenne, dans cette même dynamique de pacification du corps social, d'ordre et d'harmonie, les enfants se doivent d'être obéissants à leurs aînés et faire preuve en toute situation depiété filiale (父母愛之, « aimer ses parents »). Plus globalement, le confucianisme permet l'émergence d'une classification verticale très poussée des couches de la société, érige en tant que dogme l'obéissance aux puissants et contribue à placer au centre l'homme, la femme n'ayant que peu voix au chapitre au regard des textes classiques. Même si l'importance des principes moralistes confucéens a quelque peu décliné enrépublique populaire de Chine à la suite de larévolution culturelle, l'influence latente que le confucianisme exerce encore de nos jours, par exemple sur le modèle social de laCorée du Sud, mais aussi duJapon (respect des ancêtres, piété filiale, obéissance aux aînés,patriarcat, etc.), est centrale.
Confucius a accordé un rôle très important à la musique, synonyme d'ordre, d'harmonie et d'expression de sentiments nobles et élevés. Lamusique classique confucéenne, avec ses instruments, existe encore aujourd'hui en Asie, principalement enCorée[2].
Leren (仁, « sens de l'humain ») est une notion fondamentale de la pensée de Confucius. Il se manifeste avant tout dans la relation à autrui et au premier chef dans la relation du fils au père (voirPiété filiale). C'est elle qui sert de modèle à toute relation : relation du prince et du sujet, du frère aîné et du frère cadet, du mari et de la femme et entre amis. L'ensemble est appelé « Cinq Relations » (五伦,wulun) ou « Cinq Constantes » (五常,wuchang). Leur respect induit confiance et bienveillance. De la cellule familiale, leren peut ainsi s'étendre à l'humanité entière, illustrant la parole de Confucius :« Entre les Quatre Mers, tous les hommes sont frères »[116]. Leren ne peut être séparé du respect des rites (禮,li)[117].
Confucius enseigne une morale et ne présente pas unemétaphysique ou unecosmologie[réf. souhaitée]. Il recherche l’harmonie dans les relations humaines. La nature n’occupe pas de place dans sa pensée. C’est auXe siècle que lenéo-confucianisme créa sa cosmologie. Elle apparaît comme une ébauche d’une théorie scientifique de l’Univers[118] voire une explication rationaliste du monde[119]. Elle considère que l’interaction des forces de la nature est responsable de tous les phénomènes et mutations[118]. Chaque organisme remplit avec précision sa fonction, quelle qu’elle soit, au sein d’un organisme plus vaste dont il n’est qu’une partie[120].
« Temples de la littérature » et textes classiques canoniques
Depuis l'époque, où, sous les Han (env. 206 av. J.-C., 220 apr. J.-C.) ; le confucianisme est devenu idéologie d'État enChine, chaque ville qui était un centre d'administration disposait d'un temple consacré à Confucius, où les fonctionnaires de l'État devaient régulièrement organiser des cérémonies en son honneur. Les salles dans lesquelles Confucius et ses disciples étaient vénérés portaient le nom dewénmiào (文庙 « temples de la littérature ») ; dans ces édifices se trouvait simplement une table devant laquelle le fonctionnaire en question faisait ses génuflexions rituelles. Ces temples étaient souvent flanqués d'une bibliothèque, où les « fonctionnaires de la littérature » discutaient des textes classiques[2].
Publications sur le confucianisme dans un pays donné :
EddyDufourmont,Confucianisme et conservatisme au Japon. La trajectoire intellectuelle de Yasuoka Masahiro (1898-1983), Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux,, 347 p.(ISBN978-2-86781-879-0)