LaConférence Molé-Tocqueville est la plus ancienne conférence de France ainsi que l'une des plus anciennes sociétés de débat au monde toujours en activité avec l’Oxford Union et laCambridge Union(en)[4]. Cette conférence a donné naissance au plus important vivier d'hommes politiques de l’histoire de France contemporaine. Cette institution fut souvent le passage obligé pour accéder au sommet de l'État[5].
La conférence est fondée en 1832 par lecomte Molé. Après être rentré d'exil lors de laRévolution française, celui-ci a fortement été inspiré par lesdebating societies alors très en vogue en Angleterre.
Ainsi, son vœu est de créer une structure permettant l'émergence d'une « élite à la connaissance du parlementarisme ainsi qu'aux hautes fonctions de l'État ». Au sein de ce club est alors transmis tout le savoir-faire relatif au bon fonctionnement d'une démocratie.
La Molé tient une place singulière dans le paysage associatif de l’histoire de France, en ce sens où elle a accueilli un grand nombre d’hommes d'affaires, d’avocats mais également d'hommes d'État. En effet, nombreux sont lesPrésidents de la République qui y ont été formés. En 1852, l'Empereur Napoléon III se voit attribuer par les membres, le titre de président d'honneur de la conférence.
La Conférence Molé-Tocqueville est certainement l'institution la plus influente de son temps mais aussi la plus politisée des conférences qui existent depuis laRestauration. Elle est un lieu de réflexion sur les questions de législation, d'économie politique, d'administration et de politique générale. Son mode de fonctionnement inspire bon nombre d'associations reprenant ainsi le terme de « conférence »[8].
« Les noms de ses fondateurs sont pour la plupart restés très attachés à l'histoire de France. Il est peu d'hommes politiques en vue qui n'aient appartenu à la Conférence Molé-Tocqueville et n'y aient fait leurs premières armes. » (Le Gaulois, 1929)[9].
En 1832, l'hôtel familial des Molé, dans lequartier de Saint-Germain-des-Près accueille leConseil d'État. Aussi, durant la même année, le comte y reçoit nombre d'étudiants en droit et d'élèves avocats afin de les préparer à la prise de parole en public.
Historiquement, ces conférences sont apparues à la fin de laRestauration et dans les premières années de lamonarchie de Juillet.
On considère généralement que l’étape décisive a été franchie en 1832 avec la création de la Conférence dite de l’hôtel Molé, ultérieurement connue sous l’appellation de Conférence Molé. Le point important est que la conférence d’éloquence à la française est un être hybride, né de l’imitation d’un modèle anglo-saxon (ladebating society anglaise, qui vit alors ses plus belles heures de gloire) et de la transposition dans la sphère politique d’une formule enracinée dans une tradition, celle de la « conférence particulière » ou « parlote » dans lesquelles les jeunes avocats se familiarisaient avec les techniques de l’argumentation, l'art oratoire et du débat contradictoire[10].
Aujourd'hui, les premiers locaux de la Conférence Molé-Tocqueville sont occupés par leMinistère de l'Écologie.
Le cercle de la rue royale, une œuvre deJames Tissot, représentant la première génération dirigeante de la conférence.Le portrait du comteLouis-Mathieu Molé est actuellement exposé aumusée du Louvre.
Plus tard, c'est au tour deJames Tissot de représenter les jeunes de la conférence, dans son œuvre le Cercle de la rue Royale, actuellement exposé aumusée d'Orsay.
La Conférence Molé-Tocqueville opère un brassage entre les élites. Il y a d'abord un brassage des générations, puisque les séances attirent aussi bien de très jeunes étudiants curieux de politique que de grands anciens éventuellement désireux de repérer de nouveaux talents. Il y a ensuite un brassage entre les milieux. La conférence apparaît d'abord comme l'un des piliers de la République des avocats. Mais à côté des représentants du barreau on trouve de très nombreux journalistes, un contingent important de hauts fonctionnaires et un public « parisien », à cheval entre le beau monde et un certain milieu littéraire[12].
École de l'éloquence et de l'apprentissage du pouvoir représentatif, la Conférence Molé-Tocqueville permet la discussion et le débat de sujets divers entre personnes venues de tous horizons politiques. Les personnalités de monde des affaires mais aussi les élus de la Nation qui tiennent une place prépondérante dans les institutions de bienfaisance et de philanthropie.
La Conférence Molé-Tocqueville vit ses membres participer au Groupement universitaire pour la Société des Nations (G.U.S.N.), ainsi certains d'entre eux en furent membres fondateurs. Ce qui valut au journaliste James Donnadieu dans le quotidien nationalLe Figaro, de comparer le samedi 4 février 1935, la rencontre internationale à Genève du 3 février comme étant la « Conférence Molé-Tocqueville des nations » : « des réputations s'y forment, des talents s'y affirment, mais ce n'est n'y un centre d'action, ni un poste de commandement »[14].
Pour intégrer la Conférence Molé-Tocqueville, le candidat doit soumettre sa demande au bureau de la conférence. Le dossier ainsi transmis est ensuite observé par la commission d’admission, un avis est rendu dans un délai de deux semaines[15].
Franck Chauveau : premier secrétaire de laConférence du stage, député de l'Oise, vice-président de la commission des finances, sénateur, vice-président du Sénat de 1898 à 1901.
Léon Chandon[17] : avocat à la Cour, président général des comités plébiscitaires de la Seine, fondateur de la maison de champagne du même nom, une marque issue de la maisonMoët & Chandon.
Charles Savary : secrétaire d'État, député, membre fondateur de la Tocqueville ;
Camille de Montalivet : homme d'État, pair de France, exécuteur testamentaire du RoiLouis-Philippe, plusieurs fois ministre sous la monarchie de Juillet, membre fondateur de la conférence ;
Louis Mortimer Ternaux : historien et homme politique français. Conseiller d'État, député, membre de la commission des récompenses nationales. Ternaux est l'auteur d'une monumentale histoire de la Terreur, parue en 8 volumes. Participe à la fondation de la conférence ;
Charles Adrien His de Butenval : ambassadeur de France en Belgique, sénateur du Second Empire, membre fondateur de la conférence ;
Frédéric Passy : membre de l'Institut, premierprix Nobel de la paix, a consacré sa vie à l'idéal pacifiste et a diffusé des idées féministes, abolitionnistes, sociales et libérales ;
Théodore Reinach : membre de l'Institut, officier de la Légion d'honneur, docteur honoraire duTrinity College (Dublin), directeur de la gazette des beaux-arts, capitaine de l'armée territoriale, président de la Conférence Molé (1888), président de la société des études juives, ancien vice-président de la société des amis du Louvre ;
Le 27 mai 2015, leprésident de la République accueille la dépouille dePierre Brossolette au Panthéon.Pierre Brossolette fut membre de la conférence à partir de 1927; par son intermédiaire, de nombreux membres de la conférence furent mis en relation avec les réseaux de la résistance.
En 2013, l'historienneMona Ozouf préside un comité dont l'objectif est le transfert des cendres dePierre Brossolette auPanthéon. Le 21 février 2014, le président de la RépubliqueFrançois Hollande annonce le transfert de ses cendres au Panthéon aux côtés des résistantesGeneviève de Gaulle-Anthonioz etGermaine Tillion ainsi que de l'ex-ministreJean Zay en tant que « grandes figures qui évoquent l’esprit de résistance ». Le président de la République signe le décret, en date du 7 janvier 2015. Le vendredi 15 mai 2015, les cendres de Pierre Brossolette sont exhumées en présence de sa famille proche et de l'association Navarre, des anciens du5e régiment d'infanterie. L'entrée auPanthéon se déroule le 27 mai 2015. À cette occasion les membres de la conférence furent conviés par laprésidence de la République[20].
↑ Archives de l'Ordre des avocats auprès de la cour d'appel de Paris, Dossier Wertheimer. Avocat-stagiaire (1900), inscrit au Tableau en 1905, René Wertheimer quitta le barreau en 1908 pour entrer dans les affaires. Il acheta le journal L'Éclair en mars 1918 et en assura la direction jusqu'au début de l'été 1919. On repère ultérieurement sa trace dans différentes opérations de presse. On se reportera également au numéro en date du 12/3/1918 du quotidien L'Éclair. Devenu maître des lieux, René Wertheimer prit soin en effet d'avertir les lecteurs du changement survenu et de décliner son identité. Dans ce texte — intitulé « Présentation » — Wertheimer dit aussi un mot de ses deux principaux collaborateurs. Robert de Jouvenel est qualifié rien moins que d'« héritier de Montesquieu » et de « proche parent de Paul-Lous Courier ».
↑ Selon Emanuele Bruzzone, intervenant au présent colloque et excellent connaisseur de l'œuvre de Robert de Jouvenel, l'auteur de La République des camarades avait conçu le projet, sans doute vers la fin de la guerre de 1914-1918, de rédiger un essai sur « L'Empire des vieillards », travail qui aurait pu, à la manière de l'auteur, revêtir l'aspect d'un petit traité sur la gérontocratie politique. Dans la citation mentionnée ici, l'important est l'adjectif « sacré », le choix du mot renvoyant, de manière explicite, à un rejet des discours et des pratiques de l'« Union sacrée », ou plutôt de la pérennisation de ces discours et de ces pratiques une fois la guerre terminée.
↑ En fait, il est légitime de se poser la question de savoir si l'équipe de la Conférence Molé-Tocqueville n'a pas suivi ici l'exemple donné parLéo Poldès et l'équipe duClub du Faubourg. On notera toutefois que Léo Poldès a lui-même fréquenté la doyenne des conférences politique et que le Club du Faubourg a initialement recruté dans le milieu, beaucoup plus étroit, de la gauche pacifiste et contestataire. Sur le Club du Faubourg, on se reportera au mémoire présenté à l'Institut études politique, sous la direction de Nicolas Offenstadt, par Claire Lermercier : « Le Club du Faubourg », Tribune libre de Paris. 1918-1939, 1995, 175 p. et annexes documentaires.
↑ Robert de Jouvenel a pensé très tôt que les méthodes choisies pour régler les problèmes nés du conflit de 1914-1918 n'étaient pas les bonnes. On se reportera ici essentiellement aux articles publiés dans Bonsoir, en particulier à l'article du 17/6/1919 concluant : « le traité de paix raté ». La Conférence Molé discuta longuement de la question au cours de différentes séances échelonnées du 11 avril au 16 mai 1919. La discussion s'ouvrit à l'occasion du dépôt d'une motion présentée par Henri Javal.
↑ Gilles le Beguec,Bulletin de la Société d'histoire moderne, 1992.
↑ Le Gaulois, dimanche 18 novembre 1868.
↑ James Donnadieu,Quotidien, 4 février 1935(ISSN0182-5852).
↑ Annuaires des membres de la Conférence Molé-Tocqueville.
↑ Robert Badinter, Alain Bergounioux, Jean-Denis Bredin, Jean-Claude Casanova, Edmonde Charles-Roux, Jean-Pierre Chevènement, Jean Daniel, Alain Decaux, Alain Finkielkraut, Max Gallo, François Jacob, Jean-Noël Jeanneney, Lionel Jospin, Jacques Julliard, Jean-François Kahn, Denis Olivennes, Jean d’Ormesson, Mona Ozouf, Claude Pierre-Brossolette, Jean-Pierre Rioux, Michel Rocard, Éric Roussel, Michel Winock,Le Monde, 17 avril 2013.
↑ La philanthropie a le cœur grand et la main souvent ouverte aux infortunes; mais, du jour où elle devient dogme et, ce qui est pire encore, fonction, elle dépasse, les bornes. Le besoin de protéger lui donne des regains de sagesses superbes en théorie, impossibles en pratique. Voici que la conférence Molé-Toqueville met à l'étude un projet de loi concernant les enfants employés au théâtre comme petits sujets ou simplement comme figurants. Cette question de l'enfance exploitée avait déjà sollicité l'attention des « législateurs », ainsi que dirait l'époux de Virginie Graindorge. Une loi a passé, il y a quelques années, à la Chambre, pour protéger l'enfance contre les saltimbanques. On ne parla, à l'époque, que de mutilations, de membres disloqués, de désarticulations effroyables, et il fut interdit aux petits des trapézistes et des danseurs de corda de s'exhiber, de risquer leur vie pour là plus grande joie des spectateurs des Folies Bergère ou du Cirque… Bloc note parisien, Quotidien, no 1768, 2 juillet 1887 (ISSN1160-8404).