Israël, qui avait remporté l'édition1998, se chargea de l’organisation de l’édition 1999[1].
Certains experts doutèrent initialement des capacités financières de la télévision publique israélienne d’organiser l’évènement, le gouvernement israélien hésitant avant d’accorder les subsides nécessaires. En effet, les groupes de pression conservateurs, politiques et religieux, s’opposèrent vivement à cette célébration, due à la victoire l’année précédente de la chanteuse transgenreDana International. Le maire deJérusalem lui-même exprima publiquement son opposition à la venue de l’Eurovision dans sa capitale[1].
Le 29 mai demeureà ce jour[Quand ?] la date la plus tardive à laquelle fut jamais organisée le concours[2].
La quarante-quatrième édition du concours fut marquée par la modification de plusieurs règles importantes.
Premièrement, la règle obligeant les pays participants à chanter dans une de leurs langues nationales fut définitivement abolie[3]. Cette règle avait été introduite en1966, après que le représentant suédois auconcours 1965 eut interprété sa chanson en anglais. Elle avait été abrogée une première fois en1973, avant d’être réinstaurée en1977.
Deuxièmement, l’UER décida de créer un statut particulier pour ses plus importants contributeurs financiers. Ceux-ci recevraient désormais la garantie d’une place automatique en finale, quels que soient leurs résultats des cinq années précédentes[3]. Cette mesure concerna à l’époque l’Allemagne, l’Espagne, laFrance et leRoyaume-Uni, connus désormais sous l’appellation collective de « Big Four ». L’Italie vint les rejoindre en2011 et ensemble, ils formèrent alors le groupe des « Big Five ».
Troisièmement, le recours à un orchestre devint facultatif. La télévision publique israélienne se saisit de cette opportunité pour réduire le budget de l’organisation et ne fournit tout simplement aucun orchestre aux participants. Ce fut donc la première fois dans l’histoire du concours qu’aucune musique ne fut interprétée en direct durant la retransmission et que tous les interprètes furent accompagnés d’une bande-son[3].
À l’origine, la sixième place libérée devait revenir à laLettonie et lui permettre de faire ses débuts. Mais le pays se désista et offrit sa place à laHongrie qui refusa aussitôt et se retira du Concours. Ce fut finalement lePortugal qui en hérita et évita ainsi la relégation[3].
Le retour de laLituanie se heurta à quelques difficultés budgétaires. Par conséquent, la délégation lituanienne reçut la permission de l’UER d’arriver un jour plus tard que les autres, afin de réduire ses coûts de séjour[3].
Le décor était inspiré par l’arrivée prochaine du nouveau millénaire. Ses éléments constitutifs symbolisaient l’éternité du temps qui passe[4]. La scène, en quart de cercle, s’élevait sur quatre marches bordées de bandeaux lumineux. Dix lignes de spots lumineux parcouraient le sol et à gauche, un podium lumineux rectangulaire traversait la scène pour s’avancer dans le public. Au fond, sur deux marches, était installé l’élément principal du décor : un globe solaire rotatif, encerclé par quatre quadrants métalliques figurant le zodiaque. Du globe, partaient neuf faisceaux lumineux de cinq branches chacun. Ces faisceaux étaient eux aussi mobiles. Derrière cet élément, était installé un écran géant. Un peu partout, étaient posés ou suspendus des sphères et des globes, rappelant les planètes tournant autour du soleil. Les parois et le plafond de la scène étaient constellés de milliers de petites ampoules figurant les étoiles et les constellations lointaines. Enfin, à droite de la scène, se dressait une passerelle qui servit pour la procédure de vote.
Le programme dura près de trois heures et quatorze minutes. Pour la toute première fois, le déroulement de la retransmission intégra un intervalle permettant aux télédiffuseurs qui le souhaitaient de diffuser des publicités[2].
Les invités d’honneur de cette édition furentIzhar Cohen etGali Atari. Tous deux avaient remporté le concours pourIsraël, respectivement en1978 et1979.
Les présentateurs de la soirée furent la chanteuseDafna Dekel (qui avait participé au concours en1992), le journalisteYigal Ravid et l’actriceSigal Shahamon. Ce fut la toute première fois que le concours fut présenté par trois personnes[2]. Ils s’exprimaient en hébreu, en anglais et en français.
L’ouverture du concours débuta par une animation numérique, menant les spectateurs deBirmingham (ville hôte de l’édition1998) àJérusalem. La caméra parcourut tous les pays européens, représentés par des monuments ou des objets emblématiques.
S’ensuivit une vidéo montrant un hélicoptère survolantJérusalem de nuit. L’appareil se posa et en sortirentDafna Dekel etSigal Shahamon. Elles parcoururent les rues de la ville avec une troupe de danseurs et terminèrent leur parcours sur l’esplanade devant l’International Convention Centre.
La caméra dévoila alors le public et la salle.Dekel etShahamon traversèrent le public et montèrent sur la scène où elles furent accueillies parYigal Ravid qui les y attendait. Ensemble, ils prononcèrent les salutations d’usage. Une vidéo rappela la victoire deDana International, l’année précédente. Les présentateurs saluèrentTerry Wogan (présentateur de l’édition1998 qui était dans son box de commentateur et qui leur souhaita « Mazel Tov ! »), puisYaacov Agam (créateur du trophée),Izhar Cohen etGali Atari qui étaient assis dans le public. Ils conclurent par les explications d’usage et un extrait vidéo montraDafna Dekel chantantZe rak sport sur la scène de l’édition1992.
Les cartes postales débutaient par un dessin animé mettant en scène un épisode de l’Ancien Testament. Les personnages animés poursuivaient leur aventure dans une vidéo illustrant un des nombreux aspects de la vie contemporaine enIsraël.
Vingt-trois chansons concoururent pour la victoire. Seuls neuf pays chantèrent dans une de leurs langues nationales. Les quatorze autres eurent recours à l’anglais ou à des versions bilingues.
La chanson chypriote,Tha ‘nai erotas, fut donnée favorite par les parieurs, dès sa sélection. Ce fut donc une grande surprise pour tous, lorsqu’elle termina avant-dernière, avec à peine deux points[3].
Au même titre que la suppression de l'orchestre, la fin des règles linguistiques déclencha une véritable déception et une polémique éclata car si certains pays décidèrent d'envoyer des chansons en anglais par sélection interne ou par sélection nationale tels que l'Autriche, laBelgique, l'Islande, laNorvège ou lesPays-Bas, d'autres tels que leDanemark, laSlovénie et laSuède procédèrent après la victoire de leurs chansons en langue nationale lors de leurs finales nationales à une traduction des textes. Par conséquent la chanson suédoiseTake Me to Your Heaven s’intitulait à l’origineTusen Och En Natt (Mille et une nuits). C’est dans cette version qu’elle avait remporté la sélection nationale suédoise, leMelodifestivalen. La chanson fut adaptée en anglais spécialement pour le concours[4]. La chanson danoise, qui s’intitulait à l’origineDenne Gang (Cette fois) quand elle avait remporté leDansk Melodi Grand Prix, etThis Time I Mean It et la chanson slovèneŠe tisoč let (Encore mille ans) devintFor A Thousand Years après avoir remporté leEMA. La première conséquence est que cette décision de traduction de la part des délégations fut décidée sans accord de l'opinion publique de l'époque et la seconde est que les paroles de ces chansons furent entièrement modifiées et qu'elles n'avaient par conséquent plus aucun lien avec le message de la version originale[5],[6],[7].
Deux chansons qui n’avaient pas remporté leur finale nationale participèrent malgré tout au concours. Premièrement, la chanson allemande,Reise nach Jerusalem. C’était la chanteuse malvoyanteCorinna May qui avait remporté la finale allemande avecHör Den Kindern Einfach Zu. Mais il apparut que ce morceau avait déjà été publié en 1997 par un autre chanteur : il fut donc disqualifié. Cela permit àRalph Siegel etBernd Meinunger, auteurs deReise nach Jerusalem, de concourir pour la dixième fois à l’Eurovision, un record sans précédent[8]. Deuxièmement, la chanson bosnienne,Putnici. C’était le groupeHari Mata Hari qui avait remporté la finale bosnienne avecStarac I More. Mais ce morceau avait été déjà publié, enFinlande, sous un autre titre : il fut lui aussi disqualifié[4].Corinna May etHari Mata Hari reviendront tous les deux au concours, respectivement en2002 et2006.
Durant la pause commerciale,Dafna Dekal etSigal Shahamon revinrent sur scène, un verre de vin à la main. Elles portèrent un toast au millénaire écoulé et à celui à venir. Elles chantèrent ensuiteTo Life et trinquèrent avec les spectateurs et les porte-paroles.
Le spectacle d'entracte était un ballet chanté et dansé, qui prit place sur une esplanade au pied de laTour de David. Dans la première partie, les danseurs exécutèrent une chorégraphie sur une version remixée du chant traditionnelDror Yikrah (L’appel de la paix).Dana International apparut ensuite parmi eux et interpréta sa reprise deFree deStevie Wonder.
À la fin de la vidéo,Dana International et tous les danseurs montèrent sur la scène pour saluer le public.
Durant la procédure de vote, les présentateurs se séparèrent.Yigal Ravid prit place sur la passerelle et dirigea le vote.Dafna Dekel etSigal Shahamon s’installèrent dans lagreen room avec les artistes et les délégations.
Pour la toute première fois, chaque délégation fut suivie individuellement par une caméra. Un écran éclaté permit de les montrer toutes à la fois. Les spectateurs purent donc voir tous les interprètes. La production fit aussi un plan systématique sur chacun d’entre eux qui recevaient "douze points".
Lorsque sa victoire devint certaine, la représentante suédoise,Charlotte Nilsson, se leva et alla embrasser la représentante islandaise,Selma, qui terminait deuxième.
Le recours au télévote fut à nouveau recommandé à tous les pays[9]. Les spectateurs purent voter par téléphone pour leurs chansons préférées. Leurs votes ainsi exprimés furent agrégés en 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10 et 12 points. Chaque pays fut contacté par satellite, selon l'ordre de passage des participants. Les points furent énoncés dans l’ordre ascendant, de un à douze[3].
Dans quatre pays cependant, (laBosnie-Herzégovine, l’Irlande, laLituanie et laTurquie), le vote fut décidé par un jury, qui attribua 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10 et 12 points à ses dix chansons préférées[3].
Comme l’année précédente, les votes furent visualisés autrement que par des chiffres. À quatre reprises, ils furent répartis sur une carte animée en trois dimensions de l’Europe. Les pays bénéficiaires s’élevèrent au prorata du score obtenu.
Dès le début de la procédure, l’Islande s’empara de la tête. Elle fut rattrapée par laSuède après le vote polonais, le douzième. Les deux pays se livrèrent ensuite à un duel, qui fut tranché par l’avant-dernier vote, celui de laBosnie-Herzégovine : le pays n’attribua aucun point à l’Islande, mais "douze points" à laSuède.
Ce fut la quatrième victoire de laSuède au concours[10].
Charlotte Nilsson fut rejointe sur scène par l'ensemble des participants, ainsi que par les danseurs du ballet d’entracte. Elle reprit la chanson gagnante en anglais et en suédois. Tous, accompagnés par les présentateurs, chantèrent ensuiteHallelujah, chanson israélienne victorieuse en1979. Il s’agissait d’un hommage aux victimes de laGuerre de Balkans et aux habitants de la région qui ne pouvaient regarder le concours, faute de retransmission[11].
Un incident se produisit lors de la remise du trophée parDana International aux auteurs de la chanson gagnante. La chanteuse fut surprise par le poids de l’objet et manqua de le faire tomber. Elle perdit alors l’équilibre et chuta, entraînant avec elle l’un des auteurs. Cela causa une alerte des membres de la sécurité qui bondirent sur scène, croyant que la chanteuse avait été victime d’un tireur embusqué[9].Dana International finit par se relever, indemne, salua le public et regagna prestement les coulisses.
La suppression de l’orchestre suscita la controverse. De nombreux experts et fans du concours s’en montrèrent extrêmement déçus<[4]. Quant àJohnny Logan, qui avait remporté le concours en1980 et1987, il désapprouva ouvertement ce changement, estimant que les prestations des chanteurs relevaient désormais d’un simple karaoké[3].
La représentante française,Nayah, suscita elle aussi une vaste controverse, dès sa sélection. Après sa victoire lors de la finale nationale française, les médias découvrirent que la chanteuse avait appartenu à une secte religieuse apocalyptique. Cette secte croyait que la fin du monde surviendrait avec l’avènement du deuxième millénaire : chaque membre serait alors sauvé par des vaisseaux extraterrestres qui partiraient deJérusalem.Nayah se défendit du mieux qu’elle put, arguant qu’elle avait quitté la secte depuis longtemps déjà. Elle termina finalement à la dix-neuvième place[4].
Le recours intégral à une bande-son pour la musique ne modifia aucunement une autre règle essentielle du concours : toutes les parties chantées devaient continuer à être interprétées en direct. Or, la chanson croate,Maria Magdalena, comportait des chœurs masculins préenregistrés sur sa bande-son[3]. Le pays fut sanctionné après le concours, sur plainte de la délégation norvégienne : son score fut réduit d’un tiers, ce qui diminua son score moyen entrant en compte pour la relégation. Son classement à la quatrième place fut cependant maintenu[4].