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Blason deRogerIer de Sicile | |
| Statut | Comté |
|---|---|
| Capitale | Palerme et occasionnellementTroina |
| Langue(s) | Langues officielles :latin,grec,arabe |
| Religion | Religion officielle de l’État :catholicisme |
| Monnaie | ¼dinar puis letarì[1] |
| Territoires | Sicile insulaire etMalte |
| Superficie | Environ 26 148 km2 (25 832 km2 de laSicile plus 316 km2 deMalte) |
|---|
| 1071 | Création du comté parRobert Guiscard pourRogerIer de Sicile. |
|---|---|
| 1091 | Prise deNoto (la Sicile devient totalement normande) et prise deMalte. |
| 1101 | Mort deRogerIer de Sicile. Son fils,Simon de Sicile, devient comte. |
| 1105 | Mort deSimon de Sicile,Roger II de Sicile devient le3e comte. |
| 1130 | Fin du comté de Sicile qui, uni avec le duché de Pouilles et de Calabre, devient leroyaume de Sicile. |
| 1062-22 juin 1101 | Roger de Hauteville, ditRogerIer de Sicile |
|---|---|
| 1101-1105 | Simon de Sicile (sous tutelle de sa mèreAdélaïde de Montferrat) |
| 1105-25 décembre 1130 | Roger de Hauteville, ditRoger II de Sicile (sous tutelle de sa mèreAdélaïde de Montferrat jusqu'en1112), puisRoi de Sicile |
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Lecomté de Sicile, appelé aussiGran Contea, est un ancien État souverainnormand multiethnique sous investiture papale, comprenant laSicile etMalte. Il est créé en1071 pour le duc normandRogerIer de Sicile.
L'invasion de la Sicile et la création du comté de Sicile par les Normands s'inscrit dans un triple contexte. D'une part, il y a la présence en Italie du Sud de Normands ambitieux qui cherchent à se tailler des fiefs. D'autre part, la papauté veut diffuser le christianisme et reprendre des terres aux princes musulmans. Enfin, les Églises chrétiennes d'Occident et d'Orient issues duschisme de 1054 se disputent la région.
La création du comté remonte à février1061, lorsqueRobert Guiscard traverse ledétroit de Messine en partant deReggio de Calabre pour accoster àMessine avec un millier d'hommes. Elle est entérinée en 1071 par décision papale. Toutefois, la fin de conquête de laSicile, qui marque la fin de l'émirat de Sicile, n'est achevée qu'en 1091 avec la prise deNoto et deMalte.
Durant sa brève existence, le comté est prospère et voit la création d'un important centre de traduction de la science grecque et de la mathématique arabe vers le latin. La noblesse qui dirige le pays est franque et normande. Elle réalise plusieurs édifices destyle arabo-normand qui mêlent les architectures arabe, byzantine et normande. En ce qui concerne le droit, on assiste au même métissage puisque ledroit normand subit l'influence de la loi islamique. D'une manière générale, les différentes communautés chrétiennes et musulmanes vivent en bonne entente.
Le comté disparaît en1130, sousRoger II de Sicile. À cette date, celui-ci qui possède également leduché de Calabre et des Pouilles, est élevé au rang de roi de Sicile par l'antipapeAnaclet II qui a besoin de son aide. Leroyaume de Sicile devient alors une des plus grandes puissances de son temps, capable de rivaliser avec les républiques dePise et deVenise.
Le territoire du comté de Sicile n'englobe à ses débuts que le nord et l'ouest de laSicile. Il évolue pendant les deux premières décennies de son existence au fil de la lutte que mènent les comtes normands contre les Arabes de l'émirat de Sicile et atteint son apogée en1091 lors de la victoire deNoto[2]. Par la suite, le comté de Sicile comprend tout l'ancien émirat de Sicile, soit l'île de Sicile, plus l'île deMalte.
Le comté de Sicile a une superficie d'environ 26 148 km2 (laSicile insulaire ayant une superficie de 25 832 km2 etMalte de 316 km2)[3].
Le territoire du comté de Sicile est subdivisé en quatre entités administratives qui restent pratiquement inchangées jusqu'en1812 :
Lesvalli sont eux-mêmes divisés en comtés, baronnies, seigneuries ou en une des 42 cités domaniales siciliennes. Celles-ci sont, à l'époque de la domination normande de laSicile, des villes relevant directement de l'administration de l’État et non d'un noble, d'un abbé ou d'un évêque. Chacune de ces cités envoie un représentant auParlement sicilien[4],[5].


Laconquête normande de l'Italie du Sud se fait progressivement par de petits seigneursnormands et n'est pas dirigée par le duc de Normandie. Elle commence en999 lors de l'arrivée de pèlerins normands en Italie du Sud : de retour duSaint-Sépulcre àJérusalem, ils s'arrêtent àSalerne en Calabre chez le LombardGuaimar III[6] d'où ils chassent les Sarrasins qui l’assiègent. Ce récit est appelé laTradition de Salerne et est écrit pour la première fois parAimé du Mont-Cassin dans la seconde moitié duXIe siècle[7].
L’immigration normande dans leMezzogiorno n’a rien de massif, mais on estime qu'entre lesannées 1010 et lesannées 1120, il y a un flux constant de départs duduché de Normandie vers l’Italie du Sud et on a pu en évaluer le nombre à quelques centaines de Normands par an pendant un siècle environ[8].
Guillaume Bras-de-Fer etGuaimar IV entament la conquête de la Calabre en 1044, mais Guillaume est moins chanceux enApulie, où, en1045, il est défait près deTarente. Avec la mort de Guillaume, la période du mercenariat normand se termine tandis qu'émergent deux grandes principautés normandes qui font allégeance auSaint-Empire romain : lecomté d'Aversa, plus tardprincipauté de Capoue, et lecomté d'Apulie, qui deviendra le duché d'Apulie[7].

Au moment de la conquête de laSicile par les Normands, celle-ci est principalement occupée par des chrétiens sous domination arabe. La Sicile a été d'abord sous le contrôle des souverainsaghlabides de827[9] jusqu'en909, bien queMalte soit restée en leur possession jusqu'en1048[10], puis de la dynastie desFatimides jusqu'en948, date à laquelle lesKalbites prennent le pouvoir, qu'ils gardent jusqu'en1053.
Depuis 1010, la situation politique en Sicile est très instable avec pour cause les guerres de succession que se livrent les membres de la famillekalbite. C'est dans ce contexte qu'en1038 unearmée byzantine, composée deGrecs et de 300 mercenaires normands, commandée par le généralGeorges Maniakès, tente de reprendre la Sicile aux musulmans. Elle prend un certain nombre de villes sur la côte orientale etSyracuse tombe en1040, notamment grâce auxHauteville,Guillaume Bras-de-Fer. Cependant, les Byzantins doivent se retirer en1042[11].
Bien que l'île soit reprise par les musulmans, l’émir Hasan II as-Samsâm ibn Yûsuf doit la quitter en1044, contesté de toutes parts par les princes locaux, lescaïds, qui règnent alors en maîtres incontestés sur leurs territoires.
Après le départ en1044 du dernier émir de la dynastie desKalbites, la Sicile est divisée en quatre caïdats :
En1065, le fils de l'émir ziride de l'Ifriqiya, Ayyûb ibn Tamîm, devient le maître d'à peu près toute la Sicile. En effet, il hérite en 1062 deSyracuse dont le maître avait été tué cette même année dans une bataille contre les Normands dePalerme etCatane, ainsi que des caïdats deTrapani et deGirgenti en 1065. En1068, après le retrait d'Ayyûb, deux caïds se partagent ce qui reste de laSicile musulmane. Ibn `Abbâd, appeléBenavert dans les chroniques occidentales, établit sa capitale àSyracuse. L'émirHamud, quant à lui, règne àCastrogiovanni[3],[13].

Le, lesynode de Melfi réunit les chefs normands qui jurent fidélité au papeNicolas II. Celui-ci offre en échange le titre de duc de Sicile àRobert Guiscard, un Hauteville, en attendant qu'il prenne l'île aux Sarrasins.Robert Guiscard devient alors duc d'Apulie, de Calabre et de Sicile[14].

En février1061,Robert Guiscard traverse ledétroit de Messine en partant deReggio de Calabre pour accoster àMessine avec un millier d'hommes et accompagné de son frère, le futurRogerIer de Sicile. Roger passe le détroit en premier pendant la nuit et attaque les armées sarrasines dans la matinée. Quand les troupes de Robert Guiscard arrivent plus tard dans la journée, elles ne rencontrent aucune opposition et entrent dans uneMessine abandonnée[15]. Robert fortifie immédiatement la ville et s'allie avec l'émir Ibn at-Timnah contre leur rival commun Ibn al-Hawas. Robert, Roger et Ibn at-Timnah marchent ensuite vers le centre de l'île par la route deRometta. Ils traversent le village deFrazzanò puis laPianura di Maniace (Plaine de Maniakès), ne rencontrant de la résistance que lors de l'assaut deCenturipe. La ville dePaternò chute rapidement etRobert Guiscard continue avec son armée jusqu'àCastrogiovanni, la forteresse la plus puissante du centre de laSicile. Son armée y est défaite et la citadelle ne tombe pas. L'hiver approchant, Robert Guiscard décide de retourner dans lesPouilles, mais avant de partir, il fait construire la forteresse deSan Marco d'Alunzio[16].
En1062,Roger de Sicile est nommé par son frère comte de Sicile et peut dès lors commencer au nom de la papauté la conquête de la Sicile et surtout s'y tailler unfief. Malgré la faiblesse numérique de son armée ou plutôt de sa bande, il commence alors à guerroyer dans l'île, quadrillée par de nombreuses forteresses musulmanes. Il tue dans une bataille lecaïd deSyracuse dePalerme et deCatane, Muhammad ibn Ibrâhim ath-Thumna. Toujours en 1062, il combat àTroina où Roger est assiégé durant environ quatre mois dans des conditions très difficiles avec sa jeune femme Judith. L'année suivante, à la bataille deCerami, une petite troupe de chevaliers et de fantassins normands défait une armée musulmane beaucoup plus nombreuse. Le récit de la bataille, parGeoffroi Malaterra, chroniqueur de la conquête des frèresRobert Guiscard et RogerIer de Sicile est un véritable panégyrique. Il relate ainsi 50 000 guerriers musulmans (dont 35 000 sont massacrés) face à 136 chevaliers normands et décrit lors de cette bataille l'apparition deSaint Georges en personne sur un cheval blanc et chargeant l'ennemi[17].
En1063 a lieu le sac dePalerme, sous la direction de l'amiral pisan Giovanni Orlando. Les Pisans brûlent cinq bâtiments de transport byzantins et en capturent un sixième[18]. Lacathédrale de Pise et laplace des Miracles sont construites avec un dixième du butin rapporté de Sicile[18],[19].
En1068, les Normands sont à nouveau vainqueurs contre les Arabes, à labataille de Misilmeri. Cette victoire ouvre le chemin dePalerme et permet d'envisager la conquête de l'ouest de laSicile. Quelques années plus tard, Guiscard, qui a chassé définitivement les Byzantins d'Italie avec la prise deBari en avril 1071, commence le siège dePalerme par mer, tandis que son frère Roger prend la ville à revers, par voie terrestre. Cette année-là, le comté de Sicile est créé. L'ancienne capitale des gouverneurs et des émirs de Sicile n'est finalement prise par le comte Roger qu'en1072, après 241 années de domination musulmane. Cet événement ouvre la voie à la conquête de la totalité de l'île.
En1077,Trapani, l'un des deux derniers bastions musulmans de l'ouest de l'île, est prise à son tour par Roger et son filsJourdain de Hauteville. En1079,Taormine est prise elle aussi. Cependant, lecaïd deSyracuse, Ibn `AbbâdBenavert, menant une résistance acharnée, vainc le gouverneur deCatane, un musulman converti au christianisme, en1081 ; mais la ville est reprise parJourdain de Hauteville,Robert de Sourdeval et Elias Cartomi lors d'une attaque surprise. Peu après la rébellion d'un vassal de son père,Angelmar (1082),Jourdain de Hauteville se révolte lui aussi en Sicile, soutenu par quelques barons, profitant de l'absence du comte de Sicile, rappelé sur le continent. Il s'empare deMistretta et deSan Marco d'Alunzio, puis marche surTroina, espérant qu'il pourrait mettre la main sur le trésor de son père. Ce dernier revient en toute hâte en Sicile, craignant de voir son fils chercher refuge auprès desMusulmans, et étouffe la révolte. Jourdain, croyant obtenir facilement le pardon de son père, décide de cesser les hostilités et vient de lui-même à sa rencontre. Une fois maître de Jourdain et de ses complices, Roger fait crever les yeux aux douze principaux coupables et fait craindre pendant quelques jours à son fils d'avoir à subir un pareil châtiment ; finalement, à la demande de son entourage, Roger consent à pardonner à son fils[2].
En1086, Benavert s'oppose en personne au comte de Sicile devantSyracuse, son fief assiégé. Mais, le 25 mai, il meurt accidentellement. Couvert d'une lourde armure, il chute et tombe à l'eau, coulant à pic à cause du poids de celle-ci.Syracuse finit par tomber en octobre[2].
Entre-temps, la mort de son puissant frère en juillet1085 laisse Roger totalement libre de ses actes. Il devient le seul véritable maître de laSicile qu'il organise en comté en y introduisant notamment le système féodal, tout en gardantMileto, en Calabre, comme capitale de ses possessions. C'est le début de la Sicile normande, une ère de prospérité faisant la continuité de l'époque musulmane. Roger s'y montre tolérant, respectant les différentes identités, coutumes et religions de l'île. En effet, une fois la guerre finie, il autorise les Musulmans qui le souhaitent,berbères ou arabes, à rester dans l'île. Juifs, musulmans, et chrétiens orthodoxes ne subissent pas de persécutions[2].
Après cet événement, lecaïd deCastrogiovanni,Hammûd, se soumet à Roger et se convertit au christianisme. Le comte normand lui donne de vastes fiefs enCalabre. La conquête de l'île est achevée en février1091 avec la prise deNoto, ville où se sont réfugiés la veuve et le fils deBenavert. La puissance musulmane en Sicile a définitivement disparu[20].
En1090,Jourdain de Hauteville obtient le commandement de laSicile, pendant que son père part à la conquête deMalte. Durant l'année1091, Roger prendMalte et soumet la ville fortifiée deL-Imdina, tout en laissant au gouverneur arabe la possibilité de la conserver en échange d'un lourdtribut annuel[2].

Lorsque laSicile etMalte sont totalement conquises et queRogerIer de Sicile (1031-1101), dit leBosso, n'a plus à s'occuper des Sarrasins, sa principale occupation est d'ordre religieux : il rétablit les églises (comme laCathédrale de Messine), fonde des évêchés et établit des abbayes pour les grands ordres qu'il dote richement[21].
En 1098, le comte de Sicile est nomméLégat né du siège apostolique par une bulle du PapeUrbain II donnée àSalerne qui stipule que l’Église romaine n'établira aucun légat apostolique dans les États en possession de Roger et de ses descendants sans leur consentement[22]. Cette bulle est à l'origine du Tribunal de la Monarchie dont le juge est commis par le roi et porte le titre de Légat du Saint-Siège[23].
Roger, le « Grand comte », meurt de causes naturelles le 22 juin 1101 (à 70 ans) dans son fief deMileto en Calabre où il est inhumé dans l'église de la Sainte-Trinité. Ce décès survient alors que son fils aîné,Jourdain de Hauteville, est déjà mort de fièvres violentes depuis un peu moins de dix ans[24]. C'est donc son onzième enfant, qu'il a eu avec sa femmeAdélaïde de Montferrat, nièce du Marquis Boniface deSavone,Simon de Sicile, qui lui succède.
Simon de Sicile (1093-) est le second comte de Sicile, qu'il commence à gouverner en1101, à la suite de son pèreRogerIer de Sicile. Simon, âgé de 8 ans, étant alors encore trop jeune pour gouverner, est placé sous tutelle de sa mère, la comtesseAdélaïde de Montferrat, qui devient ainsi la régente deSicile. Celle-ci marie une de ses filles à Robert de Bourgogne, un des fils du duc de Bourgogne et lui-même petit-fils duroi de France, à condition que ce dernier vienne l'aider à gouverner la Sicile[25].
Malheureusement, peu de chroniques et de documents sur son court règne subsistent et l'une des seules sources fiables est celle d'Alexandre de Telese, un abbé et un chroniqueur de langue latine vivant dans l'Italie méridionale de la première moitié duXIIe siècle[26]. Celui-ci raconte notamment que le jeune comte se fait frapper par son frère cadet Roger, qui est alors âgé de cinq ans et qui le menace en plus de lui enlever plus tard tous les biens qu'il a hérités de leur père.
Simon de Sicile meurt le après quatre ans de régence de sa mère. Son frèreRoger II lui succède[27].


LorsqueRoger II de Sicile hérite du comté deSicile et de plusieurs terres enCalabre et enPouilles à la mort de son frèreSimon de Sicile en1105, il est encore trop jeune pour gouverner et c'est donc sa mère la comtesseAdélaïde de Montferrat, qui a déjà tenu le titre de régente sous son frère Simon, qui garde le comté sous tutelle jusqu'en1112. Un des premiers gestes du comte Roger II est d'envoyer un présent de mille onces d'or au PapePascal II et de mander l’évêque Guillaume deSyracuse au concile de Latran qui se tient en mars1112 et où cet évêque gagne la qualité de Député des évêques de Sicile[25].
En1113, Roger II marie sa mère au roiBaudouinIer de Jérusalem, faisant ainsi une alliance stratégique avec une grande puissance d'Europe. En1117, la mère de Roger est répudiée par le roi de Jérusalem pour ré-épouser son ancienne femme (une princesse arménienne) qu'il a abandonnée au profit d'Adélaïde de Montferrat. Celle-ci meurt l'année suivante, en1118. La même année, Roger II se marie avecElvire de Castille, fille du roiAlphonse VI de Castille. En1122, son jeune cousin,Guillaume d'Apulie, lui laisse la totalité de laSicile et de laCalabre. Roger II profite de ce point d'appui pour envahir laBasilicate en entrant parMontescaglioso deux ans plus tard[28].
Le àSalerne, le ducGuillaume d'Apulie meurt prématurément sans héritier légitime connu. Bien que son plus proche parent soitBohémond II d'Antioche,prince de Tarente etprince d'Antioche, c'est Roger II qui prend les titres de prince deSalerne et duc d'Apulie, deCalabre et deSicile à sa mort. Pour assurer la légitimité de cette succession, il se fait sacrer prince deSalerne, puis grand duc dePouille en1128. Roger II possède ainsi la plus grande partie des terres normandes en Italie du Sud et même au-delà. En effet, depuis1117, il lance des raids sur les côtes africaines, mais, sans succès. Il reconquiert toutefois l'île deMalte perdue auparavant[29].
En1129, lorsque son ancien ennemiBohémond II d'Antioche meurt, Roger II forme des prétentions sur laprincipauté d'Antioche, mais celles-ci n’aboutissent à rien, car c'est le gendre de Bohémond II qui en devient le prince[30].
L'antipapeAnaclet II, alors maître de Rome, investit son beau-frère,Roger II de Sicile, àPalerme le en échange de son soutien contreInnocent II. Roger devient ainsi roi de Sicile, comprenant laSicile, laCalabre et lesPouilles.
L'invasion de la Sicile par les Normands, située entre leschisme de 1054 et l'appel à lapremière croisade de 1095, est le résultat d'un retournement d'alliance de la papauté qui a décidé de s'allier aux Normands. Le papeUrbain II les a poussés à envahir la Sicile occupée par les Sarrasins et à la réorganiser selon le modèle chrétien, avec des diocèses et des paroisses[31].
Dès la conquête, le comte Roger pourvoit aux sièges vacants d'une hiérarchie ecclésiastique catholique vacante depuis des siècles dans un total esprit d'indépendance, notamment ceux dePalerme,Syracuse,Agrigente etMazara dès1089. Ces investitures laïques sont en contradiction avec les canons de la Papauté qui se bat pour imposer la primauté du spirituel sur le temporel dans laQuerelle des Investitures. Toutefois, l'appui du Comté de Sicile est pour le Pape si important dans sa lutte contre leSaint-Empire romain germanique qu'il finit par accéder à ces nominations. Mieux, il consacre l'indépendance de l'Église normande de Sicile par unebulle pontificale du depuis Salerne qui donne au Grand Comte Roger la Légation de Saint Pierre sur toute la Sicile en remerciement de son dévouement fidèle à l'Église[32].
Sous laSicile musulmane, les groupes religieux étaient inégalement répartis sur le territoire sicilien[33] :
Soutenant lerite byzantin, alors que le nombre de fidèles est en baisse en Italie du Sud[31], les rois normands construisent ou refondent dans la région de Messine des monastèresbasiliens affaiblis par la domination arabe :Saint-Philippe de Demenna,Sainte-Marie de Mili,Saints-Pierre-et-Paul d'Itala et Saint-Sauveur de Bordonaro sous RogerIer,Saints-Pierre-et-Paul d'Agrò etSaint-Sauveur de Messine sous Roger II, lequel place les monastères de rite grec sous l'autorité de l'archimandrite deMessine[34]. Ils favorisent également l'ordrebénédictin et construisent de nouvelles mosquées[35].
Sous Roger II, le royaume normand de Sicile, où vivent ensemble Normands, Juifs, Arabo-musulmans, Grecs byzantins, Lombards etSiciliens de souche[36],[37] se caractérise par sa nature multi-ethnique et sa tolérance religieuse[38]. Le rêve de Roger II aurait été de créer un empire englobant l’Égypte fatimide et lesÉtats latins d'Orient[39].
La conquête de laSicile par les Normands tient un rôle important dans leschisme de 1054, qui marque la séparation de l'Église catholique d'Occident et de l'Église orthodoxe d'Orient[33].
Au début duXIe siècle, le sud de l'Italie est divisé à peu près également entre des terres de l'Empire byzantin et les terres de divers seigneurslombards. Une des raisons pour lesquelles la papauté encourage les Normands à prendre la Sicile et le sud de l'Italie est la tentative des catholiques de prendre le contrôle des églises qui étaient tombées aux mains duPatriarche de Constantinople[33].
En Sicile, les papes ont vu dans la conquête normande l'opportunité de convertir les musulmans aussi bien que les chrétiens de rite byzantin qui représentent une grande partie de la population[33],[40]. Dans un premier temps, les Normands ont placé des évêques de rite grec, comme àPalerme avec Nicodème,Archevêque de Palerme à partir de1065, qui fut obligé par la suite de s'exiler en dehors de Palerme d'où il exerça ses fonctions en secret[40]. Ainsi, petit à petit, les évêques grecs sont tous remplacés par des évêques latins[33].
Les incursions des Normands dans les îles grecques et lesBalkans font détester les Normands aux Byzantins. En1098, le Conseil de Bari auquel assiste le PapeUrbain II[41],[42] décide de l'annexion de l’Église grecque desPouilles à l'Église catholique[33].
Bien que la langue de la cour soit lefrançais, tous les édits royaux étaient rédigés enlatin,grec,arabe ouhébreu, selon le groupe auquel ils étaient adressés[43],[44]. En effet, les langues de tous les groupes ethniques vivants en Sicile étaient respectés : l'hébreu, le latin (langue des Normands, desBretons, desProvençaux et des Lombards), le grec (langue des Hellènes et des Byzantins) et l'arabe (langue des Arabes et des Berbères)[45].

Après le mariage en 1089 entreRogerIer de Sicile etAdélaïde del Vasto, descendante de la famille desAlérame (enitalienAleramici), de nombreux colons lombards originaires des possessions des Alérame dans le Piémont et la Ligurie s'installent sur la partie centrale et orientale de la Sicile (Oppida Lombardorum)[46]. Ces colons lombards furent dirigés par Enrico del Vasto (1079-1137), frère cadet d'Adélaïde, qui portait les titres de Chef desAlérames deSicile[47], et de Comte desLombards de Sicile[48].
RogerIer de Sicile favorise longtemps les immigrés latins, comme les soldats et mercenaireslombards (pour la plupart venant de la région deMontferrat) et français (de Normandie, de Provence et de Bretagne)[49], qui arrivent en masse en Sicile. Ceux-ci occupent des villages entiers comme ceux deNicosia,Sperlinga,Piazza Armerina,Valguarnera Caropepe,Aidone,San Fratello,Acquedolci,San Piero Patti,Montalbano Elicona,Novara di Sicilia etFondachelli-Fantina[50].
Ces colons sont à l'origine du dialecte gallo-sicilien, mélange de sicilien et de lombard, qui a su se maintenir jusqu'à nos jours[51].
Dès la fin duXIe siècle et au cours duXIIe siècle, la Sicile est, avec l'Espagne, terre de contact entre monde musulman et monde latin, un carrefour et un foyer de traduction de l'arabe au latin. Des Arabes participent aux traductions, mais l'essentiel des traducteurs vient du monde latin, notamment des Normands mais aussi des Lombards d'Italie du sud.
L'école fondée àSalerne en Italie du sud parRobert Guiscard et l'archevêque de Salerne auXIe siècle sert de base à ce foyer sicilien de traduction, particulièrement vigoureux auXIIe siècle, notamment sous le règne de Roger II et ses successeurs lorsque le Comté de Sicile devient Royaume.
C'est en particulier la science grecque qui est traduite par l'intermédiaire du trilinguisme du comté, notamment les ouvrages d'Aristote. Les mathématiciens arabes sont aussi traduits, en particulier par Jean de Palerme[52].
Largement minoritaires, les Normands laissent en place l'administration arabe en intégrant à sa tête quelques Arabes syriens chrétiens immigrés[53]. Ainsi, les musulmans conservent leursqadis, juges coutumiers de droit musulman.
Un droit collectif normand est rédigé et traduit dans les trois langues officielles : en latin, en grec et en arabe pour tous les textes officiels, notamment administratifs. Ce droit, inspiré dudroit coutumier normand et dudroit romain, ne supprime pas les droits particuliers de chaque communauté qui restent en vigueur : la loi coranique (charia) pour les musulmans et ledroit byzantin (notamment le Code Justinien) pour les Grecs.
En1097, RogerIer crée leParlement sicilien àMazara del Vallo. Ce parlement, à l'origine itinérant, est considéré comme un des premiers parlements modernes de l'histoire[4],[5].
LeParlement sicilien est constitué de trois branches : la Féodale (Feudale), l’Ecclésiastique (Ecclesiastico) et la Domaniale (Demaniale). La première est composée de membres de la noblesse, la seconde par le clergé et la troisième par les représentants des cités domaniales siciliennes[54].
Héritant de l'administration juridique islamique, une influence significative de la loi islamique et de la jurisprudence s’est exercée sur ledroit normand. Une hypothèse soutient que laloi islamique aurait influencé laCommon law à travers laConquête normande de l'Angleterre[55].
Durant l'époque normande, presque toute la noblesse est d'origine franque et tout particulièrement normande[40]. Il n'existe pas en Sicile de grande noblesse (comtes et autres grands féodaux), contrairement à la partie continentale des royaumes normands : la féodalité se limite aux barons et aux chevaliers qui sont à la tête de petits fiefs directement soumis au roi.
Les barons ne sont que des fonctionnaires royaux tenant un rôle militaire. En effet, les fiefs sont directement distribués par le roi et de ce fait sont dépendants de lui[40].
La féodalisation de la Sicile laisse de vastes espaces de résistance arabes. Deschefferies musulmanes, à l'origine non féodale, sont ainsi transformées en entités territoriales dirigées par la toute nouvelle aristocratiemudéjare[56]. La féodalité normande en Sicile est donc caractérisée par la forte capacité de compromis de celle-ci avec le passé arabo-musulman[57].

Les Normands ont réalisé diverses constructions dans ce qu’on appelle le style arabo-normand. Ils ont intégré les meilleures pratiques de l’architecture arabe et byzantine à leur propre art[58]. En effet, l'architecture arabo-normande est située au croisement entre l'architecture normande, l'architecture islamique et l'architecture byzantine[59]. Plusieurs exemples d'architecture arabo-normande bâtis durant le Comté de Sicile sont encore visibles aujourd'hui : lePalais des Normands, l'église Saint-Jean des Ermites (1136), lechâteau de Paternò (1072), l'arche normande de Mazara del Vallo (1072), l'église Notre-Dame de Giummare (1100-1103), laCuba di Delia (début duXIIe siècle) et l'église San Nicolò Regale (1124).
Sous les Arabes et les Byzantins, le principal système de défense est la cité fortifiée (telle que celle deCastrogiovanni)[40]. Le château est apporté en Sicile par les Normands auXIe siècle durant la période nommée d'Incastellamento (traduit en français parenchâtellement). Ceux-ci construisent des châteaux suivant les techniques en vigueur enNormandie : les châteaux sont d'abord desmottes castrales, puis des châteaux en pierre dont la principale fonction n'est pas la défense ni la protection, mais de symboliser la puissance des seigneurs normands[40].
De nombreuses techniques artistiques du monde islamique ont également été intégrées pour former la base de l’art arabo-normand : incrustations de mosaïques ou de métaux, sculpture de l’ivoire ou du porphyre, sculpture des pierres dures, fonderies de bronze, fabrication de la soie.
L'économie du comté repose essentiellement sur l'agriculture. Celle-ci s'appuie entre autres sur la production de céréales, la culture du mûrier, le vin, le coton, la canne à sucre, les oranges, les agrumes et la palme héritage de la civilisation musulmane[40].
Roger II a établi unergasterium regium, une entreprise d’État accordant le monopole de la fabrication de la soie à la Sicile pour toute l’Europe[60].
Lefinage des villages est pratiquement achevé.
Le comté pratique le commerce[40].
L'activité industrielle repose essentiellement sur l'extraction dusoufre de l'Etna et de la production dusel gemme.
La santé dutarì est un signe positif de la santé économique du comté[40].

La monnaie en vigueur pendant la période normande de la Sicile est d'abord le ¼dinar. Cette monnaie est instaurée auIXe siècle par les émirs arabes de Sicile dont le choix est de ne pas frapper le dinar comme partout dans le monde arabe (celui-ci pesait habituellement 4,25 g), mais sa division : le ¼Dinar[1],[61]. Cette monnaie spécifiquement sicilienne a été remplacée, par la suite, par une de ses variantes : letarì, qui reste la monnaie en vigueur en Italie du Sud jusqu'à la chute duroyaume de Naples en1816[1]. Il s'agit à l'époque de l'une des rares monnaies d'or en Occident (avec lemaravédis), jusqu'auXIIIe siècle ; en effet, le reste du continent européen est passé à l'argent dès le XIe siècle[40].
Letarì (ou tarin) est une monnaie d'or dont les musulmans deSicile faisaient déjà usage et qui porte deux légendes circulaires en styleKufi. Les comtes de Sicile continuent à frapper cette monnaie, en conservant son type arabo-musulman[62].
| États indépendantsde jure | |
|---|---|
| États indépendantsde facto de l'Empire byzantin | |
| États lombards, indépendantsde facto | |
| Judicats sardes, indépendantsde facto | |
| Émirat musulman, indépendantde facto | |
| États normands, indépendantsde facto | |
| Communes indépendantesde facto duSaint-Empire romain germanique | |
| Fiefs duSaint-Empire romain germanique, souvent indépendantsde facto | |
| Thèmes duCatépanat d'Italie, provinces de l'Empire byzantin | |
| Antiquité |
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|---|---|
| Période byzantine |
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| Période arabo-musulmane |
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| Période normande |
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| Période normande, souabe, angevine et aragonaise |
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| De 1815 à l'unité italienne | |
| Depuis 1860 | |