Lacomédie (dugrec κωμωδία) est ungenre littéraire,théâtral,cinématographique ettélévisuel fonctionnant sur le registre de l'humour. Née dans l'Antiquité grecque, elle est devenue un genre littéraire qui s'est épanoui de manière diversifiée en fonction des époques. AvantMolière, elle était dévalorisée comparée à latragédie.
La comédie trouve son origine dans lalittérature grecque. Le motκωμῳδία /kômôidía est formé deκῶμος /kỗmos (« fête en l’honneur deDionysos »), etᾠδή /ôidế (« chant »).
Jacques Grévin, dans sonBrief discours (1561), en donne quant à lui l'étymologie suivante : « Et quant à moi je suis de cette opinion que la Comédie a pris son nomἀπὸ τῶν κωμῶν, c’est-à-dire des rues par lesquelles de ce premier temps elles estoyent jouées ».
Plus récemment, Marcello Durante a rapproché leκῶμος /kỗmos du nomindo-iranien de la « proclamation qualifiante »*ċámsa- auquel se rattache aussi le latincensēre[1],[2].
Le terme decomédie désigne également l'art de l'acteur (dit égalementcomédien).Jouer la comédie signifie interpréter un rôle.
Au sens figuré,faire la comédie signifiefaire du cinéma ou faire des manières pour peu de choses.
« Comme ce culte ramenait tour à tour des sacrifices funèbres ou de joyeuses solennités pour célébrer le deuil de l'hiver ou le brillant réveil du printemps. On y voyait tour à tour la cérémonie sacrée tourner au drame des pleurs ou au drame d'allégresse. Au renouveau, de joyeuses processions de rustres avinés et travestis en Pans et en Satyres menaient leur carnaval religieux à travers le village, et usaient de la licence consacrée de la fête, pour interrompre leurs cantiques d'apostrophes satiriques adressées à la foule. Peu à peu ces intermèdes de lazzis prennent une forme plus dramatique; les farceurs rendent la satire plus piquante, en jouant les personnages qu'ils attaquaient : ce divertissement tourne en scènes de caricature. Ce fut donc là le berceau de la Comédie. »
Ces représentations ont lieu lors de fêtes organisées par l'État. Deux fois par an, elles réunissent lescitoyens autour d'un concours entre trois auteurs sélectionnés à l'avance. Pendant les trois jours de cérémonies, ceux-ci font représenter plusieurs pièces chacun. Ainsi le public assiste-t-il à une quinzaine de représentations, depuis le matin jusqu'au crépuscule. Cette manière de voir du théâtre est assez éloignée de celle qui est la nôtre aujourd'hui, à part à l'occasion de certains festivals.
Le lieu de ces représentations est un édifice à ciel ouvert, pouvant accueillir unpublic très nombreux, occupant les gradins. Face à lui se trouve la scène, au-dessus de laquelle un balcon peut voir apparaître lesdieux. Il y a également unefosse d'orchestre, un espace circulaire dans lequel se trouve unautel dédié àDionysos et réservé au chœur (par conséquent situé à la fois « avec » les acteurs, et séparé d'eux).
Le chœur est composé d'un certain nombre de choreutes, qui prennent en charge la partie lyrique du spectacle (le chant). Il était accompagné au départ d'un acteur (le protagoniste) puis on en ajouta deux autres : ledeutéragoniste et letritagoniste. Avec l'évolution duthéâtre, la partlyrique a diminué, au profit dudialogue.
À l'époque, tous les rôles sont tenus par deshommes, portant desmasques : le visage de l'acteur n'exprime donc pas une psychologie nuancée et les nuances de l'émotion passent par le ton et les gestes. Les acteurs portent destuniques colorées, la couleur permettant d'aider les spectateurs à distinguer les différents rôles. Les pièces grecques se composent d'un certain nombre de « moments » définis : un prologue, puis l'entrée du chœur (« parodos »), puis des épisodes coupés par des chants du chœur, enfin la sortie du chœur (« exodos »).
Lesfables d'Ésope étaient en prose et concises, La Fontaine en mit certaines en vers ainsi que Phèdre, Avianus et Charles Perrault, pour ne citer que les plus célèbres fabulistes.
« Tout le récit de la vie d'Ésope est parcouru par la thématique du rire, de la bonne blague au moyen de laquelle le faible, l'exploité, prend le dessus sur les maîtres, les puissants. En ce sens, Ésope est un précurseur de l'anti-héros, laid, méprisé, sans pouvoir initial, mais qui parvient à se tirer d'affaire par son habileté à déchiffrer les énigmes »[3].
AuVe siècle av. J.-C. sous lesiècle de Périclès, en pleine démocratie athénienne, le poèteCratinos crée laVieille Comédie en tant qu'institution d'opposition politique. Ainsi, avec laVieille Comédie, le théâtre est transformé entribune.
« Orateurs influents, démagogues, généraux, gens à la mode, [laVieille Comédie] traduit tous ces maîtres de l'opinion sur la scène, expose en les parodiant leurs actes et leurs projets, démasque leur ambition ; et, de peur qu'on ne s'y trompe, elle les nomme par leurs noms, satisfaisant ainsi à cette jalousie éternelle qui est l'aiguillon et la plaie de la démocratie. »
Si l'on n'a rien conservé deCratinos, dePhrynichos le Comique, d'Eupolis, dePhérécrate, dePlaton le comique, de Cratès, de Phormis et de tant d'autres, en revanche nous avons onze pièces d'Aristophane qui peuvent nous donner une idée suffisante de ce drame fantastique et plein d'imagination et de poésie.
« Les Acharniens et la Paix sont un manifeste contre la guerre du Péloponnèse ; les Chevaliers, une ardente invective contre Cléon, le politique alors en faveur; les Guêpes, une satire de l'organisation judiciaire ; les Nuées, un pamphlet contre l'éducation ; les Oiseaux, les Harangueuses, la Lysistrata, le Plutus, une critique des utopies politiques et sociales ; les Fêtes de Déméter et les Grenouilles, une parodie du théâtre d'Euripide. Ces pièces embrassent une telle variété d'objets et se mêlent si vivement aux événements d'alors, que, mieux peut-être encore que l'histoire de Thucydide, elles nous font connaître la situation d'Athènes à cette époque. »
Mais alors que s’achève le siècle de Périclès, la liberté athénienne et laVieille Comédie tendent à disparaître. Exclue de la politique, condamnée à s'abstenir de personnalités, elle cherche dans la vie privée une matière nouvelle, et s'attache à la satire générale des passions, des travers et des humeurs des humains. Toutefois, cette métamorphose ne se fait pas en un jour. Entre laVieille Comédie et laComédie Nouvelle il y eut une époque indécise de transition, celle d'Antiphane, d'Eubulos, d'Alexis, qu'on a nommée laMoyenne Comédie, où, à l'instar de la scène sicilienne, on s'amuse à travestir les épisodes de lamythologie. Lesmasques sont restés dans la comédie populaire de l'Italie (que l'on retrouvera plus tard dans laCommedia dell'arte)
La comédie nouvelle (également désignée sous le terme deNéa[4]) commence dans la seconde moitié duIVe siècle av. J.-C. Ce n'est guère que sous la monarchie macédonienne qu'un grand poète,Ménandre, fit sortir enfin de ces ébauches la véritablecomédie de mœurs etde caractère, telle que nous la concevons encore aujourd'hui.
« Il prend pour cadre de ses pièces les aventures ordinaires de la vie il en combine les situations et les contrastes de façon à faire éclater dans leur vérité naïve et profonde les sentiments, les faiblesses et les travers du cœur humain... Sa comédie devient un vrai tableau de mœurs, qui nous rend en vif l'image de la société athénienne d'alors. »
Diphile et Philémon furent, avecMénandre, les principaux auteurs de laComédie Nouvelle.
Cet autre genre de comédie grecque se développa dans diverses villes doriennes, telles queMégare,Sparte... La comédie dorienne fut représentée par trois poètes,Épicharme, Phormis et Dinoloque. Elle n'était pas démocratique, comme la comédie athénienne : protégée par deux rois,Gélon et Hiéron, elle resta étrangère à cet esprit de satire politique qui distingue l'Ancienne comédie d'Athènes. Elle conserva, avec un caractère de gravité philosophique, le respect des puissants ; et les discussionsphilosophiques y tenaient une grande place.
Comme àAthènes, lethéâtre romain a une dimensionreligieuse : les représentations sont liées au culte deBacchus. Comme à Athènes également, la dimensionpolitique est présente, puisque le théâtre se joue lors des Jeux, ou lors de cérémonies importantes réunissant le peuple. Le chant, la danse, la musique accompagnent encore le texte – le théâtre est un « spectacle total ».
Les accessoires sont plus nombreux que dans lethéâtre grec : le rideau de scène apparaît, les costumes sont parfois somptueux, la machinerie se développe. Les masques sont toujours présents.
Sur la scène, pas de « décor » au sens moderne : quelques portes, signifiant une demeure ou un palais, et parfois une machinerie permettant de faire apparaître un dieu récitant une tirade – d'où l'expression « deus ex machina ».
Dans l'empire romain, la farce, l'Atellane, interprétée par des acteurs masqués, qui connurent la faveur populaire et furent à la source de laCommedia dell'arte (ce qui fait que les masques ressemblent fort aux masques actuels de laCommedia dell'arte), existait avant que laNouvelle Comédie athénienne fût traduite à son usage. Et de plus, la comédie consacrée à la peinture de mœurs romaines (comoedia togata, jouée en toge) n'atteignit jamais le succès de l'atellane.
La comédie grecque (Nouvelle Comédie athénienne) fut apportée parLivius Andronicus (280 av. J.-C - 204). La population éclairée ne voulut plus dès lors que des pièces grecques. La comédie nouvelle s'exporte àRome, où elle sera adaptée auIIIe siècle sous le nom decomedia palliata (dans lequel les acteurs portent le vêtement grec, lepallium) et abondamment reprise parPlaute etTérence. En effet, toutes les pièces que nous avons conservées dePlaute et deTérence (dontMolière a parfois pu s'inspirer) ne sont que des traductions de comédies grecques.
Depuis la dictature deSylla (qui commença en décembre 82 av. J.-C), l'Atellane fut remplacée par leMime. Les comédies dePlaute ne cessèrent pas d'être jouées dans tout l'Empire jusqu'à l'invasion desGermains.
Ainsi, la comédie comme genre théâtral s'est développée en Europe dans l’antiquité gréco-romaine, où elle partageait avec latragédie les théâtres construits dans l'Empire romain.
De la Grèce, la fable passe àRome.Horace propose une remarquable adaptation duRat de ville et du Rat des champs (Satires, II, 6)[5] que certains critiques estiment supérieure à la version deJean de La Fontaine. Il sera suivi parPhèdre qui, comme Ésope, est né enThrace et était esclave avant d'être affranchi parAuguste. On lui doit six livres de fables, dont le premier s'ouvre avecLe Loup et l'Agneau[6]. Avec ce recueil entièrement écrit en vers, Phèdre va véritablement faire de la fable un genre poétique à part entière. Il ne se contente pas d'adapter Ésope en latin, mais fait aussi preuve d'originalité : sur les 126 fables que compte son recueil, moins de la moitié sont directement empruntées à Ésope[7]. Même si ces fables ne lui attirent pas la gloire de son vivant, Phèdre fera des émules.
Le poèteBabrius, un Romain hellénisé contemporain de Phèdre, récrit en grec les fables ésopiques et les met en vers. On connaît de lui deux recueils, qui totalisent 123 fables.
La vogue de la fable grandit dans le monde gréco-romain. On trouve diverses références à des fables chez l'auteur grecLucien de Samosate (120-180), notamment celle des singes dansants, qui joue sur l'opposition entre l'inné et l'acquis, thème commun à de nombreuses fables, notamment chez La Fontaine et Florian[8]. AuIVe siècle, le poète romainAvianus en laisse 42, pour la plupart des adaptations de Phèdre, mais dont plusieurs, qui ne sont attestées nulle part ailleurs, sont fort bien construites. Son contemporain, le GrecAphthonios a laissé un recueil de 40 fables en prose.
Par la filière latine, les fables d'Ésope passeront au Moyen Âge et inspireront d'innombrables successeurs.
Bouffon avec samarotte[N 1], son costume traditionnel bicolore (rouge et vert) garni de grelots, son bonnet surmonté d'oreilles d'âne, sa grande collerette dentelée et ses chaussures pointues[9].
Après l'effondrement de la culture antique, leMoyen Âge, qui ignore le mot « comédie », réinvente de nombreuses formes de théâtre comique. Le théâtre se joue dans la rue (théâtre de rue), sous la forme demystères,fabliaux,farces,soties ou encoremime. Certains de ces genres sont plus ou moins inspirés de survivances de genres antiques comme l'atellane.
En effet, la tradition des jongleurs et le goût du divertissement parodique chez les clercs s'expriment au Moyen Âge dans une grande diversité de pièces de caractère satirique et didactique :
les diableries, qui sont incluses dans lesmystères religieux
lesfarces, qui sont des pièces courtes mettant en scène des types populaires de la vie quotidienne (le paysan, la femme, le curé, le noble, etc.) et une situation simple sur fond de morale traditionnelle
Au cours desXIVe et XVe siècles, les spectacles deviennent payants. De ce fait, lethéâtre se joue de plus en plus souvent dans des lieux clos et non plus sur lagrand-place. Peu de décors sont utilisés auMoyen Âge : on se contente parfois d'écriteaux signalant les lieux. Mais les machineries se développent, afin de créer des « effets spéciaux ».
Toujours auMoyen Âge, lesbouffons ont pour rôle de faire rire les gens : ils divertissent, utilisent l'insolence et sont parfois conseillers ; les plus connus sont les fous derois et desseigneurs. D'ailleurs, auXVe siècle,FrançoisIer, crée une école de fous.
Dans les années 1456-1460[10] sort l'une des rares pièces de comédie de l’époqueLa Farce de Maître Pathelin. Toujours auXVe siècle apparaît laMoralité, mettant en scène des personnages allégoriques, représentant les vices et vertus des hommes ainsi que les défauts de la société
AuXVIe siècle, des lettrés créent lacomédie humaniste, afin de s'opposer à la tradition médiévale de lafarce et de retourner aux sources de lacomédie latine. Les comédies humanistes constituent les premières « comédies régulières » de l'histoire du théâtre français. Il faut entendre par cette appellation les comédies composées à l’imitation de la comédie romaine et qui en respectent les règles formelles, par opposition auxfarces,sotties,moralités et autres jeux théâtraux de l’époque désignés par le même terme de « comédie », qui regroupait dans le vocabulaire courant tous les spectacles à dénouement heureux (et qui seront tous interdits sous cette appellation par édit du Parlement de Paris de1588 à1594).
De plus, du mélange de laFarce avec laMoralité naît laSottie, qui, sous le règne deLouis XII notamment, rappelle laVieille Comédie athénienne, au moins pour la malice et l'audace à tout dire.
La comédie sombre dans le déclin en France à partir du milieu duXVIe siècle
Au milieu duXVIe siècle, lesmystères (c'est-à-dire le genre théâtral le plus prestigieux) sont interdits. En effet, l'Église estime désormais que la foi doit être l'affaire des doctes, et non des acteurs (le théâtre est mis à l'index par l'Église qui l'accuse de mentir sur la réalité). Ainsi, malgré quelques résistances, le théâtre sombre dans le déclin. Il faudra attendre une redéfinition de cet art pour qu'il reprenne consistance.
Sous laRenaissance, les auteurs de toute l'Europe veulent retourner aux sources du théâtre et s'approprier la comédie latine. On appelle comédie « régulière » la comédie qui s'inspire de la comédie latine, et qui en respecte les règles formelles, tout en s'opposant aux diverses formes de comédies médiévales.
« Ces essais grossiers d'une comédie indigène s'éclipsèrent rapidement à la Renaissance devant l'éclat des œuvres antiques. Toutes les nations lettrées sont jalouses de s'approprier la comédie latine. Nul pays cependant n'y réussit mieux et plus naturellement que l'Italie... Ainsi dans ce genre de comédie que l'on appelle la Commedia dell'arte Il y a des types à défaut de caractères, des poses, à défaut de gestes naturels, des masques à défaut de traits de mœurs. C'est Arlequin, Pulcinella, Brighella, Pantalon, etc., tous les personnages accoutumés des farces populaires, qui, se mêlant aux rôles traditionnels de la comédie antique, composent de tout cela un drame étrange, plein d'imagination et de gaieté plutôt que de vérité, une caricature jubilatoire plutôt qu'un portrait de la vie. »
La comédie élisabéthaine avait un sens très différent de la comédie moderne. Une comédie deShakespeare est celle qui a une fin heureuse, impliquant généralement les mariages entre les personnages non mariés, et un ton et un style qui est plus léger que les autres pièces deShakespeare[11].
La comédie en Espagne s'attache à captiver l'imagination par l'intérêt romanesque de l'intrigue, plutôt que par la vérité du cœur humain. Le caractère disparaît et s'absorbe dans la passion dominante. L'imagination prévaut et, aussi, la passion.
Le théâtre s'inquiète peu de la vraisemblance du roman et de la vérité du caractère. On y met en scène un jeune cavalier amoureux et la jeune doña dont il est épris; on les sépare par toutes sortes d'obstacles, des parents inflexibles, un tuteur jaloux, des rivaux acharnés, la distance des rangs ; à travers les incidents d'une intrigue compliquée, nous suivons avec un intérêt curieux les ruses et les efforts par lesquels les deux amants s'efforcent de se rejoindre.
« Jetez à travers ce canevas un valet rusé, une soubrette intrigante, un niais, pour amener quelques scènes de bouffonnerie, un matamore exagérant encore l'emphase castillane, des déguisements infinis, des paravents, des échelles de corde, et maints coups d'épée; et vous aurez toute la comédie de Lope de Véga et de Caldéron. L'intrigue y est tout ; les caractères y comptent pour rien : il n'y a de place à travers les incidents que pour les passions. »
Considéré par beaucoup comme la plus grande œuvre rédigée en langue espagnole,Don Quichotte est l'un des premiers romans publiés en Europe. Ce roman, tout comme le monde dans lequel vit son auteur,Miguel de Cervantes, est à la frontière duMoyen Âge et de l'époque moderne. Le second tome est publié en1615, un an avant la mort de l'auteur.Don Quichotte est à la fois un roman médiéval - un roman de chevalerie - et un roman de l'époque moderne alors naissante. Le livre est une parodie des mœurs médiévales et de l'idéal chevaleresque et une critique des structures sociales d'une société espagnole rigide et vécue comme absurde.Don Quichotte est un jalon important de l'histoire littéraire, et les interprétations qu'on en donne sont multiples, pur comique, satire sociale, analyse politique.
Contemporain de Cervantes, l'auteur de théâtreLope de Vega est célèbre pour ses drames, notamment ceux basés sur l'histoire du pays. Dans les centaines de pièces qu'il écrit, Lope de Vega adopte, comme Cervantes, une approche comique, transformant par exemple une pièce morale conventionnelle en une œuvre humoristique et cynique. Son objectif principal est de distraire son public. Le mélange qu'il fait des éléments moraux, de la comédie, du drame et du génie populaire en fait un cousin de Shakespeare, auquel il est souvent comparé, et dont il est le contemporain. En tant que critique de la société, Lope de Vega attaque, également comme Cervantes, nombre des anciennes institutions du pays, dont l'aristocratie, la chevalerie, la rigidité des mœurs… Ces deux écrivains constituent une alternative artistique à l'ascétisme d'un Francisco Zurbarán. Plus avant dans leXVIIe siècle, les pièces de « cape et d'épée » deLope de Vega mêlant aventures, intrigues amoureuses et comédie influencent son héritier littéraire,Pedro Calderón de la Barca.
En1629 apparaîtMélite dePierre Corneille, qu'il qualifia dans la première édition de « Pièce comique » et non pas de comédie, forme nouvelle de « comédie sentimentale » fondée sur les déchirements du cœur et une conception nouvelle du dialogue de théâtre[12] qu'il qualifiera lui-même trente ans plus tard de « conversation des honnêtes gens »[13], loin des formes comiques alors connues qu'étaient lafarce et la comédie bouffonne à l'italienne.
L'Abbé d'Aubignac joue un rôle important, car dansLa Pratique du théâtre[16] en 1657 il analyse le théâtre antique et le théâtre contemporain et en tire des principes qui constituent les bases duthéâtre classique avec larègle des trois unités : la règle de bienséance, qui oblige à ne représenter sur scène que ce qui ne choquera pas le public.
Dans ce siècle dominé par leclassicisme, la distinction entre les genres théâtraux est nette : latragédie et la comédie ont des caractéristiques propres, qu'un auteur se doit de respecter (il existe cependant quelques formes « mêlées » :Le Cid, dePierre Corneille, est ainsi unetragi-comédie). Comme pour latragédie, la comédie classique française doit obéir à larègle des trois unités.
Comédie
Tragédie
Personnages de bourgeois
Personnages nobles
Famille, vie sociale, argent, amour (sphère privée)
LaFrance, devancée par l'Italie et l'Espagne dans sa renaissance littéraire, commence par les prendre pour modèles. C'est ce que faitMolière dans un premier temps, avant de se différencier (« Molière lui-même emprunte longtemps aux scènes italienne et espagnole le canevas et les personnages de ses premières comédies ; il commence par copier des modèles étrangers, avant de devenir lui-même original »).
« Tout se passe comme si, désespéré de ne pouvoir faire de tragédies, Molière s’était donné comme but de créer des comédies aussi belles et graves que les tragédies. »
LesFables de La Fontaine continuent une tradition médiévale française, d'historiettes comiques et de satire des mœurs sociale, dont les acteurs sont des personnifications d'animaux, comme leRoman de Renart où on trouve l'anecdote du « Corbeau et du renard » avec des morales mises en adages, ou commeMarie de France chez laquelle on trouve la première version du « Loup et de l'agneau ».
La Fontaine a aussi fait un travail de traduction et d'adaptation de textes antiques, comme lesFables d’Ésope (par exemple « La Cigale et la Fourmi »), dePhèdre, d'Abstémius, mais aussi de textes d'Horace, deTite-Live (« les Membres et l’estomac »), de lettres apocryphes d’Hippocrate (« Démocrite et les Abdéritains »), et de bien d'autres encore, elles constituent une somme de la culture classique latine et grecque, et s’ouvrent même dans le second recueil à la tradition indienne[19].
ChezMarivaux, les personnages ne sont plus des types comiques ou des héros tragiques, mais des individus aux prises avec un questionnement sur leur identité. Ainsi, dans plusieurs comédies (par exempleLa Double Inconstance), les personnages cachent leur identité à leur promis(e), en prenant le costume de leur valet (ou de leur suivante). Chacun veut en effet connaître son promis de façon masquée – mais c'est lui-même aussi qu'il découvre dans ce jeu de masques. Le langage deMarivaux retranscrit les moments de séduction entre les héros, et les interrogations des personnages sur leurs propres sentiments : c'est le « marivaudage ».
Alfred de Musset, autre auteurromantique, se distingue en ce qu'il renonce assez vite à faire représenter ses pièces. Après l'échec deLa Nuit vénitienne, il écrit desdrames et comédies, en prose, mêlant des jeunes gens amoureux et des personnages vieillissants, grotesques et autoritaires, dans des décors multiples, difficiles à mettre en scène. Lethéâtre, avecMusset, est fait pour être lu (et imaginé) plus que pour être vu.
Apparaît simultanément un théâtre de la « subversion » :Alfred Jarry, avecUbu roi, présente une pièce faite pour choquer (la première réplique est un « Merdre ! » retentissant). Dans une certaine proximité avec le mouvementDada ou lesurréalisme, cethéâtre rejette toute psychologie des personnages pour préférer une représentation brute, presque abstraite, de l'homme.
En pleineSeconde Guerre mondiale, apparaît lethéâtre de l'absurde (Eugène Ionesco,Samuel Beckett) : par la réécriture antique, le but est de démolir les mythes en prenant les mêmes héros, les mêmes thèmes et de les dégrader, pouvant passer du registre tragique au registre comique. Ils mettent en question dans leurs œuvres le personnage théâtral, le genre des pièces (Ionesco affirme ainsi que « le comique est l'autre face du tragique »), et le langage même. Des cris, des répliques apparemment dénuées de sens se succèdent pour donner une image à la fois drôle et effrayante de l'humanité. La scène se déroule souvent dans un climat de catastrophe mais le comique s’y mêle pour dépasser l’absurde. Les personnages ont souvent des réactions exagérées.
Comique de situation : le grand-père du Narrateur souhaite pour son petit-fils une recommandation lorsqu’il ira en cure à Balbec… sans succès… Monsieur Legrandin utilise diverses stratégies pour détourner la conversation du grand père.
Comique de mots : Zeugma : Madame Verdurin s’adressant aux familiers du petit clan sur le ton du Christ…
*Comédie de caractère[17], telle que pratiquée parMolière. Pièce de théâtre où sont décrits de manière plaisante les mœurs, les défauts et les ridicules des êtres humains.
Comédie de cape et d’épée, telle que pratiquée par d'Ouville,Scarron,Thomas Corneille, Boisrobert. Genre dramatique fidèlement adapté de lacomedia de capa y espada espagnole qui a connu, de 1640 environ à 1656, une grande vogue en France.
Comédie d'intrigue, telle que pratiquée parNiccolò Machiavelli etLope de Vega. Elle présente un enchaînement d'aventures plaisantes, de situations embarrassantes et bizarres, qui tiennent le spectateur en suspens jusqu'au dénouement.
Théâtre de boulevard, telle que pratiquée parFrédérick Lemaître (et qui aura un hommage dans le filmLes Enfants du paradis). Théâtre de pur divertissement. Le boulevard possède aussi un versant sérieux, dont l’ambition est d’agir avec force sur le public, en lui proposant des intrigues cruelles et poignantes.
Tragi-comédie, telle que pratiquée parCorneille. Forme théâtrale caractérisée par une action romanesque, des personnages de haute extraction, un dénouement heureux et un refus des règles de latragédie[21].
Vaudeville, telle que pratiquée parFeydeau. Ce genre de comédie légère duXIXe siècle qui revient à la mode sous laRestauration et triomphe sous laIIIe République, met en scène des situations inextricables dans des intrigues à multiples rebondissements avec imbroglios et quiproquos en série, s'enchaînant dans un rythme effréné qui fait la part belle auburlesque et à l'excentricité.
Aucune de ces rubriques ne permet de classer les œuvres de Shakespeare, qui dansHamlet montre les limites de ces catégories :« Tragédie, comédie, histoire, pastorale, comédie pastorale, pastorale historique, tragédie historique, tragédie historico-comico-pastorale, scène indivise ou poème sans limites »[22].
Ainsi, de la combinaison des trois genres de comédie (d'intrigue,de mœurs, etde caractère) résulte ce que Lemercier nomme la comédie mixte, laquelle admet à la fois tous les moyens, tous les ressorts qui peuvent contribuer au développement d'une action comique.
Musique légère : style de musique essentiellement orchestrale et instrumentale, effectuant la transition entre la musique purement classique ou viennoise et la chanson de variétés ainsi que les musiques de films, folkloriques, « de genre et de divertissement ».
LaFable : Courtrécit envers ou occasionnellement enprose qui vise à donner de façon plaisante une leçon de vie. Elle se caractérise souvent par la mise en scène d'animaux qui parlent mais peut également mettre en scène d’autres entités ou des êtres humains. Une morale est généralement exprimée à la fin ou au début de la fable quand elle n’est pas implicite, le lecteur devant la dégager lui-même. PourPhèdre, lefabuliste latin, « Le mérite de la fable est double : elle suscite le rire et donne une leçon de prudence »[25].
LeFabliau : Dupicard, lui-même issu du latinfabula qui donna en français « fable », il signifie littéralement « petit récit » ; c'est le nom qu'on donne dans la littérature française duMoyen Âge à de petites histoires simples et amusantes, et qui ne se proposent guère que de distraire ou faire rire les auditeurs et les lecteurs ainsi que de donner des leçons de morale.
↑« Molière s’inspire tout d’abord de la commedia dell’arte, de la farce traditionnelle, avec tout ce qu’elle comporte d’effets, de plaisanteries, de bouffonneries. Car la farce est avant tout basée sur le comique de gestes, sur la répétition et la déformation de nos petites manies ou de nos tics, comme dans Le médecin volant. On retrouve ainsi tout au long de l’œuvre de Molière des personnages typiques empruntés à la comédie italienne : le vieux barbon, la jeune fille naïve, le cocu, la femme rouée, le valet rusé, etc. »
↑« Ce genre de comédie, le plus difficile de tous, exige une étude approfondie de l'humain, un discernement juste, et une puissance d'imagination qui réunisse sur un seul personnage ou un seul objet les traits qu'on a pu recueillir épars et en détail dans plusieurs autres. »
↑« La comédie de mœurs, elle, fonctionne surtout sur le comique de situation, fondée sur la vie réelle et sur les drames qu’elle abrite en son sein. Il s’agit de peindre l’homme dans sa vérité, avec ses défauts, mais aussi ses qualités, avec ce qu’il a d’humain. Car la comédie de mœurs est proche de l’homme, comme la farce était proche du pantin. »
↑Jean-Marie Pradier,La scène et la fabrique des corps : ethnoscénologie du spectacle vivant en Occident (Ve siècle av. J.-C.-XVIIIe siècle), Presses Univ. de Bordeaux, 2000,p. 221.
↑L'Histoire de la littérature française de Brunel chez Bordas la définit comme un "drame romanesque et mouvementé insoucieux des règles et qui finit bien".