Au début duXIXe siècle, les colonies espagnoles en Amérique commencèrent leur processus d'indépendance qui se termina autour de1825. Les colonies restantes deCuba et dePorto Rico furent finalement perdues à l'issue de laguerre hispano-américaine en1898, qui mit un terme définitif à la domination espagnole sur les Amériques.
Cependant, letraité de Tordesillas de1494 limite les ambitions de l'Espagne en obligeant celle-ci à partager le « Nouveau Monde » avec lesPortugais. Ainsi, les nouvelles terres découvertes situées à l'Ouest d'un méridien à 370 lieues des îles duCap-Vert seront attribuées aux Espagnols.
Pendant ce temps, le gouvernement de Colomb (auquel il a associé ses deux frèresBartolomeo etGiacomo) se révèle désastreux, pour les colons qui s'affrontent entre eux, mais surtout pour lesautochtones d'Hispaniola dont la population s'effondre du fait des maladies et des exactions des conquérants. Au cours de trois autres voyages effectués jusqu'en1504, Christophe Colomb explore lesAntilles et le littoral caraïbe de l'Amérique centrale.
Mais c'est au FlorentinAmerigo Vespucci qu'est attribuée en1507 la découverte d'un nouveau continent, puisqu'il l'a le premier, semble-t-il, considéré comme un continent, ou parce qu'un cartographe l'a dénommé ainsi d'après son prénom.
L’Empire aztèque, au centre du territoire de l’actuelMexique, fut le premier des grands empires américains à être colonisé par les Espagnols. En effet, c’est tout d’abord en 1517 que« […] les côtes de l'actuel Mexique furent reconnues parFrancisco Hernández de Córdoba »[1]. Par la suite, c’est le queHernán Cortés débarque à Veracruz. Il est alors bien accueilli par lesTlaxcaltèques, les adversaires traditionnels des Aztèques. Il commence par imposer« […] aisément la suzeraineté espagnole à ces derniers et à l’empereur Montezuma »[1]. En effet,Moctezuma se montre d’abord conciliant avec les Espagnols, s’efforçant de gagner du temps, mais à la suite d’un soulèvement des Aztèques contre les Espagnols (Mourre, 2004, p. 3725),« […] au cours de laNoche Triste (), l’empereur ne put contenir son peuple et Cortés dut s’emparer par la force de la capitale, Tenochtitlan (), qu’il fit raser et sur laquelle fut construite la ville espagnole de Mexico »[1].
Au début duXVIe siècle,« Le Pérou est déchiré par la guerre civile : les deux fils deHuayna Capac, le bâtardAtahualpa et l’héritier légitimeHuascar se disputent l’Empire »[2] et plusieurs civilisations sont hostiles aux souverains incas. C’est environ au même moment que les conquistadorsFrancisco Pizarro etDiego de Almagro arrivent au Pérou. Ils réalisent, quelque temps après leur arrivée, que cette situation leur est favorable. Ils tentent de convaincre les Incas qu’ils sont pacifiques et finissent par organiser unerencontre à Cajamarca avec le dirigeant inca, Atahualpa. Cette « rencontre » se révèle être un guet-apen qui tourne au massacre : des milliers de membres de l'élite inca sont tués et Atahualpa est fait prisonnier.« Pizarro fit mettre à mort […] Atahualpa, en 1533 »[3]. Un conflit éclate alors entre les quelques Espagnols présents au Pérou et les Incas jusqu’au début des années 1570. De ce conflit, il découlera plusieurs massacres qui causeront des milliers de morts, principalement du côté des peuples amérindiens[4].
Finalement, les conquistadors Cortés, Pizarro et Almagro sont les principaux acteurs de la conquête du Mexique et du Pérou par les Espagnols. L'Amérique est tout d'abord découverte par hasard par Christophe Colomb, lequel y fait quatre voyages. Par la suite, les côtes mexicaines sont reconnues par Fernandez de Cordoba et, finalement, Cortés amorce la conquête du Mexique. Pizarro et Almagro suivront l’exemple de Cortés, peu de temps après lui, mais au Pérou. Les mouvements coloniaux espagnols en Amérique furent contestés vigoureusement par les populations déjà installées (autochtone, indigènes), mais, à l'exception du peuple Mapuche, la résistance de ceux-ci s'avéra impuissante.
La Nouvelle-Espagne, à partir de 1524, est en cours d'évangélisation. Les précurseurs sont des franciscains. L'histoire retient 12 noms. Les pionniers franciscains de l'évangélisation de l'Amérique espagnole furent appelésLes Douze Apôtres du Mexique :
Jean de Palos (?-1527), remplaçant de Bernardino de la Torre.
Deux au moins sont réputés pour avoir collecté, peut-être étudié, mais surtout brûlé en grandautodafé la plupart des textes (illustrés) indigènes (de telle région), dont lesRelations sont des tentatives de reconstitution.
Il convient d'ajouter à la liste de ces pionniers de l'évangélisation d'autres religieux catholiques, eux aussi entrés dans l'histoire. Parmi eux desDominicains et desJésuites :
Maturino Gilberti(es) (v. 1507-1585), qui publie en 1558 unEl arte de la lengua tarasca du Michoacan, puis leEl thesoro spiritual en lengua de Mechuacan,
José de Acosta (v. 1540-1600),De Natura Novi Orbis (1588),De promulgatione Evangelii apud Barbaros, sive De Procuranda Indorum salute (1588),Historia natural y moral de las Indias (1590),
La question de la main d’œuvre est déjà importante àCuba. Des esclaves y sont importés encore longtemps en dépit de l'interdiction officielle. Environ un demi-million de personnes sont arrivées de cette façon après 1820. En outre, quelque 100 000 travailleurs originaires d'Asie y immigrent. Une importante immigration d'Européens se produit également ; au cours de la seconde moitié duXIXe siècle, des centaines de milliers d'entre eux, principalement originaires d'Espagne, arrivent à Cuba[6].
L'île de Cuba ne prend pas part à la rébellion des colonies contre la couronne espagnole dans les années 1820. Si les Cubains n'apprécient pas l'arbitraire du régime colonial espagnol, il n'y a toutefois pas vraiment de mouvement national. Le conflit d’intérêts entre, d'une part, l'oligarchie sucrière et, d'autre part, les Cubains ordinaires est trop important. S'ajoute à cela, chez les Cubains de race blanche, la crainte d'un soulèvement incontrôlable des Cubains de couleur aboutissant à reproduire dans l'île le scénario de la révolution haïtienne[7]. Dans les années 1870 (une brève république a été proclamée en Espagne), le gouvernement espagnol se montre compréhensif à l'égard du mouvement réformateur cubain qui aspire à une plus grande autonomie de Cuba. Pourtant, lorsque cette espérance est anéantie par le retour de gouvernements conservateurs espagnols qui cessent de soutenir les réformes, une insurrection éclate, qui débouche sur laguerre des 10 ans. Les insurgés proclament la république mais ne peuvent contrôler que la partie orientale de Cuba, moins peuplée que l'autre partie et sans véritable valeur économique. Les grands propriétaires sucriers de la partie occidentale craignent que cette rébellion conduise à une révolution sociale et à l'abolition de l'esclavage. La paix revient après la conclusion d'un accord en 1878. Les années 1890 sont marquées par de nouvelles tensions qui conduisent à une nouvelle guerre et à la fin de la domination espagnole[6].
Les structures féodales et coloniales entravent tout développement politique et économique puisque les territoires placés sous la tutelle espagnole sont soumis à un régime tributaire entièrement organisé pour assurer un transfert de richesse exclusif vers la métropole[8]. Les colonies ne peuvent commercer entre elles ou avec les colonies britanniques.Simón Bolívar dénoncera un système économique entièrement dirigé vers « la satisfaction de la cupidité de l'Espagne »[9].
Des populations noires sont importées massivement d'Afrique de l'Ouest et duMozambique pour servir de main-d’œuvre, notamment dans les mines d'or[8].
Le pouvoir politique appartient à des nobles espagnols. Les « créoles », descendants des colons espagnols nés dans les colonies, en sont exclus[9].
Les regards critiques sur la colonisation et ses méthodes
Un des premiers à dénoncer les méthodes des conquistadors et des colons estBartolomé de las Casas (1484-1566). Arrivé en 1502, àHispaniola comme colon, celui-ci est vite horrifié par les exactions des chrétiens contre les indigènes. Il abandonne son domaine pour se faire ordonner prêtre en1510 et il est nommé défenseur des Indiens par le cardinalFrancisco Jiménez de Cisneros en1516. Il n’a dès lors de cesse de dénoncer les massacres et la maltraitance des survivants, particulièrement brutale pour ceux qui rejettent l’évangélisation. Comme les autres témoins de la Conquista, Las Casas ignore la gravité du choc viral et l’ampleur des épidémies, principales causes du déclin démographique des autochtones.
En 1542, il écrit à destination du futurPhilippe II son œuvre majeure : laTrès brève relation de la destruction des Indes. Pour la seuleNouvelle Espagne, il compte en millions le nombre d’Indiens tués par les décisions des autorités coloniales, des chiffres rejetés par les historiens aujourd'hui. Ainsi, il déclare qu'en une heure, un colon espagnol aurait, avec sa seule lance, tué dix- mille amérindiens[10].
Las Casas reproche aux colons de ternir la gloire de Dieu et deCharles Quint. Après ses dénonciations, l’empereur édicte une loi de protection des indigènes, mais celle-ci déclenche des émeutes chez les colons, comme les fils de Francisco Pizarro au Pérou, et ne sera pas réellement appliquée.
Las Casas poursuit son combat en participant en 1550 et 1551 à laControverse de Valladolid, au cours de laquelle il débat, oralement et par courrier, notamment avec le théologienJuan Ginés de Sepúlveda : pour ce dernier, sauver les Indiens de la barbarie en les convertissant justifie l’usage de la force ; pour Las Casas, l’évangélisation et l’évolution des sociétés indiennes est leur droit, et non un devoir qui pourrait leur être imposé par la force.
La prédication et les actions de Las Casas le firent détester de tous ceux qui profitèrent de la colonisation ou la défendirent. Certaines de ses descriptions de la situation dans les colonies, manichéennes ou exagérées, sont à l'origine de la propagation en Europe et dans le monde de lalégende noire espagnole, série de représentations biaisées qui surcharge les conquistadors et la Couronne d'Espagne en nombreux défauts, torts et crimes. Aujourd'hui, les historiens spécialisés mettent en garde contre cette légende qui maquille la colonisation en extermination et occulte certaines relations fructueuses entreIndiens etEspagnols.
De nombreux philosophes desLumières portent un jugement très sévère sur la colonisation espagnole des Amériques[11]. AinsiMontesquieu écrit par exemple : « Les Espagnols, désespérant de retenir les nations vaincues dans la fidélité, prirent le parti de les exterminer et d'y envoyer d'Espagne des peuples fidèles. Jamais dessein horrible ne fut plus ponctuellement exécuté. On vit un peuple [le peuple amérindien] aussi nombreux que tous ceux de l'Europe ensemble disparaître de la Terre à l'arrivée de ces barbares qui semblèrent, en découvrant les Indes, n'avoir pensé qu'à découvrir aux hommes quel était le dernier période [c'est-à-dire le plus haut degré] de la cruauté.
Par cette barbarie, ils [les Espagnols] conservèrent ce pays sous leur domination. […] Ce remède affreux était unique. […]
Quel prince envierait le sort de ces conquérants ? Qui voudrait de ces conquêtes à ce prix ?[12] ».
Pour sa partDiderot dénonce les« cruautés des Espagnols »[13] ; il écrit notamment, dans l'Histoire des deux Indes (1770) :« Que les nations européennes se jugent et se donnent à elles-mêmes le nom qu´elles méritent. Leurs navigateurs arrivent-ils dans une .région du Nouveau Monde qui n´est occupée par aucun peuple de l´ancien, aussitôt ils enfouissent une petite lame de métal, sur laquelle ils ont gravé ces mots : CETTE CONTRÉE NOUS APPARTIENT. Et pourquoi vous appartient-elle ? N´êtes-vous pas aussi injustes, aussi insensés que des sauvages portés par hasard sur vos côtes, s´ils écrivaient sur le sable de votre rivage ou sur l´écorce de vos arbres ; CE PAYS EST A NOUS ? Vous n´avez aucun droit sur les productions insensibles et brutes de la terre où vous abordez, et vous vous en arrogez un sur l´homme votre semblable. Au lieu de reconnaître dans cet homme un frère, vous n´y voyez qu´un esclave, une bête de somme. Ô mes concitoyens ! vous pensez ainsi, vous en usez de cette manière ; et vous avez des notions de justice ; une morale, une religion sainte, une mère commune avec ceux que vous traitez si tyranniquement »[14].
Louis-Sébastien Mercier, dans son utopie (ou uchronie)L'An 2440 (1771), imagine quant à lui un« singulier monument » où« les nations figurées [demandent] pardon à l'humanité ». Parmi elles, l'Espagne, gémissant« d'avoir couvert le nouveau continent de trente-cinq millions de cadavres, d'avoir poursuivi les restes déplorables de mille nations dans le fond des forêts et dans les trous des rochers, d'avoir accoutumé des animaux, moins féroces qu'eux, à boire le sang humain »[15].
AuXIXe siècle,Victor Hugo critique la colonisation espagnole des Amériques dans un poème intituléLes Raison du Momotombo, qui prend place dansLa Légende des siècles. Selon la légende, le volcanMomotombo, auNicaragua, serait entré en éruption parce que des prêtres espagnols avaient voulu le baptiser. V. Hugo donne la parole au volcan, dans son poème, et lui prête une justification de ce refus du baptême chrétien : ce sont les massacres commis par les Espagnols dans les Amériques, au nom de la religion catholique, qui expliquent la réaction de protestation du volcan. Le Momotombo n'aimait pas beaucoup les dieux des Amérindiens, mais il juge en définitive que "le Dieu de l'étranger" est plus cruel encore, puisqu'il exige de si grands sacrifices.
« Quand j’ai vu dans Lima [capitale du Pérou] d’affreux géants d’osier, Pleins d’enfants, pétiller sur un large brasier, Et le feu dévorer la vie, et les fumées Se tordre sur les seins des femmes allumées, Quand je me suis senti parfois presque étouffé Par l’âcre odeur qui sort de votre autodafé,
Moi qui ne brûlais rien que l’ombre en ma fournaise, J’ai pensé que j’avais eu tort d’être bien aise ; J’ai regardé de près le dieu de l’étranger, Et j’ai dit : Ce n'est pas la peine de changer ».
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Les populations amérindiennes ont été agressées, infériorisées, exploitées, torturées. Les langues et les cultures amérindiennes ont pour l'essentiel disparu.
Lalangue espagnole s'est répandu sur le continent américain. Du fait des évolutions démographiques des locuteurs des différentes langues et des flux migratoires, l’espagnol s'étend également au nord.
Le gouvernement vénézuélien annonce en octobre 2020 engager un « processus de décolonisation » visant à renommer les espaces publics portant le nom des colonisateurs[16].
Juan Cromberger(en) (1500c-1540), premier imprimeur-éditeur en Nouvelle-Espagne, suivi de Juan Pablos de Figueroa, puis Pierre Ochart (1530c-1590?, imprimeur en 1570 d’Opéra medicinali)
Maturino Gilberti(es) (1507c-1585),El arte de la lengua tarasca o Arte de la lengua de Mechuacan (1558),El tesoro espiritual de los pobres en lengua de Mechuacan (1575)... enpurépecha
↑Wachtel, Nathan (1971). La vision des vaincus : les Indiens du Pérou devant la Conquête espagnole, [s.l.], p. 48
↑Mourre, Michel (1968). Dictionnaire d’histoire universelle, Paris, Éditions universitaires, p. 1624
↑Baron, Martin (2012). Recueil de textes [Document inédit], Histoire des Amériques, Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, Rouyn-Noranda, [s.p.].
↑Soizic Croguennec,Société minière et monde métis: Le centre-nord de la Nouvelle Espagne au XVIIIe siècle, Volume 64 de Bibliothèque de la Casa de Velázquez, Casa de Velázquez, 2015, p. 243-283
↑a etbHenri Wesseling, Les empires coloniaux européens. 1815-1919, Folio, 2009
↑Marcelo Gullo Omodeo,Ceux qui devraient demander pardon, Je ne sais pas, L'artilleur, je ne sais pas, 493 p.(ISBN978-2-8100-1231-2, je ne sais pas),p. 145
↑Yves Benot,Les Lumières, l'esclavage, la colonisation, La Découverte, 2005 ; voir notamment le chapitre "Diderot, Pechméjà, Raynal et l'anticolonialisme". Voir aussi de Hans-Jurgen Lüsebrik, "La critique de la colonisation espagnole dans l'Histoire des deux Indes",Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, juillet 2003.