Ce portrait est cependant à nuancer.Jonas de Bobbio, l'hagiographe de Colomban et sonpanégyriste, nous raconte la querelle d'un moine franc de Luxeuil, Agrestius, qui s'est insurgé contre certains usages irlandais. Cette affaire d’Agrestius met en lumière « le travail accompli à Luxeuil pour transformer le personnage historique de Colomban, dont l’orthodoxie restait incertaine, en une figure apaisée et acceptable pour tous[3].
Colomban est formé dans le contexte particulier duchristianisme celtique, coupé de l'Église romaine, et de lamission hiberno-écossaise(en). Lemonachisme irlandais est caractérisé par larègle de saint Colomban qui met l'accent sur l’ascèse, lejeûne et autres mortifications. Sur le territoire de ce qui deviendra la France, il y a plus de200 monastères, mais, aucune règle ne fait encore consensus. La vie ecclésiale se base sur unclergé séculier centré sur la cité ou diocèse ; l’évêque réside dans le chef-lieu et s'occupe de lacathédrale. La qualité du clergé est parfois contestable, surtout dans les paroisses rurales. Les populations ont mêlé le paganisme à leurs pratiques chrétiennes. AuVIe siècle,saint Benoît définit sa règle de vie monastique. Mais celle-ci ne prend de l'importance que plus d'un siècle plus tard.
En l'an 543, Colomban naît àMyshall, dans une riche famille ducomté de Meath dans la province de Leinster du centre de l'Irlande. Sa mère voyait pour lui un bel avenir, mais, très vite, Colomban rejette les plaisirs du monde pour devenir étudiant de Semell à Cluain Inis dans lecomté de Donegal. Vers20 ans, il devient moine, sous la direction de Comgall, au monastère deBangor près deBelfast. Il remplit plusieurs fonctions pendant près de30 ans et il fonde le cloître de Durrow.Dans la tradition des moines voyageurs irlandais, il décide de s'exiler définitivement vers 585. Il part avec douze compagnons vers l'Europe :Gall, Autierne, Cominin, Eunoch, Eogain,Potentin, Colomban le jeune,Desle, Luan, Aide, Léobard, Caldwald. Ils traversent lamer d'Irlande sur leurcurragh, bateau souple fait de lattes enveloppées de cuir. Puis ils longent les côtes de la Cornouailles anglaise et font étape près deTintagel. Les deux villages de Saint-Colomb-Major et Saint-Colomb-Minor témoignent de ce passage.
Colomban arrive sur le continent dans les années 585-590[4],[5],[6].Dans les traditions, Colomban et ses compagnons débarquent sur laplage du Guesclin enSaint-Coulomb près d'Alet (Saint-Malo) enBretagne. Une croix en marquerait le souvenir et un lieu-dit portant le nom d'ermitage serait une trace que le groupe a séjourné en ce village. Ensuite, ils se dirigent versReims, en passant parRouen etNoyon. Colomban souhaite rencontrerChildebert II, le roi d'Austrasie pour solliciter un lieu de séjour. Il obtient le droit de s'installer dans ce royaume. Le groupe repart alors versChâlons-en-Champagne,Langres, à la recherche d'un endroit propice à leur installation.
Ils arrivent dans lesVosges saônoises et se fixent sur le site d'Annegray[7](Anagrates) au pied de la montagne Saint-Martin, sur la commune actuelle deLa Voivre dans laHaute-Saône[8], sur le site d'un anciencastrum romain ruiné[9]. Les moines entreprennent le défrichement des bois, la construction de bâtisses de chaume. En même temps, ils accueillent les malades et commencent la formation de nouveaux moines. Colomban effectue une première retraite dans une grotte de la montagne (actuellement sur le territoire deSainte-Marie-en-Chanois). Selon la légende, la grotte était occupée par unours qui la lui céda, et Colomban lui-même aurait fait jaillir la « source miraculeuse » située à proximité.
Devant le succès des vocations, Colomban décide de créer un nouveaumonastère à Luxeuil[10], lieu plus accessible et pourvu de sources aux vertus thermales. Lui et ses moines y pratiquent une vie contemplative équilibrée par un fort travail manuel. Ils se consacrent à l'éducation, aux œuvres charitables, à l'évangélisation.
Colomban rencontre à Boucheresse (Trévilly) la reineBrunehilde, grand-mère du roiThierry II. Alors qu'elle souhaite lui présenter ses petits-enfants, Colomban s'insurge : « Ils ne recevront pas le sceptre royal car ils sont issus de mauvais lieux ». Pour lui, ce sont des « bâtards ». En effet, le roi Thierry II de Bourgogne n'avait pas d'épouse légitime et ses enfants étaient issus de plusieurs concubines. De guerre lasse, Thierry II avait épousé Ermenberge, princessewisigothe en 607, mais elle fut répudiée au bout d'un an. Cette entrevue est le début des ennuis de Colomban avec Brunehilde.
La reineBrunehilde profite du conflit de Colomban avec l'Église franque pour lui ordonner de partir avec ses disciples irlandais et armoricains. C'est donc le départ de Luxeuil versNantes en suivant la Loire. Ils passent parBesançon,Autun,Auxerre, pour atteindre la Loire àNevers. Ils continuent en bateau versOrléans,Tours puis Nantes où ils embarquent sur un navire en partance vers l'Irlande. Mais c'est un faux départ. Après un échouage, ils se retrouvent sur la côte sud de Bretagne.
Colomban décide de rester sur le continent et d'aller voir le roi deNeustrie. Lui et ses compagnons remontent vers le nord en longeant l'Armorique où règne le jeune roi bretonJudicaël. Colomban le connaît par l'intermédiaire de son conseillersaint Malo qui a séjourné à Luxeuil. Ils poursuivent leur route par Rouen, puis Soissons. Colomban est très bien accueilli parClotaire II qui lui accorde son amitié et l'invite à s'installer près de lui.
Colomban préfère poursuivre son périple vers les peuples germaniques. Le groupe passe parMeaux,La Ferté-sous-Jouarre, puisMetz, capitale du roiThibert II d'Austrasie. Le roi l'invite à s'installer sur son domaine. Cependant Thibert II est battu par son frèreThierry II àTolbiac. Il est enfermé dans un monastère puis tué sur ordre deBrunehilde, grand-mère de rois rivaux. Thierry II s’approprie l’Austrasie. Colomban est contraint de quitter l’Austrasie et poursuit sa route avec la barque qui fut mise à sa disposition.
À nouveau menacé par la haine de Brunehilde (elle est morte en 613), au faîte de sa puissance après la victoire de Thierry sur Thibert, Colomban préfère quitter Brégence et passer les Alpes. Le groupe des moines irlandais a vieilli. La maladie atteintGall qui s'arrête en route et fonde lemonastère qui porte son nom. ÀCoire, le moine Sigisbert se sépare du groupe et serait parti fonder un monastère àDisentis. Enfin, Colomban atteint lecol du Septimer et redescend vers lelac de Côme et la plaine duPô.
Colomban sollicite d'Agilulf,roi de Lombardie, l'octroi d'une terre. Il obtient la protection du roi et, surtout, de la reineThéodoline. Après quelque temps àMilan, Colomban part s'installer dans la vallée deBobbio. Lui et ses moines construisent de nouveau unmonastère autour d'une vieille chapelle.
Le roi des FrancsClotaire II ayant vaincuBrunehilde, il députe l'abbé de Luxeuil Eustaise pour rappeler saint Colomban en France[11].
La communauté de Bobbio a pris son rythme. Colomban s'est retiré dans unermitage sur les hauteurs deColi. C'est là qu'il meurt le.
La vie de saint Colomban a été rédigée par un moine de l'abbaye de Bobbio,Jonas de Bobbio,Vie de saint Colomban et de ses disciples[12]. Une traduction française a été rédigée en 1988 par un moine de l'abbaye de la Pierre-qui-Vire - DomAdalbert de Voguë. Elle est disponible aux éditions de l'abbaye de Bellefontaine.
Figure réaliste de saint Colomban au musée de Navan
Colomban de Luxeuil a marqué son époque par sa personnalité et le mouvement monastique qu'il a initié. Sa réputation a traversé les siècles. De nombreux lieux et monuments, en Europe occidentale et même ailleurs dans le monde, évoquent son nom. Des institutions religieuses portent encore son message. Des organisations laïques se mettent dans ses pas pour retrouver leurs racines ou rencontrer son prochain et élaborer des projets de chemins de pèlerinage.
Denombreux lieux en Europe, mais aussi ailleurs (par exemple auQuébec), se réfèrent à saint Colomban. Cela tient aussi bien au souvenir de son passage qu'à l'influence qu'il a pu avoir, à travers les siècles, sur des populations qui ont alors transporté avec elles son souvenir.
Parmi les disciples contemporains de Colomban il y a la Société missionnaire de Saint-Columban, établie en 1918, par deux prêtres du Collège de Saint-Patrick àMaynooth : le père Eduard Galvin (plus tard évêque) et le père Jean Blowick. La mission de la Société était l'évangélisation de la Chine, « The Maynooth Mission to China ». La Société s’appelle aussi « Les Pères de Saint Colomban », en anglais,Columban Fathers. Le siège international se trouve depuis trois ans à Hong Kong. En effet, les pères de Saint-Colomban tant enNebraska qu'enNavan (Irlande) appartiennent à une société internationale. En Dalgan Park, près de Navan, les pères de Saint-Colomban réalisent beaucoup d'activités de formation et de prise de conscience missionnaires. Ses activitésAd Gentes, outre-mer, s'organisent selon un système de régions. Les régions sont l'Irlande, l'Angleterre, les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, le Chili, le Japon, Fidji, le Pakistan, Taïwan, la Chine, et la Corée du Sud.[pas clair]
Les sœurs de Saint-Columban, fondées en 1924 par madame Francis Maloney et le père Jean Blowick, avec siège en Magheramore (Irlande), collaborent avec les Pères de Saint Colomban et réalisent un travail missionnaire propre.
En France, la Fraternité de Saint-Colomban est une communauté religieuse œcuménique vivant l'Évangile dans l'esprit de la Règle de Saint Colomban.
Différentes institutions ou associations, ainsi que des particuliers, agissent pour constituer un réseau de relations sur les traces de saint Colomban. À l'heure de la construction d'une Europe unie, ces personnes voient en saint Colomban un vecteur local de rapprochement avec d'autres Européens. Cela a débouché sur des échanges économiques via la mise en place d'un itinéraire culturel européen par l'association « Les Amis de saint Colomban »[14], en particulier avec le programme d'activité des festivités 2015 du14e centenaire de saint Colomban (615-2015).
Concrètement, ce réseau s'exprime par un tissu de relations informelles entre des gens de Navan (Irlande), Saint-Coulomb et Luxeuil (France), Unterboïhingen (Allemagne), Brégence (Autriche) et Bobbio (Italie), le jumelage entre la ville de Bangor (Irlande du Nord) et Brégence (Autriche), et des rencontres colombaniennes organisées de 1998 à 2001 à San Colombano Al Lombro (Italie), en 2002 à Riva di Suzzara (Italie), en 2003 à Canevino (Italie), en 2004 à Friedrichshafen (Allemagne), en 2005 à Vernasca (Italie), en 2006 à Bobio (Italie), en 2007 à Luxeuil-les-Bains (France), en 2008 à Briandrate 5Italie), en 2009 à Brugnato (Spezia en Italie) et d'octobre 2014 à novembre 2015 à nouveau àLuxeuil-les-Bains (France).
L’Association des amis de Saint Colomban[17] a pour but la mise en valeur des sites colombaniens à Luxeuil, Annegray, la grotte de Sainte Marie en Chanois et la diffusion de la connaissance colombanienne à travers des publications.
La connaissance des chemins parcourus par Colomban doit permettre de souligner son rôle dans les fondations monastiques d'Europe au début de laChrétienté. Plusieurs associations dédiées au moine se sont concertées pour identifier précisément son parcours et apposer des plaques à l'endroit des sites majeurs. Le projet consiste à proposer aux pèlerins deux itinéraires, l'un spirituel, l'autre culturel. Un dossier a été soumis à l’Institut Européen des Itinéraires Culturels de Luxembourg par l’association du Chemin de saint Colomban créée en novembre 2013 et réunissant les3 villes de Bangor, Luxeuil-les-Bains et Bobbio. À terme sera proposée aux pèlerins et randonneurs uneVia Columbani à l'image de lavia Francigena.
Saint Colomban est considéré comme le saint patron des motocyclistes, notamment en Italie[18] ou en Bretagne. Un pardon des motards sous la protection de saint Colomban est organisé chaque année à Camaret.
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↑Jean Thiébaud,Saint-Colomban : instructions, lettres et poèmes,Éditions L'Harmattan,, 176 p.(ISBN978-2-7384-9997-4,lire en ligne), P16 -614- Clotaire II confirme le concile de Paris : il députe Eustaise abbé de Luxeuil vers saint Colomban pour le rappeler en France.
↑Jonas de Bobbio,Vie de Saint Colomban et de ses disciples, Éditions du Cerf, Paris, 1988(ISBN2-855-89069-1). Introduction, traduction et notes par Adalbert de Vogüé, moine de laPierre-qui-Vire, en collaboration avec Pierre Sangiani.Vie monastiqueno 19 (Abbaye de Bellefontaine).
↑Dom François Plaine, « Un chapitre inédit de la vie de saint Colomban »,Revue du monde catholique,, page 188(lire en ligne, consulté le).