La cogue se caractérise par unecoque dont le fond est plat et à franc-bord vers le milieu avec un relèvement progressif accompagné d'un recouvrement des virures vers l'étrave et l'étambot. Lebordé latéral est entièrement construità clin, souvent depuis la lisse de bouchain, avec des rivets à double tête pour assembler les virures. La quille, ou pour mieux dire la lisse de quille, n'était qu'un peu plus épaisse que la virure degalbord adjacente et ne comportait pas derâblure. L'étrave comme l'étambot, rectilignes et relativement longs, étaient fixés à laquille par l'intermédiaire d'un massif. Les virures de fond s'aboutaient dans unerâblure des massifs et de la quille et l'étambot, tandis que les virures supérieures étaient clouées sur les faces externes de l'étrave et l'étambot.
Lecalfatage consistait le plus souvent en moussegoudronnée insérée au maillet dans une rainure courbe, recouverte d'une latte de bois, et maintenue par des agrafes de métal, appelées ennéerlandaissintels. Enfin, la structure de la cogue intégrait ungouvernail d'étambot suspendu, une innovation typique des ateliers du nord de l'Europe[1]. Les cogues étaient initialement des bateaux creux sur lesquels on pouvait ramer sur de courtes distances. AuXIIIe siècle elles furent équipées d'unpont.
Les cogues sont mentionnées pour la première fois en948 àMuiden près d'Amsterdam. La conception de ces premières cogues doit beaucoup auknörr viking (longship) , qui était alors le principal navire commercial enEurope du Nord, et qui utilisait très certainement un aviron de direction, car rien n'indique la présence d'ungouvernail d'étambot en Europe avant 1240[2].
Selon les témoignages archéologiques, les premières évolutions vers la cogue médiévale nous transportent sur les côtes de Frise et leJutland occidental, lieu de naissance possible de ce navire qui n'est alors qu'un boncaboteur. L’évolution de la cogue en un véritable cargo de mer résulte non seulement de l’intensification des échanges commerciaux entre l’ouest et l’est de lamer Baltique, mais également de l’envasement de l’embouchure occidentale duLimfjord : pendant des siècles, en effet, le Limfjord, au nord du Jutland, offrait le seul passage protégé des tempêtes entre lamer du Nord et lamer Baltique. Seulement, par ses conditions géographiques peu communes et la force des courants marins, ce passage s'était graduellement encombré de sable, de sorte qu’auXIIe siècle, il était devenu impraticable : les bateaux, de plus en plus massifs, ne pouvaient plus être halés à travers les bancs de sable.
D’un autre côté, lacircumnavigation du Jutland supposait le franchissement du dangereuxcap du Skagerrak pour atteindre la Baltique. Les armateurs réagirent en modifiant largement la structure traditionnelle de leurs cogues : on le constate à l’analyse des épaves les plus anciennes, comme celles de Kollerup, de Skagen et de Kolding. Le besoin en bateaux spacieux et relativement peu coûteux a ainsi mené au développement du premier cargo polyvalent de laLigue Hanséatique : la cogue. Ce nouveau type de vaisseau, avec ses améliorations, n’était plus le simple caboteur des côtes de Frise mais un cargo hauturier robuste, qui pouvait croiser même dans les passes les plus périlleuses. Desgaillards de proue et de poupe furent rapportés pour protéger les cargaisons des pirates, puis pour convertir ces navires en vaisseaux de guerre, comme ce fut le cas à labataille de l'Écluse.
D'une manière générale, la transition des cogues aux caraques n'a été ni soudaine, ni même très directe. Selon quelques interprétations, ces deux types de navire ont coexisté pendant plusieurs siècles en suivant diverses lignes d'évolution[4].