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LaCochinchine est une région historique au sud de l'actuelVietnam. Elle correspond grossièrement aux régions administratives vietnamiennes actuelles dudelta du Mékong et duSud-Est.
Le nom de Cochinchine dérive de l'usage par lesPortugais de la ville deCochin pour désigner l'Inde (d'où, plus tard, la dénomination Indochine) : les navigateurs occidentaux désignent alors du nom deCochinchine la région deĐà Nẵng. AuXVIe siècle, d'autres dénominations telles queChinecochin ouChampachine sont attestées. La dénomination se rattache ensuite à toute la partie méridionale de l'actuel Viêt Nam.
En1862, la partie méridionale de la Cochinchine est colonisée par les Français : dès lors, le nom de Cochinchine désigne exclusivement laCochinchine française (jusque-là appeléeBasse-Cochinchine), qui devient ensuite l'une des composantes de l'Indochine française. Envietnamien, cette partie est appeléeNam Kỳ (南圻, 1834 – 1945), ouNam Bộ (南部), signifiant « partie sud ».
Grâce à des fouilles archéologiques menées depuis la fin desannées 1990, on sait que la région est habitée depuis plus de deux mille ans[1]. Des royaumes qui gravitaient autour de l’antique cité d’Angkor Borey (actuellement dans laprovince cambodgienne de Takeo) et l’ancien port d’Óc Eo (aujourd’hui dans laprovince vietnamienne d’An Giang) sont postérieurs auIIe siècle av. J.-C.[2]
AuIIIe siècle de notre ère, des émissaires chinois qui visitèrent la région décrivirent un royaume qu'ils appelèrentFou-nan[2].
L’archéologue Miriam Stark, qui a dirigé des recherches depuis1999 dans la région, déclare que l’empire khmer, qui régna sur la zone duIXe au XVIIe siècle, n’est que l’un des derniers régimes qui se sont succédé au sud du delta duMékong[3].
En1623, alors que l’empire khmer a amorcé son déclin, le roi Chey Chettha II duCambodge (1618 – 1628) autorise des réfugiésannamites qui fuient la guerre civile entre lesTrinh et lesNguyễn à s'installer dans la région de Prey Nokor, un ancienvillage de pêcheurs bâti sur des marécages et devenu le principal port maritime de l’empire[4].
AuĐại Việt, à compter duXVIe siècle, le déclin de ladynastie Lê se traduit par la division de fait du pays, qui est dominé par deux familles rivales de seigneurs, lafamille Trịnh, qui contrôle le Nord, tandis que lafamille Nguyễn contrôle le Sud. Le terme deCochinchine désigne dès lors, en Occident, le territoire des Nguyễn, tandis que celui des Trịnh, au Nord, est appeléTonkin (Annam désignant en Occident le Đại Việt dans son ensemble). À partir de 1802, les Nguyễn contrôlent la totalité du pays. Le motCochinchine demeure cependant en usage pour désigner le Sud du Viêt Nam.
En1698, le princeNguyễn Hữu Cảnh est envoyé par la cour deHué pour établir une administration annamite sur la région et la détacher de la tutelle duCambodge alors en pleine déliquescence[5]. Très vite, Prey Nokor devient Sài Gòn (Saïgon), avant d’être rebaptisée officiellement bien plus tard (1975)Hô Chi Minh-Ville.

En1757, l’expansion annamite se poursuit avec la colonisation des provinces dePsar Dèk (renomméeSa Đéc, rattachée aujourd’hui à la province deĐồng Tháp) etMoat Chrouk (qui deviendraChâu Dôc)[4].Pierre Pigneau de Behaine, évêque en Cochinchine et protecteur du futur empereurGia Long (dont la famille avait été massacrée par la dynastie rivale desTây Sơn), joue un rôle de rapprochement entre le royaume de France et la cour deHué[6] (traité de Versailles de 1787). Plus tard Pigneau de Behaine sera précepteur duprince Canh[7]. Ce sont les Français qui construisent lacitadelle de Saïgon, bâtie parOlivier de Puymanel en 1790, ainsi que — toujours selon les principes deVauban — la citadelle deDienh Kanh en 1793 et d'autres. Puymanel instruit les troupes de Gia Long, selon les méthodes françaises[8]. La région est gouvernée à partir de 1812 par le vice-roi de Cochinchine,Lê Văn Duyệt (1763 – 1832), ayant reçu ce titre de l'empereurGia Long pour l'avoir aidé à combattre les Tây Sơn.
D'autre part la région commence à être évangélisée depuis leXVIIe siècle par des missionnaires espagnols, portugais et français. AuXIXe siècle, la répression sanglante de l'empereurMinh Mạng auprès des populations villageoises converties y met provisoirement un terme. Ensuite c'est l'empereurTự Đức qui édicte d'autres décrets de persécution. C'est à cette époque qu'Étienne-Théodore Cuenot et d'autres sont martyrisés[9].
En, un traité est conclu entre le roi cambodgienAng Duong et les commandants des forcesannamites etsiamoises qui confirme l’annexion définitive du delta duMékong au profit du premier nommé[10],[11],[12].
Le souverain khmer n'abandonnait pas pour autant tout espoir de récupérer un jour ces provinces et allait notamment le montrer dans sa lettre de 1856 à Napoléon III où il confirmait que le Cambodge ne renonçait nullement à ses droits[Note 1],[14].
Une deuxième vague de répression contre les chrétiens débute dès1848, sous le règne de l'empereurTự Ðức. Celle-ci entraîne l'intervention sous un prétexte humanitaire (selon l'expression moderne) de la marine deNapoléon III en septembre 1858 àTourane. En fait il s'agit aussi de concurrencer l'Empire britannique dans la course au commerce avec laChine[15].
Ainsi la donne change le lorsque, quelques mois après la prise de Tourane, un corps expéditionnaire français débarque dans le delta duMékong[16]. Le, l'empereur d'AnnamTự Đức doit par le premiertraité de Sài Gòn céder à laFrance les provinces deĐồng Nai, Gia Dinh et Vinh Tuong[17]. Ces trois provinces avecPoulo Condor vont désormais désigner la Cochinchine.
Très vite, l'amiral de La Grandière, nommé gouverneur, veut asseoir la présence française et développer le port deSaïgon (Sài Gòn en vietnamien) pour contrer l'influence grandissante deSingapour, aux mains desBritanniques[18].
À partir de, les forces impériales françaises jouent des antagonismes interethniques et utilisent notamment des combattantsKhmer Krom[19] pour investir les provinces deVĩnh Long, Hà Tiên etChâu Dôc qui sont annexées aux possessions françaises en1867. L'amiral Dupré gouverne la Cochinchine de 1871 à 1874.
Trois ans après la chute duSecond Empire, un secondtraité de Saïgon (dit traité Philastre[20]), signé le, confirme la pleine souveraineté de la France sur ces trois provinces nouvellement annexées : lacolonie française de Cochinchine vient de naître[21]. Le traité Philastr est suivi le 31 août une convention commerciale[20].
La partie annexée par les Français portait jusque-là le nom de« Basse-Cochinchine », la Cochinchine proprement dite étant considérée comme l'ensemble du Sud Viêt Nam ; à compter de la conquête française, le nom de Cochinchine devient celui de l'ancienne Basse-Cochinchine.


La capitale de la Cochinchine est la ville deSaïgon (elle-même capitale de l'Union indochinoise de 1887 à 1901 avantHanoï). Elle est également le siège duvicariat apostolique de Cochinchine occidentale (devenu vicariat apostolique de Saïgon en 1924). L'étendue du territoire de la colonie est de 67 000 km2. La Cochinchine, représentée par un député à l'Assemblée nationale à partir de1881, sert de« laboratoire » aux Français pour le développement de l'enseignement en Indochine. Elle bénéficie du développement du réseau routier et de ses autres infrastructures. À la faveur de la vente des terres abandonnées par les autorités impériales lors de la conquête, une classe de propriétaires terriens vietnamiens se forment.
Après la formation de l'Indochine française en1887, la Cochinchine conserve un statut à part : elle demeure une colonie, tandis que les autres pays de l'Union indochinoise sont desprotectorats. Administrée directement, la Cochinchine développe une culture à part : c'est au Sud de l'actuel Viêt Nam qu'apparaissent auXXe siècle de nouvelles religions comme lecaodaïsme ou la secteHoa Hao. La Cochinchine est, avec leTonkin, le principal moteur de l'économie indochinoise.[réf. nécessaire] Le secteur desplantations y est très dynamique ; en1897 ont lieu les premiers essais d'acclimatation d'hévéas, qui connaissent par la suite, dans l'entre-deux-guerres, un véritable boom économique[22].
Pendant laSeconde Guerre mondiale, la Cochinchine est occupée par leJapon à partir de 1941. Après lecoup de force du 9 mars 1945, les Japonais maintiennent un régime d'administration directe et ce n'est qu'in extremis, en août 1945, qu'ils autorisent son rattachement à l'Empire du Viêt Nam« indépendant » dont ils avaient suscité la proclamation en mars. Lors de larévolution d'août, leViêt Minhcommuniste, qui s'est emparé du Tonkin, ne parvient qu'à prendre imparfaitement le contrôle de la Cochinchine, où lesBritanniques débarquent. En septembre, le territoire sudiste connaît une vague d'agressions et de massacres de Français ou de Vietnamiens« collaborateurs ». En octobre, l'amiralThierry d'Argenlieu, nommé haut-commissaire pour l'Indochine, débarque àSaïgon ; à partir de la Cochinchine, les Français entament ensuite la reconquête de l'Indochine.
Le statut de la Cochinchine, dontHô Chi Minh réclame le rattachement au reste du Viêt Nam, est ensuite la principale pierre d'achoppement dans les négociations entre la France et le Viêt Minh. En juin 1946, d'Argenlieu autorise la proclamation d'une« République autonome de Cochinchine », ce qui contribue à faire échouer laconférence de Fontainebleau, puis à faire éclater laguerre d'Indochine. En juillet 1949, une fois levés les obstacles juridiques, la Cochinchine peut être réunifiée au reste du territoire vietnamien, ce qui permet de proclamer officiellement l'État du Viêt Nam. En 1951,Thai Lap Thanh devint alors gouverneur du Sud Viêt-Nam (ex-Cochinchine), membre l'État du Viêt-Nam.
Lors desaccords de Genève du, qui scellent l’indépendance totale du Viêt Nam, le pays est divisé par le17e parallèle avec au nord larépublique démocratique du Viêt Nam dirigée par Hô Chi Minh et au sud leSud Viêt Nam (composé de la Cochinchine et du sud de l'Annam). Les derniers soldats français évacuent Saïgon le 10 avril 1956[23].[source insuffisante]

L'histoire de la Cochinchine se confond ensuite, après l'État du Viêt Nam, avec celle de larépublique du Viêt Nam (plus communément appelée Sud Viêt Nam, 1955-1975) dont la capitale est àSaïgon.
Dès lors leViêt Cong infiltre de plus en plus le Sud Viêt Nam y organisant des guérillas. Les États-Unis décident d'y intervenir à partir de 1961 et les premiers bombardements massifs du nord commencent en 1965. C'est le début de laguerre du Vietnam et de l'américanisation du pays. Pourtant des coopérants français, par exemple dans divers lycées français dont les lycées de Saïgon et celui deDanang (Tourane), du personnel de santé et des ecclésiastiques et quelques hommes d'affaires francophones vivent encore dans le sud du pays, jusqu'en 1975. L'invasion du sud par le nord avec lachute de Saïgon en avril met définitivement fin à toute présence française. C'est également la fin de la francophonie au Viêt Nam au profit exclusif de l'anglais.
Saïgon est renommée en 1976 officiellement Hô Chi Minh-Ville du nom du fondateur duparti communiste vietnamien et duViêt Minh. Il s'agit alors d'humilier une ville vaincue. La plus grande partie de ses habitants continuent néanmoins de l'appeler Saïgon.
Lesboat-people commencent à fuir par centaines de milliers[24] la Cochinchine et le sud du pays. Selon leHaut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 250 000 d'entre eux trouvent la mort en mer en une dizaine d'années.
L’ancien territoire de la Cochinchine regroupe les régions administratives vietnamiennes actuelles deĐồng bằng sông Cửu Long (Delta du Mékong) et deĐông Nam Bộ (Sud-Est)[25], soit, d'après le dernier recensement[26], 27 840 598 habitants vivant sur 74 445 km2 et répartis dans les provinces suivantes :

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