LeCocaier ouArbre à coca (Erythroxylum coca) est une espèce de plantes à fleurs de la famille desÉrythroxylacées originaire d'Amérique du Sud. Elle joue un rôle important dans laculture andine, à travers ses utilisations rituelles oumédicinales[1].
Les dictionnaires sont partagés sur le genre du nom de l'arbuste mais s'entendent pour dénommer « la » coca la substance à mâcher qu'il fournit. Elle est appeléemama kuka en languequechua.
Le nomErythroxylum vien du grec « bois rouge » en référence de son écorce, « xulon » bois, « eruthros » rouge. Le termecoca vient du quechua « kuka »[2].
Les fleurs blanches ont cinq pétales et elles sont en forme d'étoiles. Elles sont portées en petits groupes à l'aisselle des feuilles. Les fruits rouges sont des baies oblongues[2].
Si les premiers botanistes pensaient que toutes les plantes de coca cultivées appartenaient à la même espèce, nous savons désormais que deux espèces ont été domestiquées :Erythroxylum coca Lam. etErythroxylum novogranatense (Morris) Hieron. Ces deux espèces ont chacune deux variétés distinctes :Erythroxylum coca Lam. var.coca etErythroxylum coca var.Ipuda Plowman pour la première espèce ;Erythroxylum novogranatense (Morris) Hieron var.novogranatense etErythroxylum novogranatense var.truxillense (Rusby) Plowman pour la seconde.
C'est un arbuste mesurant de 1,5 à 4 mètres de haut. Les feuilles mesurent de 2,5 à 7,5 cm et sont vert-clair.
La feuille est la seule à contenir des alcaloïdes.Elle contient des principes actifs aux propriétés pharmaceutiques intéressantes. Unehuile essentielle àsalicylate de méthyle, despolysaccharides, desflavonoïdes et principalement desalcaloïdes représentant de 0,2 % à 1,3 %[3] de la composition de la feuille de coca. Parmi ses principes actifs, on peut énumérer :
Avant que l’alcaloïde actif de la coca ne soit isolé, les feuilles ont été mâchées pendant des siècles. Parmi les premiers peuples, on retrouve lesIncas. Pour les Incas deCuzco (ville à plus de 3 600 m d'altitude), mâcher des feuilles revenait à inspirer une bouffée d’oxygène[5]. Par ailleurs, leschasquis ne se séparaient jamais de leur churpa (poche en laine remplie de coca) et pouvaient ainsi travailler à des hautes altitudes.
La feuille de coca est ainsi devenue une unité de mesure. Leschasquis chargés de porter de lourdes charges sur parfois plus d’une trentaine de kilomètres ne pouvaient effectuer leur mission qu’à l’aide des feuilles de coca. Les distances andines étaient donc exprimées en cocadas. Autrement dit, la quantité de feuilles nécessaires pour effectuer le trajet.
En dehors de l’utilisation par les travailleurs, les feuilles de coca étaient principalement utilisées lors des rituels religieux ou en médecine (puissantanesthésique).
En mâchant les feuilles, les personnes ingèrent desalcaloïdes. Cette substance provoque une augmentation de ladopamine dans le cerveau. La personne a l'impression d'être pleine d'énergie et connaît un moment de bonne humeur. Ce « flash » de dopamine peut deveniraddictif, ainsi même l’anticipation d’une prochaine dose peut libérer de la dopamine. Cette théorie de « l’addiction à la dopamine » ne concerne cependant que certains individus[6].
C'est un fondementculturel pour l'Amérique latine — notamment en Amazonie du Nord-Ouest et dans les hauts plateaux andins - où son usage remonte à près de 5 000 ans[7]. Les plus anciennes traces archéologique de culture de coca remontent même à plus de 8 000 ans[8]. Du fait de ses différentes vertus, c'est une plante sacrée pour de nombreuxpeuplesamérindiens. Dans les Andes, Mama Coca est considérée comme la fille dePachamama. Elle est ainsi utilisée traditionnellement de laColombie jusqu'auChili aussi bien pour ses vertusstimulantes que dans le cadre de cérémonies religieuses, elle aurait même servi de taxe d'imposition[9].
En Colombie du Sud-Ouest, les Indiens grillent, pulvérisent et tamisent les feuilles en une fine poudre qu'ils mélangent à des cendres de feuilles de raisin d'Amazonie (Pourouma cecropiifolia) pour la mâcher sous la forme d'une fine poudre appeléemambe. Cette coca sert de moyen d'échange dans toutes les relations avec les esprits et divinités, et est mâchée rituellement dans toutes les conversations sérieuses entre hommes[10].
Feuilles de coca séchées pour la consommation.
Dans l'Empireinca, la coca issue de l'actuel Pérou(tupa coca) servait aux cérémonies religieuses et aux dignitaires alors que la coca issue de l'actuelle Bolivie (muma coca) servait aux fonctionnaires voire au peuple[9].
Son usage est signalé par les Espagnols dès leXVIe siècle qui en condamnent d'abord l'usage la qualifiant de« satanique » avant de l'encourager en constatant l'efficacité en termes de rentabilité sur les « travailleurs »[9].
C'estNicolas Monardés de Séville, un naturaliste espagnol, qui en donne la première description dans les années1580 même si la plante ne devient vraiment connue sur le plan scientifique qu'auXVIIIe siècle[9].
Les modes de consommation traditionnels de la coca en Amérique du Sud sont :
la mastication de la feuille de coca, qui provoque une stimulation légère ;
l'absorption de tisane de feuille de coca, aux effets également limités.
La mastication peut aussi consister en unechique (llipta) d'une pâte masticatoire (aculli) qui est un mélange d'unalcali (cendres de pommes de terre, de bananes ouchaux) et de feuilles de coca[9].
Dans son ouvrage intituléPromenade à travers l'Amérique-du-Sud (1868),Alexis de Gabriac écrit :« Généralement, les Indiens chassent séparément afin d'éviter les distractions, et passent volontiers une semaine au milieu des bois, n’emportant avec eux qu'une légère provision de bananes et une fiole de coca. Cette dernière matière jouit de la singulière propriété d'endormir l’estomac, et il suffit d’en avaler quelques parcelles pour apaiser subitement la faim ».
C'est à cette époque en Europe qu'apparaissent les première réclame pour « le coca », vendu en pharmacie comme ayant« une influence puissante et inoffensive sur les centres nerveux »[11]. Dans le même temps, vont apparaître les « vins à la coca du Pérou », comme leMariani.
La cocaïne est isolée parAlbert Niemann dès 1860. C'est l'un de sesalcaloïdes, devenu illégal en 1913, et revendu depuis sur le marché desstupéfiants.
Hors d'Amérique latine, elle est surtout utilisée pour lacocaïne. La coca est donc connue à travers le monde pour son utilisation sous forme dedrogue et lestrafics qui en sont la conséquence. C'est en raison de cet usage que les États-Unis souhaitent éradiquer sa culture en Amérique latine[12].
Après la découverte de lacocaïne dans la deuxième moitié duXIXe siècle, les laboratoires pharmaceutiques hollandais et allemands stimulent la culture de coca en important d'importantes quantités de feuilles depuis lePérou et laBolivie[7].
Au début duXXe siècle, les Hollandais parviennent à adapter la plante dans l'île de Java qui devient pendant quelques années le premier producteur mondial. Les Japonais l'acclimateront àTaïwan pour leur part. C'est donc la production asiatique qui alimente le premierboom de la consommation decocaïne entre1910 et1940. Puis, les conférences internationales font appliquer des mesures d'interdiction poussant indirectement lespays andins dans une activité illicite qui sera centrale dans leur économie et dans leurs rapports avec lesÉtats-Unis[7].
C'est à partir desannées 1960 que lespays andins développent vraiment leur production afin de répondre au second boom de la consommation decocaïne[7].
AuPérou, la culture est autorisée dans le cadre d'un usage traditionnel. EnBolivie, premier producteur mondial de coca, la culture est autorisée sur un territoire limité : lesYungas (vallées tropicales à l'est dela Paz) bien qu'elle soit aussi largement plantée dans leChapare où elle est illégale. En Colombie, en revanche, la production de coca est totalement interdite.
Depuis lesannées 2000, la Colombie demande aux indigènes péruviens et boliviens de venir sur son territoire, afin d'acquérir les utilisations pharmaceutiques qui en sont faites dans leurs pays respectifs[12],[13].
AuPérou, le présidentFernando Belaúnde Terry (élu en1963) mise sur le développement de l'Amazonie et encourage les paysans à s'y installer. En1968, il est renversé par un gouvernement militaire qui abandonne ce projet délaissant les colons alors qu'au même moment les trafiquants américains viennent les solliciter[7].
Lespolitiques d'ajustement structurel portent un coup déterminant aux productions locales rendant la culture de la coca d'autant plus attrayante[7].
Au début desannées 1980, les projets de développement alternatif financés par lesÉtats-Unis n'aboutissent pas et la sévère répression du gouvernement favorisent l'installation deguérillas (Sentier lumineux,Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru) qui protègent les paysans et subsisteront jusqu'au début desannées 1990[7].Dans les années 2000, le gouvernement cherche à promouvoir la consommation traditionnelle face à la menace des mafias, notamment en cherchant de nouvelles utilisations comme la consommation en farine dans le pain ou en bouillie. Le présidentOllanta Humala nomme en août 2011 l'avocat défenseur des droits de l'hommeRicardo Soberón Garrido à la tête de l'organisme interministériel DEVIDA (Comisión Nacional para el Desarrollo y Vida sin Drogas). Soberon est connu pour ses positions critiques envers la politique d'éradication de la coca menée par lesÉtats-Unis.
EnBolivie, lecoup d'État du généralHugo Banzer de 1971 est financé par la bourgeoisie rurale deSanta Cruz qu'il remercieravia diverses subventions gouvernementales qui serviront à développer la production de coca et sa transformation encocaïne. Cette politique est poursuivie par le généralLuis García Meza Tejada jusqu'en1981 laissant un pays corrompu qui, malgré les gouvernements démocratiques suivants, n'arrive pas à enrayer l'expansion de la culture de coca, plante traditionnelle dans le pays[7].
Hugo Banzer accède de nouveau au pouvoir par les urnes en1997 et lance cette fois de grandes campagnes d'éradication dont les bons résultats sont largement attribués à la violente répression qui l'accompagne. Cette répression engendre un mouvement populaire, partiellement à l'origine de l'élection d'Evo Morales[7], lui-même paysan cultivateur de coca, lequel tente une nouvelle politique de lutte antidrogue visant à réhabiliter l'usage traditionnel de la coca afin de trouver des débouchés locaux à la production et détourner les paysans des trafiquants.
Le, le présidentMorales expulse l'ambassadeur des États-UnisPhilip Goldberg (qui avait précédemment travaillé en ex-Yougoslavie) qu'il accuse d'alimenter le séparatisme en Bolivie[14], alors que le gouvernement est confronté à une agitation venue de secteurs d'extrême-droite dans laprovince de Santa Cruz, la plus riche du pays. Le, il rompt sa collaboration avec laDrug Enforcement Administration l'accusant « d'espionnage politique et de financer des groupes criminels pour qu'ils commettent des attentats contre les autorités, voire contre le président lui-même ». Le département d'État américain a de son côté déclaré que ces accusations étaient « fausses et absurdes »[15]. À la suite de cela, l'administration Bush a demandé auCongrès des États-Unis de retirer à la Bolivie le bénéfice de l'Andean Trade Promotion and Drug Eradication Act[16], décision qui affecterait plus particulièrement lesecteur textile bolivien[17].
En 2010, les États-Unis ont classé la Bolivie comme l'un des « mauvais élèves » de sa « guerre contre les drogues »[16]. Ils continuent cependant à subventionner certains efforts contre letrafic de stupéfiants : la section des stupéfiants dudépartement d'État des États-Unis alloue plus de 22 millions de dollars aux agences de maintien de l'ordre boliviennes à cet effet, tandis que l'USAID a investi 60 millions de dollars dans des programmes de santé et d'agriculture visant à promouvoir des cultures substitutives[16]. Les estimations des États-Unis concordent rarement avec celles de l'ONU[16]. Par ailleurs, ni lePérou ni laColombie, qui produisent plus de coca que la Bolivie, n'ont été inclus sur cette liste[16].
49 000 acres (près de20 000hectares) de plantations de coca, dans lesYungas et leChapare, sont légalement cultivées à des fins de consommation traditionnelles en Bolivie[16]. En 2009, la Bolivie a détruit 16 000 acres (environ6 500ha) de plantations illégales, sur un total de plantations illégales, estimé par les États-Unis, à 37 000 acres (près de15 000ha)[16]. La Bolivie, qui tente de préserver les cultures traditionnelles en s'attaquant au trafic de cocaïne, dépense plus de 20 millions de dollars dans la lutte contre le trafic de stupéfiants[16]. Par ailleurs, elle a investi 5 millions de dollars dans le programmeCoca Yes, Cocaine No, visant à industrialiser la coca à des fins de consommation légales (maté de coca, applications médicinales, etc.)[16]. Mais toute exportation de produitsalcaloïdes est banni par laConvention de l'ONU de 1961 sur les stupéfiants, menantMorales à tenter de faire retirer la coca de cette liste[16]. Ainsi, le, il mâcha une feuille de coca lors d'une réunion de la Commission des stupéfiants de l'ONU à Vienne, avant de demander le retrait de la plante de la liste noire. La production d'une boisson énergisante appeléeCoca Colla vise notamment à réhabiliter l'image internationale de la feuille de coca, et de ses dérivés[18].
Entre 2010 et 2016, la culture de la coca s'est réduite de31 000 à20 000 hectares selon l'Office des Nations unies contre la drogue[19]. Le gouvernement entend redéfinir les politiques dirigées contre cette culture, en pratiquant une « éradication concertée, sans répression ni assassinat comme c’était le cas avant l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir »[19].
Dans lesannées 1990, lescampagnes antidrogue menées par lesÉtats-Unis privent les trafiquants colombiens des sources d'approvisionnement des pays voisins ce qui aboutit au développement de la culture locale. Cette culture favorise l'implantation de guérillas comme lesFARC ou des groupesparamilitaires (AUC, etc.)[7].
La culture de la coca atteint96 000 hectares en 2017, traduisant l’échec des politiques de fumigation cancérigènes et inefficaces[19].
La feuille de coca est sacrée chez lesIncas. Selon lescroyances incas, elle permet l'interaction entre les 3 mondes tels que perçus dans lacosmogonie inca (monde d'en haut, celui des dieux, monde du milieu, celui des humains, et monde d'en bas). Elle est offerte à Pachamama afin de la remercier d'une bonne récolte. Elle accompagne toujours les moments symboliques de la vie humaine (la mort, le mariage, la naissance) par le biais d'offrandes de coca[21].
Cette section adopte un point de vue régional ou culturel particulier et doit êtreinternationalisée (novembre 2018).
Conformément à l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants[22], l’importation en France de feuilles de coca ou de quelconque préparation ou produit contenant cette substance est formellement interdite.
↑abcd eteDenis Richard, Jean-Louis Senon et Marc Valleur,Dictionnaire des drogues et des dépendances, Paris, Larousse,, 626 p.(ISBN2-03-505431-1)
↑Laurent Fontaine,Les monnaies chez les yucuna d’Amazonie colombienne : de la coca à mâcher au peso. In : E. Baumann, Bazin L., Ould-Ahmed P. Phélinas P., Selim M., Sobel R., L'argent des anthropologues, la monnaie des économistes, L’Harmattan,,p. 135-166