Unclown,pitre oupaillasse est un personnagecomique de l'univers ducirque. Visages disparaissant sous le maquillage, vêtus de façon spectaculaire, les clowns se partagent traditionnellement en « Augustes » et en « Clowns blancs ». Cependant, d'autres formes de clown, décrits dans les chapitres "La comédie clownesque" et suivants, existent en dehors du cirque depuis le XVIe siècle.
Lesubstantifmasculin[1],[2],[3],[4],[5]clown (API /klun/) est unemprunt[1],[2],[5] à l'anglaisclown[3],[4], un substantif[6]attesté depuis la seconde moitié duXVIe siècle[2],[5], d'abord sous lesgraphiescloyne etcloine[2] (en)[5], puis sous les graphiesclowne (en) etcloune (en)[5], d'oùclown, au sens de « homme rustre, paysan »[1],[2], d'où « bouffon, fou »[1],[2] et plus spécifiquement, à partir duXVIIIe siècle[2], « pantomime, personnage des arlequinades et du cirque »[2]. Le mot vient dugermaniqueklönne signifiant « homme rustique, balourd », depuis un mot désignant, à l'origine, une « motte de terre »[7]. En anglais, on trouve aussiclod etclot, signifiant aussi bien « motte » que « balourd, plouc ». Ainsi, le mot anglaisclown a d'abord désigné un paysan puis un rustre et auXVIe siècle il est passé dans le vocabulaire du théâtre pour désigner un « bouffon campagnard ».
Cependant l'étymologie de l'anglaisclown reste discutée[8]. À la suite deBen Jonson[9], certains auteurs ont considéré l'anglaisclown comme dérivé dulatincolonus[5]. Le mot clown aurait donc une origine latine « colonus », le colon qui se prononce « couloun » en occitan. Il s'agissait des colons romains, légionnaires « retraités » à qui l'on attribuait des terres dans les provinces dont la Narbonnaise qui correspondait géographiquement en grande partie à la Provence et au Languedoc. Ces « coulouns » dépenaillés, un peu étranges aux yeux des gens du cru étaient volontiers raillés par la population locale. Par extension le mot a désigné des paysans un peu attardés, rustres et est passé à la langue anglaise après la longue période de présence anglaise dans le sud-ouest occitan.
Enfrançais,clown est attesté dès le début duXIXe siècle. Il apparaît pour la première fois en[10], sous la graphieclaune, citée comme« prononciation exacte du mot anglais »[5], dans la première éditiondes Animaux savants[11]. La graphieclown est attestée dès[5],[12] dans leDiorama de Londres d'Eusèbe de Salle[13].
Même s'il tire sa filiation de personnages grotesques anciens, notamment ceux de laCommedia dell'arte, le clown proprement dit est une création relativement récente. Il apparaît pour la première fois enAngleterre auXVIIIe siècle, dans les cirques équestres. Les directeurs de ces établissements, afin d'étoffer leurs programmes, engagèrent des garçons de ferme qui ne savaient pas monter à cheval pour entrecouper les performances des véritables cavaliers. Installés dans un rôle de serviteur benêt, ils faisaient rire autant par leurs costumes de paysans, aux côtés des habits de lumière des autres artistes, que par les postures comiques qu'ils adoptaient, parfois à leurs dépens.
Les clowns suivaient le mouvement des numéros présentés, en les caricaturant pour faire rire (le clown sauteur, le clown acrobate…). Ce personnage évolua pour devenir de moins en moins comique : distingué, adoptant des vêtements aux tissus nobles et de plus en plus lourds avec l'emploi des paillettes, il fit équipe avec l'auguste. Ce dernier devint le personnage comique par excellence, le clown servant de faire-valoir. C'est la configuration que l'on connaît aujourd'hui. L'auguste prit peu à peu son autonomie, quand certains trouvèrent le moyen de faire rire la salle sans avoir besoin du clown pailleté. L'auguste s'imposa alors en tant qu'artiste solitaire, proposant parfois à un spectateur de lui servir de partenaire.
Le clown peut porter un pseudonyme inspiré dulangage enfantin (en langue française, l'utilisation du redoublement de syllabe ou de sons est ainsi courant), comme Jojo, Kiki, etc.
Le clown blanc, vêtu d'un costume blanc, est, en apparence, digne et autoritaire. Il porte le masque lunaire duPierrot : un maquillage blanc, et un sourcil (plus rarement deux) tracé sur son front, appelé signature, qui révèle le caractère du clown. Le rouge est utilisé pour les lèvres, les narines et les oreilles. Une mouche, référence certaine aux marquises, est posée sur le menton ou la joue. Le clown blanc est beau, élégant. Aérien, pétillant, malicieux, parfois autoritaire, il fait valoir l'auguste, le met en valeur.
L'auguste porte un nez rouge, un maquillage utilisant le noir, le rouge et le blanc, une perruque, des vêtements burlesques de couleur éclatante, des chaussures immenses ; il est totalement impertinent, se lance dans toutes les bouffonneries. Il déstabilise le clown blanc dont il fait sans cesse échouer les entreprises, même s'il est plein de bonne volonté. L'auguste doit réaliser une performance dans un numéro au cours duquel les accidents s'enchaînent. Son univers se heurte souvent à celui du clown blanc qui le domine.
Le contre-pitre est le second de l'auguste et son contre-pied. « Auguste de l'auguste », c'est un clown gaffeur qui ne comprend rien, oublie tout, et dont les initiatives se terminent en catastrophes, relançant les rires[17].
L'excentrique est un clown d'inspiration britannique, dérivé de l'auguste[18]. Toutefois, il se distingue de ce dernier par son caractère : s'il reprend bien la maladresse et la malchance propre à l'auguste, l'excentrique se compose une personnalité intelligente. Sur le plan vestimentaire, l'excentrique reprend les codes de l'auguste (habits à carreaux, grosses chaussures, etc.). Contrairement au clown blanc, à l'auguste et au contre-pitre qui ont généralement besoin de se compléter les uns les autres pour jouer leurs entrées clownesques, l'excentrique est souvent seul sur scène.
Après les années 1890, les clowns acrobates deviennent aussi des clowns parleurs.Foottit etChocolat, « le plus célèbre duo de clowns de la belle époque », inventent la comédie clownesque[19]. Sans négliger le répertoire de leur prédécesseurs, ils ne se contentent plus de parodier les numéros de cirque qui les ont précédés, ils cherchent aussi leurs personnages dans la vie sociale. Maitre blanc et valet noir, ils reproduisent la violence des rapports sociaux et raciaux. Ils s'inspirent aussi du mimodrame et du transformisme, comme dans la parodie de Cléopâtre jouée par Foottit en 1890 en imitantSarah Bernhardt[20]. Avec eux le jeu du clown se rapproche du jeu de l'acteur, mais un acteur sans psychologie qui, comme le ditPierre Étaix, « n'existe que dans le temps où il agit » et dontHenry Miller dit qu'il est un « poète en action »[21].
À partir des années 1920, lesFratellini réinventent ce genre clownesque. À trois, ils forment une véritable petite troupe et leurs entrées, prenant de plus en plus de place dans le spectacle tant ils deviennent célèbres, sont presque des comédies en raccourci.Tristan Rémy dans son ouvrageLes clowns qui fait autorité en la matière, écrit qu'ils concentrent en eux les trois aspects essentiels de la comédie clownesque : « François, le clown, dernière incarnation de la fantaisie d'esprit latin; Paul, l'auguste, type d'origine germanique, qui, francisé, a remonté la pente depuis son ancêtre le palefrenier maladroit et à qui la dignité restitue l'emphase et la responsabilité ; et enfin, Albert, le pitre, refuge des suprêmes exagérations de la pantomime anglaise.»[22].
Tous les clowns qui travailleront en compagnies après eux, comme leThéâtre Licedei en Russie,les Macloma et les Nouveaux Nez en France,les Colombaioni en Italien,Bolek Polivka en République tchèque leur seront redevables d'avoir fait évoluer ce genre.
AuXIXe siècle, au théâtre, certains artistes veulent mélangerShakespeare et lecirque. C'est un échec total, le public voulant des acrobaties, pas du texte. Même si certains clowns sont célèbres grâce aux quelques phrases qu'ils lancent comme « 1, 2, 3… » ou « Musique ! », cela n'en fait pas forcément des clowns-acteurs.
AuXXe siècle, les comédiensburlesques font leur apparition commeRaymond Devos etColuche, qui, dans tous leurs spectacles, gardent dans leurs gestes et état d'esprit une attitude typique du clown.
Parmi les accessoires, on trouve les vêtements, souvent colorés, ridicules et trop grands, lesfarces et attrapes en général (boutonnière arroseuse…), et lestartes à la crème.
Le personnage du clown a puissamment évolué. Son territoire n'est plus uniquement le cirque. La définition ci-dessous, au chapitreThéorie, illustre le foisonnement créatif de ce personnage.
Le clown du théâtre peut relever du théâtre d'improvisation, axé sur les sentiments, sur ce qu'il ressent. Pour l'expliquer clairement, il doit passer par la présentation des trois strates de « comportement de l'individu » (faute de meilleure appellation).
Il y a le « je », celui de tous les jours, celui que nous sommes naturellement, avec la famille ou les amis. Celui qui vit les choses avec sa personnalité, son métier, son âge, son ressenti juste. Il y a l'acteur, vous ; qui jouez un autre. Puis il y a le clown. Le clown est la partie de vous qui n'est pas visible socialement. Il est là, il ressent les choses que vous vivez mais ne le dit pas, parce que vous ne le laissez pas s'exprimer. Il serait peut être trop excentrique, excessif, colérique, etc. C'est un diamant brut qui n'a pas été façonné par la société, qui réagit à sa manière ; singulièrement. Contrairement à vous qui avez des tabous, une idéologie, une éthique, une morale, la politesse, et les interdits à respecter. Lui il peut tuer, il peut cracher, il peut roter, il peut aimer comme jamais vous n'avez aimé.
Avec des mots cela peut sembler schizophrénique, mais une fois qu'on chausse le nez et qu'on vient sur scène on comprend ce que cela signifie : « être clown ». Peut-être le mot clown n'est pas le mieux adapté à la situation, à cause de toutes ses connotations plus ou moins péjoratives dans l'oreille d'autrui.
Le clown porte un nez rouge, certes, mais n'est pas là pour faire le « guignol ». Il peut être dépressif, colérique, dégoûté, heureux, amoureux… Ou tout en même temps. Il s'appuie sur le public en lui donnant à voir ce qu'il ressent, il a besoin de ce public pour exister, sinon il n'est rien. Le clown ressent, contrairement à l'acteur qui peut seulement faire semblant de ressentir. S'il est avec un autre clown, il montre ce que ça lui fait d'être avec lui, comment il le vit. Et le renvoie au public. D'ailleurs, en tant que public, rien n'est plus jouissif qu'un clown sur scène qui nous montre ce qu'il a en lui par un simple regard. Pour qu'on sache où il en est, en lui. Lorsqu'il ne nous regarde pas, il ne nous emmène pas dans son univers. Mais ces regards publics sont des automatismes, au fur et à mesure le clown se rend compte qu'il a besoin de regarder son public pour continuer d'exister à travers l'autre.
« Le clown est un acteur qui possède parfaitement ses moyens tout en faisant semblant de ne rien maîtriser ». Il parait idiot, laid ou même mal formé, il bouge mal, il laisse tout tomber… (à la place de l’« acteur », on peut aussi écrire l’« artiste », en élargissant ce terme à d’autres genres que le théâtre).
Évidemment, s’il le fait juste pour humilier l’être humain qu’il est pour donner à ses spectateurs complexés l’impression de ne pas être les plus bêtes et les plus miséreux (piètre consolation, mais si appréciée des plus démunis !), cela relève plus de la prophylaxie médicale que de l’art (la majorité des hommes ont des bonnes raisons de se mésestimer - ou bien la société se charge de les en persuader…). Cela peut aussi être de l’auto-thérapie, ce qui d’ailleurs paraît souvent être la principale motivation du « faire le clown »…
Les meilleurs clowns semblent avoir assimilé l’aphorisme taoïste : « La mer est plus bas que les rivières et pourtant, elle les domine… ». Encore que pour les clowns, il ne s’agit pas de dominer les spectateurs, mais de casser les barrages des préjugés et des clichés qui les empêchent de voir par leurs propres yeux.
Par l’esprit ludique enfantin qu’il a su garder, le clown nous redonne la fraîcheur du regard de notre propre enfance[23].
Personnage fortement typé, le clown, à l'origine personnage burlesque, a vu son image détournée : tout d'abord est apparu l'archétype du clown triste, « obligé de faire rire même quand son cœur est gros » (le clown blanc est par ailleurs proche, à quelques paillettes près, du nostalgique Pierrot lunaire) ; puis des personnages declowns maléfiques, qui utilisent l'attrait qu'ils exercent auprès des enfants pour les tuer (tel que le monstre protéiforme deÇa, roman deStephen King), les torturer ou les violer (tel queTweedles, du groupe d'avant-gardeThe Residents).
Le regard décalé, voire en contrepoint, du personnage du clown peut être utilisé comme levier afin de favoriser l'apprentissage. Le rapport du clown à l'échec ou à l'erreur, à l'émerveillement, à l'imaginaire ou encore à la sortie du cadre sont autant de moyens et de techniques permettant, dans certaines conditions, d'apporter des connaissances, de faire passer des notions d'une façon originale et souvent ludique. La compagnie de théâtre clownesqueL'Île logique utilise et promeut cette méthode pour diffuser les sciences théoriques et spécifiquement les mathématiques depuis 2006 par exemple.
On parle même de Clown Core[Qui ?], mélange de métal et de rap, dans une ambiance sombre dirigé par des clowns maléfiques ; on peut citer à titre d'exempleBawdy Festival.
Bien que nombre de photos et d'illustrations attestent de la visite de clowns dans les hôpitaux dès le début duXXe siècle[24], c'est dans les années 1980 que s'est développé les visites régulières declowns hospitaliers aux Etats Unis. Nombres d'associations de clowns à l'hôpital ont ensuite vu le jour dans de nombreux pays. Le clown hospitalier rend visite de façon régulière aux enfants dans les services de pédiatrie, mais aussi pour les adultes en service gérontologique par exemple.
La Clandestine Insurgent Rebel Clown Army, la Grande armée des clowns
L’idée était de prolonger une dimension festive et subversive issue des vieilles cultures populaires de transgression (carnaval, fête des fous…), de sortir des manifestations plan-plan traditionnelles, de permettre à chacun d’apporter ses propres idées et sa motivation grâce à une organisation complètement horizontale.
↑(en) Entrée« clown » duDictionnaire bilingue anglais – français [en ligne], sur le site deséditions Larousse (sens A, 1) [consulté le18 octobre 2017].
↑Le Robert historique de la langue française, Paris, 1998.