Sa victoire de 613 sur la reineBrunehaut met fin à la longue période de guerres entre rois francs, commencée en 570, et dont deux protagonistes ont été les parents de Clotaire,Chilpéric Ier etFrédégonde.
À la mort de Clovis, en 511, la Gaule est divisée en quatre royaumes de taille équivalente, avec pour capitales Reims, Soissons, Paris et Orléans ; les quatre fils de Clovis héritant chacun d'un royaume. Dans les années 550, Clotaire, dernier survivant des quatre frères, reconstitue l'unité du royaume franc, augmenté du territoire burgonde, conquis entretemps.
En 561, les quatre fils de Clotaire effectuent un partage analogue à celui de 511 :Sigebert à Reims,Chilpéric à Soissons,Caribert Ier à Paris,Gontran à Orléans, ce dernier royaume incluant maintenant le territoire burgonde. Très vite, Sigebert déplace sa capitale de Reims àMetz ; Gontran déplace la sienne d'Orléans àChalon.
À la mort de Caribert en 567, sa part est partagée entre les trois survivants : en particulier, Sigebert (Metz) reçoit Paris et Chilpéric (Soissons), Rouen.
Dans les années 560, Sigebert et Chilpéric épousent deux sœurs, filles du roi wisigoth d'EspagneAthanagild : les princessesBrunehaut etGalswinthe. Mais Chilpéric est attaché à une concubine :Frédégonde, et assez rapidement, Galswinthe réclame d'être renvoyée à Tolède. Vers 570, elle est assassinée, et les soupçons se portent sur Chilpéric, qui aurait volontiers répudié Galswinthe, mais ne voulait pas qu'elle emporte sa dot. Puis il fait officiellement de Frédégonde une reine des Francs.
En l'absence de père, mort depuis quelques années, c'est Brunehaut qui devient responsable des représailles contre Chilpéric. Celui-ci accepte d'abord de payer une composition (wergeld), puis se lance dans une série d'opérations militaires contre Sigebert. C'est le début de ce qu'on appelle la « faide royale »[1], qui ne prendra fin qu'en 613.
Les principaux épisodes sont, jusqu'à l'assassinat de Chilpéric en 584 : l'assassinat de Sigebert (575) ; l'emprisonnement de Brunehaut, puis son remariage avec un fils de Chilpéric ; le retour de Brunehaut auprès de son filsChildebert II, successeur de Sigebert.
Par ailleurs, Frédégonde s'efforce d'assurer sa position, assez fragile étant donné qu'elle est d'origine servile, en éliminant les fils que Chilpéric a eus de sa première épouseAudovère :Mérovée et Clovis. Ses propres enfants, cependant, meurent très jeunes dans des conditions qu'elle juge suspectes.
Lorsque Frédégonde a un fils au printemps 584, il est le futur successeur de Chilpéric, mais à condition de vivre assez longtemps.
Les principales sources d'époque sont les chroniques de Frédégaire et deGrégoire de Tours. Mais il faut savoir que leurs auteurs sont de parti pris, Grégoire étant même un acteur des conflits de l'époque.
Le nouveau-né ne reçoit pas de nom à sa naissance ; ceci dans le but de ne pas propager d'inquiétude liée à la symbolique du nom mérovingien. Voulant choisir un parrain en fonction de l'évolution des troubles qui agitent leroyaume des Francs, son père ne le fait pas baptiser immédiatement[2].
Chilpéric et Frédégonde ont aussi le souci de protéger leur enfant, étant donné que ses prédécesseurs morts jeunes ont peut-être été victimes d'assassinats.
Il est élevé en secret dans lavilla royale deVitry-en-Artois.
Mort de Chilpéric (septembre 584) et ses conséquences
Les grands de Neustrie pillent les trésors de Chilpéric, notamment sonmissorium d'or[4] et s'emparent de tous les documents importants, et partent se réfugier enAustrasie.
La princesseRigonde, en chemin vers l'Espagne en vue d'épouser le princeRecarède, est attaquée àToulouse par le duc Didier, lié à la conspiration deGondovald, qui lui vole tout ce qui reste de sa dot, de sorte qu'elle est obligée de renoncer à son mariage[5].
La reine Frédégonde réussit à conserver ses trésors personnels et quelques officiers, comme Ansoald et Audon[7], alors que d'autres l'abandonnent, comme le chambrier Eberulf[8]. Elle fait emmener son fils de Vitry à Paris et envoie un message àGontran, roi de Bourgogne, pour qu'il accepte d'adopter l'enfant[9] et d'exercer la régence jusqu'à sa majorité.
Gontran convoque ensuite une assemblée des Grands deNeustrie, au cours de laquelle l'enfant de Frédégonde est reconnu comme fils de Chilpéric Ier, bien que des doutes sur sa paternité aient été évoqués[10],[11]. Ils décident de lui donner le nom de Clotaire[10], nom du grand-père du nouveau-né. Celui-ci est alors adopté par Gontran.
Ansoald est chargé de reprendre le contrôle des villes neustriennes délaissées depuis la mort du roi. Elles font alors serment de fidélité à Gontran et à Clotaire[13]. Gontran tente de remettre de l'ordre dans les affaires de Neustrie : contre l'avis de Frédégonde et peut-être pour montrer son autorité[14], il redonne son siège épiscopal de Rouen àPrétextat[15] et démet de ses fonctions Melaine qui le remplaçait.
L'évêque Promotus de Châteaudun, dont le diocèse avait été rétrogradé en paroisse à la suite du concile de Paris en573 pour avoir été nommé à ce poste au mépris des lois canoniques, réclame sa restitution après avoir été exilé à la mort de Sigebert Ier. Il ne récupère que ses biens personnels[16].
Quelque temps après, réapparaît la menace austrasienne.
Deux envoyés de Brunehaut, le duc Gararic et le chambrier Eberon, réussissent à faire passer Limoges[17], Tours et Poitiers sous influence austrasienne, avec l'aide des évêques Grégoire de Tours etVenance Fortunat[18]. Gontran envoie des troupes récupérer les cités perdues, qui sont toutes reprises et retournent dans ses États.
Frédégonde est envoyée dans lavilla de Vaudreuil, dans le diocèse de Rouen[19], où elle est sous la surveillance de l'évêque Prétextat.
Durant l'été585, Gontran revient à Paris pour être le parrain de Clotaire ; il fait jurer à Frédégonde, trois évêques et trois cents aristocrates de Neustrie, que Clotaire II est bien fils de Chilpéric Ier. Mais le baptême est annulé[20]. Il est prévu de réunir un concile à Troyes, mais les Austrasiens refusent d'y participer si Gontran ne déshérite pas Clotaire. Le concile est donc déplacé à Mâcon (en Bourgogne) et a lieu le.
Rétablissement de Frédégonde et conflit avec Gontran (587 – 592)
Alors que Gontran tente de s'emparer de laSeptimanie wisigothique, Frédégonde tente d'échapper à la surveillance de l'évêque Prétextat pour fuirRouen. Durant une messe dominicale, Prétextat est poignardé. Comme il ne meurt pas tout de suite, Frédégonde va se recueillir auprès de lui et lui demande s'il a besoin de ses médecins. L'évêque l'accuse ouvertement d'être à l'origine de ce meurtre et de celui des autres rois et il jette une malédiction sur elle. Il meurt peu après.
La reine utilise alors sa liberté pour rallier à son fils et à elle le plus possible de nobles et d'évêques. Elle réinstalle Melaine à Rouen malgré l'interdiction de Gontran[21].
Gontran s'efforce alors d'affaiblir Frédégonde en débauchant une partie de l'aristocratie, afin d'au moins conserver les terres neustriennes qu'il a accaparées entreLoire etSeine grâce au ralliement du ducBeppolène[22]. En587, il réussit à reprendre les villes d'Angers,Saintes etNantes[23].
Frédégonde propose alors de négocier la paix et envoie à Gontran des ambassadeurs, en réalité chargés de le tuer. Mais ils sont arrêtés et Gontran rompt ses relations avec la Neustrie[24], se rapprochant alors de Brunehaut et de Childebert II, avec lesquels il conclut lepacte d'Andelot : à la mort d'un des deux rois, l'autre héritera de son royaume. C'est effectivement ce qui survient en 592 : Gontran meurt et Childebert devient roi d'Austrasie et de Bourgogne.
Relations avec l'Austrasie et la Bourgogne (592 – 613)
L'union Austrasie-Bourgogne ne dure que jusqu'en 595 ; à la mort de Childebert II, l'Austrasie est attribuée à son filsThibert (ou Théodebert) et la Bourgogne à son filsThierry (ou Théodoric) ; Brunehaut est toujours présente, mais son pouvoir et son rôle de régente ne sont pas toujours acceptés, et les deux frères sont loin d'être toujours en accord.
Vers 600,Thierry II etThibert II s'allient contre lui et le battent à labataille de Dormelles, près de Montereau ; il doit alors signer un traité qui réduit son royaume aux régions deBeauvais,Amiens etRouen, le reste étant réparti entre les deux frères.
En604, une première tentative de reconquête de son royaume se solde par un échec. Son filsMérovée, qu'il a eu de sa première épouse, est fait prisonnier parThierry II à labataille d’Étampes[25] et est assassiné sur ordre deBrunehaut. Clotaire change alors de stratégie et se rapproche de Thierry ; en607, il devient le parrain d'un des fils de ce dernier, qui reçoit le nom de Mérovée.
Comme convenu, Thierry rend à Clotaire le Nord de la Neustrie[réf. nécessaire], puis organise une invasion de la Neustrie. Mais il meurt de dysenterie àMetz en613. Ses troupes se dispersent immédiatement, etBrunehaut place sur le trône d'Austrasie son arrière-petit-filsSigebert II.
Brunehaut, accusée d'avoir fait assassiner dix rois[26], est jugée et reconnue coupable. Elle subit un châtiment extrêmement dur : suppliciée trois jours[27] puis exécutée en étant attachée à l'arrière d'un cheval indompté[28].
Un aspect important de la nouvelle configuration est le maintien dans chacun des trois royaumes d'une administration spécifique avec à sa tête un maire du palais. Le maire du palais est à l'origine lemajordomus, serviteur du roi chargé de la vie matérielle du palais. Durant la période de la faide royale, la fonction a pris de l'importance et leurs titulaires, membres de la haute aristocratie, ont joué un rôle politique important. C'est en particulier le cas deWarnachaire, maire du palais de Bourgogne en 613, un des responsables de la livraison de Brunehaut, qui occupe le poste jusqu'à sa mort en 626[30]. L'épouse de Warnachaire, Berthe, est d'ailleurs peut-être une fille de Clotaire.
En 614, Clotaire II réunit une assemblée des évêques et des Grands dont les résultats apparaissent dans unédit daté du 18 octobre 614. L'article 11 indique qu'il s'agit de rétablir« la paix et la discipline dans notre royaume » et de« réprimer les révoltes et insolences des méchants »[31] ; l'édit concerne l'ensemble des trois royaumes et pas seulement celui de Neustrie. Il vise les abus de pouvoir commis par certains fonctionnaires, en particulier le non-respect de certaines immunités accordées par Chilpéric. L'article 12 est considéré comme notable : il établit que les fonctionnaires[32] ne peuvent pas être nommés hors de leur région d'origine.
En 623,Dagobert Ier, fils de Clotaire II, est « associé au royaume » et établi « roi sur les Austrasiens »[33]. Il est alors envoyé à Metz, où les deux personnalités sont l'évêqueArnoul et le maire du palais nouvellement nomméPépin de Landen. En même temps, Clotaire opère un changement territorial en attribuant la région de Reims à la Neustrie. Mais Dagobert, devenu un véritable Austrasien, obtiendra en 626 le retour de Reims à son royaume[34].
L'aristocratie neustrienne choisit pour roiCaribert, demi-frère de Dagobert. Celui-ci, appuyé par les Austrasiens, s'impose assez facilement en Bourgogne, puis en Neustrie. Caribert est doté d'un royaume constitué de territoires aquitains.
Il épouse en premières nocesHaldetrude, qui donne naissance à :
Mérovée, qui est envoyé avec Landéric, maire de palais de Neustrie, pour combattre le bourguignon Berthoald àArele en 604, mais les deux sont tués au cours de la bataille ;
En secondes noces, il épouseBertrude, citée en 613 et en 618, fille probable deRichomer, patrice des Burgondes, et deGertrude d'Hamage. Elle a au moins :
↑Grégoire de Tours évoque un baptême prévu en 585, dans lelivreVIII d'Historia Francorum, puis signale que le baptême s'est déroulé en 591, dans lelivreX, Grégoire de Tours,Historia Francorum,VIII, 1 et Grégoire de Tours,Historia Francorum,X, 28.
↑D'autres sources, telles que les deuxVies de Didier disent qu'elle est attachée à la queue de plusieurs chevaux.Jonas de Bobbio a également repris cette version. La chronique de Frédégaire aurait mélangé les différentes versions, en la faisant attacher à un cheval par un pied et un bras. Bruno Dumézil,La reine Brunehaut, Paris, éditions Fayard, 2008,p. 386.