Partie du cloître etclocher de l'abbaye de Sénanque.Les galeries du cloître sont abritées sous une charpente (abbaye du Mont-Saint-Michel) avant la généralisation de leur voûtement auXIIe siècle[1].La galerie appuyée contre la nef de l'abbatiale, souvent appelée « galerie dumandatum » ou « galerie des collations[N 1] », est reconnaissable par les deux bancs qui longent le mur de l'église et le mur bahut des ouvertures, où les moines s'assoient pour faire laLectio divina ou écouter le sermon du soir, lu par le père abbé (abbaye du Thoronet)[2].Le cloître, généralement carré ou rectangulaire, peut adopter une forme irrégulière et un emplacement particulier commandés par les contraintes topographiques (abbaye Saint-Martin du Canigou).
Le cloître, avec son jardin intérieur au centre duquel se trouve parfois unpuits est ouvert sur le ciel et, avec ses bancs depierre (dans les abbayes plus anciennes) constitue l'espace de rencontre entre lesmoines, les autres lieux étantsoumis au silence. Généralement de formé carrée ou rectangulaire, il est composé de quatre galeries ou ailes claustrales enfermant unpréau central. Cœur battant de la cité monastique, il donne accès à tous les lieux communautaires importants (église,salle du chapitre,bibliothèque etscriptorium) et autres (réfectoire, préau claustral et divers offices).
Le mot français procède du latinclaustrum, « serrure, barrière » et puis « lieu clos » parmétonymie[4]. C'est un dérivé du verbe latinclaudere qui a aussi donné « clore[4] ». Cependant, l'évolution régulière aurait dû se faire en*clôtre. L'altération enoi est probablement liée à l'influence de « cloison[4] », mot issu du latin vulgaireclausio, -onis, « fermeture », declausus, participe passé du même verbeclaudere.
Historiquement, le cloître médiéval trouve son origine dans la cour àpéristyle de ladomus gréco-romaine, dans l'atrium et ses expansions qui ont servi de parvis auxbasiliques paléochrétiennes, et dans certaines cours à galeries flanquant les premières églises syriennes.Walter Horn suggère que les premiers monastères fondés en Égypte parPacôme le Grand n'ont pas construit de cloîtres, l'absence de serfs dans ces premières communautés cénobitiques rendant inutile la séparation entre le monde profane et sacré. Les rares témoignages matériels de cette époque, probablement parce que les cloîtres étaient construits en bois ou en matériaux légers périssables, sont attestés à la fin duVe siècle dans des églises monastiques au sud de la Syrie[5].
Dans les premiers temps, les moines verrouillent la porte du cloître par mesure de sécurité (le loquet ou la serrure étant appeléclaustrum). Par la suite, les architectes adoptent lemur d'enceinte claustrale qui entoure l'ensemble des bâtimentsconventuels pour empêcher les intrusions, mais aussi les sorties subreptices, ce qui dispense le système de verrouillage de la porte[6].
Lesabbayes les plus importantes peuvent posséder trois cloîtres[7] :
l'un près de l'entrée occidentale de l'église. Il donne accès aux réfectoires, aux dortoirs, à la salle capitulaire, à lasacristie, au chauffoir et aux prisons. Il s'agit du grand cloître dans lequel tous les religieux pouvaient autrefois circuler ;
l'autre à l'orient derrière l'abside. Plus retiré, il était particulièrement réservé à l'abbé, aux dignitaires et aux copistes.
un troisième encore plus retiré était en général bâti près de l'infirmerie pour les moines malades ou âgés, ou près dunoviciat.
Dès leIXe siècle, lessynodes se sont occupés de laclôture des chapitres des cathédrales. Il est nécessaire, disent ces assemblées, que les évêques établissent des cloîtres à proximité des églises cathédrales, afin que les clercs vivent suivant la règle canonique, que les prêtres s'y astreignent, ne délaissent pas l'église et n'aillent point habiter ailleurs. Il est dit aussi qu'un dortoir et un réfectoire doivent être bâtis dans l'enceinte de ces cloîtres.
Le grandlavabo oulavatorium de l'abbaye de Beauport, aujourd'hui privé de ses auges, distribuait l'eau par plusieurs robinets répartis dans trois niches. Il est transformé en banc à une date inconnue.
Contrairement à une idée reçue, le cloître est fréquemment un endroit animé, alternant les temps de silence dédiés à la lecture spirituelle, aux processions et aux passages des moines qui peuvent notamment se rendre dans le dortoir aussi souvent que nécessaire, et les temps d'activité (lieu multifonctionnel : toilette au niveau dulavatorium, grande lessive[N 5] et séchage du linge[N 6], aération des matelas du dortoir…) parfois bruyantes[N 7]. Si l'église abbatiale est par sa vocation liturgique le centre du monastère, le cloître, lui, en est le cœur qui assure la circulation entre différents salles adjacentes dans lesquelles se déroulent toutes les activités de la vie communautaire, chaque aile recevant une affectation spécifique. Cette importance explique sa construction généralement plus soignée et décorée que les autres[7].
Cœur spirituel de l'abbaye (lieu de ressourcement et de purification des moines durant les longues heures de laLectio divina), le cloître se prête comme un texte à cette lecture divine et auxsens symboliques que les moines en retirent. Ainsi les quatre galeries qui entourent le préau du cloître évoquent les quatrepoints cardinaux, lesquatre éléments, lesquatre saisons, leclautrum materiale symbolisant un monde en miniature ; les quatrefleuves du paradis(en) ou lesvertus cardinales symbolisent leclaustrum morale. Le préau s'organise souvent de façon symétrique, autour de quatre allées en croix, convergentes vers un espace central qui peut recevoir un puits ou une fontaine. Cette croix symbolise leCrucifix et les allées divisent le préau en quatre sections représentant l'un ou l'autre des quatregrands prophètes, des quatreévangiles, desquatre évangélistes ou desquatre lettres dunom divin dans la Bible[10]. Personnifié, moralisé, le cloître devient pour de nombreux théologiens et ecclésiastiques tels qu'Honoré d'Autun,Hugues de Fouilloy ouGuillaume Durand[N 8], un objet de réflexion symbolique sur ses éléments d'architecture métaphorique[11].
Dans le cloître, il y a quatre murailles, qui sont le mépris de soi-même, le mépris du monde, l'amour du prochain et l'amour de Dieu. Et chaque côté a sa rangée de colonnes. La base de toutes les colonnes est la patience. Dans le cloître, la diversité des demeures, c'est celle des vertus. Le jardin fleuri au milieu du cloître symbolise également l'hortus conclusus duCantique des Cantiques.
Le cloître est un carrefour entre le spirituel et le géographique. Lorsqu'il est fermé, il symbolise la place prépondérante que Dieu a accordé à l'homme dans laGenèse : l'homme domine la nature et doit se consacrer à Dieu. Ainsi, le jardin du cloître est fermé pour en montrer le contrôle, aucune mauvaise herbe n'est tolérée, et ce jardin est ouvert vers le ciel, pour inviter à la relation au divin. Il est une image duparadis. Mais ces conceptions autour du cloître fermé sont remises en question par les cloîtres ouverts, dans une spiritualité plus proche de celle desPsaumes, des pèresanachorètes ou desaint François d'Assise. Ici, l'admiration de la nature est une base de la spiritualité, elle est un livre ouvert sur le divin. Le cloître laisse la place à un jardin spontané, qui exprime une foi partie intégrante du monde et de la Création[12].
La disposition la plus habituelle du cloître d'abbaye est celle-ci : une galerie adossée à l'un des murs de lanef, avec une entrée sous le porche et une entrée au voisinage de l'un des transepts ; une galerie à l'ouest à laquelle viennent s'accoler les bâtiments des visiteurs, ou des magasins et celliers ayant des entrées sur le dehors ; une galerie à l'est donnant accès à lasacristie, à lasalle capitulaire et à l'église ; la dernière galerie, opposée à celle longeant l'église, communique avec ledortoir et leréfectoire. Les cloîtres des cathédrales étaient entourés de maisons servant de demeure auxchanoines ; quelquefois, ceux-ci prenaient leurs repas en commun. Les écoles étaient adossées à la galerie de l'ouest, proche de l'entrée de l'église. En règle générale[N 9], le cloître est situé au nord de l'église dans les régions méridionales pour bénéficier de l'ombre, et au sud dans les régions septentrionales pour bénéficier du plein soleil[6]. Les évêques choisissent d'implanter leurpalais épiscopal en fonction des conditions locales climatiques, si bien que le côté opposé des cathédrales, par défaut, est utilisé pour les cloîtres[13].
Lapertinence de cette section est remise en cause. Considérez son contenu avec précaution.Améliorez-le oudiscutez-en, sachant quela pertinence encyclopédique d'une information se démontre essentiellement par des sources secondaires indépendantes et de qualité qui ont analysé la question.(décembre 2022) Motif avancé : si l'on consacre plusieurs paragraphes pour Notre-Dame de Paris, les sources imposent d'en consacrer tout autant à de nombreux cloîtres étudiés par les historiens de l'art, d'où un problème deWP:PROP.
Outre ceux des cathédrales et les monastères, les cloîtres se trouvent également sous forme de galeries couvertes bâties dans le voisinage des églises.
Il est à croire que les premiers cloîtres n'étaient que des portiques, dans le genre des portiques antiques, c'est-à-dire des appentis encharpente portés sur des colonnes dont la base reposait sur le sol. AuXIXe siècle,Eugène Viollet-le-Duc s'interroge sur la transition entre l’impluvium romain, qu'il qualifie de disposition la plus connue, vers celle qu'il constatait dans les cloîtres les plus anciens. Il émet l'hypothèse d'une transition inconnue par manque de descriptions textuelles ou de monuments encore bâtis. Il constate une démarcation bien tranchée entre l'impluvium romain et le cloître chrétien en Europe occidentale, qu'il attribue à ce que dans le premier, les rangées de colonnes portent directement sur le sol et que l'on peut passer de la galerie dans le préau entre chaque entre-colonnement tandis que, dans le second, les piles ou colonnes sont toujours posées sur un socle, bahut ou appui continu qui sépare la galerie du préau, et qui n'est interrompu que par de rares coupures servant d'issues. Cette disposition et le peu de hauteur des colonnes caractérisent nettement le cloître en Occident, et en font un monument particulier qui n'a plus de rapport avec les cours entourées de portiques des Romains[13].
Il convient de noter une disposition exceptionnelle de cloîtres médiévaux, celle de la fermeture des galeries par des volets de bois. D'après Viollet-le-Duc, cet aménagement particulier n'a existé qu'en deux endroits : l'abbaye deMazan (Ardèche) et l'abbaye de Boscodon (Hautes-Alpes)[13]. Dans ce second cas, celui de l'abbaye de Boscodon, une des galeries (la galerie nord, le long de l'abbatiale) sera relevée, avec ses volets de bois ouvrant vers l'extérieur de la galerie, à partir du printemps 2008 par l'architecte des Monuments historiques, Francesco Flavigny, et a été inauguré en 2011[14].
↑« Dans les établissements plus petits, dans les prieurés ruraux, si le concept declaustrum est présent, il recouvre des réalités plus vagues. Le cloître devient une simple pièce, un couloir ou un édifice accolé au logis prioral, vers l'église ». CfPhilippe Racinet,Crises et renouveaux. Les monastères clunisiens à la fin du Moyen Âge (XIIIe – XVIe siècles), Artois presses université,,p. 118.
↑« Le cloître se transforme alors en une grande officine savonneuse, tuniques d'un côté, bas ou caleçons de l'autre, chaussons de nuit de toute pointure ! Mieux encore, pour le séchage, des fils sont tendus à travers les galeries, où se retrouve pendue toute cette garde-robe ». CfDaniel Faure, Véronique Rouchon-Mouilleron,Cloîtres : jardins de prières, Flammarion,,p. 21
↑Séchage sur l'herbe du préau les beaux jours, sur des fils tendus dans les galeries sinon.
↑« Quand les moines entraient dans le cloître pour la lecture, une légère cacophonie pouvait s'ensuivre, chacun lisant son propre livre et prononçant à voix haute, pour lui-même, les paroles de quelque chant tiré d'unantiphonaire, d'unhymnaire, d'ungraduel ». Cf Pressouyre,op. cit.
↑« diversité des demeures et des offices dans le cloître, dit Guillaume Durand, signifie la diversité des demeures et des récompenses dans le royaume céleste. Car dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures », dit le Seigneur. Et, dans le sens moral,« le cloître représente la contemplation dans laquelle l'âme se replie sur elle-même, et où elle se cache après s'être séparée de la foule des pensées charnelles, et où elle médite les seuls biens célestes ».
↑Daniel Faure, Véronique Rouchon-Mouilleron,Cloîtres : jardins de prières, Flammarion,,p. 27
↑Daniel Faure, Véronique Rouchon-Mouilleron,Cloîtres : jardins de prières, Flammarion,,p. 28
↑Étienne Grésillon et Bertrand Sajaloli, « Lire les rapports entre humains, nature et divin dans l'exemple du catholicisme »,Géoconfluences,(lire en ligne).